COMM. CB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 mars 2013
Rejet
M. ESPEL, président
Arrêt no 274 F-P+B
Pourvoi no X 12-14.213
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ la société Arcade investissements conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est Maurepas,
2o/ la société Bayard-Montaigne, société civile, dont le siège est Paris,
3o/ M. Claude X, domicilié Paris,
4o/ M. Alain W, domicilié Sermaise,
contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2011 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant
1o/ à la société Antibes Jules Grec, dont le siège est Antibes,
2o/ à la société Antibes piscine, dont le siège est Le Cannet,
3o/ à Mme Reem U, domiciliée Dijla Coombe Park Kingston Upo Thames T T, KT2 7JB (Royaume-Uni),
4o/ à la société Résidence Bernard de Ventadour, dont le siège est Le Cannet,
5o/ à M. Jean R, domicilié 2 rue de l'Orée du Bois, L 7215 Bereldange (Belgique),
6o/ à la société Cannes Bertrand Lepine, dont le siège est Cannes,
7o/ à la société Compagnie européenne d'hôtellerie, dont le siège est Le Cannet,
8o/ à la collectivité des héritiers et représentants de M. Guy O, dont le siège est 36 rue Franck N, L 2531 (Luxembourg), pris collectivement en cette qualité et domiciliés au domicile de Guy O, décédé,
9o/ à M. Arif M, domicilié Intalgrade limited Lincoln House 137-143 Hammersmith Road GB, London W 140 GL (Royaume-Uni),
10o/ à la société Louicannes, dont le siège est Le Cannet,
11o/ à la société Resideal Grande Motte, dont le siège est La Grande-Motte,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 février 2013, où étaient présents M. Espel, président, M. Le Dauphin, conseiller rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Dauphin, conseiller, les observations de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat des sociétés Arcade investissements conseil et Bayard-Montaigne et de MM. W et X, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des sociétés Antibes piscine, Résidence Bernard ... ... et Louicannes, de la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat de la société Compagnie européenne d'hôtellerie, l'avis de M. Mollard, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. X du désistement de son pourvoi et à M. W et aux sociétés Bayard ... et Arcade investissements conseil du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Antibes Jules ..., Cannes Bertrand Lepine, Resideal Grande ..., la collectivité des héritiers et représentants de M. Guy O, MM. R et M et Mme U ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2011), que, déclarant exercer ut singuli l'action sociale en réparation de préjudices subis par la société anonyme Compagnie européenne d'hôtellerie, M. W et les sociétés Bayard ... et Arcade investissements conseil, actionnaires minoritaires de cette dernière (les actionnaires minoritaires), ont demandé la condamnation au paiement de dommages-intérêts des sociétés Antibes piscine, Résidence Bernard ... ... et Louicannes ;
Attendu que les actionnaires minoritaires font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes, alors, selon le moyen, que les actionnaires peuvent agir individuellement pour obtenir réparation, au nom de la société, du préjudice subi par celle-ci ; que l'action est recevable à l'encontre des tiers qui ont causé le préjudice subi par la société dès lors que celle-ci est mise en cause ; que pour déclarer irrecevable l'action formée au nom de la société Compagnie européenne d'hôtellerie (CEH) par M. W et les sociétés Bayard ... et Arcade investissements conseil, qui étaient actionnaires de la première, à l'encontre des sociétés Louicannes, Antibes piscine et Résidence Bernard ... ..., qui avaient commis des fautes à l'origine du préjudice de la société CEH, la cour d'appel a considéré que les sociétés défenderesses n'étaient pas administrateur ou dirigeant de la société CEH ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'action ut singuli était recevable à l'encontre de ces tiers, à propos desquels M. W et les sociétés Bayard ... et Arcade investissements conseil faisaient valoir qu'ils avaient commis des fautes ayant causé des préjudices à la société CEH, laquelle avait été mise en cause, la cour d'appel a violé l'article L. 225-252 du code de commerce ainsi que le principe de l'action ut singuli ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que les dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce n'autorisent les actionnaires à exercer l'action sociale en responsabilité qu'à l'encontre des administrateurs ou du directeur général et constaté qu'aucune des sociétés visées par les demandes des actionnaires minoritaires n'était investie de cette qualité, la cour d'appel en a déduit à bon droit que ces demandes étaient irrecevables ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. W et les sociétés Bayard ... et Arcade investissements conseil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 1 500 euros à la société Compagnie européenne d'hôtellerie et la somme globale de 1 500 euros aux sociétés Antibes piscine, Résidence Bernard ... ... et Louicannes ; rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour les sociétés Arcade investissements conseil et Bayard-Montaigne et M. W
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevable l'action sociale exercée par la société Bayard Montaigne, la société Arcade Investissements Conseil et M. W et de les en avoir déboutés ;
AUX MOTIFS QUE M. W, la SCI Bayard Montaigne et la société Arcade Investissements Conseil déclarent exercer l'action sociale ut singuli en réparation des préjudices subis par la société Compagnie Européenne d'Hôtellerie (CEH) ; que la société CEH est une société anonyme ; que l'article L 225-252 du code de commerce dispose que " outre l'action en responsabilité du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par association répondant aux conditions fixées à l'article L 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages et intérêts sont alloués " ; que ces dispositions instituent un régime spécifique de responsabilité, qui ne concerne que les dirigeants ou les administrateurs de la société anonyme ; que ni les héritiers de M. O, ni Mme U et MM. R et M ne figurant dans l'instance d'appel, l'action ut singuli exercée par les appelants n'est dirigée contre aucun dirigeant ou administrateur de la société CEH, ce que les SAS Louicannes, Antibes Piscines et Résidence Bernard ... ... ne sont pas ; qu'aucun texte ne confère aux actionnaires l'exercice, au nom de la société, d'une action en responsabilité civile contre les tiers ayant pu commettre une faute préjudiciable à l'intérêt social ; que nul n'est admis à agir dans l'intérêt d'autrui s'il n'est légalement qualifié à cette fin ; que les appelants doivent donc être déclarés irrecevables en leur action sociale ut singuli ; que les appelants qui n'établissent pas détenir, à ce jour, la moindre créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de la société CEH, ne justifient pas d'un intérêt à exercer les droits et actions de l'intéressée dans les conditions prévues par l'article 1166 du code civil ; que leur action ainsi fondée sera donc, aussi, déclarée irrecevable ; que sur les saisies, la SCI Bayard Montaigne, M. W et la société Arcade Investissements Conseil, irrecevables en leur action en responsabilité dirigée contre les intéressées, ne peuvent se prévaloir d'aucune créance à l'encontre des SAS propriétaires ; que par suite il y a lieu d'ordonner la mainlevée, à leurs frais, des saisies conservatoires pratiquées au préjudice de celles-ci, le 23 novembre 2006 ;
ALORS QUE les actionnaires peuvent agir individuellement pour obtenir réparation, au nom de la société, du préjudice subi par celle-ci ; que l'action est recevable à l'encontre des tiers qui ont causé le préjudice subi par la société dès lors que celle-ci est mise en cause ; que pour déclarer irrecevable l'action formée au nom de la société Compagnie Européenne d'Hôtellerie (CEH) par M. W et les sociétés Bayard ... et Arcade Investissements ..., qui étaient actionnaires de la première, à l'encontre des sociétés Louicannes, Antibes Piscine et Résidence Bernard ... ..., qui avaient commis des fautes à l'origine du préjudice de la société CEH, la cour d'appel a considéré que les sociétés défenderesses n'étaient pas administrateur ou dirigeant de la société CEH ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'action ut singuli était recevable à l'encontre de ces tiers, à propos desquels M. W et les sociétés Bayard ... et Arcade Investissements ... faisaient valoir qu'ils avaient commis des fautes ayant causé des préjudices à la société CEH, laquelle avait été mise en cause, la cour d'appel a violé l'article L 225-252 du code de commerce ainsi que le principe de l'action ut singuli.