JB/IK
MINUTE N° 299/13
NOTIFICATION
Pôle emploi Alsace ( )
Copie aux parties
Clause exécutoire aux
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRÊT DU 14 Mars 2013
Numéro d'inscription au répertoire général 4 A 11/04456
Décision déférée à la Cour 27 Juin 2011 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE
APPELANTE
Mademoiselle Elodie Z
KINGERSHEIM
Non comparante, représentée par la SCP KETTERLIN-KELLER PIERRE & STOFFEL, avocats au barreau de MULHOUSE
INTIMÉE et APPELANTE INCIDENTE
PHARMACIE GHERARDI, prise en la personne de son représentant légal,
ILLZACH
Non comparante, représentée par Me Marc STAEDELIN, avocat au barreau de MULHOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Mme BIGOT, Présidente de chambre,
M. JOBERT, Conseiller,
ROBIN, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats Melle FRIEH, Greffier assistée de Mme ROESCH, Greffier stagiaire
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme BIGOT, Présidente de chambre,
- signé par Mme BIGOT, Présidente de chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
Mlle Élodie Z a signé un contrat d'apprentissage le 12 août 2008 avec M. Philippe ..., de préparateur en pharmacie, contrat démarrant le 25 août 2008 et devant s'achever le 24 août 2010. Le salaire brut mensuel à l'embauche a été fixé à 878,08 euros.
Mlle Z a saisi par acte enregistré le 26 mai 2010 le conseil des prud'hommes de Mulhouse afin de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur, la date étant fixée à celle de la demande. Elle sollicitait en outre la condamnation de l'employeur à lui payer 4300 euros à titre d'indemnité, l'intégralité des salaires jusqu'à la rupture du contrat, ainsi que 1075 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement.
Philippe ... concluait au débouté, et, sur demande reconventionnelle, à la condamnation de la demanderesse à lui rembourser l'intégralité des salaires versés depuis le 14 mai 2010, et à lui payer un montant de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et préjudice moral.
Après échec de de la tentative de conciliation, le conseil de prud'hommes a en date du 20 juin 2011, débouté les 2 parties de leurs demandes et condamné Mlle Z aux dépens.
Suivant acte de son avocat du 5 septembre 2011, Mlle Z, à qui le jugement a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 2 août 2011,a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions de son avocat reçues le 1er février 2012, et reprises oralement à l'audience, elle sollicite la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur, avec effet au 17 mai 2009, sa condamnation à la somme de 4300 euros à titre d'indemnité, à celle de 1075 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral, ainsi qu'au paiement des salaires de février et mars 2010, soit 2150,04euros, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la demande du 14 mai 2010, subsidiairement à compter de la tentative de conciliation du 22 juin 2010,et enfin à 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que si la première année d'apprentissage s'est déroulée dans d'excellentes conditions, son employeur s'est comporté de manière odieuse au cours de la 2ème année, la jeune fille étant humiliée devant des clients, sous surveillance permanente de caméras, soumise à une attitude manipulatrice alternant compliments et reproches. Ces brimades, vexations et humiliations ont provoqué un état dépressif, médicalement constaté, nécessitant des arrêts de travail, ainsi qu'en attestent les certificats médicaux du médecin généraliste,du psychiatre, et du médecin du travail.
Ses parents ont à leur demande obtenu un entretien avec son employeur le 20 janvier 2010, et en sa présence, M. ... ne s'est pas montré opposé à la rupture du contrat de travail. Il manifestait un point de vue contraire le lendemain lors d'un échange téléphonique, et refusait de signer la rupture conventionnelle le 27 janvier 2010 lors d'une nouvelle rencontre, à laquelle Élodie Z n'avait pu assister étant trop en souffrance. Son employeur lui adressait enfin une lettre recommandée avec accusé de réception le 23 mars 2010, comportant de nombreux reproches exprimés de manière agressive.
Par conclusions de son avocat reçues le 30 août 2012, reprises oralement à l'audience, M. ... conclut à l'irrecevabilité de l'appel, et, subsidiairement, à ce qu'il soit dit que le contrat de travail est résilié à la date du 14 mai 2010 du fait de l'appelante, à la confirmation du jugement en tant qu'il a débouté la demanderesse de l'ensemble de ses conclusions et, sur appel incident, à la condamnation de l'appelante à lui verser un montant de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral, au remboursement de l'intégralité des salaires versés depuis le 14 mai 2010, à charge pour lui de restituer les montants correspondants à cette part au Groupe MORNAY Assurances, et à sa condamnation à lui verser 2500 euros au titre de l'article 5 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient que l'appel a été formé par Mlle Z à l'encontre de la Pharmacie GHERARDI prise en la personne de son représentant légal, alors que la procédure avait été dirigée à l'encontre de M. Philippe ..., personne physique, exploitant sous l'enseigne Pharmacie GHERARDI. L'appel a par conséquent été formé à l'encontre d'une personne morale qui n'existe pas.
Sur le fond, la résiliation du contrat de travail doit bien être prononcée, avec effet au 14 mai 2010 imputable à Mlle Z. Il expose qu'un entretien a eu lieu le 20 janvier 2010, au cours duquel Mlle Z a fait état de relations tendues avec l' un de ses professeurs, la conduisant à ne plus aller en cours. Ses parents suggéraient alors une rupture conventionnelle et, en cas de refus de l'employeur, ils précisaient que leur fille serait en arrêt de travail. M. ... proposait alors un temps de réflexion et, le 27 janvier 2010, seuls les parents d'Élodie se présentaient, conduisant M. ... à refuser de signer la rupture, Mlle Z étant majeure puisque née le 1er décembre 1988.
M. ... indique en outre qu'il avait proposé un contrat à durée indéterminée de préparatrice en cas de réussite à l'examen et une prolongation du contrat d'apprentissage en cas d'échec.
Il fait valoir que Mlle Z s'est inscrite en septembre 2009 à un examen permettant de préparer un diplôme de moniteur d'auto-école, sachant que ses parents sont propriétaires de 2 agences d' auto-école à Mulhouse,examen pour lequel elle a fait l'objet d'une journée d'absence au CFA et qu'elle a réussi.
Enfin il conteste les accusations de harcèlement, estimant que les allégations de Mlle Z sont diffamatoires, et il fait état des témoignage de l'ensemble des salariés de la pharmacie, et précise en outre que toutes les indications d'horaires et de vacances sont affichées dans la pharmacie. Les caméras de surveillance ont été validées par les autorités compétentes.
Sur ce, la Cour,
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte de l'article 933 du code de procédure civile que la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel.Tel est bien le cas en l'espèce.
S'agissant de la mention irrégulière Pharmacie GHERARDI, prise en la personne de son représentant légal, elle constitue certes un vice de forme, qui ne saurait entraîner la nullité de l'acte que sur justification d'un grief, qui ne peut être établi en l'espèce puisque M. Philippe ... est bien l'intimé, étant précisé que le jugement du 27 juin 2011 mentionne en qualité de défendeur M. Philippe ... Pharmacie GHERARDI,sans indication d'état civil.
La Cour estime par conséquent avoir été valablement saisie.
Sur la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage
Sur le harcèlement
Il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail qu' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il appartient au juge du fond de rechercher si les éléments invoqués par le salarié sont établis et s'ils sont de nature à faire présumer un harcèlement moral. L'article L. 1154 ' 1 Prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.
Mlle Z produit une attestation d'une autre apprentie, Mlle ..., qui affirme s'être trouvée dans la même situation et avoir subi un harcèlement au point d'en arriver à une tentative de suicide.
Les certificats médicaux de 3 médecins différents établissent sans aucun conteste un état de souffrance psychique lié au travail.
Une cliente (Mme ...) fait état de remarques cinglantes de l'employeur à l'encontre de Mlle Z qui échangeait quelques mots avec elle.
M. ... produit 6 attestations d'employés de la pharmacie qui affirment qu'il a toujours eu un comportement respectueux envers son personnel, et en particulier à l'égard d'Élodie Z, qui avait fait part de ses difficultés en classe, précisant même qu'elle se plaignait d' une enseignante en particulier.
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d' éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.
Mlle Z n'apporte pas de preuves de faits matériels les propos repris par la cliente auraient été 'cinglants' sans que le contexte ne soit précisé ; la vidéosurveillance a fait l'objet des autorisations légales, et concerne l'ensemble de la pharmacie ; enfin, les certificats médicaux établissent certes une souffrance,mais celle-ci ne peut être imputée d'office à l'employeur, une enseignante pouvant fort bien en être à l'origine également.
La demande relative au harcèlement doit par conséquent être rejetée.
Sur la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage
Il est constant qu'un contrat d'apprentissage de préparatrice en pharmacie a été signé entre Mlle Élodie Z et M. Philippe ... avec effet au 26/8/2008 jusqu'au 24/8/2010.
Mlle Élodie Z était scolarisée au centre de formation d'apprentis Roosevelt à Mulhouse, qui note, après un bon démarrage, à partir du premier semestre 2009 une baisse sensible des résultats liée à une motivation défaillante. Consulté, le docteur ... certifie le 26 mars 2010 qu'Élodie Z présente un état dépressif réactionnaire à des problèmes professionnels depuis le 20 janvier 2010. Il l'adresse à un confrère psychiatre.
La jeune fille est en arrêt de travail à compter du 20 janvier 2010 jusqu'au 28/8/2010, selon l'attestation de paiement des indemnités journalières communiquée par la caisse d'assurance-maladie du Haut-Rhin.
Le médecin du travail atteste le 27 juillet 2010 qu'elle a constaté un état de détresse psychique, liée au travail. Le 29 juillet, elle informe par un mail Mlle Z qu'elle a pu contacter le médecin-conseil, qui est d'accord de prolonger d'un mois ses droits à indemnités, jusqu'au 1er septembre. Elle lui conseille en pratique que le médecin traitant prolonge encore d'un mois son arrêt, et elle sera ensuite libre de prendre un nouveau départ professionnel.
Il n'est pas contesté qu'une rupture anticipée du contrat a été envisagée lors de deux rencontres le 20 janvier 2010 et le 27 janvier 2010,qui a échoué du fait de l'absence à la 2ème de Mlle Élodie Z, et ce pour raisons de santé.
Le 23 mars 2010, Monsieur ... a adressé une lettre à Mlle Z lui rappelant qu'à sa demande d'un commun accord une rupture conventionnelle devait être signée, mais qu'il avait " constaté sous la pression négative de son père qu'elle avait préféré tourner talon ". Qualifiant alors sa réaction de " étonnante et incompréhensible, surtout très décevante ", il lui demandait de se conformer aux termes du contrat, et de lui adresser les arrêts maladie et les indemnités journalières.
Il résulte des articles L6222 ' 18 et suivants que le contrat d'apprentissage peut être rompu librement par l'une ou l'autre des parties pendant les 2 premiers mois, puis sur accord écrit signé des 2 parties.
Le consentement de l'apprenti ne doit pas avoir été donné sous la contrainte.
À défaut de résiliation amiable, seul le conseil de prud'hommes peut rompre le contrat, uniquement en cas de faute grave, ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison d'inaptitude de l'apprenti au métier auquel il voulait se préparer, et il peut fixer la date de résiliation du contrat soit au jour où l'une des parties a manqué à ses obligations soit au jour même où la demande a été formée.
En l'espèce, seuls des problèmes de santé sont à l'origine de l'absence de Mlle Z.
En conséquence, la résiliation judiciaire ne saurait être prononcée, la rupture n'étant certainement pas imputable à l 'employeur, et les questions de santé ne peuvent s'analyser en manquements répétés de la part de l'apprentie à ses obligations.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les 2 parties de leur demande de résiliation et de ses conséquences financières. Sur les salaires des mois de février et mars 2010
M. ... a apporté la preuve du paiement en avril 2010 des salaires restés impayés en février et mars 2010.
Mlle Z ne peut en conséquence qu'être déboutée sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral
M. ... ne justifie en rien que la procédure engagée par Mlle Z soit abusive, et il doit être débouté de sa demande.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Chaque partie succombant partiellement, il convient de dire que chacune supportera ses propres dépens et l'équité ne commande nullement qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir statué conformément à la loi,
DÉCLARE les appels recevables ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juin 2011 par le Conseil de prud'hommes de Mulhouse ;
DÉBOUTE les parties pour le surplus de leurs demandes ; CONDAMNE chaque partie à supporter ses propres dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par Mme ..., Présidente de chambre et Melle ..., Greffier.
Le Greffier, Le Président,