COMM. FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 2 octobre 2012
Cassation sans renvoi
M. ESPEL, président
Arrêt no 956 F-D
Pourvoi no D 11-21.529
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ la société Sobef Siérom industries, société à responsabilité limitée, dont le siège est Villeurbanne,
2o/ M. Robert Y, domicilié Lyon, pris en qualité d'administrateur judiciaire de la société Sobef Siérom industries,
contre l'arrêt rendu le 19 avril 2011 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige les opposant
1o/ à la société FMC Baglione, société à responsabilité limitée, dont le siège est Saint-Priest,
2o/ à M. Bruno W, domicilié Lyon cedex 06, pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Sobef Siérom industries,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 septembre 2012, où étaient présents M. Espel, président, Mme Texier, conseiller référendaire rapporteur, M. Gérard, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Texier, conseiller référendaire, les observations de Me Jacoupy, avocat de la société Sobef Siérom industries et de M. Y, ès qualités, l'avis de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société FMC Baglione (le bailleur), propriétaire de locaux donnés à bail commercial à la société Sobef Siérom industries (le preneur) a, le 5 janvier 2009, fait commandement à ce dernier de payer un arriéré de loyers et diverses autres sommes en visant la clause résolutoire insérée au bail ; qu'une ordonnance de référé du 23 mars 2009 a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion du preneur et condamné celui-ci au paiement d'une somme provisionnelle au titre de l'arriéré de loyers et charges au 28 février 2009 ; que le preneur en a relevé appel le 10 avril 2009 puis a été mis en redressement judiciaire ;
Sur le moyen unique en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance du bailleur sur le preneur
Vu l'article L. 622-22 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie au principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance ; que tel n'est pas le cas de l'instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle ; que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge-commissaire ;
Attendu que le preneur ayant été mis en redressement judiciaire au cours de l'instance d'appel de l'ordonnance du juge des référés l'ayant condamné à payer une somme provisionnelle au titre de l'arriéré de loyers et charges, l'arrêt a fixé la créance du bailleur sur le preneur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur devait être renvoyé à suivre la procédure de vérification des créances, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties
Vu l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance constatant la résiliation du bail et ordonnant l'expulsion, l'arrêt retient que la créance du bailleur au titre des loyers et indemnités d'occupation a augmenté ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action introduite par le bailleur avant la mise en redressement judiciaire du preneur en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail pour défaut de paiement des loyers ou charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Réformant l'ordonnance du 23 mars 2009, déclare irrecevables les demandes de la société FMC Baglione ;
Condamne la société FMC Baglione aux dépens de cassation et à ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sobef Siérom industries et de M. Y, ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour la société Sobef Siérom industries et M. Y, ès qualités.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, statuant en référé, constaté la résiliation du bail commercial consenti à la société Sobef Sierom Industries et d'avoir fixé la créance de la société FMC Baglione sur la société précitée, dans le cadre de son redressement judiciaire prononcé au cours de l'instance d'appel,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
" Tant pour ce qui concerne les factures d'eau, d'électricité, que la taxe foncière, la société preneuse ne fait état que de créances hypothétiques qui ne permettent pas compensation judiciaire.
Au reste, elle apparaît incapable de les chiffrer faisant simplement état de ce que ce montant des sommes susceptibles d'être dues par la société SOBEF SIEROM INDUSTRIES était "très inférieur"
Comme noté judicieusement par l'intimée, l'appelante ne saurait être considérée comme étant de bonne foi, lorsqu'elle affirme ne pas vouloir payer son arriéré de loyer, ancien de plus d'une année, au motif que l'intimée lui serait redevable de la somme de 2.045,17 euros.
Il s'agit effectivement d'un prétexte pour ne pas honorer ses obligations contractuelles.
Il n'existe dans ces conditions aucune légitimité au sens de l'article 145 du code de procédure civile à ordonner une mesure d'expertise.
Il est avéré que sa créance au titre des loyers et des indemnités d'occupation de la société F. M. C. ... a augmenté, et s'élève à ce jour à la somme de 95.015 euros.
Il convient de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référé le 23 mars 2009, en ce qu'elle a condamné la société SOBEF SIEROM INDUSTRIES à lui verser la somme provisionnelle de 52.380 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges au 28 février 2009, ainsi que la somme de 400 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société preneuse n'ayant en réalité quitté les lieux que courant mai 2010 selon ses propres dires et la société SOBEF SIEROM INDUSTRIES a fait l'objet d'une décision de redressement judiciaire du tribunal de commerce de Lyon, il convient de tenir compte de l'évolution du litige pour actualiser la condamnation prononcée tant pour ce qui concerne l'indemnité d'occupation due, majoration prévue au bai4 tare foncière pour 2008 et 2009, clause pénale ",
ET AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE
" Attendu que par acte du 5 janvier 2009 la SARL F .M C. ... a fait délivrer à la SARL SOBEF SIEROM INDUSTRIES un commandement de payer un arriéré de loyers de 34.785, 34 euros, outre 3.478, 34 euros de majoration; 7.886, 63 euros de taxe foncière, 21.050 euros de dépôt de garantie, et 6.720 euros de clause pénale, en rappelant les dispositions de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial qui lui a été consenti le 11 mai 2007 ;
Que la SARL SOBEF SIEROM INDUSTRIES, qui ne comparaît pas, ne justifiant pas avoir apuré les causes de ce commandement dans le délai d'un mois suivant sa délivrance, et à tout le moins avoir réglé les quatre échéances de loyers réclamées dans cet acte, il y a donc lieu de constater la résiliation du bail, conformément aux dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce, et d'ordonner à la défenderesse et tous occupants de son chef de quitter les lieux dans le mois de la signification de la présente décision, sous peine d'expulsion par la force publique ;
Attendu que si l'arriéré de loyers dus au 28 février 2009 s'élève à la somme de 52.380, 94 euros, le montant de la taxe foncière réclamée n'est en revanche pas justifié, et aucun document ne démontre par ailleurs que le paiement du dépôt de garantie a été différé alors que le bail du 23 mai 2007 mentionne qu'il est versé lors de sa prise d'effet ;
Qu'en conséquence il convient de condamner la SARL SOBEF SIEROM INDUSTRIES au paiement provisionnel de la somme de 51380, 94 euros, la clause pénale ne pouvant en revanche justifier l'allocation d'une provision dès lors qu'elle est susceptible de modulation même d'office par la juridiction du fond en fonction du préjudice réellement subi qui n'est pas caractérisé par la demanderesse en l'espèce ",
ALORS QUE
L'instance en cours qui, aux termes de l'article L 622-22 du Code de Commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des. entreprises est interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance ; que tel n'est pas le cas de l'instance cm référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge commissaire ; qu'ainsi, en constatant la résiliation du bail consenti à la société Sobef Sierom Industries et en fixant la créance de la société FMC Baglione sur la société précitée, dont le redressement judiciaire avait été prononcé au cours de l'instance d'appel, alors que la société FMC Baglione devait être renvoyée à suivre la procédure normale de vérification des créances, la Cour d'Appel a violé l'article L 622-22 du Code de Commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005.