CE 3/8 ch.-r., 20-10-2021, n° 449292, mentionné aux tables du recueil Lebon
A6515498
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2021:449292.20211020
Référence
19-04-02-08 Pour l'application des 1 et 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts (CGI), la circonstance que le détenteur de titres ait souscrit un engagement de conservation est par elle-même sans incidence sur la nature des titres concernés.......Il en résulte que le prix d'acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value de cession de titres d'une société détenus en pleine propriété doit être égal à la moyenne pondérée du prix d'acquisition de l'ensemble des titres de cette même société détenus en pleine propriété à la date de la cession, y compris les titres pour lesquels un engagement de conservation a été souscrit, qui constituent une série de titres de même nature au sens et pour l'application du 3 de l'article 150-0 D du CGI.
M. et Mme J D ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013, à raison de plus-values réalisées sur la cession de titres de la société Financière A, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1803916 du 30 septembre 2019, ce tribunal a ramené la plus-value imposable réalisée lors de la cession des titres que Mme D détenait en pleine propriété à hauteur de la différence entre le prix effectif de cession de ces titres, net des frais et taxes acquittés à l'occasion de cette cession, et la valeur moyenne pondérée d'acquisition de de ces titres et a déchargé dans cette mesure M. et Mme D des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis.
Par un arrêt n° 19PA04111 du 3 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris⚖️ a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé ce jugement et remis à la charge de M. et Mme D les impositions supplémentaires dont le tribunal administratif avait prononcé la décharge.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 février, 30 avril et 23 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme D demandent au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de M. et Mme D ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 11 juillet 2013, Mme D, née A, a notamment cédé, dans le cadre d'un protocole d'ensemble, 1 530 000 titres de la société Financière A qu'elle détenait en pleine propriété et 5 814 000 titres de cette même société qu'elle détenait en nue-propriété. A l'issue d'un contrôle sur pièces dont M. et Mme D ont fait l'objet au titre de l'année 2013, l'administration leur a notifié des rehaussements d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, à raison de la plus-value réalisée lors de la cession des titres que Mme D détenait en pleine propriété. Par une réclamation du 13 novembre 2017, rejetée par l'administration le 8 janvier 2018, M. et Mme D ont demandé à ce que la plus-value de cession de ces titres soit calculée sur la base du prix moyen pondéré d'acquisition de l'ensemble des 5 610 000 titres que Mme D détenait en pleine propriété à la date de la cession et à ce que soit en conséquence prononcé le dégrèvement des impositions supplémentaires auxquelles ils avaient été assujettis. Ils se pourvoient contre l'arrêt du 3 décembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé le jugement du 30 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris avait prononcé la décharge des impositions supplémentaires en litige et remis ces dernières à leur charge.
2. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts🏛 : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci () ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation () / 3. En cas de cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, le prix d'acquisition à retenir est la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres ". Pour l'application de ces dispositions, la circonstance que le détenteur de titres ait souscrit un engagement de conservation est par elle-même sans incidence sur la nature des titres concernés.
3. Pour juger que M. et Mme D n'étaient pas fondés à soutenir que le prix d'acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value de cession des 1 530 000 titres de la société Financière A détenus en pleine propriété par Mme D et cédés le 11 juillet 2013 devait être égal à la moyenne pondérée du prix d'acquisition de l'ensemble des 5 610 000 titres de cette même société qu'elle détenait en pleine propriété à la date de la cession, y compris les 4 080 000 titres pour lesquels elle avait souscrit un engagement de conservation, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que ces derniers titres, compte tenu de l'engagement de conservation dont ils avaient fait l'objet, ne pouvaient être regardés comme constituant, avec les titres cédés, une série de titres de même nature au sens et pour l'application du 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts🏛. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme D sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme D au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
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Article 1er : L'arrêt du 3 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme D une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme J D et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 octobre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du Contentieux, présidant ; M. M G, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. K N, M. C F, M. L I, M. B O, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat-rapporteur
Rendu le 20 octobre 2021.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Jonathan Bosredon
La secrétaire :
Signé : Mme E H449292