COMM. IK
COUR DE CASSATION
Audience publique du 2 octobre 2012
Rejet
M. ESPEL, président
Arrêt no 950 F-P+B
Pourvoi no U 10-25.633
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Wael Z, sous l'enseigne Kristina Tex Y, domicilié Alep (Syrie),
contre l'arrêt rendu le 22 juin 2010 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Pierre X, domicilié Colmar, pris en qualité d'administrateur judiciaire, puis de commissaire à l'exécution du plan de la société Schlumberger, société par actions simplifiée,
2o/ à Mme Anny V, domiciliée Colmar, prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Schlumberger,
3o/ à la société Schlumberger, société par actions simplifiée, dont le siège est Guebwiller,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 septembre 2012, où étaient présents M. Espel, président, M. Arbellot, conseiller référendaire rapporteur, M. Gérard, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Arbellot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Z, de la SCP Ghestin, avocat de M. X, ès qualités, de Mme V, ès qualités et de la société Schlumberger, l'avis de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 juin 2010, RG no 09/00266), que, par contrat du 5 octobre 2005, M. Z a commandé à la société Schlumberger la fabrication et l'achat de machines qui ont été livrées, comme convenu, à Lattakia (Turquie) le 6 février 2006 avant de rejoindre l'usine de M. Z située à Alep (Syrie) ; que, le 7 février 2006, la société Schlumberger a été mise en sauvegarde, M. V étant désigné mandataire judiciaire ; que, le 17 février 2006, M. Z a payé l'intégralité du prix, tandis que les machines ont été installées dans son usine le 9 mars 2006 ; que, lors de leur installation, M. Z a remarqué qu'elles portaient des plaques de l'année 2004, année de leur fabrication, et non de l'année 2006, année de leur délivrance, ce qui a entraîné le règlement de taxes et amendes douanières ; que, le 8 avril 2006, M. Z a déclaré cette créance indemnitaire éventuelle entre les mains du mandataire judiciaire à concurrence de 277 400 euros ; que, parallèlement, il a saisi le tribunal pour obtenir la condamnation de la société Schlumberger à lui payer la même somme, demande sur laquelle il a été sursis à statuer ; que, par ordonnance du 29 mai 2008, devenue définitive, le juge-commissaire a rejeté la créance indemnitaire de M. Z ; qu'après reprise de l'instance, le 18 novembre 2008, le tribunal a jugé irrecevable la demande formulée par M. Z en raison du caractère antérieur à la procédure de sa créance ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à voir condamner la société Schlumberger au paiement de la somme de 277 440 euros pour non-conformité et, par voie de conséquence, celle de 50 000 euros pour résistance abusive, alors, selon le moyen
1o/ que ne sont pas soumises à la procédure de déclaration des créances, celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture ; que la créance de réparation ne naît que lorsque sont réunies les conditions de la responsabilité contractuelle, à savoir un dommage causé par l'inexécution d'une obligation contractuelle ; qu'en énonçant, pour juger que la créance de M. Z était antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde au profit de la société Schlumberger, que c'est la date du contrat de vente qui devait être prise en considération et non la date d'apparition du dommage, lequel était intervenu postérieurement au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du code de commerce, par refus d'application, et l'article L. 622-24 du même code, par fausse application ;
2o/ qu'à tout le moins, ne sont pas soumises à la procédure de déclaration des créances, celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture ; que la créance de réparation résultant d'une délivrance non conforme trouve son origine dans la livraison et dans l'installation de la chose commandée ; qu'en retenant, pour juger que la créance de M. Z était antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde au profit de la société Schlumberger, que c'est la date du contrat de vente qui doit être prise en considération, la cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du code de commerce, par refus d'application, et l'article L. 622-24 du même code, par fausse application ;
3o/ qu'en tout état de cause, ne sont pas soumises à la procédure de déclaration des créances, celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture ; que le fait générateur de la délivrance conforme de la chose achetée est le paiement du prix par l'acquéreur ; qu'en retenant, pour juger que la créance de M. Z était antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde au profit de la société Schlumberger, que c'est la date du contrat de vente qui doit être prise en considération, après avoir pourtant constaté que le prix avait été payé par M. Z postérieurement au jugement d'ouverture, ce dont il résultait que sa créance était née postérieurement au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du code de commerce, par refus d'application, et l'article L. 622-24 du même code, par fausse application ;
Mais attendu que la créance de l'acquéreur née du défaut de conformité de la chose vendue ayant son origine au jour de la conclusion de la vente, de sorte que, si celle-ci est intervenue avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du vendeur, l'acquéreur doit la déclarer au passif de la procédure collective ; qu'après avoir énoncé que s'agissant d'une action en garantie ou en responsabilité contractuelle, c'est la date du contrat qui doit être prise en considération pour apprécier à quel moment est née la créance et non la date d'apparition du dommage et relevé que le contrat a été signé le 5 octobre 2005, soit antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel en a exactement déduit que la créance indemnitaire devait être déclarée dans la procédure collective, ce que M. Z avait d'ailleurs fait dès le 8 avril 2006 ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande formulée par Monsieur Z tendant à voir condamner la société SCHLUMBERGER au paiement de la somme de 277.440 euros pour non-conformité et, par voie de conséquence, celle de 50.000 euros pour résistance abusive, AUX MOTIFS, propres, QUE " S'agissant d'une action en garantie ou en responsabilité contractuelle, c'est bien la date du contrat qui doit être prise en considération pour apprécier à quel moment est née la créance, et non la date d'apparition du dommage ; Le contrat a été signé le 5 octobre 2005, soit antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ; En conséquence, la créance indemnitaire ne pouvait qu'être déclarée dans la procédure collective, ce que Monsieur Z avait d'ailleurs fait dès le 8 avril 2006 " ;
Et AUX MOTIFS, adoptés, QUE " Si la demande et le paiement étaient déjà effectués à la date de l'ouverture de la procédure, le fondement de la demande est celui de la non-conformité (aux prévisions contractuelles), au vice caché ou d'un dol dans l'exécution contractuelle ; L'obligation contractuelle, contestée et éventuellement inexécutée avec ses suites dommageables, a pris naissance, au jour de la conclusion du contrat ; Il s'agit d'une demande de créance en numéraire, d'une créance de réparation ; Cette créance a son origine au jour de la conclusion du contrat même si le préjudice ne s'est réalisé que postérieurement au jugement d'ouverture, soumise à déclaration, pour laquelle le juge commissaire a, maintenant, statué " ;
ALORS QUE ne sont pas soumises à la procédure de déclaration des créances, celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture ; que la créance de réparation ne naît que lorsque sont réunies les conditions de la responsabilité contractuelle, à savoir un dommage causé par l'inexécution d'une obligation contractuelle ; qu'en énonçant, pour juger que la créance de Monsieur Z était antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde au profit de la société SCHLUMBERGER, que c'est la date du contrat de vente qui devait être prise en considération et non la date d'apparition du dommage, lequel était intervenu postérieurement au jugement d'ouverture, la Cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du Code de commerce, par refus d'application, et l'article L. 622-24 du même Code, par fausse application ;
ALORS, à tout le moins, QUE ne sont pas soumises à la procédure de déclaration des créances, celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture ; que la créance de réparation résultant d'une délivrance non conforme trouve son origine dans la livraison et dans l'installation de la chose commandée ; qu'en retenant, pour juger que la créance de Monsieur Z était antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde au profit de la société SCHLUMBERGER, que c'est la date du contrat de vente qui doit être prise en considération, la Cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du Code de commerce, par refus d'application, et l'article L. 622-24 du même Code, par fausse application ;
ALORS, en tout état de cause, QUE ne sont pas soumises à la procédure de déclaration des créances, celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture ; que le fait générateur de la délivrance conforme de la chose achetée est le paiement du prix par l'acquéreur ; qu'en retenant, pour juger que la créance de Monsieur Z était antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde au profit de la société SCHLUMBERGER, que c'est la date du contrat de vente qui doit être prise en considération, après avoir pourtant constaté que le prix avait été payé par Monsieur Z postérieurement au jugement d'ouverture, ce dont il résultait que sa créance était née postérieurement au jugement d'ouverture, la Cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du Code de commerce, par refus d'application, et l'article L. 622-24 du même Code, par fausse application.