CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 février 2022
Cassation partielle
sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 195 F-D
Pourvoi n° F 20-20.463
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2022
La société Chambourcy - Parc des Vergers, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-20.463 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société AJ associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [M] [Aa] en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société KHG,
2°/ à la société KHG, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société Mars, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [Ab] [H] en qualité de mandataire judiciaire de la société KHG,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Chambourcy-Parc des Vergers, de la SARL Boré, Ac de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés AJ associés et KHG, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 avril 2020), le 10 mai 2011, la société Le Parc des vergers, aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière Chambourcy-Parc des vergers (la SCI), a donné en location à la société KHG des locaux à usage commercial.
2. Le contrat comporte une clause d'indexation du loyer stipulant que celle-ci, s'opérant au 1er janvier de chaque année, jouera à la hausse comme à la baisse sans pouvoir ramener le loyer en dessous du loyer de base.
3. Le 29 septembre 2014, la société KHG a assigné la SCI aux fins de voir déclarer la clause d'indexation réputée non écrite.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer non écrites les clauses d'indexation, de dire qu'elle ne peut facturer l'indexation du loyer, de fixer sa créance antérieure au jugement d'ouverture de la sauvegarde de la société KHG à la somme de 70 086,12 euros TTC, de rejeter sa demande de résiliation du bail, de la condamner à verser à la société KHG la somme de 453,20 euros au titre du solde débiteur de son compte locataire, de rejeter ses demandes tendant à voir fixer sa créance privilégiée antérieure au jugement de sauvegarde de la société KHG à la somme de 79 534,92 euros TTC et à voir condamner la société KHG à lui payer la somme principale de 54 609,84 euros TTC au titre des arriérés de loyers, charges et accessoires postérieurs au jugement de sauvegarde, alors :
« 1°/ que la clause d'un contrat à exécution successive, tel un bail commercial, qui prévoit la prise en compte d'une période de variation indiciaire supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision n'est pas frappée de nullité, mais simplement réputée non écrite, de sorte que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée doit être retranchée de la clause d'indexation, qui perdure pour le surplus, nonobstant toute clause ou intention prétendument contraires des parties ; qu'ayant elle-même constaté que les clauses relatives à l'indexation du loyer n'engendraient de distorsion prohibée qu'en ce qu'elles fixaient les modalités de la première révision et prévoyait qu'une indexation à la baisse ne pourrait avoir pour effet de ramener le loyer en dessous du loyer de base, la cour d'appel ne pouvait les déclarer non écrites, dans leur intégralité, motif pris de l'intention prétendue des parties de les rendre indivisibles, ou encore d'une prétendue impossibilité, démentie par ses propres constatations, d'isoler les stipulations prohibées des autres clauses régissant l'indexation du loyer, ce en quoi elle a violé l'
article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier🏛 ;
2°/ que en tout état de cause, seule la stipulation qui crée une distorsion prohibée entre la période de variation indiciaire et la durée s'écoulant entre chaque révision est réputée non écrite, et non l'entière clause d'indexation ; qu'en décidant au contraire d'annuler les clauses régissant l'indexation du loyer dans leur intégralité, motif pris de leur indivisibilité prétendue, déduite d'une stipulation du bail énonçant que « la clause d'indexation annuelle du loyer constitue une clause essentielle et déterminante sans laquelle le bailleur n'aurait pas contracté », quand cette clause, qui tendait à faire dépendre le contrat de bail commercial lui-même de l'indexation annuelle des loyers, ne pouvait justifier l'indivisibilité des clauses organisant cette indexation entre elles et, paradoxalement, le maintien du bail nonobstant la suppression de toute indexation du loyer, la cour d'appel a de nouveau violé l'
article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier🏛, ensemble l'
article 1134 du code civil🏛, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article L. 112-1 du code monétaire et financier🏛 :
6. En application de ce texte, est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, tel que le bail commercial, prévoyant la prise en compte, dans l'entier déroulement du contrat, d'une période de variation indiciaire supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.
7. Pour déclarer la clause d'indexation contraire aux dispositions susvisées, l'arrêt relève que, concernant la première indexation, existe une distorsion entre la période de variation de l'indice et l'intervalle séparant la prise d'effet du bail de la première indexation.
8. Il retient que les composantes de la clause d'indexation forment un tout ayant déterminé les parties à contracter et ne sont pas susceptibles d'être isolées, de sorte que les clauses d'indexation doivent être réputées non écrites pour le tout.
9. En statuant ainsi, alors que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties en application de l'
article 1015, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il est fait application des
articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du
code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice, justifiant que la Cour de cassation statue au fond, commande, en effet, de ne pas rouvrir les débats sur le solde du compte entre les parties, souverainement arrêté à 453,20 euros en faveur de la société KHG par la cour d'appel et devant être ramené à la somme de 121,40 euros après déduction de 331,80 euros régulièrement facturés au titre de l'indexation pour l'année 2018.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare non écrite les clauses d'indexation du loyer stipulées au bail du 10 mai 2011, dit que la société civile immobilière Chambourcy - Parc des vergers ne peut facturer à la société KHG l'indexation des loyers et condamne la société civile immobilière Chambourcy - Parc des vergers à payer à la société KHG la somme de 453,20 euros au titre du solde débiteur de son compte locataire au premier trimestre 2020, l'arrêt rendu le 30 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE NON ECRITES les seules clauses d'indexation du loyer stipulées au bail du 10 mai 2011 énonçant, d'une part, que le réajustement du loyer s'opérera « pour la première fois, le premier janvier qui suit la prise d'effet du bail » et, d'autre part, que l'indexation « ne devra pas avoir pour effet de ramener le loyer en dessous du loyer de base. » ;
CONDAMNE la société civile immobilière Chambourcy - Parc des vergers à payer à la société KHG la somme de 121,40 euros au titre du solde débiteur de son compte locataire au premier trimestre 2020 ;
Condamne la société KHG aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Chambourcy - Parc des Vergers
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Chambourcy – Parc des Vergers reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement qui lui était déféré, déclaré non écrites les clauses d'indexation du loyer stipulées au bail du 10 mai 2011 et, en conséquence, dit que la SCI Chambourcy ne peut facturer à la société KHG l'indexation du loyer, fixé la créance de la SCI Chambourcy, antérieure au jugement d'ouverture de la sauvegarde, au passif de la société KHG à la somme de 70 086,12 € TTC, rejeté la demande de résiliation judiciaire du bail du 10 mai 2011, condamné, après infirmation du jugement sur ce point, la SCI Chambourcy – Parc des Vergers à verser à la société KHG une somme de 453,20 € au titre du solde débiteur de son compte locataire arrêté au premier trimestre 2020, et corrélativement rejeté les demandes de la SCI Chambourcy – Parc des Vergers tendant à voir fixer sa créance privilégiée antérieure au jugement de sauvegarde de la société KHG à la somme de 79 534,92 € TTC et à voir condamner la société K.H.G. à lui payer la somme principale de 54 609,84 € TTC au titre des arriérés de loyers, charges et accessoires postérieurs au jugement de sauvegarde et arrêtés au 24 janvier 2020 ;
1/ ALORS QUE la clause d'un contrat à exécution successive, tel un bail commercial, qui prévoit la prise en compte d'une période de variation indiciaire supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision n'est pas frappée de nullité, mais simplement réputée non écrite, de sorte que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée doit être retranchée de la clause d'indexation, qui perdure pour le surplus, nonobstant toute clause ou intention prétendument contraires des parties ; qu'ayant elle-même constaté que les clauses relatives à l'indexation du loyer n'engendraient de distorsion prohibée qu'en ce qu'elles fixaient les modalités de la première révision et prévoyait qu'une indexation à la baisse ne pourrait avoir pour effet de ramener le loyer en dessous du loyer de base, la cour d'appel ne pouvait les déclarer non écrites, dans leur intégralité, motif pris de l'intention prétendue des parties de les rendre indivisibles, ou encore d'une prétendue impossibilité, démentie par ses propres constatations, d'isoler les stipulations prohibées des autres clauses régissant l'indexation du loyer, ce en quoi elle a violé l'
article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier🏛 ;
2/ ALORS QUE, en tout état de cause, seule la stipulation qui crée une distorsion prohibée entre la période de variation indiciaire et la durée s'écoulant entre chaque révision est réputée non écrite, et non l'entière clause d'indexation ; qu'en décidant au contraire d'annuler les clauses régissant l'indexation du loyer dans leur intégralité, motif pris de leur indivisibilité prétendue, déduite d'une stipulation du bail énonçant que « la clause d'indexation annuelle du loyer constitue une clause essentielle et déterminante sans laquelle le bailleur n'aurait pas contracté », quand cette clause, qui tendait à faire dépendre le contrat de bail commercial lui-même de l'indexation annuelle des loyers, ne pouvait justifier l'indivisibilité des clauses organisant cette indexation entre elles et, paradoxalement, le maintien du bail nonobstant la suppression de toute indexation du loyer, la cour d'appel a de nouveau violé l'
article L 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier🏛, ensemble l'
article 1134 du code civil🏛, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société Chambourcy – Parc des Vergers reproche à l'arrêt attaqué d'avoir enjoint aux parties d'établir d'un commun accord les critères de répartition des charges « dimanche » et de calculer ensuite le montant dû à ce titre par la société K.H.G. à la SCI Chambourcy et, en conséquence, condamné la SCI Chambourcy -Parc du Verger à verser à la société K.H.G. la somme de 453,20 € au titre du solde débiteur de son compte locataire au premier trimestre 2020, fixé, en confirmant sur ce point le jugement entrepris, la créance de la société Chambourcy, antérieure au jugement d'ouverture de la sauvegarde, au passif de la société K.H.G., à titre privilégié, à la somme de 70.086,12 € TTC et, corrélativement, rejeté les demandes de la SCI Chambourcy – Parc des Vergers tendant à voir fixer sa créance privilégiée antérieure au jugement de sauvegarde de la société K.H.G. à la somme de 79.534,92 € TTC et à voir condamner la société K.H.G. à lui payer la somme principale de 54.609,84 € TTC au titre des arriérés de loyers, charges et accessoires postérieurs au jugement de sauvegarde et arrêtés au 24 janvier 2020 ;
ALORS QUE, tenu de trancher le litige qui lui est soumis, le juge ne peut, sauf à commettre un déni de justice, se borner à enjoindre aux parties de s'accorder pour trancher elles-mêmes leur différend, prétexte pris de l'insuffisance des éléments de preuves versés aux débats ou des lacunes du contrat qui lui est soumis ; qu'en refusant de statuer sur le montant des charges dues par la société K.H.G. au titre de l'ouverture du centre commercial le dimanche et en enjoignant aux parties de s'accorder sur ce point, motif pris du silence du contrat sur la répartition de ces charges et de l'insuffisance des éléments de preuves versés aux débats par la SCI Chambourcy pour justifier de ses critères de calcul et du quantum des avoirs qu'elle avait établis à ce titre, quand il lui appartenait de trancher elle-même la constatation élevée sur le montant de cette créance, fût-ce après avoir comblé les lacunes du contrat par voie d'interprétation et sollicité la communication des éléments qui lui faisaient défaut, ou prescrit toute autre mesure d'instruction idoine, la cour d'appel a violé les
articles 4 du code civil🏛 et 12 du
code de procédure civile.