ARRÊT N°
N° RG 19/01480
N° Portalis DBVH-V-B7D-HKCH
CO-NT
JUGE DE L'EXÉCUTION D'AVIGNON
14 mars 2019
RG:19/00056
A
B
Grosse délivrée
le 20/01/2021
à Me HILAIRE-LAFON
à Me REINHARD
COUR D'APPEL DE NÎMES
4ème CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 20 JANVIER 2021
Monsieur Aa A
né le … … … à … (…)
…
… … … …
Représenté par Me Philippe HILAIRE-LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur Ab B
né le … … … à … … …
… … … … … … …
Représenté par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Claire OUGIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Monsieur Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller
Madame Claire OUGIER, Conseillère
GREFFIÈRE :
Mme Nathalie TAUVERON, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 10 Décembre 2020, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Janvier 202
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 20 Janvier 2021, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 10 avril 2019 par Monsieur Aa A à l'encontre du jugement prononcé le 14 mars 2019 par le Juge de l'exécution près le tribunal judiciaire d'Avignon dans l'instance n°19/00056 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 septembre 2019 par l'appelant et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 juillet 2019 par Monsieur Ab B, intimé, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 23 avril 2020 et à effet différé au 11 juin 2020.
Par jugement en date du 28 avril 2017, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a condamné Monsieur Aa A à payer à Monsieur Ab B une somme de 25.000 euros à majorer des intérêts judiciaires.
Le 15 juin 2017, ce jugement était signifié à Monsieur A par remise à son domicile conformément aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile, et au visa du règlement CE 1393/2007 du 13 novembre 2007.
Le 14 août 2018, un procès verbal de saisie vente était dressé par huissier aux fins de recouvrement d'un solde de 15.718,92 euros, à l'initiative de Monsieur B en vertu de ce jugement et dénoncé à Monsieur A en personne.
Par exploit du 12 septembre 2018, Monsieur A a fait assigner Monsieur B devant le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Avignon aux fins de voir constater la nullité du
procès verbal de saisie vente du 14 août 2018.
Par jugement en date du 14 mars 2019, le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Avignon a débouté Monsieur A de ses demandes et l'a condamné à verser à Monsieur B une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Monsieur Aa A a relevé appel de ce jugement pour le voir réformer entièrement.
Dans ses dernières écritures, il demande à la Cour de :
vu le règlement n°1393/2007 du conseil de l'Europe et les articles 680 et 683 du code de
procédure civile,
constater la nullité de la signification du jugement rendu par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles le 28 avril 2017 pour défaut de mention des voies de recours et défaut de date et réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
vu les articles 503 du code de procédure civile et L111-3 du code des procédures civiles d'exécution,
mettre à néant le procès verbal de saisie-vente dressé par Maître Nicolas Tardy, huissier de justice le 14 août 2018 et réformer de plus belle la décision entreprise,
vu l'article L111-18 du code des procédures civiles d'exécution,
dire que tous les frais d'exécution seront à la charge de Monsieur B,
subsidiairement, vu l'article L112-2 du code des procédures civiles d'exécution, dire insaisissables les biens saisis pour être indispensables à l'activité professionnelle de Monsieur A,
plus subsidiairement encore et vu l'article 1343-5 du code civil,
suspendre l'exécution et accorder à Monsieur A les plus larges délais de paiement,
condamner Monsieur B à porter et payer à Monsieur A la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner Monsieur B aux dépens.
Monsieur Ab B conclut pour sa part à la confirmation en tous points du jugement rendu par le Juge de l'exécution, au débouté de l'intégralité des demandes, fins et prétentions adverses, et il demande reconventionnellement condamnation de Monsieur A à lui payer une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la nullité de la signification du jugement rendu par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles le 28 avril 2017 :
Monsieur A soutient qu'en vertu du règlement n°1393/2007 du conseil de l'Europe en
date du 13 novembre 2007, chapitre II article 7, l'entité requise procède ou fait procéder à la signification ou à la notification de l'acte conformément à la législation de l'Etat membre
requis, la France en l'occurrence.
De même, l'article 9 du même règlement renvoie à la législation de l'Etat membre requis et l'article 15 rappelle que toute personne intéressée à une instance judiciaire peut faire procéder à la signification ou à la notification d'actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétentes de l'Etat membre requis, lorsqu'une telle signification ou notification directe est autorisée par la Loi de cet Etat membre.
Dès lors, il considère que les règles de droit international privé renvoient pour les actes délivrés en France à la législation française, laquelle, par les dispositions des articles 680 et 683 du code de procédure civile, impose à peine de nullité la présence de certaines mentions sur l'acte.
En l'espèce, la signification délivrée par la SCP Quenin Tourre, huissiers de justice à Nîmes, ne comportant aucune mention des voies de recours ouvertes, ni précision de la date, serait ainsi nulle, ce qui lui a causé un grief puisqu'il n'a dès lors pu saisir la juridiction compétente d'un recours.
Enfin, il relève qu'il n'existe aucune présomption de connaissance d'une Loi étrangère, de sorte que le fait de ne pas rappeler les voies de recours ouvertes contre une décision étrangère est par nature préjudiciable.
A l'inverse, Monsieur Ac fait valoir que l'article 680 du code de procédure civile n'est applicable qu'aux jugements rendus par les juridictions françaises, tandis que les notifications des actes judiciaires provenant de l'étranger sont régies par les règles prévues à la section V intitulée « Règles particulières aux notifications internationales ».
Il soutient que la Loi belge ne prévoit pas que la signification doit contenir la mention des délais de recours et que la signification a donc bel et bien été délivrée conformément à la législation de l'Etat membre requis qui n'exige pas une telle mention pour la signification des jugements étrangers.
Est en cause la signification d'un jugement rendu par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles en date du 28 avril 2017.
L'article 680 du code de procédure civile qui se trouve dans la section IV intitulée « règles particulières à la notification des jugements » n'est applicable qu'aux jugements rendus par les juridictions françaises, par distinction avec la section V du même code qui comprend les « règles particulières aux notifications internationales ».
Il n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce et est vainement invoqué par l'appelant.
L'article 683 du code de procédure civile qui est précisément le premier de la section V précitée dispose que « les notifications des actes judiciaires et extrajudiciaires à l'étranger ou en provenance de l'étranger sont régies par les règles prévues par la présente section, sous réserve de l'application des règlements européens et des traités internationaux. »
Aucun autre article de cette section ne prescrit d'exigences quant aux mentions requises sur ladite signification.
S'agissant des règlements européens, c'est à juste titre que l'appelant invoque le règlement 1393/2007 du parlement européen et du conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.
En effet, selon les dispositions mêmes de ce règlement -tel qu'il était en vigueur lors de la
signification litigieuse, en son article 1er, il est applicable en matière civile et commerciale
lorsqu'un acte judiciaire ou extrajudiciaire doit être transmis d'un Etat membre à un autre
pour y être signifié ou notifié.
Selon l'article 7.1 du règlement, « l'entité requise procède ou fait procéder à la signification ou à la notification de l'acte soit conformément à la législation de l'Etat membre requis, soit selon le mode particulier demandé par l'entité d'origine, sauf si ce mode est incompatible avec la Loi de cet Etat membre ».
L'article 15 ajoute que « toute personne intéressée à une instance judiciaire peut faire procéder à la signification ou à la notification d'actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétentes de l'Etat membre requis, lorsqu'une telle signification ou notification directe est autorisée par la loi de cet Etat membre. »
Il résulte de ces dispositions que l'huissier de justice instrumentaire français en charge de la signification en France du jugement rendu par le Tribunal belge devait procéder à celle-ci conformément à la législation française et donc conformément aux dispositions de l'article 683 du code de procédure civile, ce qu'il a fait.
Si, effectivement, Monsieur A pouvait être ignorant des voies de recours qui lui étaient ouvertes contre ce jugement, il lui appartenait de s'en enquérir auprès des autorités judiciaires belges compétentes, ayant toute possibilité de le faire avec les informations délivrées au moyen de l'acte de signification.
Le moyen soulevé ne peut donc qu'être rejeté.
Sur l'annulation du procès verbal de saisie-vente dressé par Maître Nicolas Tardy, huissier de justice, le 14 août 2018 et la charge des frais d'exécution :
Monsieur A fait valoir que le jugement belge n'ayant pas été régulièrement signifié, il ne peut être exécuté et ne vaut donc pas titre exécutoire. Il en déduit que le procès verbal de saisie vente en date du 14 août 2018 qui constitue une voie d'exécution de ce jugement doit donc être mis « à néant ».
De même, selon lui, en vertu des dispositions de l'article L111-18 du code des procédures civiles d'exécution, les frais d'exécution forcés sont à la charge du débiteur tandis que les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier. Soutenant la nullité de la signification, il conclut donc à l'imputation de ces frais au créancier.
Monsieur B soutient la régularité de la signification et, partant, celle de la saisie diligentée sur le fondement de ce titre devenu exécutoire.
La Cour ayant retenu au bénéfice des considérations précédentes la validité de la signification délivrée à Monsieur A du jugement rendu par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles le 28 avril 2017, cet acte judiciaire constitue un titre exécutoire étranger énuméré à l'article L111-3 du code des procédures civiles d'exécution et a donc pu régulièrement fonder la saisie diligentée.
En application du texte cité par l'appelant, c'est bien à lui qu'incombent les frais d'exécution forcée engagés sur ce titre exécutoire.
Sur l'insaisissabilité des biens saisis :
Monsieur A soutient que la saisie diligentée a porté sur des biens qui sont indispensables à son activité professionnelle, seule source de revenus dont il dispose, et qu'elle enfreint donc les dispositions de l'article L112-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Monsieur B relève que les biens saisis ne sont pas les instruments de travail du débiteur mais des marchandises et que la saisie est donc parfaitement régulière.
Selon le procès verbal de saisie vente dressé par huissier de justice le 14 août 2018, ont été saisis : « un meuble peint 2 portes, une table Getlet noire, une table suisse bois brut, un buffet bois peint 2 portes dessus marbre, 2 fauteuils de style renaissance italienne. »
Etant établi par la lecture du jugement du tribunal de première instance francophone de Bruxelles en date du 28 avril 2017 que Monsieur A exerçait la profession d'antiquaire, il en résulte que les meubles saisis sont effectivement de simples marchandises dont celui-ci souhaitait faire commerce mais que la saisie ne porte pas sur l'instrument de travail et n'affecte pas l'exercice même de son activité professionnelle. Elle est donc à ce titre
Sur la demande de délais de paiement :
Monsieur A fait valoir qu'il est un débiteur malheureux mais de bonne foi et qu'au regard de sa situation actuelle, des délais de paiement peuvent lui être accordés sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, et l'exécution suspendue ; ce à quoi l'intimé s'oppose fermement.
La Cour retient que depuis la signification du jugement du 28 avril 2017, plus de trois années se sont écoulées et qu'ainsi, les besoins du créancier s'opposent à ce qu'il soit accordé des délais de paiement pour une dette ancienne.
Sa demande doit donc être rejetée.
Sur les frais de l'instance :
Monsieur A, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à Monsieur B une somme équitablement arbitrée à 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que Monsieur Aa A supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à Monsieur Ab B une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Madame Nathalie TAUVERON, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,