ARRÊT N°
du 13 septembre 2011
R.G 10/01321
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c/
Z
Z
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Y
B.C.
Formule exécutoire
à
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2011
APPELANT
d'un jugement rendu le 20 Avril 2010 par le tribunal d'instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,
Monsieur Gabriel Z
ECURY LE REPOS
COMPARANT, concluant par la SCP THOMA - DELAVEAU - GAUDEAUX avoués à la cour, et ayant pour conseil la SELAS CABINET DEVARENNE ASSOCIÉS, avocats au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE ;
INTIMÉS
Madame Marcelle Z
VERT TOULON
COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX, avoués à la cour, et ayant pour conseil Maître Jean-Emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS.
Mademoiselle Aude Z
STOSSWIHR
Monsieur Florent Z
GERMAINE
Madame Martine ZY veuve ZY
CORROY
N'AYANT PAS CONSTITUE AVOUE, bien que régulièrement assignés ;
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS
Monsieur Bernard CIRET, Conseiller, et Madame Christina DIAS DA SILVA JARRY, Conseiller, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Ils en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Madame Anne HUSSENET, conseiller faisant fonction de président de chambre
Monsieur Bernard CIRET, conseiller
Madame Christina DIAS DA SILVA JARRY, conseiller
GREFFIER
Mme Christine CARRE, adjoint administratif faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS
A l'audience publique du 14 juin 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 septembre 2011,
ARRÊT
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2011 et signé par madame Anne HUSSENET, conseiller faisant fonction de président de chambre, et madame Christine ..., adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. Marcel Z et Mme Hélène ..., avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté légale de biens, ont eu trois enfants
- M. Gabriel Z,
- Mme Marcelle Z,
- M. René Z.
Les époux ... possédaient une exploitation agricole d'environ 60 hectares.
M. Marcel Z est décédé le 19 septembre 1968, laissant pour lui succéder sa veuve et leurs trois enfants.
Aucun partage n'est intervenu.
Puis, M. René Z est décédé le 07 août 2005, laissant pour héritiers
- son épouse, Mme Martine Y,
- ses deux enfants, Florent et Aude Z.
Mme Marcelle Z a, par acte du 19 août 2008 saisi le Tribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE d'une demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision successorale existant entre les héritiers de feu M. Marcel Z.
Mme Hélène Z veuve Z étant décédée le 07 septembre 2008, il a été également sollicité l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de sa succession.
Par jugement rendu le 20 janvier 2010, le Tribunal de grande instance de CHALONS EN CHAMPAGNE a, notamment, ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de M. Marcel Z et de Mme Hélène Z veuve Z, ordonné une expertise des biens immobiliers composant lesdites successions, confiée à M. Thierry ..., et dit que M. Gabriel Z a droit à une créance de salaire différé calculée comme il est dit à l'article L. 321-13 du Code rural à l'encontre de la succession d'Hélène Z veuve Z sur la période du 19 septembre 1968 au 31 août 1975.
Statuant sur l'appel interjeté contre cette décision par Mme Marcelle Z, la Cour d'appel de REIMS, 1ère Chambre Civile, 2ème Section, a confirmé le jugement déféré, à l'exception des dispositions relatives à la créance de salaire différé, et, statuant à nouveau de ce chef, a débouté M. Gabriel Z de sa demande de salaire différé.
Parallèlement, Mme Marcelle Z avait assigné, par actes des 18, 20 et 26 mai 2009, M. Gabriel Z, Mme Martine ZY veuve ZY, Mlle U et M. Florent UZ, devant le Tribunal d'Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE pour voir consacrer son droit à une créance de salaire différé sur les successions confondues de ses parents à hauteur de 1 550 jours et ce suivant le calcul prévu par l'article L.321-13 alinéa 2 du Code rural. Elle faisait valoir que, dès quatorze ans et demi, elle avait commencé à travailler sur l'exploitation agricole de ses parents, qu'à dix-huit ans elle avait été considérée comme aide familiale par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) et qu'elle avait continué à travailler jusqu'à son mariage, en février 1963.
Bien que régulièrement assignés, Mme Martine UZY veuve UZY et ses deux enfants n'ont pas constitué avocat.
M. Gabriel UZ a soulevé l'incompétence du Tribunal d'instance de CHALONS EN CHAMPAGNE au profit du Tribunal de grande instance de ladite ville, déjà saisi. Il a soulevé la prescription de l'action intentée par sa soeur, au motif que celle-ci n'avait pas agi dans le délai de trente ans suivant le décès de
leur père, seul exploitant. Selon lui, leurs parents n'avaient jamais eu la qualité de co-exploitants et leur mère n'avait fait que succéder à leur père dans la reprise de l'exploitation agricole.
Par jugement rendu le 20 avril 2010, le Tribunal d'instance de CHALONS EN CHAMPAGNE a
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur Gabriel UZ
- reconnu l'existence d'une créance de salaire différé au profit de Mme Marcelle UZ à valoir sur les successions confondues de ses parents, M. Marcel UZ et Mme Hélène UZ veuve UZ, sur 1 550 jours
- dit que cette créance sera calculée selon les dispositions de l'article L 321-13 alinéa 2 du Code rural, soit deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel en vigueur au jour du partage de la succession, multiplié par (1 550 / 365)
- condamné M. Gabriel UZ, Mme UZY veuve UZY, Mlle Aude UZ et M. Florent UZ venant aux droits de M. René UZ, à payer à Mme Marcelle UZ, la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné M. Gabriel UZ, Mme UZY veuve UZY, Mlle Aude UZ et M. Florent UZ aux entiers frais et dépens de la présente instance
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
M. Gabriel UZ a régulièrement interjeté appel de cette décision le 25 mai 2010.
MOYENS DES PARTIES
En l'état de ses conclusions récapitulatives déposées le 03 mai 2011, M. Gabriel UZ sollicite l'infirmation du jugement déféré et prie la Cour de juger qu'est prescrite la demande de salaire différé de Mme Marcelle UZ et, en conséquence, de débouter celle-ci de toutes ses demandes. L'appelant réclame, en outre, l'allocation d'une indemnité de 2 000 euros pour frais non répétibles. Il fait valoir que, sur toute la période invoquée par Mme Marcelle UZ, 'il s'est agi exclusivement de l'exploitation de M. Marcel UZ, lequel a été exploitant agricole jusqu'à son décès'. Il ajoute que 'la succession de M. Marcel UZ ayant été ouverte (...) il y a plus de 30 ans et la période indiquée par Mme Marcelle UZ n'étant susceptible de se rattacher qu'à celle-ci, sa demande au titre d'une créance de salaire différé est (...) irrecevable comme prescrite'.
Par écritures déposées le 18 janvier 2011, Mme Marcelle UZ conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame l'allocation d'une indemnité de 3 000,00 euros pour frais irrépétibles d'appel. Elle soutient que 'l'exploitation était constituée, pour l'essentiel, de terres qu'avaient été acquises par la communauté ou qui appartenaient en propre à Mme Hélène ...' et ajoute que 'l'ascendant qui met effectivement en valeur l'exploitation familiale a la qualité d'exploitant' et que 'M. Gabriel UZ ne nie pas que sa mère participait aux travaux agricoles'.
Bien que régulièrement assignés par délivrance de l'acte à leurs personnes respectives, Mme Martine UZY veuve UZY, M. Florent UZ et Mlle Aude UZ n'ont pas constitué avoué.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 31 mai 2011.
SUR CE,
Attendu que le Code rural édicte
'Les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.
Le taux annuel du salaire sera égal pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2'080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant.
(articles L. 321-13 .alinéas 1 et 2) ;
'Le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession cependant l'exploitant peut, de son vivant, remplir le bénéficiaire de ses droits de créance, notamment lors de la donation-partage à laquelle il procéderait.
Toutefois, le bénéficiaire des dispositions de la présente sous-section, qui ne serait pas désintéressé par l'exploitant lors de la donation-partage comprenant la majeure partie des biens, et alors que ceux non distribués ne seraient plus suffisants pour le couvrir de ses droits, peut lors du partage exiger des donataires le paiement de son salaire.
Les droits de créance résultant des dispositions de la présente sous-section ne peuvent en aucun cas, et quelle que soit la durée de la collaboration apportée à l'exploitant, dépasser pour chacun des ayants droit, la somme représentant le montant de la rémunération due pour une période de dix années, et calculée sur les bases fixées au deuxième alinéa de l'article L.'321-13.' (article L. 321-17 alinéas 1, 2 et 3) ;
Attendu que l'article 2262 (ancien) du Code civil, applicable en l'espèce, dispose que 'toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi' ;
Qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, si le bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession de celui-ci, son action se prescrit par trente ans à compter de l'ouverture de cette succession ;
Attendu que Mme Marcelle UZ demande que lui soit reconnu le bénéfice d'une créance de salaire différé pour sa participation du 25 novembre 1958 au 25 février 1963, à l'exploitation agricole d'abord dirigée par son père, M. Marcel UZ, décédé le 19 septembre 1968, puis par sa mère, Mme Hélène UZ veuve UZ, décédée le 07 septembre 2008 ;
Que la réclamation de Mme Marcelle UZ ayant été formée le 18 mai 2009, l'action intentée par cette dernière est prescrite, étant observé que si le règlement des successions de feu M. Marcel UZ et de Mme Hélène UZ veuve UZ est toujours en cours, cette circonstance n'interrompt pas la prescription de ladite action ;
Attendu, en conséquence, que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a reconnu l'existence d'une créance de salaire différé au profit de Mme Marcelle UZ à valoir sur les successions confondues de ses parents, M. Marcel UZ et Mme Hélène UZ veuve UZ, sur 1 550 jours et en ce qu'il a dit que cette créance sera calculée selon les dispositions de l'article L 321-13 alinéa 2 du Code rural, soit deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel en vigueur au jour du partage de la succession, multiplié par (1 550 / 365) ;
Que, statuant à nouveau, il y a lieu de juger que l'action de Mme Marcelle UZ tendant à la reconnaissance et au paiement d'une créance de salaire différé est prescrite et, par suite, de déclarer irrecevables les demandes formées par Mme Marcelle UZ ;
Attendu que, succombant à titre principal, Mme Marcelle UZ sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et ne saurait donc voir prospérer ses demandes pour frais irrépétibles ;
Que M. Gabriel UZ triomphant devant la juridiction du second degré, il échet d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'avait condamné ainsi que Mme Martine Y
veuve Z, M. Florent UZ et Mlle Aude UZ au paiement d'une indemnité pour frais non taxables de procédure et de lui allouer, au contraire, une indemnité de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Déclare recevable et bien fondé l'appel principal relevé par M. Gabriel UZ.
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement rendu le 20 avril 2010 par le Tribunal d'instance de CHALONS EN CHAMPAGNE en ce qu'il a reconnu l'existence d'une créance de salaire différé au profit de Mme Marcelle UZ à valoir sur les successions confondues de ses parents, M. Marcel UZ et Mme Hélène UZ veuve UZ, sur 1 550 jours, en ce qu'il a dit que cette créance sera calculée selon les dispositions de l'article L 321-13 alinéa 2 du Code rural, soit deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel en vigueur au jour du partage de la succession, multiplié par (1 550 / 365) et en ce qu'il a condamné M. Gabriel UZ, Mme Martine UZY veuve UZY, M. Florent UZ et Mlle Aude UZ au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et a mis à leur charge les dépens.
Statuant à nouveau de ces chefs,
Juge que l'action de Mme Marcelle UZ tendant à la reconnaissance et au paiement d'une créance de salaire différé est prescrite.
En conséquence, déclare irrecevables les demandes formées par Mme Marcelle UZ.
Condamne Mme Marcelle UZ à payer à M. Gabriel UZ la somme de MILLE EUROS (1 000,00 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne Mme Marcelle UZ aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ceux d'appel, droit de recouvrement direct au profit de la SCP THOMA DELAVEAU GAUDEAUX, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le greffier Le conseiller