SOC. PRUD'HOMMES CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 13 mars 2013
Rejet
M. BLATMAN, conseiller le plus ancien faisant fonction de
président
Arrêt no 496 F-D
Pourvoi no F 12-11.622
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Oseo, société anonyme, dont le siège est Maisons-Alfort,
contre deux arrêts rendus les 9 juin 2011 et 10 novembre 2011 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme Rose Y, épouse Y Y, domiciliée Charenton-le-Pont,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 février 2013, où étaient présents M. Blatman, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Guyot, conseiller rapporteur, Mme Le Boursicot, conseiller, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Guyot, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Oseo, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de Mme Y, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 2011) que Mme Y épouse Y Y a été engagée le 1er mai 1999 par la société Cepme, aux droits de laquelle se trouve la société Oseo, en qualité de secrétaire attachée de direction ; que le 19 juillet 2005 elle s'est vu confier la responsabilité du secrétariat des conseils des sociétés du groupe Oseo ; qu'à compter du 18 avril 2006 elle a été promue au grade de sous-directeur moyennant en dernier lieu, une rémunération mensuelle brute de 6 466 euros ; que le 25 avril 2008, il a été mis fin à ses fonctions de responsable du secrétariat des conseils et que le 5 mai 2008, elle a été affectée à un poste de chargée de mission pour une durée de neuf mois au sein d'une des sociétés du groupe Oseo ; qu'invoquant la modification de son contrat de travail ainsi qu'un harcèlement moral, Mme Y a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de le condamner à verser à la salariée des sommes à titre d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour harcèlement moral alors, selon le moyen
1o/ que la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il exécutait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification, son niveau de responsabilités et d'expertise, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ; que la société Oseo faisait valoir que l'emploi de chargée de mission que la salariée occupait déjà avant sa nomination statutaire aux fonctions de secrétaire des conseils, est réservé à des cadres de haut niveau et exige des compétences transversales ; qu'elle ajoutait, s'agissant des fonctions statutaires de secrétaire des conseils auxquelles elle avait été nommée au mois de juin 2005, qu'elles étaient essentiellement administratives, la salariée étant chargée de préparer et d'organiser les réunions des conseils d'administration, d'y assister et d'établir leurs procès-verbaux, ainsi que d'effectuer du secrétariat juridique (mise à jour des Kbis, des statuts des sociétés) ; qu'elle en déduisait qu'en retrouvant son emploi de chargée de mission en mai 2008 avec maintien de sa rémunération et de sa classification, la salariée n'avait pas subi de modification de son contrat de travail ; que pour juger que la salariée avait été rétrogradée suite à la révocation de ses fonctions de secrétaire des conseils, et à son affectation à un poste de chargée de mission au sein de la direction de la Gestion de l'innovation dans le pôle "Conventions partenaires" au mois de mai 2008, la cour d'appel a relevé que la rémunération et la classification " hors classe " accordées en 2005 corrélativement à sa nomination aux fonctions de secrétaire des conseils, qui lui avaient été conservées après sa révocation, ne correspondaient pas au poste de chargé de mission, et que la salariée avait été, à compter du mois de mai 2008, dépourvue de tout pouvoir d'encadrement ; qu'en statuant ainsi sans à aucun moment analyser le contenu des fonctions de la salariée en sa qualité de secrétaire des conseils, et partant, sans caractériser qu'elles comportaient un niveau de responsabilité correspondant à la classification " hors classe " qui lui avait été corrélativement attribuée, ainsi qu'un pouvoir d'encadrement qui lui auraient été tous deux retirés après sa révocation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
2o/ que la cour d'appel a encore jugé " curieux " et " contradictoire " que le poste de responsable du service " convention partenaires " proposé à la salariée le 26 février 2009, lui soit alors présenté comme conforme à ses compétences, qualification, et expérience n'induisant aucune modification de sa rémunération, de son statut, et de son niveau de classification, et qu'il soit soutenu dans le même temps par l'employeur que ce poste s'analyse en une promotion par rapport à son emploi de chargé de mission; qu'en déduisant de cette prétendue contradiction relative à la portée de l'affectation annoncée à la salariée le 26 février 2009 au poste de responsable du service " convention partenaires ", qu'elle avait été rétrogradée au mois de mai 2008 lorsqu'elle avait été affectée à un poste de chargée de mission au sein de la direction de la Gestion de l'innovation dans le pôle "Conventions partenaires", suite à sa révocation de ses fonctions de secrétaire des conseils, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que dans le cadre de ses fonctions de responsable du secrétariat des conseils, la salariée avait pour mission de préparer et organiser la tenue des conseils d'administration et de surveillance, des comités spécialisés et des assemblées générales des trois sociétés du groupe Oseo, de rédiger les procès-verbaux de ces réunions, de traiter les sujets de gouvernance, de gérer la conduite opérationnelle des projets d'organisation juridique du groupe, d'élaborer des rapports annuels d'activité et de gérer la vie sociale des sociétés du groupe, et que, pour l'exercice de ces fonctions, elle était hiérarchiquement rattachée au directeur général délégué, lui-même directement rattaché au président du groupe, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ;
Attendu, ensuite, qu'appréciant souverainement l'ensemble des éléments de fait et de preuve produits devant elle, la cour d'appel, qui a relevé que le poste de chargée de mission auquel la salariée avait été affectée en mai 2008 ne comportait pas de fonctions d'encadrement, celle-ci recevant au contraire des consignes précises avec des contrôles réguliers et soutenus de son travail, a pu en déduire que la salariée avait été rétrogradée à un emploi ne correspondant pas à sa qualification antérieure, et a ainsi légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les troisième et quatrième branches du moyen, qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Oseo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Oseo et la condamne à payer à Mme Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Oseo
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame ... et d'avoir en conséquence condamné la société OSEO à lui verser des indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, des dommages et intérêts pour harcèlement moral ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
AUX MOTIFS QUE "Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, Mme Melik ... invoque la modification unilatérale du contrat de travail et le harcèlement moral subi.
S'agissant de la modification du contrat de travail, Mme Melik ... relève que si le titulaire du poste de responsable du secrétariat des conseils est désigné ainsi que le prévoient les statuts respectifs par les conseils concernés, dès lors que celui-ci est un salarié de l'entreprise, ses fonctions sont exercées dans le cadre du contrat de travail. Dans les faits, l'exercice de ces nouvelles fonctions se sont accompagnées d'une promotion conventionnelle puisqu'à compter du mois de juillet 2005, elle a bénéficié du statut de "fondé de pouvoir" hors classe 1150 puis à compter de janvier 2006 du statut "sous-directeur" hors classe 1350. Elle considère qu'ayant exercé ce poste, fut-il prévu par les statuts, en sa qualité de salarié, la nature et l'étendue des responsabilités opérationnelles ainsi exercées revêtent alors un caractère contractuel, en conséquence, un salarié doit être replacé sur un poste similaire, correspondant à la nature et l'étendue des responsabilités opérationnelles acquises au titre de ce précédent emploi.
Dans ces conditions, son reclassement sur un poste de chargé de mission s'analyse, selon elle, en une rétrogradation.
Elle soutient que les fonctions exercées en tant que responsable du secrétariat des conseils exigeaient une technicité importante notamment en droit des sociétés, en droit public ainsi qu'une connaissance très particulière des spécificités du groupe, que pour exercer ses missions, elle bénéficiait d'une autonomie complète étant directement rattachée au directeur général délégué lui-même rattaché directement au président du groupe, qu'enfin elle avait sous sa responsabilité une équipe de quatre personnes composée d'un rédacteur, d'une juriste, d'une assistante spécialisée en publication, d'une assistante personnelle.
Son reclassement comme chargée de mission est à l'origine d'une rétrogradation hiérarchique puisqu'elle est désormais affectée à un poste la situant hiérarchiquement à deux échelons inférieurs, qu'elle n'apparaît plus sur l'organigramme fonctionnel des principaux responsables du groupe. Elle considère avoir également subi une rétrogradation de sa qualification faisant observer que le référentiel des emplois indique que les classifications hors classe correspondent aux emplois de responsable, alors qu'elle est désormais affectée à un emploi de chargée de mission, inférieur à un tel emploi de responsable.
Enfin, elle estime subir une rétrogradation fonctionnelle ayant tout à la fois perdu toute fonction d'encadrement et toute autonomie.
Elle fait remarquer que la proposition de poste formulée le 27 février 2006 quelques jours à peine avant l'audience devant le conseil de prud'hommes est opportuniste et confirme le déclassement imposé.
La SA Oseo Financement conteste toute modification du contrat de travail de Mme Melik ....
Elle soutient que la nomination de Mme Melik ... en tant que responsable du secrétariat des conseils résulte d'une décision discrétionnaire, que par suite la fin des missions confiées par décision des organes d'administration de la société ne constitue pas une modification du contrat de travail si les tâches nouvelles confiées à la salariée correspondent à sa qualification, laquelle doit être appréciée indépendamment des fonctions précédemment exercées en vertu des statuts de la société.
La SA Oseo Financement soutient qu'à compter du 25 avril 2008, Mme Melik ... s'est vue confier une mission au sein de la direction de la gestion de l'innovation dans le pôle Convention partenaire avec le grade de sous-directeur, que sa rémunération a fait l'objet d'une augmentation, qu'elle était placée directement sous la responsabilité du directeur de la gestion d'innovation ce qui correspondait parfaitement à sa qualification, les missions confiées exigeant la mise en oeuvre de connaissances juridiques parfaitement maîtrisées.
L'employeur considère que Mme Melik ... s'est acquittée de ses tâches de façon satisfaisante, qu'elle a fait, à plusieurs reprises, l'objet de remerciements de la part de sa supérieure hiérarchique, qu'elle a conservé sa classification et sa rémunération, et qu'elle a continué à déléguer certaines tâches à d'autres salariés de l'entreprise comme elle le faisait en sa qualité secrétaire des comités.
Pour la société, le poste proposé de responsable services Convention partenaire par lettre du 26 février 2009 correspond à une promotion dès lors que les responsabilités attachées à ce poste sont à tout le moins de même niveau sinon supérieures à celles qu'elle assume en sa qualité de chargé de mission. Elle précise que la date d'envoi de ce courrier se justifiait par la proximité de la fin de mission confiée Mme Melik .... Elle confirme que ce courrier précisait que la classification et la rémunération de Mme Melik ... demeuraient inchangées de même que son lieu de travail.
D'après les pièces produites, et plus spécialement le contrat de travail du 3 mai 1999, Mme Melik ... a été engagée à compter du l er mai 1999 pour exercer les fonctions de secrétaire attachée de direction, classe V, coefficient de base de 655. L'ancienneté dans le groupe de Mme Melik ... a été à cette occasion intégralement reprise.
Mme Melik ... a connu plusieurs promotions, ainsi celle du 5 janvier 2004 lui permettant d'accéder au niveau cadre de niveau J.
Par une lettre du 24 mai 2005, M. Jean-Pierre ..., président du directoire d'Oseo BDPME a adressé à Mme Melik ... une lettre rédigée de la façon suivante
- "j'ai le plaisir de vous informer que vous êtes appelée à prendre la responsabilité du secrétariat du conseil d 'Oseo ... Ces nominations, en qualité de secrétaire du conseil et du directoire d'Oseo bdpme seront confirmées pour Oseo BDPME par le prochain conseil du 29 juin 2005 et pour Oseo et Oseo Anvar à l'occasion de la première réunion des conseils considérés.
Dans cette attente, vous êtes chargée de mission auprès du membre du directoire, responsable du pôle financier support.
A compter du 1er juillet 2005, vous serez promue cadre hors classification avec le grade de "fondé de pouvoir" et votre salaire brut annuel de base sera porté à 65 000 euros (pour un temps plein) par intégration définitive de votre prime de fonction de 4000 euros
Au 1er janvier 2006, votre salaire annuel brut de base sera porté à 70 000 euros (pour un temps plein) ... ".
Il est admis qu'à la suite d'un changement de gouvernance, les conseils et comités concernés ont déchargé Mme Melik ... de ses fonctions de responsable de leur secrétariat et ont désigné en ses lieu et place, un administrateur.
C'est alors que la SA Oseo Financement a affecté Mme Melik ... à un poste de chargée de mission pour une durée de neuf mois au moins au sein de la direction de la Gestion de l'innovation dans le pôle "Conventions partenaires" en lui conservant le grade de sous directeur et sa rémunération.
Le 11 février 2009, le directeur des ressources humaines lui a signifié que consécutivement à la signature de l'accord de gestion prévisionnelle des emplois des compétences en date du 27 janvier, mettant fin aux dispositifs antérieurs, son rattachement préférentiel serait le suivant
- métier gestion des produits Oseo,
- emploi et fonction chargée de mission.
Quelques jours plus tard, le 26 février 2009, le même directeur des ressources humaines a écrit à Mme Melik ...
"par un courrier du 25 avril 2008, nous vous avons confié, au sein de la direction de la gestion et de l'innovation, une mission relative à la remise en ordre des conventions partenaires d'Oseo innovation pour une durée minimale de neuf mois. Nous vous informons que dans la perspective du départ programmé dans le courant de l'année 2009 de la responsable du service conventions partenaires, nous serons en mesure de vous affecter sur ce poste en qualité de responsable du service à la date du départ effectif de la responsable actuelle. Ce poste correspond à votre qualification et à votre expérience. A ce titre, vous aurez notamment en charge les missions suivantes.- encadrer, animer, motiver, former et informer les équipes du service .- prendre en charge les missions confiées et piloter l'activité en fixant les priorités et encore dans les actions du service .- piloter le suivi budgétaire des ressources d'intervention .- piloter la gestion, le suivi budgétaire des conventions partenaires dans les applications métiers budgétaires. Dans l'intervalle, vous continuerez à assurer les missions qui vous ont été confiées depuis le 25 avril 2008. Comme jusqu'à présent, aucune modification ne sera apportée à votre rémunération et à votre niveau de classification pas plus qu'un autre lieu de travail, ce poste étant basé à Maisons-Alfort ".
L'examen de ces divers documents ainsi que des écritures déposées lors des débats montre que la SA Oseo Financement elle-même fait ressortir que Mme Melik ... n'a pas été affectée, en mai 2008, à un poste correspondant à son niveau de classification dès lors que la société présente elle-même "ce nouvel emploi et/ou cette nouvelle fonction" en qualité de responsable de service à la date du départ effectif de la responsable alors en poste comme une future promotion. Il est en effet curieux de constater qu'à quelques mois d'intervalle, les postes de chargé de mission d'une pmi et de responsable du service "convention partenaires" d'autre part correspondent tous deux, selon l'employeur aux compétences, à la qualification, et à l'expérience de la salariée n'induisant aucune modification à sa rémunération, à son statut, à son niveau de classification, et que dans le même temps, il soit soutenu que le poste de responsable de service s'analyse en une promotion.
Par ailleurs, l'examen des nouveaux "référentiels d'emplois compétences" montre d'une part qu'aucun chargé d'affaires ne peut être positionné Hors Classe, d'autre part que parmi les postes de "responsables" référencés, le poste de responsable de service ne peut davantage être positionné Hors Classe.
Pourtant, l'examen des bulletins de salaire confirme que l'employeur, conscient de ses obligations n'a pas modifié la rémunération de la salariée et a constamment reconnu qu'elle était positionnée Hors Classe 1350, ce qui établit que la promotion accordée à Mme Melik ... concomitamment à sa prise de fonction de la responsabilité du secrétariat des conseils, était contractuellement prise en compte.
La rétrogradation de la salariée résulte des propos contradictoires contenus dans les deux lettres précitées rédigées par le directeur des ressources humaines, dès lors qu'il était précisé dans l'une que sa mission consisterait à analyser le stock des conventions partenaires ... les emplois et les ressources par recoupement des systèmes de gestion, ... complétée par la documentation d'inventaire physique et son instrumentation base Access, par les informations disponibles provenant des directions régionales et par l'analyse juridique de la documentation contractuelle avec le partenaire.
Dans la seconde lettre comportant la proposition du poste de responsable de service conventions partenaires, il était notamment envisagé de confier à Mme Melik ... des fonctions d'encadrement, d'animation des équipes du service.
C'est en vain que l'employeur soutient que Mme Melik ... disposait d'un pouvoir d'encadrement dès lors qu'il résulte des courriels qu'elle-même communique aux débats, qu'elle recevait des consignes très précises avec des contrôles réguliers et soutenus de son travail, qu'elle établit que le courriel adressé à Mme ..., invoqué par l'employeur, ne correspond pas à une instruction qu'elle donne elle-même et directement à cette interlocutrice, mais à une transmission d'instruction qui lui avait été donnée par Mme .... Mme Melik ... n'est au surplus pas contestée quand elle soutient que Mme ... n'appartenait pas au service dont elle même dépendait mais à celui de la comptabilité.
L'employeur a donc failli à ses obligations en ce qu'il devait permettre à la salariée d'exercer un emploi, des fonctions en rapport avec sa classification, ce qu'il n'a pas fait.
Par ailleurs, Mme Melik ... reproche à son employeur un harcèlement à son égard caractérisé par des convocations multiples du directeur des ressources humaines avant même qu'elle soit démise par les conseils de sa responsabilité du secrétariat, par un dessaisissement progressif des tâches qui lui étaient habituellement confiées, par la suppression du véhicule de fonction dont elle bénéficiait jusqu'alors, par la mutation imposée à de nouvelles fonctions, par un éloignement de la présidence dans un bureau isolé situé dans une autre aile du siège social à un autre étage, avec un travail solitaire la coupant de tout lien avec les autres salariés de la société et par une mise à l'écart confirmée par le fait qu'elle n'était plus invitée aux réunions périodiques, comme les principaux cadres de la "maison". Elle soutient avoir connu un grand état de fragilité physique et mentale lui imposant plusieurs arrêts médicaux.
Selon les dispositions de l'article 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son interprofessionnel.
Lorsque le salarié concerné établit des faits qui permettent de laisser présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur d'établir que les agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Même si aucun élément objectif ne permet de déterminer la teneur des échanges entre le directeur des ressources humaines et Mme Melik ... avant qu'elle soit démise par les conseils de sa fonction de responsable de leur secrétariat, il n'est pas contesté que plusieurs entretiens ont effectivement eu lieu ce qui corrobore l'affirmation de la salariée selon laquelle son reclassement était à l'ordre du jour avant même toute décision discrétionnaire des conseils.
Il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 25 avril 2008, que la 12e résolution portait sur la fin du mandat de membre du directoire de Michel ... qu'à cette occasion le président, M. ... a exprimé qu'il jugeait utile de "constituer une équipe à sa main". La résolution mettant fin au mandat de M. ... a été adoptée.
M. ... atteste que "concomitamment à sa propre révocation, Mme Melik ... a été évincée de ses responsabilités de secrétaire du conseil moyennant une évolution organisée à dessein et en dépit de ce qu'elle avait fait connaître au nouveau président son souhait de poursuivre sa mission sous son autorité".
M. ... licencié quelques mois plus tard, atteste de l'état de souffrance psychique et du sentiment de détresse qui était les siens à l'issue de ses trois entretiens relatifs à sa nouvelle affectation, qu'elle a été mutée à des fonctions très éloignées de celles exercées jusqu'alors s'agissant d'un travail d'exécution, sans aucune autonomie et sans grand rapport avec ses compétences. M. ... précise qu'il en a été de même pour deux de ses collaborateurs.
Mme ... témoigne des actions entreprises visant à dessaisir Mme Melik ... de tâches lui étant usuellement attribuées, de la requête du président de confier la rédaction des comptes-rendus de comité de direction à une autre personne faisant elle-même partie de l'équipe du secrétariat des conseils et dépendant pourtant de l'autorité hiérarchique de Mme Melik .... Cette personne avait reçu instruction de ne pas rendre compte à Mme Melik .... Elle soutient avoir elle-même en tant qu'assistante de Mme Melik ... reçu instruction de la part de l'assistante du Président de la SA Oseo Financement de ne pas préparer un conseil convoqué exceptionnellement, ce conseil étant préparé et diffusé en direct par la présidence.
Elle précise que cela lui a été imposé pendant un arrêt de travail de Mme Melik ... sans que celle ci en ait été informée, qu'à son retour, elle n'a pas eu accès à l'ordre du jour ni au contenu de ce dossier avant son envoi aux membres du conseil.
Ce témoin explique avoir subi conjointement avec Mme Melik ... et M. ... également membre du secrétariat des conseils, la réduction volontaire de la quantité des tâches qui leur étaient habituellement confiées comme la rédaction de notes d'information, la préparation de documents destinés aux administrateurs etc.
Mme ... déplore avoir dû se résoudre à négocier son départ de la société au mois de mai 2008 avec dispense d'effectuer sans préavis dès lors que la société n'a pas été en mesure de lui proposer un autre poste correspondant à ses qualifications malgré plusieurs suggestions.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la révocation du supérieur hiérarchique de Mme Melik ..., M. ..., est à l'origine de la décision prise d'affecter la salariée à un poste éloigné de la présidence.
Il a été précédemment constaté que le poste de chargé de mission correspondait en réalité à une rétrogradation à la fois hiérarchique et fonctionnelle.
Cette mutation a aussi entraîné un éloignement réel de la salariée dès lors qu'il lui était imposé de changer de direction, de perdre son autonomie dans l'organisation de ses tâches.
Mme Melik ... communique aux débats plusieurs arrêts de travail et des certificats médicaux attestant de la réalité d'un état dépressif chronique.
Si le médecin, n'ayant pas été directement témoin des événements retenus par Mme Melik ... comme étant à l'origine de sa souffrance, ne peut en effet soutenir que l'état dépressif constaté est consécutif aux problèmes professionnels, la cour est en mesure au regard des éléments précédemment évoqués de constater le lien de causalité entre l'état de souffrance et de désarroi constaté par les témoins précités et l'affection médicalement constatée.
Dans ce contexte, l'employeur n'établit pas que les agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En effet, par la mise à l'écart de la salariée initiée avant même qu'elle fut démise par les conseils de sa responsabilité de leur secrétariat confirmée par la mutation de la salariée emportant une rétrogradation hiérarchique et fonctionnelle, dans des conditions telles qu'elles avaient pour objet de la désavouer voire de l'humilier vis à vis des autres cadres et collaborateurs du groupe alors qu'elle avait assumé pendant dix années un poste de responsabilité proche de la présidence avec un engagement d'ailleurs non contesté, la SA Oseo Financement s'est effectivement livrée à un harcèlement à l'égard de la salariée.
Ces manquements de la part de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme Melik ... aux torts de l'employeur.
Cette résiliation judiciaire prend effet à la date du présent arrêt "
ET QUE "Mme Melik ... est fondée à réclamer les indemnités de rupture soit l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.
La société se limite à s'opposer à l'octroi de ces sommes au motif que la demande de résiliation judiciaire était infondée mais ne formule aucune observation quant à leur montant.
Dans ces conditions, il convient d'allouer à Mme Melik ... les sommes suivantes
- 155 199,98 E titre d'indemnité de licenciement,
- 19399,98 E à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1939,99 E à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et permet à la salariée de solliciter une indemnité à ce titre.
L'entreprise comporte plus de 10 salariés.
Lors de la signature du contrat de travail en mai 1999, la reprise d'ancienneté dans le groupe a été expressément prévue. Aussi Mme Melik ... a-t-elle dans le groupe une ancienneté remontant au 1er décembre 1988, soit une ancienneté de 22 ans et 20 mois.
Les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail ont dès lors vocation recevoir application.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salarié, de son âge, son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et aux conséquences de la rupture du contrat de travail compte tenu de son état de santé tel que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Mme Melik ... la somme de 155 200 euros à titre de dommages-intérêts "
ET QUE " Il a été précédemment constaté que la société s'était effectivement rendue coupable d'agissements répétés ayant eu pour objet de dégrader les conditions de travail de la salariée et de porter atteinte à cette dignité, à sa santé et à son avenir professionnel sans que la société ait pu justifier ces agissements par des raisons objectives. L'important préjudice moral résultant de ces agissements sera équitablement réparé par l'allocation de la somme de 77 600 euros que réclame légitimement la salariée "
1. ALORS QUE la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il exécutait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification, son niveau de responsabilités et d'expertise, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ; que la société OSEO faisait valoir que l'emploi de chargée de mission que Madame ... occupait déjà avant sa nomination statutaire aux fonctions de secrétaire des conseils, est réservé à des cadres de haut niveau et exige des compétences transversales (conclusions d'appel de l'exposante p 11) ; qu'elle ajoutait, s'agissant des fonctions statutaires de secrétaire des conseils auxquelles elle avait été nommée au mois de juin 2005, qu'elles étaient essentiellement administratives, la salariée étant chargée de préparer et d'organiser les réunions des conseils d'administration, d'y assister et d'établir leurs procès-verbaux, ainsi que d'effectuer du secrétariat juridique (mise à jour des Kbis, des statuts des sociétés) (conclusions d'appel de l'exposante p 14) ; qu'elle en déduisait qu'en retrouvant son emploi de chargée de mission en mai 2008 avec maintien de sa rémunération et de sa classification, Madame ... n'avait pas subi de modification de son contrat de travail ; que pour juger que Madame ... avait été rétrogradée suite à la révocation de ses fonctions de secrétaire des conseils, et à son affectation à un poste de chargée de mission au sein de la direction de la Gestion de l'innovation dans le pôle "Conventions partenaires" au mois de mai 2008, la Cour d'appel a relevé que la rémunération et la classification " hors classe " accordées en 2005 corrélativement à sa nomination aux fonctions de secrétaire des conseils, qui lui avaient été conservées après sa révocation, ne correspondaient pas au poste de chargé de mission, et que Madame ... avait été, à compter du mois de mai 2008, dépourvue de tout pouvoir d'encadrement; qu'en statuant ainsi sans à aucun moment analyser le contenu des fonctions de la salariée en sa qualité de secrétaire des conseils, et partant, sans caractériser qu'elles comportaient un niveau de responsabilité correspondant à la classification " hors classe " qui lui avait été corrélativement attribuée, ainsi qu'un pouvoir d'encadrement qui lui auraient été tous deux retirés après sa révocation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2. ALORS QUE la Cour d'appel a encore jugé " curieux " et " contradictoire " que le poste de responsable du service "convention partenaires" proposé à Madame ... le 26 février 2009, lui soit alors présenté comme conforme à ses compétences, qualification, et expérience n'induisant aucune modification de sa rémunération, de son statut, et de son niveau de classification, et qu'il soit soutenu dans le même temps par l'employeur que ce poste s'analyse en une promotion par rapport à son emploi de chargé de mission; qu'en déduisant de cette prétendue contradiction relative à la portée de l'affectation annoncée à la salariée le 26 février 2009 au poste de responsable du service "convention partenaires", qu'elle avait été rétrogradée au mois de mai 2008 lorsqu'elle avait été affectée à un poste de chargée de mission au sein de la direction de la Gestion de l'innovation dans le pôle "Conventions partenaires", suite à sa révocation de ses fonctions de secrétaire des conseils, la Cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
3. ALORS QUE le seul exercice par les organes de direction de leur pouvoir discrétionnaire de révoquer un salarié de fonctions statutaires auxquelles il a été nommé, ne peut caractériser des faits de harcèlement moral ; qu'il était constant en l'espèce que la désignation de Madame ... aux fonctions de secrétaire des conseils en juin 2005 résultait des prérogatives discrétionnaires des organes de direction, les statuts prévoyant qu'elle était révocable à tout moment ; qu'en retenant que sa révocation était à l'ordre du jour avant même que la décision en soit prise par les conseils, et qu'elle avait été décidée suite à la révocation du supérieur hiérarchique de Madame ... de son mandat de membre du directoire, pour en déduire que la salariée avait été victime d'agissements de harcèlement moral, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 1152-1 du Code du travail ;
4. ALORS QUE la société OSEO faisait valoir que les dossiers qui avaient été retirés à Madame ... avant sa révocation de ses fonctions de secrétaire aux conseils se rapportaient à la fin de sa mission, justifiant ainsi ce " retrait " par un souci déontologique, et ajoutait qu'il s'inscrivait dans une logique de " passation de pouvoirs " au profit de l'administrateur nommé à compter du 25 avril 2008 en lieu et place de Madame ... (conclusions d'appel de l'exposante p 24) ; qu'en se fondant sur le fait que le président avait confié la rédaction des comptes-rendus de comité de direction à une autre personne que Madame ... ayant reçu pour instruction de ne pas rendre compte à cette dernière, sans répondre à ce moyen de nature à justifier ce retrait de dossiers, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.