ARRÊT DU
30 Novembre 2011
N° 1820-11
RG 11/02623
MBB/AG
Contredit
Jugement du Conseil de Prud'hommes de LANNOY
en date du
11 mai 2011
)
- Prud'hommes -
APPELANTE
SA ALSTOM POWER SYSTEMS venant aux droits de la Société ALSTOM POWER BOILERS
LEVALLOIS PERET CEDEX
Représentant Me Magali THORNE (avocat au barreau de PARIS)
INTIMÉ
M. Pierre X
HEM
Présent et assisté de Me AVELINE substituant la SCP TEISSONNIERE & ASSOCIÉS (avocats au barreau de PARIS)
DÉBATS à l'audience publique du 06 Octobre 2011
Tenue par Marie-Bernard ...
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER Stéphanie LOTTEGIER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie ... BRETON
PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Pierre NOUBEL
CONSEILLER
Renaud DELOFFRE
CONSEILLER
ARRÊT Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2011,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie Bernard BRETON, Président et par Solenne PIVOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Du 19 septembre 1963 au 28 février 2002 monsieur Pierre X a été salarié, en qualité de chef des achats, de la société Stein Industrie, devenue Alstom, Gec-Alstom puis la société Alstom Power Boilers sur le site de Lys Lez Lannoy..
Aux termes des accords signés le 15 mars 2001 le fonds de commerce de l'établissement de Lys-Lez-Lannoy a été cédé et les contrats de travail des salariés de l'entreprise transférés, à la société SI Energie, laquelle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 15 avril 2003.
L'établissement a été inscrit le 1er septembre 2001 sur la liste des établissements classés 'annexe II', classement qui ouvrait droit à l'allocation de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante pour les travailleurs exposés à l'inhalation de poussières d'amiante de 1956 à 2001.
En juin 2009 la société Alstom Power Boilers a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Alstom Power Systems qui vient désormais dans ses droits.
Monsieur Pierre X, qui a demandé à bénéficier de l'allocation de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante, a présenté sa démission le 28 novembre 2001et a perçu de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie une allocation égale à 65 % du salaire brut moyen perçu au cours des 12 derniers mois d'activité.
Il a saisi le conseil de prud'hommes de Lannoy d'une action tendant à obtenir la condamnation de la société Alstom Power Systems à lui payer la somme de 90 670, 29 euros en réparation du préjudice économique que lui a causé son départ anticipé à la retraite, ainsi que celle de 30 000 euros en réparation du préjudice moral et celle de 15 000 euros en réparation du préjudice d'anxiété.
La société Alstom Power Systems a soulevé l'exception d'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale en invoquant les dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 instituant le dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
Par jugement du 11 mai 2011 le conseil de prud'hommes de Lannoy, retenant que le litige porte sur un différend entre salarié et employeur à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, s'est déclaré compétent pour en connaître.
La société Alstom Power Systems a formé contredit à ce jugement.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions reprises oralement à l'audience, sans ajouts ni retraits, la société Alstom Power Systems demande à la cour d'infirmer le jugement, de juger que le tribunal des affaires de sécurité sociale est seul compétent pour connaître du litige qui l'oppose à monsieur Pierre X, et de renvoyer l'affaire et les parties devant ce tribunal ; elle demande à titre subsidiaire à la cour de surseoir à se prononcer sur la compétence dans l'attente des décisions que la cour de cassation sera amenée à prendre sur les nombreux pourvois formés devant elle sur cette question.
La société Alstom Power Systems prétend que le tribunal des affaires de sécurité sociale a compétence exclusive pour connaître des litiges qui emportent l'application de dispositions législatives ou réglementaires de sécurité sociale.
Elle invoque les articles L 142-1 du code de la sécurité sociale aux termes duquel 'il est institué une organisation de contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux', et L 142-2 du même code qui énonce ' le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale. La cour d'appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale'.
Elle prétend qu'il en ressort que le tribunal des affaires de sécurité sociale a une compétence d'attribution exclusive en ce qui concerne les législations et réglementations de sécurité sociale et donc le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Elle en déduit que cette compétence exclusive concerne notamment la réparation des préjudices causés par une maladie professionnelle y compris lorsqu'elle résulte d'une exposition à l'inhalation de poussières d'amiante et doit s'appliquer également à la réparation des préjudices liés au risque de développer de telles maladies lorsque le législateur a décidé d'une telle réparation.
Elle invoque encore l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dite 'loi de financement de la sécurité sociale' qui rappelle les dispositions de l'article L. 142 '1 du code de la sécurité sociale en ces termes ' tous les différends auxquels peut donner lieu l'application du présent article et qui ne relèvent pas d'un autre contentieux sont réglées suivants les dispositions régissant le contentieux général de la sécurité sociale'; elle y voit un renvoi explicite à la compétence d'attribution de l'article L. 142 '1 du code de la sécurité sociale et en déduit que la compétence de principe prévu par l'article 41 est donc bien celle du juge du contentieux général de la sécurité sociale et donc du tribunal des affaires de sécurité sociale, le régime de préretraite amiante n'étant venu que compléter les dispositions existantes communes à tous les accidents du travail et maladies professionnelles.
Par conclusions reprises oralement à l'audience, sans ajouts ni retraits, monsieur Pierre X demande à la cour de confirmer le jugement sur la compétence et, évoquant le fond du litige, de faire droit à ses demandes indemnitaires qu'il reprend à l'identique de celles qu'il avait présentées devant les premiers juges.
Il fait valoir que le fait d'exposer un salarié à un danger sans appliquer les mesures de protection constitue de la part de l'employeur une faute contractuelle engageant sa responsabilité en cas de préjudice subi par le salarié.
Il rappelle qu'il n'avait pas contracté la maladie professionnelle lorsqu'il a demandé à bénéficier du dispositif de retraite anticipée et qu'en conséquence les dispositions des articles L. 451-1 du code de la sécurité sociale selon lesquelles aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnées par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droits, et L. 142-1 du même code qui énoncent que l'organisation du contentieux général de la sécurité sociale règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale, ne peuvent lui être opposées .
Il prétend que la société Alstom Power Systems oppose une lecture erronée de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui ne prévoit, selon lui, la compétence des juridictions de sécurité sociale que dans le cadre du contentieux individuel et technique qui oppose les bénéficiaires de l'allocation de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante à la caisse régionale d'assurance maladie relatif aux contestations de décisions de refus ou contestations portant sur le salaire de référence servant de base de calcul au montant de la retraite.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de sursis à statuer,
La cour se trouve saisie, par l'effet du contredit, de l'ensemble des éléments du litige, de sorte que rien ne justifie qu'il soit sursis à statuer.
Sur l'exception d'incompétence,
Il convient de relever que l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel aucune action en réparation des accidents et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droits et que seul le tribunal des affaires de sécurité sociale est compétent pour assurer la mise en oeuvre des mécanismes de prise en charge par les organismes sociaux dont le financement est assuré par des cotisations spécifiques.
Le litige qui oppose les parties ne porte ni sur le droit du salarié à bénéficier du dispositif prévu par la loi du 23 décembre 1998, ni sur le montant de l'allocation qu'il doit percevoir.
La demande présentée par monsieur Pierre X porte sur l'indemnisation du préjudice consécutif à la situation créée par son départ anticipé à la retraite ; il impute sa mise à la retraite prématurée, dont il est résulté pour lui un préjudice économique, un préjudice moral et un préjudice d'anxiété, au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, pour l'avoir exposé au risque d'inhalation de poussières d'amiante,.
Une telle demande ne s'inscrit pas dans une action en réparation des accidents et maladies telles que visés par les dispositions des articles L. 451 ' 1 et suivants du code de la sécurité sociale et relevant de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale par application de l'article L. 142-2 du même code.
Par ailleurs l'action ne relève pas non plus de l'application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 concernant les modalités d'ouverture du droit à l'allocation de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante ou le montant de ce droit qui ne font l'objet d'aucune contestation, mais de l'appréciation de la responsabilité contractuelle de l'employeur et le cas échéant des conséquences à en tirer quant à l'indemnisation du préjudice qui en serait résulté pour le salarié.
Il s'agit en conséquence d'un différend relevant d'un ' autre contentieux' au sens du paragraphe VI de l'article 41 de la loi de 1998, à savoir le contentieux des
différends individuels entre salariés et employeurs à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, contentieux qui relève, en application de l'article L. 1411 '1 du code du travail, de la compétence du conseil de prud'hommes.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Lannoy sera en conséquence confirmé en ce que les premiers juges se sont déclarés compétents pour connaître du litige.
Sur la demande d'évocation,
Aucun motif ne justifie qu'il soit fait droit à cette demande, à laquelle la société Alstom Power Systems s'oppose et qui la priverait du droit au double degré de juridiction, s'agissant d'un contentieux complexe dont les enjeux sont particulièrement importants tant à l'égard des principes dont il est débattu qu'en ce qui a trait au nombre de salariés concernés .
La société Alstom Power Systems qui succombe au contredit en supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire,
REJETTE la demande de sursis à statuer,
CONFIRME le jugement du 11 mai 2011 du conseil de prud'hommes de Lannoy,
REJETTE la demande d'évocation,
CONDAMNE la société Alstom Power Systems aux dépens du contredit,
CONDAMNE la société Alstom Power Systems à payer à monsieur Pierre X la somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S. PIVOT. MB. BRETON.