Jurisprudence : Cass. civ. 1, 16-09-2020, n° 18-50.080, FS-P+B+R, Cassation partielle

Cass. civ. 1, 16-09-2020, n° 18-50.080, FS-P+B+R, Cassation partielle

A37263UK

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C100519

Identifiant Legifrance : JURITEXT000042372068

Référence

Cass. civ. 1, 16-09-2020, n° 18-50.080, FS-P+B+R, Cassation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/60456443-cass-civ-1-16092020-n-1850080-fsp-b-r-cassation-partielle
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Abstract

Mots clés : filiation • maternité • gestation pour autrui (GPA) • transgenre • parent biologique • état civil • intérêt de l'enfant • loi bioéthique Deux arrêts récents, rendus respectivement par la CEDH et la Cour de cassation les 16 juillet 2020 et 16 septembre 2020, soulèvent la question des maternités particulières, qui relèvent à la fois de l'intention et du biologique mais sans accouchement, alors même que le droit français définit la mère comme celle ayant porté et mis l'enfant au monde. 1° En l'état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l'état civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n'est pas privée du droit de faire reconnaître un lien de filiation biologique avec l'enfant, mais ne peut le faire qu'en ayant recours aux modes d'établissement de la filiation réservés au père ; 2° de surcroît, la loi française ne permet pas de désigner, dans les actes de l'état civil, le père ou la mère de l'enfant comme " parent biologique ".






COUR DE CASSATION

Audience publique du 16 septembre 2020

Mme BATUT, président

Pourvois n° H 18-50.080

X 19-11.251 JONCTION



FB

Cassation partielle

Arrêt n° 519 FS-P+B+R



Aide juridictionnelle totale en défense

au profit du président du conseil départemental

du Vaucluse, en qualité d'administrateur ad hoc

de A B.

Admissions du bureau d'aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date des 27 septembre 2019

et 12 novembre 2019.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020

| - Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier, domicilié en son parquet général, 1 rue Foch, 34023 Montpellier cedex 1, a formé le pourvoi n° H 18-50.080 contre un arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (3° chambre A et B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme Aa Ab, domiciliée … … … … …, … …,

2°/ au président du conseil départemental de Vaucluse, domicilié … …, … …, … … … …,

3°/ à Mme Ac B, domiciliée … … … … …, … …,

défendeurs à la cassation.

Parties intervenantes :

- l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), dont le siège est 34 avenue du docteur Gley, 75020 Paris,

- l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE), dont le siège est 11 rue Caillaux, 75013 Paris.

I1- Mme Aa Ab a formé le pourvoi n° X 19-11.251 contre le même arrêt et contre un arrêt rendu le 21 mars 2018 par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Montpellier,

2°/ au président du conseil départemental de Vaucluse,

3°/ à Mme Ac B,

défendeurs à la cassation.

Parties intervenantes :

- l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL),

- l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE).

Le demandeur au pourvoi n° H 18-50.080 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi n° X 19-11.251 invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de Mmes Ab et B, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du président du conseil départemental de Vaucluse, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des associations APGL et ACTHE, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° H 18-50.080 et X 19-11.251 sont joints.

Intervention

2. L'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) et l'Association commune trans et homo pour l'égalité (ACTHE) sont reçues en leur intervention volontaire accessoire.

Déchéance partielle du pourvoi n° X 19-11.251, examinée d'office

3. Selon l'article 978 du code de procédure civile, à peine de déchéance, le demandeur en cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

4. Mme Ab s'est pourvue en cassation contre l'arrêt avant dire droit du 21 mars 2018 mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de cette décision.

5. |ly alieu en conséquence de constater la déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt.


Faits et procédure

6. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 14 novembre 2018), Mme B et M. Ab se sont mariés le 14 août 1999. Deux enfants sont nés de cette union, Mérové le 18 novembre 2000 et Sylvère le 13 mai 2004.

7. En 2009, M. Ab a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier d'une demande de modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil. Un jugement du 3 février 2011 a accueilli sa demande et dit qu'il serait désormais inscrit à l'état civil comme étant de sexe féminin, avec Clarisse pour prénom. Cette décision a été portée en marge de son acte de naissance et de son acte de mariage.

8. Le 18 mars 2014, Mme B a donné naissance à un troisième enfant, A B, conçue avec Mme Ab, qui avait conservé la fonctionnalité de ses organes sexuels masculins. L'enfant a été déclarée à l'état civil comme née de Mme B.

9. Mme Ab a demandé la transcription, sur l'acte de naissance de l'enfant, de sa reconnaissance de maternité anténatale, ce qui lui a été refusé par l'officier de l'état civil.


Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° X 19-11.251, pris en ses deuxième et quatrième à huitième branches, en ce qu'il est dirigé contre le chef de dispositif rejetant la demande de transcription de la reconnaissance de maternité et les autres demandes de Mme Ab

Ad du moyen

10. Mme Ab fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transcription, sur les registres de l'état civil, de la reconnaissance de maternité faite avant la naissance et de rejeter ses autres demandes, alors :

« 1°/ que la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil, l'indication d'un sexe autre que masculin ou féminin ; que dès lors, ne peut figurer, sur un acte de l'état civil, le lien de filiation d'un enfant avec un « parent biologique », neutre, sans précision de sa qualité de père ou de mère ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de voir reconnaître la réalité de sa filiation biologique avec Mme Ab ; que l'établissement d'une filiation par la voie de l'adoption était, en l'occurrence, impossible ; que la cour d'appel a également constaté que le droit au respect de la vie privée de Mme Ab excluait qu'il puisse lui être imposé une filiation paternelle ; qu'il se déduisait de ces constatations, relatives à la nécessité, pour l'intérêt supérieur de l'enfant, de reconnaître la filiation biologique avec Mme Ab, mais l'impossibilité de faire figurer sur l'acte de naissance de A B une filiation paternelle à l'égard de Mme Ab, que seule la mention de Mme Ab en qualité de mère, était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée de Mme Ab et de A B ; qu'en jugeant le contraire, aux motifs inopérants et erronés qu'une telle filiation « aurait pour effet de nier à A la filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant les articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les article 3-1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

2°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Ab est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a constaté que l'existence d'un lien biologique entre Mme Ab et A B n'était pas contestée ; qu'en jugeant que l'intérêt de l'enfant A B était de voir reconnaître avec Mme Ab un lien de filiation non sexué, aux motifs que l'établissement d'un lien de filiation maternelle aurait pour effet de lui nier toute filiation paternelle et de brouiller la réalité de la filiation maternelle, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si à l'inverse le fait d'établir une filiation non maternelle avec Mme Ab n'était pas susceptible d'entraîner, pour l'enfant, des conséquences négatives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 $ 1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

3°/ qu'en application de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; que cette disposition interdit de traiter de manière différente, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables et prohibe les discriminations liées notamment à l'identité sexuelle des personnes ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Ab est de sexe féminin à l'état civil ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que l'existence d'un lien biologique entre Mme Ab et A B n'était pas contestée ; qu'en refusant de faire produire effet à la reconnaissance prénatale de maternité établie par Mme Ab et de reconnaître Mme Ab comme la mère de A B, par des motifs inopérants, cependant qu'une personne née femme ayant accouché d'un enfant peut faire reconnaître le lien de filiation maternelle qui l'unit à son enfant biologique, la cour d'appel a créé entre les femmes ayant accouché de l'enfant et les autres mères génétiques une différence de traitement qui ne peut être considérée comme justifiée et proportionnée aux objectifs poursuivis, peu important à cet égard que cela conduise à l'établissement d'un double lien de filiation maternelle biologique, et a violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que le conjoint de même sexe que le parent biologique d'un enfant est autorisé à adopter l'enfant dans le cadre d'une adoption plénière, de sorte qu'un enfant peut se voir reconnaître un lien de filiation avec deux personnes de même sexe ; que si le législateur a estimé qu'une double filiation maternelle ne pouvait être établie que par la voie de l'adoption, c'est pour ne pas porter atteinte à la vérité biologique ; que dès lors, l'établissement d'une double filiation maternelle par la voie de l'accouchement et de la reconnaissance prénatale doit être admise lorsqu'elle n'est pas contraire à la vérité biologique ; qu'en refusant à Mme Ab l'établissement d'un lien de filiation maternelle avec son enfant biologique, par des motifs inopérants tenant notamment au fait qu'elle était de même sexe que la mère biologique de l'enfant avec lequel un lien de filiation maternelle était déjà établi et que la loi nationale ne permettrait pas l'établissement d'une double filiation maternelle, la cour d'appel a créé une différence de traitement non justifiée entre les personnes pouvant adopter l'enfant de leur conjoint et les personnes liées biologiquement à un enfant et a ainsi derechef violé l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que, en définitive, en refusant de reconnaître l'existence d'un lien de filiation maternelle entre Mme Ab et l'enfant A B aux motifs qu'une déclaration de maternité non gestatrice aurait « pour effet de nier à A toute filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », tandis que la réalité du lien biologique unissant A B tant à Mme B qu'à Mme Ab n'était pas contestée et que les deux filiations maternelles ainsi établies, l'une par la reconnaissance prénatale et l'autre par la mention du nom de Mme B sur l'acte de naissance après l'accouchement, n'étaient pas concurrentes et ne se contredisaient pas, la cour d'appel a en réalité refusé de faire droit à la demande de Mme Ab en raison de sa transidentité et a, ainsi, violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ que, subsidiairement, le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu sans distinction selon la naissance ; qu'un lien de filiation maternelle peut être établi à l'égard d'une mère d'intention ; qu'en l'espèce, outre le lien biologique existant entre Mme Ab et A B, il n'était pas contesté que Mme Ab s'est toujours comportée, et se comporte toujours, comme une mère d'intention pour l'enfant ; qu'en application du droit au respect de la vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant, la filiation maternelle entre Mme Ab et A B doit donc être reconnue et inscrite dans les registres d'état civil de l'enfant ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 3, $ 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

11. Aux termes de l'article 61-5 du code civil, toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification. Selon l'article 61-6 du même code, le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus d'accueillir la demande, de sorte que la modification du sexe à l'état civil peut désormais intervenir sans que l'intéressé ait perdu la faculté de procréer.

12. Si l'article 61-8 prévoit que la mention du sexe dans les actes de l'état civil est sans effet sur les obligations contractées à l'égard des tiers ni sur les filiations établies avant cette modification, aucun texte ne règle le mode d'établissement de la filiation des enfants engendrés ultérieurement.

13. Il convient dès lors, en présence d'une filiation non adoptive, de se référer aux dispositions relatives à l'établissement de la filiation prévues au titre VII du livre premier du code civil.

14. Aux termes de l'article 311-25 du code civil, la filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant.

15. Aux termes de l'article 320 du même code, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait.

16. Ces dispositions s'opposent à ce que deux filiations maternelles soient établies à l'égard d'un même enfant, hors adoption.

17. En application des articles 313 et 316, alinéa 1”, du code civil, la filiation de l'enfant peut, en revanche, être établie par une reconnaissance de paternité lorsque la présomption de paternité est écartée faute de désignation du mari en qualité de père dans l'acte de naissance de l'enfant.

18. De la combinaison de ces textes, il résulte qu'en l'état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l'état civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n'est pas privée du droit de faire reconnaître un lien de filiation biologique avec l'enfant, mais ne peut le faire qu'en ayant recours aux modes d'établissement de la filiation réservés au père.

19. Aux termes de l'article 3, S$ 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. Selon l'article 7, $ 1, de cette Convention, l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux.

20. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

21. Aux termes de l'article 14, la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

22. Les dispositions du droit national précédemment exposées poursuivent un but légitime, au sens du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elles tendent à assurer la sécurité juridique et à prévenir les conflits de filiation.

23. Elles sont conformes à l'intérêt supérieur de l'enfant, d'une part, en ce qu'elles permettent l'établissement d'un lien de filiation à l'égard de ses deux parents, élément essentiel de son identité et qui correspond à la réalité des conditions de sa conception et de sa naissance, garantissant ainsi son droit à la connaissance de ses origines personnelles, d'autre part, en ce qu'elles confèrent à l'enfant né après la modification de la mention du sexe de son parent à l'état civil la même filiation que celle de ses frère et soeur, nés avant cette modification, évitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres seront élevés par deux mères, tout en ayant à l'état civil l'indication d'une filiation paternelle à l'égard de leur géniteur, laquelle n'est au demeurant pas révélée aux tiers dans les extraits d'actes de naissance qui leur sont communiqués.

24. En ce qu'elles permettent, par la reconnaissance de paternité, l'établissement d'un lien de filiation conforme à la réalité biologique entre l'enfant et la personne transgenre - homme devenu femme - l'ayant conçu, ces dispositions concilient l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée et familiale de cette personne, droit auquel il n'est pas porté une atteinte disproportionnée, au regard du but légitime poursuivi, dès lors qu'en ce qui la concerne, celle-ci n'est pas contrainte par là-même de renoncer à l'identité de genre qui lui a été reconnue.

25. Enfin, ces dispositions ne créent pas de discrimination entre les femmes selon qu'elles ont ou non donné naissance à l'enfant, dès lors que la mère ayant accouché n'est pas placée dans la même situation que la femme transgenre ayant conçu l'enfant avec un appareil reproductif masculin et n'ayant pas accouché.

26. En conséquence, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a constaté l'impossibilité d'établissement d'une double filiation de nature maternelle pour l'enfant A, en présence d'un refus de l'adoption intra-conjugale, et rejeté la demande de transcription, sur les registres de l'état civil, de la reconnaissance de maternité de Mme Ab à l'égard de l'enfant.


Mais sur le moyen du pourvoi n° H 18-50.080

Enoncé du moyen

27. Le procureur général près la cour d'appel de Montpellier fait grief à l'arrêt de juger que le lien biologique doit être retranscrit par l'officier de l'état civil, sur l'acte de naissance de la mineure sous la mention de Mme Aa Ab, née le … … … à Paris 14° comme « parent biologique » de l'enfant, alors « que selon les dispositions de l'article 57 du code civil, l'acte de naissance d'un enfant mentionne ses seuls « père et mère », qu'en créant par voie prétorienne, une nouvelle catégorie non sexuée de « parent biologique », la cour d'appel de Montpellier, même en faisant appel à des principes supérieurs reconnus au niveau international, a violé les dispositions de l'article 57 du code civil. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 57 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

28. La loi française ne permet pas de désigner, dans les actes de l'état civil, le père ou la mère de l'enfant comme « parent biologique ».

29. Pour ordonner la transcription de la mention « parent biologique » sur l'acte de naissance de l'enfant A B, s'agissant de la désignation de Mme Ab, l'arrêt retient que seule cette mention est de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établir la réalité de sa filiation biologique avec le droit de Mme Ab de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec l'enfant et le droit au respect de sa vie privée consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le terme de « parent », neutre, pouvant s'appliquer indifféremment au père et à la mère, la précision, « biologique », établissant la réalité du lien entre Mme Ab et son enfant.

30. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait créer une nouvelle catégorie à l'état civil et que, loin d'imposer une telle mention sur l'acte de naissance de l'enfant, le droit au respect de la vie privée et familiale des intéressées y faisait obstacle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du moyen du pourvoi n° X 19-11.251 ni de saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour avis consultatif, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi n° X 19-11.251 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt avant dire droit du 21 mars 2018 ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de transcription sur les registres de l'état civil de la reconnaissance de maternité de Mme Aa Ab à l'égard de l'enfant A B, l'arrêt rendu le 14 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et

prononcé par le président en son audience publique du

seize septembre deux mille vingt.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° H 18-50.080 par le procureur général près la cour d'appel de Montpellier.

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de la loi, en l'espèce l’article 57 du Code civil :

En ce que :

l'arrêt, au double constat de l'impossibilité légale d'établir un lien de filiation à l'égard de deux personnes de même sexe mariées si ce n'est par la voie de l'adoption et de l'existence -non contestée- d'un lien biologique unissant l'enfant A B à Madame Aa Ab, épouse de Ac B , a jugé que ce lien biologique devait être retranscrit par l'officier d'État civil, sur l'acte de naissance de la mineure sous la mention de Madame Aa Ab née le … … … à Paris XIVe comme « parent biologique» de l'enfant ;

Aux motifs que :

l'intérêt supérieur de l'enfant tel que défini par la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et notamment ses articles 3-1 et 7, imposait comme le demandait subsidiairement Ac B, « d'établir judiciairement la filiation de A B à l'égard de ses deux parents biologiques» ;

que seule, la mention sur l'acte de naissance de l'enfant de Madame Ab comme « parent biologique» était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établir la réalité de sa filiation biologique avec le droit de Madame Ab de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec sa fille mineure et le droit au respect de sa vie privée consacrée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ne lui imposant pas un retour à son ancien sexe, même par le détour limité au rétablissement de la présomption de paternité, le terme de « parent », neutre, pouvant s'appliquer indifféremment au père et à la mère, la précision « biologique » établissant de son côté, la réalité du lien entre Madame Ab et son enfant;

Alors que :

selon les dispositions de l'article 57 du Code civil, l'acte de naissance d'un enfant mentionne ses seuls «père et mère »,

qu'en créant par voie prétorienne, une nouvelle catégorie non sexuée de « parent biologique », la cour d'appel de Montpellier, même en faisant appel à des principes supérieurs reconnus au niveau international, a violé les dispositions de l'article 57 du Code civil.

Moyen produit au pourvoi n° X 19-11.251 par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme Ab.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de transcription sur les registres de l’état civil de la reconnaissance de maternité de Mme Aa Ab à l’égard de l’enfant A B, d’avoir dit qu’il est dans l'intérêt de l'enfant A B née le … … … à Montpellier (34) de voir ce lien biologique retranscrit sur son acte de naissance sous la mention de Mme Aa Ab née le … … … à Paris 14ème comme « parent biologique » de l’enfant ; d’avoir ordonné la transcription de cette mention sur l'acte de naissance de l'enfant A B et d’avoir débouté Mme Ab de ses autres demandes ;

AUX MOTIFS QUE le litige porte sur la question de savoir si une seconde maternité de l’enfant A peut être établie au profit de Mme Ab en application des dispositions de l’article 316 du code civil, comme l’affirment principalement Mme Ab et Mme B, ou si celle-ci est impossible, comme l’affirme le Ministère public dès lors qu’en droit français c’est l’accouchement qui définit la filiation maternelle biologique et que cette filiation maternelle a déjà été établie conformément aux dispositions de l’article 311-25 du code civil par le seul fait de l'accouchement, l'UDAF estimant pour sa part qu’il est de l'intérêt de l’enfant de voir établi que Mme Ab est le père biologique de | ‘enfant de manière à ce que A B bénéficie ainsi de la même filiation que ses deux frères ainés ; qu’au soutien de leurs demandes respectives, Madame Ab, Madame B, et l'UDAF font état en outre du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et celui du droit au respect de la vie privée, les premières pour fonder juridiquement la retranscription à l’état civil de l’acte notarié de reconnaissance prénatale souscrit par Madame Ab, la seconde pour demander que Madame Ab soit reconnue comme le père biologique de cet enfant, traduisant ainsi une conception différente de ce qui constitue dans le cas d'espèce l'intérêt de l’enfant ; que Mme Ab soutient plus particulièrement que son rapport de filiation avec A B ne peut constituer un rapport de filiation paternelle, puisqu'elle est devenue femme, et qu'il doit, pour ce motif, être qualifié de rapport de filiation maternelle, avec la précision qu'il s'agit d'une « maternité non-gestatrice », qui n'entre pas en conflit avec la maternité gestatrice de Madame Ac B, mais au contraire la « complète » ; qu’elle conteste en outre la voie de l'adoption moralement et juridiquement impossible, qui lui est fermée en tout état de cause du fait de l'opposition de Madame B à cette procédure d'adoption ; qu’elle observe que la confirmation de la décision entreprise aurait pour conséquence de la priver de toute possibilité de faire reconnaître son lien de filiation avec l'enfant, en contradiction avec les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent le respect de sa vie privée, et en contradiction avec l’intérêt de l'enfant ; que la cour observe que la loi du 18 novembre 2016 qui a modifié les modalités de changement juridique de sexe ne comporte de fait aucune disposition spéciale relative à la déclaration à l'état civil d'une enfant née postérieurement au changement juridique de sexe de son auteur ; que le législateur s'est en effet borné à préciser, dans l'article 68-1 de la loi nouvelle que le changement de sexe restera sans incidence sur la filiation des enfants nés de la personne avant ce changement sans envisager la possibilité pourtant démontrée par ce dossier qu’un enfant naisse des relations sexuelles de deux personnes reconnues de sexe féminin ; que le visa par l'appelante de l'article 21 de la loi du 17 mai 2013 qui dispose que « le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la présente loi est reconnu, dans ses effets, à l'égard des époux et des enfants, en France » est inopérant au cas d'espèce car cet article concerne exclusivement les mariages entre personnes de même sexe contractés dans les pays étrangers qui en reconnaissent la validité alors que la France ne la reconnaissait pas encore, et qu'il avait pour but, en tant que mesure transitoire, de consolider leur situation ; qu’il apparaît à la seule lecture de la loi nationale un vide juridique quant au droit applicable à la situation particulière de Madame Ab et l’impossiblité d’une double reconnaissance maternelle selon l’argumentaire développé par les juges du premier degré et par le parquet général ; que néanmoins, le jugement déféré est critiquable en ce que, nonobstant l'interprétation qu’il fait des dispositions de l’article 316, il s’est limité pour statuer sur la demande de Madame Ab à considérer les seules dispositions du droit national, sans examiner si ces dispositions n’étaient pas contraires à l'intérêt supérieur de l’enfant d’une part, au respect du droit à la vie privée de Madame Ab C X A B d'autre part ; qu’une disposition de la loi ne saurait en effet en raison du principe de la hiérarchie des normes qui régit notre ordonnancement juridique aller en contradiction avec des dispositions du droit international issues d’une convention régulièrement ratifiée par la France ;qu’il convient de rappeler à cet égard l'intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il a été posé par l’article 3-1 de la déclaration internationale des droits de l’enfant (ci-après la CIDE) qui stipule : « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » ; que la CIDE reconnaît également à l’enfant dans son article 7 « dans la mesure du possible le droit de connaître ses parents et d’être éduqué par eux » ; qu’à cet égard il n’est contesté par aucune partie la réalité de la filiation biologique de l’enfant A B, issue des relations sexuelles de Madame B et de Madame Ab ; qu’il est manifeste qu’il est de l'intérêt supérieur de l’enfant de voir établir la réalité de sa filiation à l'égard de Madame Ab ; qu’il convient d'évoquer, à titre d'illustration de cette réalité, la situation qui résulterait pour A du décès de Madame Ab en l’absence de tout lien de filiation reconnu avec son enfant, créant ainsi une inégalité de fait en matière de succession entre les trois enfants issus pourtant de la même union, ou, pour le cas où Madame B et Madame Ab, toujours unies par les liens du mariage, divorceraient, les difficultés qui pourraient en résulter : l'exercice même de l'autorité parentale de cette dernière pouvant alors être contesté, alors qu’il est de l’intérêt de l'enfant que celle-ci puisse être exercée par ses deux parents ; qu’il est non moins certain que cette filiation ne saurait être établie par la voie de l'adoption, outre que celle-ci est rendue impossible par le refus de Madame B - refus qui ne saurait constituer un abus de droit, dans la mesure où, comme son enfant, Madame B a intérêt à ce que soit reconnu la réalité du lien biologique unissant A à Madame Ab - elle viendrait directement à l’encontre de l'intérêt supérieur de A de voir reconnaître à l’égal de ses frères la réalité de sa filiation biologique, et non pas la fiction d’une filiation par voie d'adoption ; que c’est d’ailleurs au regard de cet intérêt supérieur de A B à voir reconnaître la vérité de sa filiation biologique qu’il apparaît à la Cour qu’il ne peut pas être fait droit à la demande de Madame Ab d’être déclarée comme mère non gestatrice ; que cette déclaration aurait pour effet de nier à A toute filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle, et qu’il convient sur ce point de confirmer la décision des premiers juges ; que même si la cour considère que notre droit offrait la possibilité à Madame Ab, tout en conservant son identité de femme, de se reconnaître comme le père biologique de l’enfant A, une reconnaissance qui aurait traduit la réalité d’une situation certes complexe, le droit au respect de la vie privée de Madame Ab, dans la mesure où il n’est pas incompatible avec l'intérêt supérieur de l’enfant, qui doit prévaloir en tout état de cause, exclut qu’on puisse lui imposer cette reconnaissance de paternité ; qu’imposer à Madame Ab un retour à l’ancien sexe, même par le détour limité au rétablissement de la présomption de paternité, reviendrait en effet à la contraindre à renoncer partiellement à l'identité sexuelle qui lui a été reconnue et constituerait une ingérence dans le droit au respect de sa vie privée et de celle de l'enfant, dans la mesure où chaque production de son livret de famille serait l'occasion d'une révélation de la transidentité de son auteur, nonobstant par ailleurs le risque pour l’un et l’autre de discrimination ou d’intolérance ; que dans ces circonstances il est apparu à la cour qu’outre la reconnaissance de la pleine autorité parentale à Madame Aa Ab, il convenait de faire droit à la demande subsidiaire de Madame B « d’établir judiciairement la filation de A B à l’égard de ses deux parents biologiques », seule la mention sur l’acte de naissance de A B de Madame Ab comme « parent biologique » étant de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établi la réalité de sa filiation biologique avec le droit de Madame Ab de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec son enfant A et le droit au respect de sa vie privée consacré par l’article 8 de la CEDH, le terme de « parent »” - neutre, pouvant s'appliquer indifféremment au père et à la mère, la précision, « biologique » - établissant de son côté la réalité du lien entre Madame Ab et son enfant ; que cet état sera donc mentionné sur l'acte de naissance de l'enfant ;

1°) ALORS QUE la loi fixe les règles concernant l’état des personnes ; que s’ilincombe au juge de statuer au regard du droit existant, il ne lui appartient pas de créer de nouvelles catégories juridiques de personnes ; que les dispositions du code civil relatives à la filiation ne font référence qu’au père et à la mère, pour établir une filiation, à l'exclusion de toute mention d’une catégorie « neutre » intitulée « parent biologique » ; qu’en l'espèce, en refusant à Mme Aa Ab de transcrire sur l'acte de naissance de A B la reconnaissance prénatale de maternité du 14 mars 2014 pour y substituer la mention de « parent biologique » tandis qu’une telle catégorie n’existe pas en droit français, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs, violant l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

2°) ALORS QUE la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l'indication d’un sexe autre que masculin ou féminin ; que dès lors, ne peut figurer, sur un acte de l’état civil, le lien de filiation d’un enfant avec un « parent biologique », neutre, sans précision de sa qualité de père ou de mère ; qu’en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était dans l'intérêt supérieur de l’enfant de voir reconnaître la réalité de sa filiation biologique avec Mme Aa Ab (arrêt, p. 11 $ 1) ; que l’établissement d’une filiation par la voie de l’adoption était, en l’occurrence, impossible (arrêt, p. 10 in fine et p. 11 $ 1) ; que la cour d’appel a également constaté que le droit au respect de la vie privée de Mme Aa Ab excluait qu’il puisse lui être imposé une filiation paternelle (arrêt, p. 11 $ 3 et 4) ; qu’il se déduisait de ces constatations, relatives à la nécessité, pour l’intérêt supérieur de l’enfant, de reconnaître la filiation biologique avec Mme Aa Ab, mais l'impossibilité de faire figurer sur l’acte de naissance de A B une filiation paternelle à l'égard de Mme Aa Ab, que seule la mention de Mme Aa Ab en qualité de mère, était de nature à concilier l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de la vie privée de Mme Ab et de A B ; qu’en jugeant le contraire, aux motifs inopérants et erronés qu’une telle filiation « aurait pour effet de nier à A la filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant les articles 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les article 3-1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de 3°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, en application de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu’au cas présent, la cour d'appel a constaté qu'imposer à Mme Aa Ab un lien de filiation paternel « constituerait une ingérence dans le droit au respect de sa vie privée et de celle de l’enfant, dans la mesure où chaque production de son livret de famille serait l’occasion d’une révélation de la transidentité de son auteur, nonobstant par ailleurs le risque pour l’un et l’autre de discrimination » (arrêt, p. 11 $ 4) ; qu’en retenant que le terme de « parent biologique » était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l’enfant de voir établie la réalité de sa filiation biologique avec le droit de Mme Ab de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec son enfant et le droit au respect de sa vie privée (arrêt, p. 11 in fine), sans expliquer en quoi une telle mention dans le livret de famille ne serait pas également l’occasion d’une révélation de la transidentité de Mme Ab, l’existence de la mention « parent biologique » n’existant pas en droit français et, en conséquence, sans rechercher quelles seraient les conséquences pratiques provoquées par la mention d’un « parent biologique » sur l’acte d’état civil de Mme A B au regard du droit à la vie privée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°) ALORS QUE dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu’au cas présent, la cour d’appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Aa Ab est de sexe féminin à l’état civil ; que la cour d'appel a constaté que l'existence d’un lien biologique entre Mme Ab et A B n’était pas contestée ; qu’en jugeant que l'intérêt de l'enfant A B était de voir reconnaître avec Mme Ab un lien de filiation non sexué, aux motifs que l’établissement d’un lien de filiation maternelle aurait pour effet de lui nier toute filiation paternelle et de brouiller la réalité de la filiation maternelle, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si à l'inverse le fait d’établir une filiation non maternelle avec Mme Ab n’était pas susceptible d’entraîner, pour l'enfant, des conséquences négatives, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 $ 1 et 7 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant ;

5°) ALORS QUE en application de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe ; que cette disposition interdit de traiter de manière différente, sans justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables et prohibe les discriminations liées notamment à l’identité sexuelle des personnes ; qu’au cas présent, la cour d’appel a constaté que, depuis un jugement du 3 février 2011, Mme Aa Ab est de sexe féminin à l’état civil ; que la cour d’appel a par ailleurs constaté que l’existence d’un lien biologique entre Mme Ab et A B n’était pas contestée ; qu’en refusant de faire produire effet à la reconnaissance prénatale de maternité établie par Mme Ab et de reconnaître Mme Ab comme la mère de A B, par des motifs inopérants, cependant qu’une personne née femme ayant accouché d’un enfant peut faire reconnaître le lien de filiation maternelle qui l’unit à son enfant biologique, la cour d’appel a créé entre les femmes ayant accouché de l'enfant et les autres mères génétiques une différence de traitement qui ne peut être considérée comme justifiée et proportionnée aux objectifs poursuivis, peu important à cet égard que cela conduise à l’établissement d’un double lien de filiation maternelle biologique, et a violé l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

6°) ALORS QUE le conjoint de même sexe que le parent biologique d’un enfant est autorisé à adopter l’enfant dans le cadre d’une adoption plénière, de sorte qu’un enfant peut se voir reconnaître un lien de filiation avec deux personnes de même sexe ; que si le législateur a estimé qu’une double filiation maternelle ne pouvait être établie que par la voie de l’adoption, c'est pour ne pas porter atteinte à la vérité biologique ; que dès lors, l'établissement d’une double filiaton maternelle par la voie de de l'accouchement et de la reconnaissance prénatale doit être admise lorsqu’elle n’est pas contraire à la vérité biologique ; qu’en refusant à Mme Ab l’établissement d’un lien de filiation maternelle avec son enfant biologique, par des motifs inopérants tenant notamment au fait qu’elle était de même sexe que la mère biologique de l'enfant avec lequel un lien de filiation maternelle était déjà établi et que la loi nationale ne permettrait pas l'établissement d’une double filiation maternelle, la cour d’appel a créé une différence de traitement non justifiée entre les personnes pouvant adopter l'enfant de leur conjoint et les personnes liées biologiquement à un enfant et a ainsi derechef violé l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

7°) ALORS QUE, en définitive, en refusant de reconnaître l’existence d’un lien de filiation maternelle entre Mme Ab et l'enfant A B aux motifs qu’une déclaration de maternité non gestatrice aurait « pour effet de nier à A toute filiation paternelle, tout en brouillant la réalité de sa filiation maternelle », tandis que la réalité du lien biologique unissant A B tant à Mme B qu’à Mme Ab n’était pas contestée et que les deux filiations maternelles ainsi établies, l’une par la reconnaissance prénatale et l’autre par la mention du nom de Mme B sur l’acte de naissance après l’accouchement, n'étaient pas concurrentes et ne se contredisaient pas, la cour d'appel a en réalité refusé de faire droit à la demande de Mme Ab en raison de sa transidentité et a, ainsi, violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;

8°) ALORS QUE, subsidiairement, le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu sans distinction selon la naissance ; qu’un lien de filiation maternelle peut être établi à l’'égard d’une mère d'intention ; qu’en l'espèce, outre le lien biologique existant entre Mme Ab et A B, il n’était pas contesté que Mme Ab s’est toujours comportée, et se comporte toujours, comme une mère d'intention pour l’enfant ; qu’en application du droit au respect de la vie privée et familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant, la filiation maternelle entre Mme Ab et A B doit donc être reconnue et inscrite dans les registres d'état civil de l'enfant ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 3-1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant et l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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