CE 4 ch., 30-12-2021, n° 451385
A44287HH
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2021:451385.20211230
Référence
M. G H a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Fresnes (Val-de-Marne) pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires, ainsi que l'élection à venir du maire et des adjoints.
Par un jugement n° 2005154 du 5 mars 2021, le tribunal administratif a rejeté cette protestation.
Par une requête enregistrée le 3 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces opérations électorales ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer l'inéligibilité des membres de la liste " Fresnes plus juste plus proche plus verte ".
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 29 juillet 1881 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020🏛
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme D J ;
1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Fresnes (Val-de-Marne), les trente-cinq sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire ont été pourvus. Vingt-sept sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire ont été attribués à des candidats de la liste " Fresnes plus juste plus proche plus verte " conduite par Mme D J, maire sortante, qui a obtenu 50,94 % des suffrages exprimés. Six sièges de conseillers municipaux ont été attribués à des candidats de la liste " Union citoyenne pour faire revivre Fresnes ", conduite par M. G H, qui a obtenu 37,27 % des suffrages exprimés. Les deux sièges restants de conseiller municipal ont été attribués à la liste " Osons ensemble une histoire nouvelle pour Fresnes " conduite par M. L A, qui a recueilli 11,77 % des suffrages exprimés. M. H fait appel du jugement du 5 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.
2. Il résulte des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Melun que la protestation de M. H a été communiquée au " maire de Fresnes " et que, d'une part, la commune de Fresnes a produit des observations en réponse à cette communication, analysées à tort comme un mémoire en défense par le tribunal administratif, d'autre part que Mme J n'a pas produit de mémoire en défense. Le tribunal administratif s'est ainsi fondé sur les observations de la commune de Fresnes, qui n'était pas partie à l'instance, pour rejeter la protestation dont il était saisi. Par suite, son jugement est entaché d'irrégularité et M. H est ainsi fondé à en demander l'annulation pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête.
3. Le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral🏛 pour statuer sur la protestation de M. H étant expiré, il y a lieu pour le Conseil d'État de statuer immédiatement sur cette protestation.
Sur l'intervention de M. I C :
4. M. I C, qui était colistier de M. H, justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation des opérations électorales litigieuses. Son intervention est donc recevable.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales :
En ce qui concerne les griefs relatifs à la campagne électorale :
5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral🏛 : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus () ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code🏛 : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts ".
Quant à ce qui concerne l'organisation d'une concertation publique par la commune de Fresnes :
6. M. H soutient que l'organisation, le 19 novembre 2019, d'une réunion présentée comme un " point d'étape " de quarante-et-un engagements de la commune de Fresnes, à la suite d'une concertation publique, constitue une campagne de promotion publicitaire à des fins électorales. D'une part, toutefois, il résulte de l'instruction que cette concertation publique a été menée entre octobre et décembre 2018, que les engagements en résultant avaient déjà été présentés lors d'une réunion du 5 février 2019, que des ateliers ont été mis en place dans ce cadre entre mars et juin 2019 et que la réunion du 19 novembre 2019 doit être regardée comme un bilan des actions déjà accomplies et de celles encore en cours. D'autre part, si l'organisation de cette réunion a été relayée sur les réseaux sociaux de la ville et dans le magazine municipal de novembre 2019 et a donné lieu à la réalisation d'une brochure, il résulte de l'instruction que, eu égard à leur contenu, qui présente en termes mesurés les actions dont il s'agit et qui est dépourvu de toute polémique électorale, ainsi que des conditions de leur diffusion quatre mois avant le premier tour, ces agissements ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une campagne de promotion publicitaire ou d'un avantage consenti à un des candidats au sens des articles L. 52-1 et L. 52-8 du code électoral🏛🏛.
Quant aux éditoriaux de la maire et aux tribunes des groupes politiques dans le magazine municipal :
7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les éditoriaux publiés par Mme J en sa qualité de maire dans les numéros du magazine municipal de septembre, octobre, novembre et décembre 2019 et février, mars et juin 2020, dont il n'est pas allégué que le format ou la périodicité auraient été modifiés par rapport à ce qui est habituellement pratiqué pour ce magazine, ont fait état de plusieurs actions menées par la municipalité notamment en ce qui concerne la gestion de la crise sanitaire, l'élaboration du plan local d'urbanisme, la protection de l'environnement, l'accueil du public dans les administrations communales, la gestion des eaux pluviales, la prise d'un arrêté " anti-glyphosates ", la lutte contre les violences conjugales et la sécurité. La présentation de ces actions en des termes mesurés, dépourvus de valorisation excessive et de caractère polémique, sans lien avec la campagne électorale, avait pour objet d'informer les habitants de la commune sur des thèmes d'action municipale intéressant leur cadre de vie. Si ces éditoriaux comportaient les coordonnées des comptes institutionnels de Mme J en sa qualité de maire, ils ne peuvent être regardés, en l'absence de toute référence aux élections, comme procédant d'une campagne de promotion publicitaire prohibée en application des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral🏛.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales🏛 : " Dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l'expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale () ". Si M. H soutient que les tribunes des groupes majoritaires au sein du magazine municipal ont constitué, sur la période de six mois précédant le premier tour, un élément de campagne publicitaire, il résulte de l'instruction que, outre des considérations générales sur les débats nationaux dans les domaines économique, social et environnemental sans lien avec l'actualité communale, la présentation de certaines actions municipales par ces tribunes - s'agissant notamment de la gestion de la pandémie, de l'action scolaire et de la création d'un service de la jeunesse - n'a été l'occasion d'aucune référence aux polémiques électorales ou aux élections à venir et n'a pas excédé ce qui relève du droit d'expression reconnu aux élus par la loi.
9. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales🏛 qu'une commune de 3 500 habitants et plus est tenue de réserver dans son bulletin d'information municipale, lorsqu'elle diffuse un tel bulletin, un espace d'expression réservé à l'opposition municipale. Ni le conseil municipal ni le maire de la commune ne sauraient, en principe, contrôler le contenu des articles publiés, sous la responsabilité de leurs auteurs, dans cet espace. Il en va toutefois autrement lorsqu'il ressort à l'évidence de son contenu qu'un tel article présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux au regard des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
10. Il résulte de l'instruction qu'en refusant de publier dans le magazine municipal de décembre 2019 deux tribunes de groupes politiques d'opposition dont le contenu ne pouvait être regardé comme manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux, la maire de Fresnes a méconnu les dispositions de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales🏛. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que, eu égard à la date de ce refus, qui est resté isolé, à la possibilité pour ces groupes politiques de demander à nouveau la publication de leur tribune en temps utile et à l'écart de voix entre les listes en présence, cette illégalité ait été de nature à avoir altéré en l'espèce la sincérité du scrutin.
En ce qui concerne la valorisation des actions de la municipalité :
11. En premier lieu, l'opération d'affichage relative, d'une part, à la propreté urbaine mise en place à partir de septembre 2019, accompagnée d'un article sur ce même thème dans le magazine municipal de décembre 2019, et, d'autre part, à une compagne de dératisation menée en novembre 2019, ainsi que la communication sur la plantation de nouveaux arbres dans le magazine municipal d'octobre 2019, ne présentent qu'un caractère informatif sur des sujets d'intérêt communal, sans référence à des éléments de polémique électorale, quand bien même elles n'auraient pas été habituelles.
12. En deuxième lieu, la communication de la mairie sur l'extension des jours et horaires d'ouverture de la bibliothèque et de la mairie ainsi que la mise en place d'un accueil unique au sein de la marie, en en présentant les avantages, fait suite à des projets de réorganisation lancés depuis plusieurs années et avait vocation à informer les habitants de la commune sur ces nouvelles modalités, en des termes qui ne relèvent pas de la polémique électorale. De même, il ne résulte pas de l'instruction que les communications relatives à l'inauguration d'un gymnase le 7 septembre 2019, à des travaux de rénovation des écoles conduits durant l'été 2019, à l'installation de nouveaux sanitaires, à l'inauguration d'un supermarché coopératif le 11 juin 2020, à la livraison d'un camion frigorifique pour le centre communal d'action sociale en novembre 2019, à l'installation de jeux pour enfants ainsi qu'à la mise en place de repas végétariens dans les cantines et d'un formulaire pour permettre l'information scolaire, qui portaient sur des sujets d'intérêt communal en des termes non polémiques et sans référence aux élections à venir, relevaient d'une campagne de promotion publicitaire prohibée par les dispositions mentionnées au point 5.
13. En troisième lieu, si l'édiction de l'arrêté municipal du 10 septembre 2019 interdisant l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques a fait l'objet d'une communication dans le magazine municipal d'octobre 2019 et sur le compte " Facebook " de la maire de Fresnes, cette communication, d'ampleur limitée et s'inscrivant par ailleurs dans le cadre d'un débat national sur l'usage des produits phytopharmaceutiques, avait un caractère informatif et ne peut être regardée comme procédant d'une campagne de promotion publicitaire.
14. En quatrième lieu, d'une part, la vidéo montrant Mme J en sa qualité de maire de Fresnes, diffusée par la commune sur les réseaux sociaux le 20 avril 2020, se borne à une présentation factuelle des actions mises en place par la commune pendant la période du confinement, alors que le contexte exceptionnel résultant de la crise sanitaire justifiait une communication à destination de la population de la commune. Il en est de même du courrier de la maire du 25 mai 2020 aux habitants de la commune, rappelant les mesures de précaution à appliquer et indiquant les contacts du centre communal d'action sociale. D'autre part, si la commune de Fresnes a diffusé sur les réseaux sociaux et son site internet des messages relatifs à la distribution de masques, ces messages revêtaient un caractère purement informatif et ne comportaient pas de lien avec la campagne électorale. La circonstance que la distribution de masques par la commune aux personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ait été accompagnée d'un bref message de Mme J en sa qualité de maire, invitant au respect des mesures de confinement, ne saurait par ailleurs être regardée comme ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
15. En cinquième lieu, l'organisation d'une réunion publique locale relative à la sécurité routière dans un quartier de la ville le 22 juin 2020, s'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle présentait un caractère d'urgence quand bien même elle ferait suite à un signalement de plusieurs habitants, ne peut en tout état de cause être regardée comme ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin, eu égard à l'écart des voix entre les listes en présence.
Quant à l'organisation de certains évènements :
16. En premier lieu, la circonstance que le nombre de stands du marché de Noël organisé fin 2019 aurait augmenté de 50 % par rapport à l'année 2018, du fait de l'utilisation d'un nouveau local, ne peut en elle-même être regardée comme constitutive d'une campagne de promotion publicitaire.
17. En second lieu, il n'est établi ni que les coûts liés à la distribution des colis de Noël par la ville en 2019 et, en tout état de cause, à l'organisation d'un petit déjeuner associatif le 7 septembre 2019, ni que le nombre de cartes de vux envoyés par la ville auraient augmenté par rapport aux années précédentes. De plus, alors que ces évènements sont habituels, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient été l'occasion de diffuser des éléments de polémique électorale. Par suite, le moyen tiré de ce que évènements participaient d'une campagne de promotion publicitaire au sens de l'article L. 52-1 du code électoral🏛 ne peut qu'être écarté.
Quant à l'utilisation des moyens de la commune de Fresnes :
18. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation du logo de la commune sur un tract du parti socialiste appelant à voter en faveur de la liste conduite par Mme J et de deux images de Mme J issues de la photothèque municipale pour ses vidéos de campagne serait le résultat d'une manuvre et aurait altéré la sincérité du scrutin, alors qu'il n'est au demeurant pas établi que ce tract aurait fait l'objet d'une diffusion significative à l'échelle de la commune.
19. En deuxième lieu, il résulte de ce qui est dit au point 7 que la seule mention des comptes institutionnels de Mme J en sa qualité de maire de Fresnes à la fin des éditoriaux publiés dans le magazine municipal, qui ne contiennent en eux-mêmes aucune référence expresse aux élections de 2020, ne peut être regardée comme une utilisation des moyens de la ville prohibée par l'article L. 52-8 du code électoral🏛.
20. En troisième lieu, si M. H soutient que les rapports d'activités de la ville antérieurs à 2017 sont restés accessibles sur le site internet de la mairie pendant la période électorale, notamment celui de l'année 2017 comportant un éditorial de Mme J, le maintien de telles publications anciennes, sans modification assimilable à la diffusion de nouveaux messages, ne saurait être regardé comme des éléments de polémique électorale.
21. En quatrième lieu, M. H soutient que la diffusion d'un communiqué de presse de la ville du 20 avril 2020, laissant entendre qu'il pourrait être en situation de conflit d'intérêts à l'occasion d'une distribution de masques, et d'un autre communiqué de presse du 26 juin 2020, également relayé sur le compte " Facebook " de la maire de Fresnes, relatif à un dépôt de plainte de cette dernière pour menace de mort et dégradation de biens publics, après la découverte sur des équipements communaux de graffitis l'insultant et exprimant un soutien à la candidature de M. H, a constitué un avantage au sens de l'article L. 52-8 du code électoral🏛. Il résulte de l'instruction que si ces communiqués de presse font bien état du contexte de la campagne électorale, ils ne contiennent en eux-mêmes ni d'éléments programmatiques ni d'appel à voter en faveur d'une liste. En outre, le communiqué du 26 juin 2020, même s'il mentionne de façon générale une " campagne de caniveau ", ne met directement en cause aucun des autres candidats quant à l'origine de ces graffitis et a pour objet d'informer de l'existence d'un dépôt de plainte pour pouvoir en identifier l'auteur. Dans ces circonstances et eu égard à l'écart des voix entre les listes en présence, ce communiqué, de même que celui du 20 avril 2020 auquel M. H avait d'ailleurs le temps de répondre, ne peuvent être regardés comme ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin et à en fausser les résultats.
22. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral🏛 : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ". Il résulte de ce qui est dit au point précédent que le communiqué de presse du 26 juin 2020 ne saurait être regardé par son contenu et dans les circonstances de l'espèce comme introduisant un élément nouveau de polémique électorale prohibé ces dispositions.
Quant à la diffusion tardive d'éléments de propagande électorale :
23. Aux termes de l'article L. 49 du code électoral🏛 : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : / () 2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale () ".
24. En premier lieu, si M. H soutient que la diffusion d'un message en faveur de la liste conduite par Mme J sur le compte " Facebook " d'une de ses colistières a contrevenu aux dispositions citées ci-dessus, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que, alors que le soutien de Mme K était déjà connu en sa qualité de colistière, cette diffusion ait eu une audience suffisamment significative pour altérer la sincérité du scrutin.
25. En second lieu, le grief tiré de ce qu'une distribution de tracts en faveur de la liste conduite par Mme J aurait été maintenue la veille du second tour n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la rupture d'égalité entre les candidats :
26. En premier lieu, si M. H soutient que, pour la première fois, des élus d'opposition n'ont pas été conviés au repas des anciens organisés le 25 janvier 2020 alors que l'abaissement du seuil d'invitation à soixante-cinq ans n'empêchait pas une telle participation, il ne résulte en tout état de cause de l'instruction ni que cet évènement aurait privé les élus d'opposition de moyens de propagande ni qu'il aurait été l'occasion d'aborder des éléments de polémique électorale.
27. En second lieu, la circonstance que le conseil municipal de Fresnes ne se soit pas réuni entre le 22 novembre 2019 et le 28 juin 2020 n'est en tout état de cause pas de nature à avoir porté atteinte à l'égalité entre les candidats.
Quant au le soutien de personnes morales :
28. En premier lieu, M. H fait valoir que le club de football de l'AAS Fresnes a diffusé sur son compte " Facebook " un message en faveur de la liste conduite par Mme J et affiché un tract de cette liste dans ses locaux. Toutefois, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette association n'aurait pas été indépendante des listes candidates et que l'affichage litigieux aurait eu, par sa date ou sa durée, une audience significative, cette prise de position, dont la diffusion a au demeurant représenté un coût extrêmement faible, ne peut être regardée en l'espèce comme constituant un avantage illégal au sens de l'article L. 52-8 du code électoral🏛.
29. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. B, mandataire financier de Mme J, a utilisé sa messagerie professionnelle pour envoyer un message informant de la distribution de maques par la ville de Fresnes et demandant de relayer les éléments factuels mis en ligne à cette occasion sur le site internet de la ville. Toutefois, compte tenu de la nature de ce message qui ne comporte pas d'élément de polémique électorale, cette utilisation isolée d'une messagerie professionnelle ne peut constituer en l'espèce un avantage fourni par une personne morale de nature à altérer la sincérité du scrutin.
30. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'affichage, dans des commerces et des résidences privées, d'un document de la ville de Fresnes sur les actions mises en place pour faire face à la pandémie et comportant un message de Mme J, dont l'ampleur n'est pas établie et qui ne comportait pas de références à la polémique électorale, aurait été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
Quant au financement de la campagne électorale de la liste conduite par Mme J :
31. En premier lieu, si M. H soutient que les coûts relatifs à la location d'un local de campagne et l'utilisation d'un drone auraient dû être intégrés dans le compte de campagne de la liste " Fresnes plus juste plus proche plus verte ", ce grief n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
32. En second lieu, si M. H invoque une campagne d'affichage du parti communiste mettant en avant certains colistiers de Mme J, il résulte pas de l'instruction que le coût de cette campagne, qui ne comportait pas de référence aux élections municipales, aurait dû être intégré dans le compte de campagne de la liste " Fresnes plus juste plus proche plus verte ".
En ce qui concerne le niveau de l'abstention :
33. L'article 19 de la loi du 23 mars 2020🏛 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid 19 a reporté le second tour des élections, initialement fixé au 22 mars 2020, au plus tard en juin 2020 " en raison des circonstances exceptionnelles liées à l'impérative protection de la population face à l'épidémie de covid-19 ".
34. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral🏛, applicable aux communes de 1 000 habitants et plus : " Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à répartition des sièges () ".
35. Ni par ces dispositions, ni par celles de la loi du 23 mars 2020🏛, le législateur n'a subordonné à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal à l'issue des premier et second tours de scrutin dans les communes de mille habitants et plus, lorsqu'une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Le niveau de l'abstention n'est ainsi, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s'il n'a pas altéré, dans les circonstances de l'espèce, sa sincérité.
36. Si le taux d'abstention constaté au second tour de scrutin pour la commune de Fresnes était de 68,23 %, M. H invoque le caractère inhabituel de ce taux dans le contexte de la pandémie et la circonstance que les opérations de communication de la municipalité sortante, qu'il critique par ailleurs dans sa protestation, auraient conduit à une démobilisation de l'électorat. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ces opérations de communication auraient eu pour objet ou pour effet de dissuader les électeurs de participer au vote. Ainsi, en l'absence d'autres circonstances particulières invoquées par M. H, le niveau de l'abstention ne peut être regardé, en l'espèce, comme ayant altéré la sincérité du scrutin.
En ce qui concerne les opérations électorales :
37. La circonstance que M. I C, qui conduisait la liste " Fresnes avec vous " au premier tour de scrutin, n'ait pas été désigné président du bureau de vote n° 2 n'est pas de nature à affecter la régularité du scrutin.
38. Il résulte de tout ce qui précède que M. H n'est pas fondé à demander l'annulation des opérations électorales.
Sur les conclusions à fin de déclaration d'inéligibilité :
39. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. H tendant à ce que les membres de la liste " Fresnes plus juste plus proche plus verte " soient déclarés inéligibles ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 :
40. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme J devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 5 mars 2020 est annulé.
Article 2 : L'intervention de M. I C est admise.
Article 3 : La protestation de M. H est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme J au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. G H, à Mme D J, à M. L A et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 2 décembre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 30 décembre 2021.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Sylvain Monteillet
La secrétaire :
Signé : Mme F E451385
Loi, 2020-290, 23-03-2020 Suffrages exprimés Intervention recevable Campagne électorale Élections générales Financement des campagnes Avantages indirects Prix inférieurs Établissement de crédit Siège social Obtention d'un prêt Violences conjugales Communes d'habitants Campagne publicitaire Diffusion d'un bulletin Écart des voix entre les listes Altération de la sincérité du scrutin Travaux de rénovation Produits phytopharmaceutiques Précaution Réunion publique Diffusion de messages Conflit d'intérêts Propagande électorale Caractère de propagande Distribution de tracts Rupture de l'égalité entre les candidats Club de football Mandataire financier Élections municipales Circonstance exceptionnelle Protection des populations Majorité absolue Sièges à pourvoir Taux de la participation Déclaration d'inéligibilité