COMM. LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 12 mars 2013
Cassation partielle
M. GÉRARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt no 263 FS-P+B
Pourvoi no H 11-24.729
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Jean-Claude Z, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Emballages industriels de Franche-Comté-Groupe Bordmann, domicilié Luxeuil-les-Bains cedex,
contre l'arrêt rendu le 27 juillet 2011 par la cour d'appel de Besançon (2e chambre commerciale), dans le litige l'opposant
1o/ à la société GE capital équipement finance, société par actions simplifiée, dont le siège est Puteaux,
2o/ à Mme W épouse W, domiciliée Hirtzfelden, prise en qualité de gérante de la société Emballages industriels de Franche-Comté-Groupe Bordmann,
défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 février 2013, où étaient présents M. Gérard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Texier, conseiller référendaire rapporteur, Mmes ..., ..., M. ..., Mme ..., M. ..., Mme ...,
M. Zanoto, conseillers, Mme Guillou, MM. Lecaroz, Arbellot,
Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, conseillers référendaires, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Texier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. Z, ès qualités, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société GE capital équipement finance, l'avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. Z, ès qualités, du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme ... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu les articles L. 624-9 et R. 624-13 du code de commerce, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 et du décret du 12 février 2009 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Emballages industriels de Franche-Comté-Groupe Bordmann (la débitrice) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 16 juin 2009 et 13 avril 2010, M. Z étant désigné successivement mandataire judiciaire et liquidateur ; que, le 17 juillet 2009, la société GE capital équipement finance (la bailleresse) a demandé à la débitrice de prendre position sur la poursuite du contrat de location d'un chariot élévateur puis, après avoir vainement revendiqué ce bien le 28 avril 2010, a présenté au juge-commissaire une requête en revendication ; que, par jugement du 26 novembre 2010, le tribunal a infirmé l'ordonnance ayant accueilli cette requête pour tardiveté de la demande ;
Attendu que pour infirmer ce jugement, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que rien n'interdit à celui qui revendique de le faire en même temps que, le cas échéant, il interroge le débiteur sur la poursuite du contrat afférent au bien en cause, retient que la lettre du 17 juillet 2009, outre qu'elle demandait de prendre position sur la poursuite du contrat en cours, rappelait que la résiliation entraînerait l'obligation de restitution immédiate du matériel loué, et qu'elle a été communiquée, à la même date, au mandataire judiciaire avec la même observation, de sorte que cette lettre devait s'analyser en une demande de revendication susceptible d'acquiescement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la lettre précitée, qui n'invitait pas son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété de la bailleresse sur le bien, ne valait pas demande en revendication, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 27 juillet 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société GE capital équipement finance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Z, ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Z, ès qualités
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté le recours du liquidateur judiciaire (Me Z, l'exposant) d'un loueur de biens mobiliers (la société EIFC) tendant à la réformation d'une ordonnance du juge-commissaire ayant fait droit à la revendication du bailleur (la société GE CAPITAL) ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'article L.624-9 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en l'espèce s'agissant d'une procédure collective ouverte le 16 juin 2009, la revendication des meubles devait être exercée dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture ; que rien n'interdisait cependant à celui qui revendiquait de le faire en même temps que, le cas échéant, il interrogeait le débiteur sur la poursuite du contrat afférent au bien en cause ; que tel était le cas en l'espèce la société GE CAPITAL avait adressé à la débitrice, le 17 juillet 2009, un courrier la mettant en demeure de prendre position sur l'exécution du contrat de location en cours, tout en lui rappelant que la résiliation dudit contrat entraînerait l'obligation de restitution immédiate du matériel loué ; que ce courrier avait été communiqué à Me Z, mandataire judiciaire, à la même date, la société GE CAPITAL prenant soin de réitérer à son intention la même observation quant à l'obligation de restitution à naître de plein droit en cas de résiliation ; que la société EIFC avait répondu le 29 juillet 2009 qu'elle poursuivait le contrat, en joignant l'accord donné par Me Z le 27 juillet 2009 ; que s'il était vrai que la société GE CAPITAL n'avait saisi le juge-commissaire que le 11 mai 2010, Me Z, devenu liquidateur par l'effet du prononcé de la liquidation judiciaire le 13 avril 2010, n'était pas fondé à lui opposer la forclusion de sa requête par application de l'article R.624-13 du code de commerce ; qu'en effet le délai d'un mois laissé au demandeur en revendication pour saisir le juge-commissaire, à l'expiration du délai de réponse à la demande de revendication adressée au débiteur (et le cas échéant à l'administrateur judiciaire avec copie au mandataire) ne courait qu'à défaut d'acquiescement à cette demande ; que la réponse de la société EIFC du 29 juillet 2010 (2009), tout autant que celle de Me Z du 27 juillet 2010 (2009), valait acquiescement à la demande en revendication incluse dans celle relative à la continuation du contrat ; qu'en décider autrement aurait contrevenu à la loyauté qui devait présider aux relations entre les différents acteurs des procédures collectives (arrêt attaqué, p. 3, 3ème à 10ème al.) ;
ALORS QUE dans les trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective, celui qui prétend revendiquer un bien meuble entre les mains du débiteur lui adresse par lettre recommandée avec accusé de réception, ainsi qu'au mandataire judiciaire, une demande en revendication impartissant un délai de réponse d'un mois à compter de la réception de cette demande, à l'expiration duquel peut être saisi le juge-commissaire ; qu'en l'espèce, il ressortait des pièces produites que la bailleresse du matériel loué à la débitrice n'avait adressé, ni à celle-ci, ni au mandataire judiciaire, de demande de revendication du matériel litigieux leur impartissant le délai légal de réponse d'un mois ; qu'en retenant cependant que la bailleresse aurait régulièrement formé une demande de revendication dudit matériel, la cour d'appel a violé les articles L.624-9 et R.624-13 du code de commerce ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, à défaut d'acquiescement du mandataire ou du débiteur dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande de revendication, le revendiquant doit saisir le juge-commissaire, dans le mois suivant l'expiration du délai de réponse ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a constaté qu'en réponse à la prétendue demande en revendication que la bailleresse du matériel litigieux aurait incluse dans ses courriers du 17 juillet 2009 adressés à la débitrice et au mandataire judiciaire, ces derniers avaient, les 27 et 29 juillet 2009, donné leur accord à la poursuite du contrat de location, ce dont résultait l'absence d'acquiescement de leur part à une hypothétique revendication du matériel litigieux ; qu'en retenant néanmoins un tel acquiescement pour en déduire que n'avait pas couru le délai de saisine du juge-commissaire et la recevabilité de la revendication, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article R.624-13 du code de commerce ;
ALORS QUE, subsidiairement, en réponse à la mise en demeure adressée le 17 juillet 2009 par la bailleresse du matériel, la débitrice lui avait répondu dans un courrier du 29 juillet 2009 (prod.) que " nous vous confirmons poursuivre le contrat de location " visé dans ladite mise en demeure et, dans un courrier du 27 juillet 2009 joint au précédent (prod.), le mandataire avait indiqué qu'il ne s'" oppos(ait) pas à la poursuite du contrat dans la mesure où les loyers dus pour la période postérieure au jugement déclaratif seraient acquittés " ; qu'ainsi, dans leurs courriers précités, le débiteur et le mandataire s'étaient exclusivement prononcés sur la poursuite du contrat de location ; qu'en décidant cependant qu'ils y auraient exprimé leur acquiescement à la revendication du matériel loué, la cour d'appel a dénaturé le contenu des courriers des 27 et 29 juillet 2009, en violation de l'article 1134 du code civil.