République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 15/09/2011
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N° de MINUTE
N° RG 10/09138
Jugement (N° 10/02009)
rendu le 25 novembre 2010
par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING
REF NO/CP Jour fixe
APPELANT
Monsieur Jimmy Z
né le ..... à DOUAI (59500)
demeurant DOUAI
Représenté par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour
Assisté de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
Société LOGISTICS ORGANISATION X LOG agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social MARCQ EN BAROEUL
Monsieur Franck André Robert X
né le ..... à LINSELLES (59126)
demeurant WASQUEHAL
Représentés par la SCP LEVASSEUR CASTILLE LEVASSEUR, avoués à la Cour
Assistés de Maître LEMISTRE (SELARL LEMISTRE-AVOCATS ASSOCIÉS), avocats au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Nicole OLIVIER, Président de chambre
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller
Philippe BRUNEL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS Marguerite-Marie HAINAUT
DÉBATS à l'audience publique du 16 Juin 2011 après rapport oral de l'affaire par Nicole ...
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nicole OLIVIER, Président, et Marguerite-Marie HAINAUT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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En 2002, le groupe Z DEROO a été placé en redressement judiciaire, incluant sa filiale de logistique SIMASTOCK, dont le directeur général salarié était Monsieur Franck X, beau-fils de Monsieur Jacques Z.
La SAS LOGISTICS ORGANISATION X, ci-après dénommée LOG, est constituée en 2002 entre la SAS SERVICES IMMOBILIERS LOGISTIQUES - SIL- qui détient 73% du capital social et est contrôlée par Monsieur Franck X, Monsieur Jérôme ... (0,8%) et Monsieur Jimmy Z (25,98%). Son président est Monsieur Franck X, lequel s'est engagé à rétrocéder 26% du capital au profit de la famille Z, ce qui sera fait en juin 2005 au profit de Monsieur Jimmy Z.
LOG a été créée pour exploiter une plate-forme multimodale située à Anzin, Parc Europescaut, sous forme de joint-venture entre Monsieur Franck X qui était à l'époque directeur général de la société SIMASTOCK, filiale de Z DEROO HOLDING, dédiée à la logistique et le groupe Z (spécialisé dans la logistique et le transport).
Le groupe Z va apporter à la société LOG deux clients importants, la société SOGEP (la REDOUTE) et MGF (MAGASINS GENERAUX de FRANCE) ainsi que le crédit-bail de la plate-forme multimodale signé en 1999 ; le fonds de commerce sera cédé pour 50 000 euros suivant acte du 12 août 2002 et le crédit-bail immobilier pour 1 euros.
Monsieur Franck X va demeurer directeur de la société SIMASTOCK et une convention de non concurrence de 3 ans est signée entre les sociétés SIMASTOCK et LOG le 20 décembre 2002. Il va se séparer de la société SIMASTOCK le 31 mai 2005, en désaccord avec Monsieur Jacques Z et à l'issue de la convention de non concurrence, Monsieur Jimmy Z en devenant le directeur général.
La clientèle de la société LOG et, en particulier LA REDOUTE, va se retrouver sous pavillon SIL, entraînant cette dernière à louer les locaux de la société LOG puis à acquérir le contrat de crédit-bail du site d'Anzin début 2008.
Ces opérations, décidées par le comité de direction de la société LOG où ne siégeaient que Monsieur Franck X, actionnaire majoritaire, et son beau-père, Monsieur ..., ne seront portées à la connaissance de Monsieur Jimmy Z, actionnaire minoritaire, qu'à l'occasion de l'assemblée générale statuant sur les comptes de 2008 et vont provoquer de sa part une protestation par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juillet 2009.
Les relations ne vont pas s'améliorer car la société Z DEROO développe son activité de logistique en concurrence avec les sociétés LOG et SIL. Un contentieux devant le Tribunal de Commerce de Douai qui opposera les sociétés Z et LOG va donner lieu à de violentes diatribes.
Dans ces conditions, Monsieur Franck X décide de faire usage de l'article 14 des statuts de la société LOG qui permet l'exclusion d'un associé en cas d'exercice d'une activité concurrente. L'exclusion est prononcée lors de l'assemblée générale du 24 juin 2010, Monsieur Jimmy Z ne prenant pas part au vote.
Convoqué initialement à l'assemblée générale du 30 juin 2010, Monsieur Jimmy Z, devant l'opposition de Monsieur Franck X de lui y donner accès en raison de son exclusion, va obtenir du président du Tribunal de Commerce de Roubaix Tourcoing l'autorisation d'y assister. Il y sollicite des réponses aux questions posées par une lettre du 23 juin 2010 sans les obtenir.
Sur assignation délivrée le 20 juillet 2010 à la requête de Monsieur Jimmy Z, le Tribunal de Commerce de Roubaix Tourcoing, par jugement en date du 25 novembre 2010,a
- déclaré irrecevable la demande d'annulation de l'assemblée générale de la société LOG ayant prononcé l'exclusion de Monsieur Jimmy Z,
- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur .........,
- réservé les indemnités, frais et dépens.
Vu l'appel interjeté le 23 décembre 2010 par Monsieur Jimmy Z ;
Dans ses dernières conclusions en date du 14 juin 2011, Monsieur Jimmy Z demande à la Cour de réformer la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande d'annulation de l'assemblée générale de la société LOG ayant prononcé son exclusion, de dire que l'article 14 des statuts relatif à l'exclusion des associés est nul, de constater en conséquence la nullité de l'assemblée générale ordinaire du 24 juin 2010, subsidiairement, de dire que les motifs qui ont conduit au vote de l'exclusion sont dépourvus de légitimité, de dire nulle et de nul effet l'assemblée générale du 24 juin 2010, de confirmer pour le surplus le jugement, en toute hypothèse, de condamner Monsieur Franck X à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il fait valoir en substance que l'article 14 des statuts qui prive l'associé menacé d'exclusion de son droit de vote est contraire à l'article 1844 alinéa 1er du code civil, qu'il est nul, que par voie de conséquence, la décision d'exclusion prononcée par l'assemblée générale du 24 juin 2010 est nulle, que s'il est vrai que Monsieur Franck X a émis l'idée qu'il pourrait participer au vote et ce, contrairement aux statuts, il s'est immédiatement ravisé lorsque son conseil lui a rappelé les dispositions statutaires, qu'en tout état de cause, il n'était pas en son pouvoir d'y déroger de sa seule initiative, que se pose en toile de fond la légalité des procédures d'expropriation pour cause d'intérêt privé, subsidiairement, que son exclusion présente un caractère abusif. Il expose que la mesure d'expertise qu'il a sollicitée est destinée à alimenter une action en responsabilité contre le dirigeant et par ailleurs principal actionnaire de la société LOG, Monsieur Franck X à qui il reproche de l'avoir vidée de toute sa substance pour pouvoir, dans le cadre de la procédure d'exclusion dont la légitimité est discutée, racheter ses actions à vil prix.
Dans ses conclusions en date du 4 mai 2011, la SAS LOGISTICS ORGANISATION X et Monsieur Franck X demandent à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la validité de l'assemblée générale du 24 juin 2010 de la société et la régularité de la décision d'exclusion de Monsieur Jimmy Z et les recevant en leur appel incident, de le réformer sur la décision d'expertise, de débouter Monsieur Jimmy Z sur ce point, de le condamner à payer à la société LOG la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile enfin de le condamner aux dépens.
Ils font valoir en substance que la procédure d'exclusion est régulière, que nonobstant les dispositions de l'article 14 des statuts, il a invité Monsieur Jimmy Z à prendre part au vote mais que ce dernier, par la voix de son conseil, a refusé, qu'il ne peut se prévaloir de ce fait d'une annulation de la décision de l'assemblée générale du 24 juin 2010, que le motif d'annulation est en pratique d'autant moins fondé que la SIL disposait à elle seule de la majorité par rapport à l'ensemble des droits de vote suffisante pour que l'exclusion soit adoptée, que l'exclusion de Monsieur Jimmy Z n'a aucun caractère abusif . Ils font valoir que la mesure d'expertise ne repose sur aucun fondement sérieux et constitue un détournement de la procédure d'expertise de gestion.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
- sur l'exclusion
Aux termes de l'article 1844 alinéa 1er, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter, les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi. Si aux termes de l'article L 227-16 du code de commerce, les statuts d'une société par actions simplifiée peuvent, dans les conditions qu'ils déterminent, prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions, ce texte n'autorise pas les statuts, lorsqu'ils subordonnent cette mesure à une décision collective des associés, à priver l'associé dont l'exclusion est proposée de son droit de participer à cette décision et de voter sur la proposition.
En l'espèce, il n'est pas contesté que l'article 14 des statuts qui énonce que 'l'exclusion est prononcée par une décision collective des associés statuant à la majorité des voix des associés disposant du droit de vote ; l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote et ses actions ne sont pas prises en considération pour le calcul de la majorité' contrevient aux dispositions précitées.
La SAS LOGISTICS ORGANISATION X et Monsieur Franck X font valoir qu'il a été offert à Monsieur Jimmy Z de prendre part au vote et que celui-ci a refusé. Monsieur Jimmy Z réplique pour sa part que suite à la remarque faite par son conseil de ce que cette proposition était faite en violation des statuts, Monsieur Franck X s'était alors ravisé et avait retiré son offre.
L'attestation établie par le commissaire aux comptes, à la demande de Monsieur Franck X, rédigée ainsi qu'il suit 'lors de l'assemblée générale du 24 juin 2010 Monsieur Franck X, président de séance a invité Monsieur Jimmy Z à prendre part au vote, Maître ... avocat de Monsieur Jimmy Z est intervenu et a affirmé que celui-ci ne pouvait pas prendre au vote relatif à son exclusion' est insuffisante à combattre cette version des faits et en tout état de cause, ne permet pas d'établir le maintien effectif de l'offre et un refus subséquent de Monsieur Jimmy Z de prendre part au vote.
Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient Monsieur Franck X, il n'entrait certainement pas dans ses pouvoirs de modifier à sa guise la disposition statutaire querellée, une telle modification nécessitant l'accord unanime des associés, conformément à l'article L 227-19 du code de commerce.
Il sera enfin relevé que le procès verbal de l'assemblée générale du 24 juin 2010 ne contient aucune mention de la proposition faite ni a fortiori ne porte mention d'un refus de prendre part au vote émanant de Monsieur Jimmy Z. Aucune atteinte au principe de cohérence n'est ainsi démontrée.
Il s'ensuit que la délibération doit être déclarée nulle et le jugement infirmé sur ce point, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les reproches formulés à l'encontre de Monsieur Jimmy Z.
- sur l'expertise
Monsieur Jimmy Z fonde sa demande d'expertise sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, ce qui rend sans objet les développements de la SAS LOGISTICS ORGANISATION X et de Monsieur Franck X sur l'expertise de gestion.
A l'appui de sa demande, Monsieur Jimmy Z fait valoir qu'il entend se ménager des éléments de preuve susceptibles de lui être utiles dans l'optique d'une action en responsabilité contre le dirigeant de la société et par ailleurs principal actionnaire, à qui il reproche d'avoir vidé de toue sa substance la société LOG pour pouvoir, après l'avoir exclu de la société, racheter ses actions à vil prix.
Il s'agit bien là d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- sur les demandes accessoires
Monsieur Franck X et la SAS LOGISTICS ORGANISATION X qui succombent seront condamnés aux dépens.
Monsieur Franck X sera condamné au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par Monsieur Jimmy Z pour l'entière procédure.
Les parties intimées seront déboutées de leur propre demande sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
Infirme partiellement le jugement entrepris ;
Annule la délibération de l'assemblée générale des associés du 24 juin 2010 qui a voté l'exclusion de Monsieur Jimmy Z ;
Ordonne en conséquence la réintégration de ce dernier dans la plénitude de ses droits d'associé de la SAS LOGISTICS ORGANISATION X à compter de cette date ;
Confirme le jugement en ses dispositions relatives à la mesure d'expertise confiée à Monsieur Didier ......... ;
Condamne Monsieur Franck X à payer à Monsieur Jimmy Z la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS LOGISTICS ORGANISATION X et Monsieur Franck X de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS LOGISTICS ORGANISATION X et Monsieur Franck X aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marguerite ... ... Nicole OLIVIER