Jurisprudence : Cass. crim., 05-01-2022, n° 21-80.638, F-D, Cassation

Cass. crim., 05-01-2022, n° 21-80.638, F-D, Cassation

A80337HY

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CR00021

Identifiant Legifrance : JURITEXT000044900842

Référence

Cass. crim., 05-01-2022, n° 21-80.638, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/76909323-cass-crim-05012022-n-2180638-fd-cassation
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Abstract

Mots-clés : confiscation • proportionnalité • motivation • produit de l'infraction • nue-propriété • clause d'inaliénabilité Il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.


N° J 21-80.638 F-D

N° 00021


SM12
5 JANVIER 2022


CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 JANVIER 2022



M. [U] [O] et Mme [E] [W] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 14 décembre 2020, qui , après décision devenue définitive sur la culpabilité de M. [U] [O], l'a condamné à sept ans d'emprisonnement et 25 000 euros d'amende, et qui, pour non justification de ressources, a condamné Mme [Aa] [W] à dix huit mois d'emprisonnement, et a ordonné des mesures de confiscation.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité

Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.

Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [U] [O], Mme [E] [W], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Slove, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [U] [O] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs d'infraction à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et non-justification de ressources et Mme [E] [W] du chef de non-justification de ressources.

3. Les juges du premier degré les ont déclarés coupables de ces faits.

4. M. [O] a été condamné à sept ans d'emprisonnement, 25 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de séjour et à la confiscation de sa part indivise sur l'immeuble dont il est propriétaire à [Localité 2] avec Mme [W].

5. Cette dernière a été condamnée à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et à la confiscation de sa part indivise sur l'immeuble précité.

6. M. [O] a interjeté appel seulement sur les dispositions relatives à la peine de confiscation prononcée. Mme [W] a relevé appel de toutes les dispositions de cette décision et le ministère public a formé appel incident.


Examen des moyens

Sur le premier moyen


7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.


Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, à titre de peines complémentaires, ordonné à l'encontre de M. [O] la confiscation de sa part indivise sur l'immeuble sis [Adresse 1] et ordonné à l'encontre de Mme [W] la confiscation de sa part indivise sur cet immeuble, alors :

« 1°/ qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer, pour ordonner la confiscation des parts respectives de M. [Ab] et de Mme [W] sur l'immeuble indivis sis [Adresse 1], qu'il résulte des dispositions de l'article 131-21, alinéa 6, du code pénal🏛 que « lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut aussi porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis », sans préciser, relativement à chacun d'entre eux, le fondement précis de cette mesure, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation avaient été respectées et n'a pas justifié sa décision en violation des articles 131-21 du code pénal🏛 et 591 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour ordonner la confiscation des parts de M. [O] sur l'immeuble indivis sis [Adresse 1] constituant le logement de la famille, après avoir relevé les circonstances de l'infraction dont il avait été déclaré coupable et ses antécédents pénaux, que même s'il s'agissait de la résidence principale du couple, parents de deux enfants, la peine de confiscation apparaissait proportionnée au vu de la procédure qui a mis en évidence l'importance des sommes occultes investies, sans mieux s'expliquer sur la proportionnalité de la peine au regard de la situation personnelle de M. [O] et notamment du point de savoir s'il disposait de ressources ou de possibilités de trouver une solution d'hébergement alternative pour mettre à l'abri sa compagne et leurs deux enfants mineurs, et leur assurer des conditions de vie décentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 131-21 du code pénal🏛 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine ; qu'en l'espèce, en énonçant, pour ordonner la confiscation des parts de Mme [W] sur l'immeuble indivis sis [Adresse 1] constituant le logement de la famille, après avoir rappelé les circonstances de l'infraction dont elle était déclarée coupable, que même s'il s'agissait de la résidence principale du couple, parents de deux enfants, la peine de confiscation apparaissait proportionnée au vu de la procédure qui a mis en évidence l'importance des sommes occultes investies, sans mieux s'expliquer sur la proportionnalité de la peine au regard de sa situation personnelle et notamment sur le point de savoir si les ressources et les revenus dont elle disposait présentaient un caractère suffisant pour lui permettre de procurer un toit et d'élever dans des conditions décentes ses deux enfants mineurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 131-21 du code pénal🏛 et 593 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

9. Pour ordonner la confiscation du bien immeuble, propriété indivise de M. [Ab] et de Mme [W], la cour d'appel énonce que les infractions dont ils sont reconnus coupables sont passibles de la confiscation générale du patrimoine, prévue par l'article 131-21, alinéa 6, du code pénal🏛.

10. Elle retient que les demandeurs ont acquis une maison pour la somme de 220 000 euros, alors qu'ils disposaient, chaque mois, de 1 500 euros de ressources déclarées pour 1 400 euros de charges. Elle relève qu'ils y ont fait procéder, pour un montant de 70 000 euros, à des travaux, comprenant des finitions soignées, ainsi que la réalisation d'une extension de quarante mètres carrés et la construction d'une piscine, ce qui a apporté à ce bien une plus-value de 130 000 euros. Elle ajoute qu'ils ont fait immatriculer un véhicule presque neuf, acquis des bijoux et des vêtements de marque, sont partis en voyage à l'étranger et passé des fins de semaine en France, sans que leurs ressources avouées, même en tenant compte d'aides financières de leur famille, sous forme de virements bancaires, aient pu expliquer l'origine de leurs dépenses.

11. Elle souligne que, même si l'immeuble en cause constitue la résidence principale du couple, parent de deux enfants, la peine de la confiscation paraît proportionnée, au vu des éléments de la procédure, qui a mis en évidence l'importance des sommes d'origine occultes qui ont été investies.

12. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision.

13. Le moyen ne peut, dès lors, être admis.


Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la confiscation de l'ensemble des biens et numéraires saisis, alors « il incombe au juge qui décide de confisquer un objet qualifié de dangereux ou nuisible par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, de l'identifier de façon précise; qu'en l'espèce, en se fondant sur les dispositions de l'article 131-21 du code pénal🏛 qui imposent au juge de confisquer tous les objets qualifiés de dangereux ou de nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, pour ordonner la confiscation des biens et numéraires saisis, sans identifier les biens et numéraires en cause ni effectuer aucune constatation propre à établir qu'il s'agissait d'objets qualifiés de dangereux ou de nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention était illicite, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision en violation des articles 131-21 du code pénal🏛 et 593 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 131-21 et 132-1 du code pénal🏛 et 593 du code de procédure pénale :

15. Il résulte de ces textes que, lorsque le juge ordonne une mesure de confiscation, il doit préciser les biens sur lesquels elle porte et indiquer à quel titre et sur quel fondement il prononce cette peine complémentaire.

16. L'arrêt attaqué confirme, sans aucun motif, la confiscation des biens et des sommes en numéraire saisis, ordonnée par le tribunal.

17. Cependant, sauf pour l'immeuble appartenant aux demandeurs, ni le jugement ni l'arrêt ne précisent quels biens et quelles sommes ont été saisis, ni n'indiquent sur quel fondement ni à quel titre leur confiscation est ordonnée.

18. La cassation est, dès lors, encourue de ce chef. Elle sera limitée à la confiscation des sommes et des biens saisis, autres que l'immeuble dont la confiscation a été justifiée.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 14 décembre 2020, en ses seules dispositions relatives à la peine de confiscation des biens et numéraire saisis, à l'exception de la confiscation du bien immobilier situé [Adresse 1], prononcée à l'encontre des deux prévenus, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-deux.

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