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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1° Chambre Section B
ARRÊT DU 13 MARS 2013
Numéro d'inscription au répertoire général 12/00199
Décision déférée à la Cour Jugement du 25 NOVEMBRE 2011
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 10/04783
APPELANT
POLE EMPLOI organisme pris en la personne de son directeur en exercice domicilié ès qualités au siège
MONTPELLIER CEDEX
représenté par la SELARL CHATEL & ASSOCIÉS, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ
Monsieur Yann Z
né le ..... à RENNES (44)
de nationalité Française
6 Lot Fleur ... ...
AIGUES MORTES
représenté par la SCP GILLES ARGELLIES, FABIEN WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 Janvier 2013
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 FÉVRIER 2013, en audience publique, Madame Chantal ... ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de
Monsieur Mathieu MAURI, Président
Madame Chantal RODIER, Conseiller
MadameMarianneFEBVRE-MOCAER, Vice-Présidente placée désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président du 07 janvier 2013
qui en ont délibéré
Greffiers, lors des débats Mme Ginette DESPLANQUE
lors du prononcé Mme Myriam RUBINI
L'affaire mise en délibéré au 06 mars 2013 a été prorogée au 13 mars 2013.
ARRÊT
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
- signé par Monsieur Mathieu MAURI, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte du 12 août 2010, Monsieur Yann Z faisait délivrer assignation à PÔLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON, devant le tribunal de grande instance de Montpellier, aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation en paiement de la somme de 20 918,27 euros avec intérêts au taux légal, au titre des allocations chômage auquel il prétendait pour les périodes du 1er octobre 2008 au 31 mars 2009 et du 1er octobre 2009 au 31 mars 2010, outre une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions devant le premier juge, il réitérait ces demandes et subsidiairement demandait un sursis à statuer dans l'attente de la communication par PÔLE EMPLOI du contrôle URSSAF intervenu le 10 juin 2008 dans les locaux de la SARL CHRYANN, son ancien employeur.
Il exposait que pôle emploi refusait de prendre en compte ses demandes d'allocation chômage aux motifs qu'il ne justifiait pas de la réalité de contrats de travail. Il exposait que sa concubine était la gérante de la SARL CHRYANN exerçant une activité de glacier à Port-Camargue et qu'il avait travaillé comme salarié saisonnier à deux reprises en 2008 et 2009, du 1er avril au 30 septembre. Il demandait au tribunal de constater la réalité de ces deux contrats de travail.
PÔLE EMPLOI s'opposait aux demandes et reconventionnellement sollicitait le remboursement de ses frais irrépétibles, exposant notamment que la première déclaration d'embauche serait un faux et qu'il ne justifierait pas d'un nombre d'heures ou de jours de travail suffisant pour être bénéficiaire de l'allocation, et par ailleurs qu'il aurait déclaré une fausse adresse le 16 octobre 2009 lors de sa nouvelle demande d'assurance chômage.
Par jugement contradictoire en date du 25 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Montpellier a
Condamné PÔLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON à payer à Monsieur Yann Z la somme de 20 918,27 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2010 ;
Condamné PÔLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON à payer à Monsieur Yann Z la somme de 700 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
Condamné PÔLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON aux entiers dépens,
APPEL
PÔLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 9 janvier 2012.
Par acte d'huissier en date du 1 3 février 2 0 1 2, PÔLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON a tenté de faire délivrer à Monsieur Yann Z assignation avec signification de déclaration d'appel et conclusions. Toutefois, il a été dressé procès-verbal de recherches infructueuses.
Le 12 juin 2012, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Monsieur Yann Z l'aide juridictionnelle partielle sous le numéro 2012/5162.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2013.
La SCP d'avocats Argelliès, constituée le 30 mars 2012 dans la défense des intérêts de Monsieur Yann Z, intimé, a fait savoir à l'audience qu'elle était sans nouvelles de son client, que de fait elle n'avait pas été en mesure de prendre des conclusions au soutien de ses intérêts, et ne pouvait davantage remettre un dossier de pièces.
Dans ses dernières conclusions en date du 2 décembre 2011, PÔLE EMPLOI, au visa des conventions d'assurance chômage en dates des 10 janvier 2006 et 19 février 2009 demande à la cour
d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et de débouter Monsieur Z de toutes ses demandes,
Subsidiairement,
Si la cour reconnait la réalité des deux périodes de travail, arguées par Monsieur Z, ramener le montant des sommes dues à la somme brute de 14 645,75 euros ( 10 341,59 euros + 4 304,16 euros)
Si la cour reconnait comme seule période de travail celle de 2009, ramener le montant des sommes dues à la somme brute de 4 304,16 euros,
Condamner Monsieur Z à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamner aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la demande principale de l'appelant et sur le principe des droits de l'intimé
Il n'est pas contesté que pour bénéficier des allocations de chômage versées par pôle emploi, Le salarié doit justifier d'une période d'emploi de 182 jours d'affiliation ou 910 heures de travail au cours des 22 mois précédent la fin du contrat de travail.
Sur les droits relativement à la première demande faite le 2 octobre 2008
Pôle emploi expose que la seule date à retenir comme début de relation salariale est bien celle figurant sur la DUE effectivement reçue par l'URSSAF pour une embauche au 1er mai 2008, ainsi que cela s'évince de ses pièces 6 et 7 (courriers des ASSIDIC du 9 décembre 2008 et de pôle emploi du 7 janvier 2009) de sorte que Monsieur Z ne justifiait pas d'une durée suffisante d'affiliation et de travail, ce qui expliquait que le bénéfice des allocations chômage était refusé pour cette période.
Pôle emploi fait valoir que la déclaration unique d'embauche aurait été par la SARL CHRYANN faite non le 1er avril 2008, mais le 30 avril 2008, à effet du 1er mai 2008, et qu'elle en justifie par les courriers électroniques de l'URSAF lui indiquant
- ne pas avoir en fichier " d'autre DUE pour Monsieur Z que celle pour une embauche au 1er mai 2008 "
- " la DUE a été faite par WEB, c'est Madame ... Chrystèle l'employeur, au moyen du code qui lui a été attribué lors de la première déclaration qui a été transmise sur internet qui a saisi cette déclaration " pour conclure que " le document qu'elle vous transmet est manifestement un faux "
Cependant, le premier juge a retenu à bon droit que Pôle emploi n'établissait pas que les documents produits par Monsieur Z à l'appui de ses prétentions soient des faux.
En effet, pour fonder sa décision, le premier juge ne s'est pas fondé sur de simples allégations du demandeur, mais sur les pièces produites par ce dernier, à savoir
Le contrat de travail à durée déterminée signé le 1er avril 2008
La déclaration unique d'embauche " reçue " le 3 avril 2008,
Les bulletins de paye délivrés par Monsieur Z,
Les déclarations de cotisations sociales effectuées par la SARL CHRYANN.
En présence de ces éléments, la réalité de l'embauche saisonnière de Monsieur Z, du paiement des salaires et cotisations sociales était établie à compter du 1er avril 2008.
Quand bien même la " DUE " à l'URSAFF aurait été adressée avec retard par l'employeur, le salarié qu'est Monsieur Z n'a pas à en supporter les conséquences. Ce qui importe pour être bénéficiaire des allocations, c'est la réalité du nombre cumulé d'heures et de jours effectivement travaillés, telle qu'elle résulte de ses fiches de paye.
Le fait que la gérante de la SARL CHRYANN soit la compagne de Monsieur Z, salarié n'est nullement prohibé et ce seul fait n'est pas de nature à jeter la suspicion sur la réalité du nombre de jours travaillés par le salarié, tel qu'établi par les fiches de paye.
Ainsi qu'il s'évince de la pièce 9 de l'appelant, dans son courrier 22 novembre 2008 la gérante reconnait d'ailleurs sans ambiguïté et en toute bonne foi qu'elle a effectué sa déclaration avec retard et qu'elle est la compagne de l'intimé. Elle joint les justificatifs des déclarations unifiées de cotisations sociales et fournit les coordonnées de son expert-comptable, précisant en outre qu'elle pourra transmettre le bilan de la société dès sa parution.
Dès lors, pôle emploi détenait les justificatifs nécessaires pour allouer les allocations dues.
C'est à bon droit que le premier juge a considéré qu'un " simple relevé informatique non certifié " produit par Pôle Emploi était insuffisant à démontrer l'existence d'un faux.
La cour précise, pour répondre à l'appelant sur ce point, que ces éléments qu'il produit sont insuffisants en ce qu'ils ne combattent pas utilement les preuves contraires, apportées par le salarié et examinées par le premier juge, de ce que le nombre de jours
travaillés suffisant était établi pour ouvrir droit aux allocations faisant l'objet de la première demande le 2 octobre 2008.
Le fait que la SARL n'ait pas réglé " spontanément " ses contributions est en lui-même inopérant, l'appelant indiquant lui-même dans ses écritures qu'elle a dû être relancée pour cela, ce qui suggère qu'en définitive elle les a bien réglées.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur les droits relativement à la seconde demande faite le 16 octobre 2009
Pôle emploi ne conteste pas le fait que lors de cette seconde déclaration, Monsieur Z remplit bien les conditions relativement à la durée d'affiliation prévues à l'article 3 de la convention pour être bénéficiaire des allocations.
L'appelant se fonde ici sur l'article 26 du règlement annexé à la convention d'assurance chômage du1er juillet 2009 selon lequel une fausse déclaration est susceptible d'entraîner, si elle est détectée après paiement des allocations chômage, une action en répétition de l'indu, pour dire que par analogie, une fausse déclaration ne pourrait qu'entraîner le rejet de la demande d'allocation chômage.
L'appelant tente de tirer arguments d'un décalage entre les déclarations faites par Monsieur Z à la CAF et à Pôle emploi.
Cependant, le fait que Monsieur Z soit connu de la CAF comme s'y étant déclaré comme travailleur indépendant depuis janvier 2004 est inopérant. En effet, cette situation antérieure n'a aucunement été occultée à pôle emploi et elle n'est nullement en contradiction avec les renseignements fournis par Monsieur Z dans sa première demande à Pôle emploi selon lesquels, avant ses deux emplois salariés, il était " agent commercial indépendant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007 ".
La " fausse déclaration " dont se prévaut pôle emploi par ailleurs serait en l'espèce l'adresse déclarée de l'intimé, en ce que l'adresse qu'il déclare Aigues Mortes ne serait pas la bonne, puisqu'en réalité il vivrait en concubinage avec la gérante de la SARL CHRYYANN.
Le premier juge a justement retenu que " Pôle emploi ne démontre pas davantage que l'adresse déclarée par monsieur Z lors de sa seconde demande au bénéfice de l'allocation chômage ne correspondrait pas à la réalité " alors qu'au contraire " les bulletins de paie de Monsieur Z mentionne la même adresse que celle figurant sur sa demande d'allocations du 16 octobre 2009 "
L'appelant expose qu'il a cependant produit un courrier adressé à monsieur Z à l'adresse de sa concubine qui est revenu " non réclamé retour à l'envoyeur " et non pas " NPAI ".
Cependant, la cour observe que la vie de couple de l'intimé, tout comme les aléas de celle-ci, est indifférente relativement au droit de ce dernier à bénéficier d'allocations chômage. Bon nombre de couples vivent en effet en concubinage à temps partiel, ou connaissent des ruptures et réconciliations successives, et rien n'interdit à Monsieur Z dès lors qu'il est domicilié Aigues Mortes et de ne pas retirer les courriers recommandés qui lui sont adressés à une autre adresse. Dès lors que l'adresse qu'il déclare n'est pas fausse, peu importe qu'il ne dénie pas résider également ailleurs.
Mais surtout, Pôle emploi ne démontre pas en quoi une adresse erronée ou obsolète devrait en l'espèce avoir une quelconque incidence sur un droit aux prestations l'adresse fournie par le bénéficiaire l'est afin de lui permettre matériellement de percevoir les allocations. Si celui-ci déménage et omet de signaler sa nouvelle adresse, il est en effet le seul à pouvoir en subir un préjudice, notamment du fait d'un retard dans la perception des versements.
La fausse déclaration au sens de l'article 26 suppose, de la part de celui qui la ferait, une mauvaise foi dans l'intention d'obtenir des droits que l'on n'obtiendrait pas autrement.
Or Pôle emploi ne démontre nullement que le fait pour l'intimé d'habiter seul au Aigues Mortes Aigues Mortes ait une quelconque incidence sur son droit à des allocations chômage.
En outre, les dispositions restrictives de droits, telles que celles pouvant s'évincer de l'article 26 du règlement annexé à la convention d'assurance chômage du1 er juillet 2009, s'apprécient strictement, ce qui interdit d'en faire une application extensive, en utilisant un raisonnement par analogie.
Dès lors, les moyens de l'appelant au principal seront en voie de rejet et le jugement confirmé sur ces points.
Sur la demande subsidiaire de l'appelant et le montant des allocations dues à l'intimé
Sur le montant des droits afférents à la première demande faite le 2 octobre 2008
Monsieur Z justifie d'un contrat de travail du 1er avril 2008 au 30 septembre 2008, soit une affiliation de 183 jours au cours des 22 mois précédent la fin de ce contrat de travail et remplit donc les conditions de l'article 3-a du règlement annexé à la convention d'assurance chômage n°1810112006.
Par des calculs auxquels il y a lieu de se référer pour plus ample exposé en page 7 de ses dernières conclusions, l'appelant fait valoir sans être contredit sur ce point que, sur la base d'un salaire brut de 3 500 euros, le montant des allocations auxquelles l'intimé prétend s'établit à la somme de 10 341,59 euros, correspondant 157 jours d'allocations du 26 novembre 2008 au 31 mars 2009, au taux journalier de 65,87 euros.
Sur le montant des droits afférents à la seconde demande faite le 16 octobre 2009
Monsieur Z justifie d'un nouveau contrat de travail du 1er avril 2009 au 30 septembre 2009, soit une affiliation de 183 jours et remplit donc les conditions de l'article 3 du règlement annexé à la convention d'assurance chômage n°1910212009.
Par des calculs auxquels il convient de se référer pour plus ample exposé en page 8 de ses dernières conclusions, l'appelant fait valoir sans être contredit sur ce point que, sur la base d'un salaire brut de 3 500 euros, le montant des allocations auxquelles l'intimé prétend s'établit à la somme brute de 4304,16 euros, correspondant 183 jours d'allocations du 26 novembre 2008 au 31 mars 2009, au taux journalier de 23,52 euros.
Ce montant du taux journalier est moindre que le précédent, puisqu'à la deuxième demande, le caractère saisonnier de l'emploi est établi, s'agissant d'un emploi " dans un secteur saisonnier par nature " " qui se répète d'année en année ", et donc correspondant aux définitions et critères de l'accord d'application n° 4 - 19102 12009.
En conséquence, le total des sommes dues par pôle emploi à Monsieur Z pour ces deux périodes s'établit à la somme de 14 645,75 euros.
Le premier juge ne semble pas avoir disposé des explications exhaustives que Pôle emploi apporte en cause d'appel sur le calcul des montants pour avoir retenu une somme plus élevée, et le jugement sera donc infirmé sur ce point.
En définitive, la condamnation de l'appelant sera donc ramenée à la somme de 14 645,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2010.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 en cause d'appel.
L'appelant supportera les entiers dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS,
La COUR, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en celle relative au montant de la condamnation prononcée,
Et statuant à nouveau de ce chef infirmé,
Condamne PÔLE EMPLOI à payer à Monsieur Yann Z la somme de 14 645,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 août 2010.
Et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne PÔLE EMPLOI aux dépens de l'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
CR/MR