Jurisprudence : Cass. soc., 05-01-2022, n° 20-17.227, F-D, Cassation

Cass. soc., 05-01-2022, n° 20-17.227, F-D, Cassation

A83127HC

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:SO00027

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045009712

Référence

Cass. soc., 05-01-2022, n° 20-17.227, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/76941984-cass-soc-05012022-n-2017227-fd-cassation
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SOC. / ELECT

LG


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2022


Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 27 F-D

Pourvoi n° P 20-17.227


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JANVIER 2022


1°/ le syndicat CFDT, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ M. [B] [Z], domicilié [… …],

3°/ M. [M] [Aa], domicilié [… …],

ont formé le pourvoi n° P 20-17.227 contre le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la société Devaud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT et de MM. [Z] et [Y], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Devaud, après débats en l'audience publique du 10 novembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon, 2 juillet 2020) et les pièces de la procédure, les élections pour le comité social et économique au sein de la société Devaud (la société) ont été organisées le 28 novembre 2019. En l'absence de candidature syndicale, un second tour a été organisé le 12 décembre 2019. A l'issue de ce second tour, M. [Z], candidat unique présenté par le syndicat CFDT (le syndicat) et M. [Aa], qui a présenté une candidature libre, ont été élus en qualité de membres titulaires pour le premier collège.

2. La société a, le 26 décembre 2019, saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des élections des membres du comité social et économique au motif qu'en présentant une liste avec une candidature unique, le syndicat ainsi que M. [Y] n'ont pas respecté les dispositions légales sur les règles de représentation équilibrée ni le protocole électoral selon lequel, au regard de la proportion d'hommes et de femmes dans ce collège, chaque liste devait comporter trois hommes et une femme.


Examen du moyen

Sur le moyen, en ce qu'il concerne M. [Z], candidat présenté par le syndicat

Enoncé du moyen

3. Le syndicat, M. [Ab] et M. [Y] font grief au jugement d'annuler l'élection de M. [Ab] en qualité de membre titulaire du premier collège au comité social et économique, alors :

« 1°/ que les dispositions des articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛 ne s'appliquent qu'aux listes présentant plusieurs candidats ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛, ensemble les principes généraux du droit électoral ;

2°/ que les dispositions légales applicables à la mixité proportionnelle n'interdisent pas de présenter la candidature unique d'un candidat du sexe majoritaire composant le corps électoral ; qu'il résulte des constatations du tribunal que, pour le premier collège, les hommes sont largement majoritaires dans le corps électoral (83,33 % d'hommes et 16,67 % de femmes) ; qu'en annulant néanmoins l'élection du candidat exposant, le tribunal a violé les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛, ensemble les principes généraux du droit électoral. »


Réponse de la Cour

4. Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail🏛, c'est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté. Lorsque l'application des règles de proportionnalité et de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, il résulte de l'article L. 2314-30 du code du travail🏛 que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues. Les dispositions de l'article L. 2314-30 étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger.

5. En revanche, lorsque l'organisation syndicale choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, l'application de la règle de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 provoquée par le nombre de candidats que l'organisation syndicale a choisi de présenter ne peut conduire, s'agissant de textes d'ordre public absolu, à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir.

6. En conséquence, le tribunal judiciaire, ayant constaté qu'eu égard à la proportion d'hommes et de femmes et au nombre de sièges à pourvoir, la liste présentée par le syndicat aurait dû comprendre trois hommes et une femme dans le cas où elle aurait été complète, en a exactement déduit que cette liste présentant l'unique candidature d'un homme n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail🏛 et qu'en application de l'article L. 2314-32 du même code🏛 il y avait lieu d'annuler l'élection de M. [Ab] en qualité de membre titulaire du premier collège au comité social et économique de la société.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.


Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il concerne M. [Y], qui a présenté une candidature libre

Enoncé du moyen

8. Le syndicat, M. [Ab] et M. [Y] font grief au jugement d'annuler l'élection de M. [Y] en qualité de membre titulaire du premier collège au comité social et économique, alors « que les dispositions des articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛 ne s'appliquent qu'aux listes présentant plusieurs candidats ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛, ensemble les principes généraux du droit électoral. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2314-30 du code du travail🏛 :

9. Les dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail🏛, éclairées par les travaux parlementaires, s'appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s'appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles.

10. Pour annuler l'élection de M. [Y] en qualité de membre titulaire du 1er collège au comité social et économique, le jugement retient que si un candidat choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, cette décision ne peut conduire, s'agissant de textes d'ordre public absolu, à éluder la règle de la proportionnalité donnant une décimale supérieure à cinq et devant conduire à attribuer un poste à une femme, ni à éliminer toute représentation du sexe sous représenté qui aurait été présenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que M. [Aa] avait présenté une candidature libre au second tour de ces élections, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule l'élection de M. [Y] en qualité de membre titulaire du premier collège au comité social et économique, le jugement rendu le 2 juillet 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire des Sables-d'Olonne ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Devaud et la condamne à payer à M. [Aa], M. [Z] et au syndicat CFDT la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT et MM. [Z] et [Y]


Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé l'élection de Monsieur [Ab] et de Monsieur [Y] en qualité de membre titulaire du 1er collège au comité social et économique.

AUX MOTIFS QUE l'élection, organisée conformément aux modalités du protocole pré-électoral aux termes duquel le 1er collège était composé de 16,67 % de femmes et de 83,33 % d'hommes, comportait 4 sièges de titulaires et 4 sièges de suppléants ; la parité devait donc conduire chaque liste à proposer 3 hommes et 1 femme ; si l'organisation syndicale ou un candidat choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, cette décision ne peut conduire, s'agissant de textes d'ordre public absolu, à éluder la règle de la proportionnalité donnant une décimale supérieure à 5 et devant conduire à attribuer un poste à une femme, ni à éliminer toute représentation du sexe sous représenté qui aurait été présenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir ; eu égard à la proportion d'hommes et de femmes et au nombre de sièges à pourvoir, la liste présentée par la CFDT et celle présentée par Monsieur [M] [Y] auraient du comprendre trois hommes et une femme dans le cas où elle aurait été complète ; les listes présentant l'unique candidature d'un homme ne sont donc pas conformes aux dispositions précitées (articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛) ; en application de l'article L. 2314-32 du code du travail🏛, la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne la seule sanction de l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter et non l'annulation de la totalité des élections ; en conséquence, il y a lieu d'annuler l'élection de Monsieur [Ac] [Z] et celle de Monsieur [M] [Y].

1° ALORS QUE les dispositions des articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛 ne s'appliquent qu'aux listes présentant plusieurs candidats ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛, ensemble les principes généraux du droit électoral

2° ALORS QUE les dispositions légales applicables à la mixité proportionnelle n'interdit pas de présenter la candidature unique d'un candidat du sexe majoritaire composant le corps électoral ; qu'il résulte des constatations du tribunal que, pour le premier collège, les hommes sont largement majoritaires dans le corps électoral (83,33 % d'hommes et 16,67 % de femmes) ; qu'en annulant néanmoins l'élection du candidat exposant, le tribunal a violé les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail🏛, ensemble les principes généraux du droit électoral.

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