IF/FA
MINUTE N° 21/264
Copie exécutoire à :
- Me Orlane AUER
- Me Marion BORGHI
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 10 Mai 2021
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 20/02900 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNAO
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 septembre 2020 par le juge de l'exécution de strasbourg
APPELANTE :
Madame Aa A Défenderesse et Appelante
7 rue Maix Gammeron
54480 VAL-ET-CHATILLON
Représentée par Me Orlane AUER, avocat au barreau de COLMAR
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004070 du 13/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)
INTIMÉ :
Monsieur B C Demandeur et intimé
46 rue de l'Angle
67000 STRASBOURG
Représenté par Me Marion BORGH], avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 février 2021, en audience publique, devant la cour composée de
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
Monsieur FREY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme X
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 31 mai 2018, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Colmar du 9 décembre 2019, le congé pour reprise délivré le 19 mai 2017 par Monsieur B C a été validé et l'expulsion de Madame Aa A du logement qui lui avait été donné à bail au 13 rue de la Tanche à Strasbourg a été ordonnée.
Le 12 juin 2018, Monsieur B C a fait délivrer à Madame Aa A un commandement de quitter les lieux.
Par jugement du 27 juillet 2018, le juge de l'exécution de Strasbourg a accordé à Madame A un délai d'évacuation de neuf mois, jusqu'au 31 mars 2019.
Par jugement du 3 avril 2019, le tribunal d'instance de Strasbourg a débouté Madame Aa A de sa nouvelle demande de délai d'évacuation.
Le 3 octobre 2019, Maître Gérard Wagner, huissier de justice, a dressé un procès-verbal d'expulsion, constatant que le logement était totalement garni de mobiliers, affaires personnelles, notamment vestimentaires et aliments. L'huissier a précisé que toutes les choses étaient empilées dans un ordre empirique et que le mobilier et les effets étaient dépourvus de valeur marchande. Il a, dans le même acte, délivré assignation à Madame A devant le juge de l'exécution de Strasbourg, aux fins de voir statuer sur le sort des meubles et de la voir condamner au paiement d'une somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce procès-verbal a été signifié à Madame Aa A le 5 octobre 2019 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
Le 28 octobre 2019, Maître Wagner a dressé un procès-verbal de difficultés, signifié à Madame A le 30 octobre 2019 dans les mêmes conditions.
Dans le cadre de la procédure devant le juge de l'exécution, Madame A a soulevé la nullité de l'assignation, a conclu au rejet des demandes, a demandé qu'il soit constaté que ses biens n'ont pas été entreposés de manière appropriée, qu'ils ont été dégradés et a sollicité paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Monsieur C a conclu à la validité de l'assignation, au rejet des demandes, et a sollicité que les biens de la défenderesse soient déclarés abandonnés et que Madame A soit condamnée aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 10 septembre 2020, le juge de l'exécution de Strasbourg a:
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par Madame A,
- débouté Madame A de toutes ses autres demandes,
- rappelé que les documents et papiers personnels doivent être placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier,
- déclaré abandonnés tous les biens mobiliers de Madame Aa A Y comme n'ayant pas une valeur marchande par le procès-verbal du 3 octobre 2019,
- autorisé en conséquence Monsieur B C à en faire l'usage qu'il souhaite : les donner ou les détruire,
- dit qu'en cas de destruction, les frais resteront à la charge de Madame Aa A,
- condamné Madame Aa A à payer à Monsieur B C la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame Aa A aux entiers frais et dépens de la procédure,
- rappelé que la décision est exécutoire par provision de plein droit.
Madame Aa A a interjeté appel de cette décision le 9 octobre 2020.
Par écritures notifiées le 19 janvier 2021, elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :
-dire et juger que les biens appartenant à Madame A n'ont pas été entreposés dans un lieu approprié,
-constater la dégradation et la destruction des biens appartenant à Madame A alors que ceux-ci étaient mis sous main de justice,
-constater que Monsieur C ne s'explique pas sur les conditions de stockage des meubles appartenant à Madame A, mais également sur la dégradation de certains d'entre eux et sur la disparition des autres,
-condamner Monsieur C à verser à Madame A la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi du fait de cette dégradation,
-accorder à Madame A un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir pour récupérer l'ensemble de ses biens en possession de Monsieur C,
-débouter Monsieur C de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-condamner Monsieur C aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle n'a pas été en mesure de débarrasser le logement de l'ensemble de ses biens en raison de son hospitalisation ; que ses biens ne sont pas décrits comme cassés ou hors d'usage dans le procès-verbal du 5 octobre 2019 ; que lorsqu'elle a voulu les récupérer, elle a constaté qu'ils avaient été entreposés sans aucun ménagement ; que les appareils électroménagers ont été entreposés sur le balcon sans aucune protection ; que la cave et le garage ne pouvaient constituer des lieux appropriés au stockage de biens, en l'absence de possibilité de verouillage et de limitation d'accès; qu'elle a pu de même constater que certains de ses meubles qu'elle a pu récupérer avant son hospitalisation ont été détruits ou endommagés et que d'autres ont purement et simplement disparus ; qu'elle subit un préjudice, puisqu'elle se voit contrainte de remplacer ses biens personnels.
Par écritures notifiées le 14 décembre 2020, Monsieur B C a conclu au rejet de l'appel et des demandes de Madame A et a sollicité la confirmation du jugement déféré ainsi que condamnation de l'appelante aux dépens et à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que Madame A, qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, abuse de son droit d'agir en justice; qu'à l'issue des opérations d'expulsion, les effets de Madame A sont restés dans l'appartement, dont la serrure a été changée ; que le 11 octobre 2019, Maître Wagner a mandaté une société Daytona pour déplacer les biens de l'appelante vers le sous-sol, dans la cave et le garage pour les y stocker en attendant qu'elle effectue son déménagement ; que Madame A et son compagnon ont cependant perturbé ces opérations, en faisant irruption dans l'appartement et récupérant des biens ; qu'il a été constaté par l'huissier qu'un nouvel inventaire était impossible, en raison du désordre extrême dans les lieux ; qu'au 28 octobre 2019, Madame A n'avait fait aucune demande officielle de restitution de ses biens ; qu'elle a de même conservé la clef de la porte d'entrée de l'immeuble et celles du sous-sol et de la cave et en a fait usage.
Il fait valoir qu'aucun préjudice n'est démontré, les affaires de l'appelante ayant été trouvées dans un état de grand désordre lors de l'expulsion.
MOTIFS
L'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. À défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire.
L'article L 433-2 prévoit qu'à l'expiration du délai imparti, il est procédé à la mise en vente aux enchères publiques des biens susceptibles d'être vendus. Les biens qui ne sont pas susceptibles d'être vendus sont réputés abandonnés.
Il résulte en l'espèce des constatations contenues dans le procès-verbal dressé le 3 octobre 2019 que les affaires personnelles de Madame A étaient empilées dans un ordre empirique, rendant impossible de trouver les papiers personnels mélangés à toutes sortes de documentations, notamment journaux et publicités en masse ; que des aliments à l'air libre étaient présents. L'huissier a procédé à l'inventaire des meubles et objets, trouvés tout enchevêtrés et dont il a été noté qu'ils étaient dans un état d'usage, sales et potentiellement infestés. Il a été également relevé que les vêtements étaient entreposés pour partie dans les armoires et pour la plus grande partie en boule ou en tas à même le sol, de façon désordonnée et que certains que l'huissier a touchés étaient sales et graisseux ; que la cave était jonchée au sol par des objets manifestement au rebut et souvent cassés ; qu'il en était de même dans le garage.
Dans le procès-verbal de difficultés dressé le 28 octobre 2019, l'huissier indique avoir mandaté le 11 octobre 2019 la société Daytona pour déplacer les effets mobiliers de Madame A au sous-sol dans la cave et le garage ; que les opérations ont débuté le 18 octobre 2019; que cependant, le 19 octobre, Madame A et une personne présentée comme son concubin se sont présentées sur place, ont forcé l'entrée dans les lieux et sont restés seuls dans l'appartement en remplissant des sacs, l'employé de l'entreprise Daytona ayant préféré partir en raison de leur agressivité ; que les opérations de déplacement des objets ont repris plus tard, pour se terminer le 26 octobre 2019. L'huissier a noté que compte tenu du désordre indescriptible existant déjà au moment de l'expulsion, accentué par l'irruption forcée de Madame A et de son compagnon, un nouvel inventaire des lieux s'est révélé impossible à réaliser, sauf à employer des moyens de manutention dont le coût dépasserait largement la valeur des choses en place.
Le désordre régnant dans les lieux et l'absence de soin porté par Madame A au stockage de ses affaires résultent clairement des photographies prises par l'huissier lors des opérations d'expulsion le 3 octobre 2019.
Madame A ne verse au dossier aucune preuve de ce que des objets et meubles, dont elle se borne à donner une liste manuscrite, auraient disparus, alors qu'il résulte du procès-verbal du 3 octobre 2019 que les serrures et verrous de l'appartement et de la cave, permettant d'accéder au garage, ont été changés par un serrurier ; que ses effets personnels ne sont ainsi pas restés à la portée de tous, mais ont été stockés dans des endroits clos, sur lesquels l'huissier a apposé une affiche portant interdiction d'entrée.
Par ailleurs, si les photographies qu'elle produit permettent de constater la présence, non contestée, sur le balcon, d'un appareil électroménager, il sera constaté que l'appareil, de grande taille, est conditionné de manière à être protégé des intempéries.
Il doit être tiré de ces éléments que Madame A, qui a pu le 19 octobre 2019 reprendre une partie de ses effets dont la liste n'a pu être dressée, ne justifie pas d'une faute de Monsieur C dans l'entreposage d'effets déclarés comme n'ayant pas de valeur marchande, pour lesquels elle n'a pas indiqué d'endroit de stockage à ses frais et qu'elle n'a pas repris dans les délais qui lui avaient été impartis, étant relevé qu'elle ne justifie d'une hospitalisation que pour la période du 7 au 12 décembre 2019.
Elle ne justifie de même d'aucun préjudice, à défaut de démontrer que des meubles ou objets ont été dégradés ou perdus par la faute du bailleur.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et a statué, conformément aux dispositions applicables, sur le sort des meubles.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Partie perdante, Madame A sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel,
conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du même code.
Il sera en revanche fait droit à la demande de Monsieur C au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits en appel, à hauteur de la somme de 900 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré,
Y ajoutant,
CONDAMNE Madame Aa A à payer à Monsieur B C la somme de 900 euros (neuf cents euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Madame Aa A de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame Aa A aux dépens de l'instance d'appel.
La Greffière La Présidente de chambre