Jurisprudence : CE 1 ch., 08-12-2021, n° 456556

CE 1 ch., 08-12-2021, n° 456556

A53027E4

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHS:2021:456556.20211208

Identifiant Legifrance : CETATEXT000044462349

Référence

CE 1 ch., 08-12-2021, n° 456556. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/75360049-ce-1-ch-08122021-n-456556
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 456556

Séance du 25 novembre 2021

Lecture du 08 décembre 2021

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère chambre jugeant seule)


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 10 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C A demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958🏛 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 5132 7 du code de la santé publique🏛.

Il soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent l'obligation qu'a le législateur de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ainsi que les principes de nécessité des peines et d'égalité devant la loi pénale.

Par une intervention, enregistrée le 9 novembre 2011, l'association " Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes " demande, par les mêmes motifs que ceux exposés par M. A, que le Conseil d'Etat transmette au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique🏛 présentée par M. A à l'appui de sa requête.

La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre et au ministre de solidarités et de la santé, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958🏛 ;

- le code pénal ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association " Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes ", qui a notamment pour objet de promouvoir les applications thérapeutiques du cannabis, doit être regardée, en l'état du dossier, comme justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien de la requête présentée par M. A tendant à l'annulation du refus d'abroger l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants. Dès lors, son intervention au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A à l'appui de cette requête, présentée par un mémoire distinct, doit être admise pour l'examen de cette question prioritaire de constitutionnalité.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique🏛 : " Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, sans préjudice des dispositions réglementaires applicables aux plantes, substances ou préparations vénéneuses inscrites sur les listes I et II mentionnées au 4° de l'article L. 5132-1 contenues dans des produits autres que les médicaments à usage humain ". D'autre part, l'article L. 3421-1 du code de la santé publique🏛 institue un délit d'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants. Les articles 222-34 à 222-43-1 du code pénal🏛🏛 régissent les infractions relatives au trafic de stupéfiants, l'article 222-41 précisant que constituent des stupéfiants au sens de ces dispositions les substances ou plantes classées comme stupéfiants en application de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique🏛.

4. Les dispositions de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique🏛, applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire la définition du champ d'application du délit d'usage illicite de stupéfiants et des infractions relatives au trafic de stupéfiants, le législateur a méconnu le principe de légalité des délits, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 5132-7 est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil constitutionnel, à M. C A et à l'association " Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes ".

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2021 où siégeaient : M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 8 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Damien Botteghi

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

La secrétaire :

Signé : Mme D B456556

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