Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 11-02-2022, n° 455794

CE 3/8 ch.-r., 11-02-2022, n° 455794

A10037NH

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:455794.20220211

Identifiant Legifrance : CETATEXT000045160652

Référence

CE 3/8 ch.-r., 11-02-2022, n° 455794. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/78423628-ce-38-chr-11022022-n-455794
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 455794

Séance du 28 janvier 2022

Lecture du 11 février 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. O A et Mme H A ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1619151 du 17 avril 2019, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 19PA01918 du 24 juin 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de Mme A et de la succession de M. A, annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions et pénalités en litige.

Par un pourvoi, enregistré le 23 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme A et de la succession de M. A.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de Mme A ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) SLJ a pour objet la gestion de biens immobiliers mis à la disposition de M. A, son principal associé, et de sa famille. Les 22 novembre 2010 et 26 décembre 2011, la société Navajo, dont M. A est également associé, a consenti à la société SLJ deux prêts d'un montant respectif de 1 300 000 euros et 800 000 euros. Ces sommes ont été utilisées par la société SLJ pour rembourser des avances en compte courant que lui avait consenties M. A en vue du financement des travaux de construction et d'entretien de ses biens immobiliers. A l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus souscrites par M. et Mme A au titre des années 2010 et 2011, l'administration fiscale a estimé que ces sommes avaient été mises par la société Navajo à la disposition de son associé, M. A, par l'intermédiaire de la société SLJ et qu'elles constituaient par suite des distributions taxables entre les mains de ce dernier sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts. Par un jugement du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. et Mme A tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis en conséquence, ainsi que des pénalités correspondantes. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 juin 2021 par lequel la cour administrative de Paris, faisant droit à l'appel de Mme A et de la succession de M. A, a annulé ce jugement et prononcé la décharge sollicitée.

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes ". Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales: " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ".

3. Pour prononcer la décharge des impositions litigieuses, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que l'administration avait implicitement mis en œuvre, pour établir ces impositions, la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, sans que les contribuables ne bénéficient des garanties dont est assortie cette procédure.

4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration, qui a explicitement fondé les rectifications auxquelles elle a procédé sur les dispositions précitées du a de l'article 111 du code général des impôts, s'est bornée, sans écarter comme ne lui étant pas opposable aucun acte passé par les contribuables ou par les sociétés en cause, à faire valoir que les sommes versées par la société Navajo à la société SLJ, immédiatement appréhendées par M. A, associé commun de ces deux sociétés, devaient être regardées comme ayant été mises à la disposition de ce dernier par l'intermédiaire de la société SLJ et constituaient, faute de preuve contraire, des revenus distribués taxables entre ses mains en application de ces dispositions.

5. Le ministre est par suite fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Paris a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que l'administration avait implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 24 juin 2021 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A et par la succession de M. A au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance, à Mme H A et à la succession de M. O A.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 janvier 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. K D, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. I M, M. E L, M. J G, M. B N, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 11 février 2022.

La présidente:

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire:

Signé : Mme C F455794

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