ARRÊT
N°
Z
C/
Société SOGREAH CONSULTANTS SAS
JPA/PC
COUR D'APPEL D'AMIENS
5ème chambre sociale cabinet A
PRUD'HOMMES
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2011
************************************************************ RG 10/05597
JUGEMENT du Conseil de prud'hommes de LAON (RÉFÉRENCE DOSSIER N° RG 07/00117) en date du 21 avril 2008
PARTIES EN CAUSE
APPELANT
Monsieur Jean François Z
TRUCY
comparant en personne, assisté concluant et plaidant par Me Annie MIELLE CORMAN, avocat au barreau D'AMIENS
ET
INTIMÉE
Société SOGREAH CONSULTANTS SAS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domicilié en cette qualité audit siège
ECHIROLLES
non comparante, représentée concluant et plaidant par Me Alain VERGOTE, avocat au barreau de
GRENOBLE
DÉBATS
A l'audience publique du 27 Septembre 2011, devant Mme HAUDUIN, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus
- Mme ... en son rapport,
- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives .
Mme ... a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 22 Novembre 2011 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
GREFFIER LORS DES DÉBATS Mme CAMBIEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Mme ... en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet A de la Cour composée en outre de
M. AARON, Conseiller faisant fonctions de Président de Chambre
Mme LECLERC-GARRET, Conseiller
qui en a délibéré conformément à la Loi.
ARRÊT CONTRADICTOIRE
PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION
Le 22 Novembre 2011, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. AARON, Conseiller faisant fonctions de Président de Chambre, désigné par ordonnance de M. le Premier Président en date du 30 juin 2011 et Mme CAMBIEN, Greffier
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DÉCISION
Vu le jugement en date du 21 avril 2008 par lequel le conseil de prud'hommes de Laon, statuant dans le litige opposant Monsieur Jean-François Z à son ancien employeur, la Sas Sogreah Consultants, a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes indemnitaires principalement liées à la nullité ou à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Vu l'appel interjeté le 26 mai 2008 par Monsieur Z à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 7 mai précédent ;
Vu la radiation de l'affaire du rôle de la cour, pour défaut de diligences des parties, par arrêt du 3 mars 2009, et son renvoi contradictoire à l'audience du 27 septembre 2011;
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 27 septembre 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 27 septembre 2011, régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles le salarié appelant, faisant valoir que le motif exprimé dans la lettre de licenciement ne traduirait pas la véritable cause de celui-ci qui résiderait dans le fait d'avoir dénoncé des pratiques illégales, que le motif énoncé porterait en toute hypothèse une atteinte aux libertés fondamentales consacrées par la Déclaration des droits de l'homme et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en sorte que le licenciement se trouverait frappé de nullité ou à tout le moins privé de cause réelle et sérieuse, sollicite, en l'absence de possibilité de réintégration, la condamnation de son ancien employeur à lui payer les sommes reprises au dispositif de ses écritures devant lui être allouées pour licenciement nul ou subsidiairement abusif, dommages et intérêts pour préjudice moral et indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tout en concluant au rejet de la demande reconventionnelle de l'employeur tendant à obtenir le remboursement des cotisations de retraite de fonctionnaire acquittées par les soins de ce dernier ;
Vu les conclusions en date du 23 septembre 2011, régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la société intimée, réfutant les moyens et arguments de la partie appelante, concernant aussi bien la véritable cause du licenciement que la nullité ou l'absence alléguée de cause réelle et sérieuse de rupture, faisant valoir que le salarié, fonctionnaire en détachement, était contractuellement tenu d'assumer la charge des cotisations de retraite liées à son statut de fonctionnaire, sollicite la confirmation du jugement déféré, le débouté de l'ensemble des demandes, fins et conclusions du salarié et la condamnation de ce dernier à lui rembourser la somme de 17'824,50 euros au titre des cotisations de retraite de fonctionnaire ainsi qu'à lui payer une indemnité par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Attendu que Monsieur Jean-François Z, sous-préfet hors classe, engagé dans le cadre d'un détachement de son administration d'origine par la Sas Sogreah Consultants à compter du 1er novembre 2006 en qualité d'ingénieur, position 3.1, chargé de la réalisation et de l'animation d'un projet confié par la Commission Européenne, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 août 2007, puis licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 septembre 2007, motivée comme suit
" Par courrier remis en main propre le 07 août 2007, nous avons convoqué à un entretien préalable qui s'est déroulé le mercredi 29 août 2007, une mesure de licenciement pour motif personnel fondé sur une cause réelle et sérieuse étant envisagée à votre encontre.
Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager une telle mesure, à savoir
- vous avez été embauché par SOGREAH à compter du 1er novembre 2006 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée de chantier (mission d'intérêt public à l'étranger financé par la Commission Européenne dans le cadre du marché ' Europe Aid/122411/C/SV/VA/Sustainable Local Développement') ;
- votre mission, en qualité de Team Leader (chef d'équipe), statut cadre, comprend à la fois la réalisation et l'animation du projet précité confié à SOGREAH dans le cadre de la proposition qui a été acceptée par la Commission Européenne et qui a été portée à votre connaissance ;
- notre relation contractuelle est régie par les dispositions du code du travail et des accords collectifs applicables à SOGREAH;
- sur plusieurs reproches évoqués lors de l'entretien préalable, nous avons pris en compte vos explications, même si vos différents courriers, dont celui daté du 30 août 2007, nécessiteraient commentaires et rectifications. Nous sommes conscients que l'éloignement et la complexité de ce type de projet peuvent être sources d'incompréhensions.
- A l'issue de notre réflexion, il ressort néanmoins un point que nous ne pouvons accepter votre attitude concernant le port du titre de sous-préfet hors classe ;
- par pas moins de quatre fois,
ainsi que vous le précisez dans votre courrier en date du 13 août 2007, votre supérieur hiérarchique, Monsieur Alain ... vous a mis en demeure de ne pas faire état de votre grade de " sous-préfet hors classe' en raison des risques de confusion pouvant apparaître entre le projet qui nous a été confié et le gouvernement français, cette demande ayant par ailleurs été expressément rappelée par Madame Hélène ... Directeur des opérations de la délégation de la commission européenne en Ukraine dans son courrier en date du 03 août 2007
' (La référence au grade de sous-préfet hors classe constitue une infraction à la visibilité des obligations contractuelles en ce qu'elle laisse apparaître une relation contractuelle qui n'existe pas entre le projet et le gouvernement français (...)' ;
- ainsi que vous le précisez dans votre courrier précité, vous avez délibérément refusé de respecter nos demandes respectives ;
- bien que haut fonctionnaire en situation de détachement, vous êtes dans le cadre de votre activité, soumis aux règles régissant la fonction que vous occupez.
En effet, vous n'avez pas été engagé en raison de votre qualité de " sous-préfet hors classe ", mais sur la base de l'expérience professionnelle dont vous avez fait état dans votre curriculum vitae. Nous observons à cet égard que les intitulés de la fonction (" position ") énoncé au point 14 (" professional expérience ") de votre curriculum vitae pour les émissions réalisées en Azerbaïdjan et en Ukraine pour le compte de l'Europen Commission - CIVIPOL, l'Europen Commission- THALES E.C, dont vous vous prévalez pour justifier votre attitude, sont respectivement
- " Senior Expert,
- Team Leader,
- Senior Expert and acting Team Leader ",
et, en aucune manière, la fonction de " Team Leader Sous-préfet hors classe ".
Vous engagez un débat d'expert sur " le principe de propriété du grade et le droit d'usage qui sÿ attache en droit français ". Votre insistance à ne considérer que la défense de vos prérogatives personnelles sans prendre en compte la relation commerciale, sans prendre en compte le fait que cet usage peut créer de la confusion, en continuant dans vos explications,
malgré notre courrier du 26 juin 2007, à mêler, à la question posée, des mises en cause personnelles à l'encontre d'un représentant du client, constitue un manque de discernement préjudiciable, qui nous met en difficulté vis-à-vis de notre client.
Les éléments qui précèdent ne permettent plus la poursuite normale des relations contractuelles et justifient votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
La date de première présentation de cette lettre par les services postaux marquera le point de départ de votre préavis de 3 mois.
Nous vous dispensons de l'exécution de votre préavis avec maintien de la rémunération correspondante qui vous sera servie aux échéances normales de paie ...'
Attendu que contestant la licéité et la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Monsieur Z a saisi le conseil de prud'hommes de Laon de demandes indemnitaires diverses que la juridiction prud'homale, statuant par jugement du 21 avril 2008, dont appel, a rejeté dans leur intégralité, après avoir considéré en substance que le comportement du salarié, tel que dénoncé dans la lettre de notification du licenciement, était avéré et constitutif d'un acte d'insubordination de nature à conférer un cause réelle et sérieuse à l'initiative de rupture des relations contractuelles prise par l'employeur ;
Attendu qu'en sa qualité de fonctionnaire détaché dans le cadre d'un contrat de travail de droit privé, Monsieur Z s'est trouvé placé vis à vis de son employeur le temps de son détachement dans un rapport de subordination juridique lui imposant notamment de suivre les ordres et directives qui lui étaient donnés ;
Qu'il ressort à cet égard des éléments concordants et non sérieusement contestés du dossier que Monsieur Z, engagé en qualité d'ingénieur chef d'équipe par la société Sogreah exclusivement en considération d'un savoir faire et d'une expérience professionnelle affichés dans le domaine des projets et missions menés ou accompagnés à l'international par la Commission européenne, soit pour exercer des fonctions totalement étrangères à son statut de fonctionnaire français, s'est délibérément opposé à quatre reprises aux directives de sa hiérarchie relayant une requête expresse de la représentante de la délégation de la Commission européenne en Ukraine en charge du suivi du projet communautaire confié à la société Sogreha, directives aux termes desquelles il lui était instamment demandé de ne pas faire usage dans l'exercice de ses fonctions de son grade de 'Sous-préfet hors classe' en raison des risques de confusion que cet usage pouvait entraîner entre la nature européenne du projet et son rattachement au gouvernement ou à l'Etat français ;
Attendu qu'en refusant obstinément de satisfaire à une telle demande, parfaitement en phase avec les intérêts légitimes de l'entreprise dans la mesure où effectivement le projet considéré, conduit et financé au niveau européen, se devait d'être déconnecté de toute appartenance nationale, Monsieur Z a commis une faute contractuelle de nature à justifier son licenciement, sans que ce dernier puisse utilement se prévaloir des règles de la fonction publique qui l'autoriseraient à faire librement usage de son grade de 'Sous -préfet hors classe', un tel droit d'usage, qui ne peut être rattaché à un droit ou à une liberté fondamentale bénéficiant d'une protection absolue, n'autorisant pas son titulaire à le mettre en oeuvre sans justification dans un rapport de droit privé, notamment dans le cadre d'un contrat de travail, en contravention avec les ordres donnés et dans des conditions susceptibles d'apporter un trouble objectif aux intérêts et au fonctionnement de l'entreprise ;
Attendu que le grief énoncé dans la lettre de licenciement étant avéré et constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'existence éventuelle d'une autre cause de rupture qui aurait été liée, selon les affirmations non étayées du salarié, à son refus de se rendre complice de prétendus agissements illégaux de son employeur et de la délégation de la Commission européenne ;
Que les conditions parfaitement légitimes au regard des intérêts de l'entreprise dans lesquelles il a été demandé au salarié de cesser de faire usage de son grade de 'Sous préfet hors classe' ne sauraient à elles seules et en l'absence de tout autre élément traduire une situation de harcèlement, prétendument destinée à obtenir une démission, dont le salarié serait fondé à se prévaloir pour contester son licenciement ou prétendre justifier sa demande indemnitaire pour préjudice moral ;
Que les éléments du dossier ne permettent pas davantage de considérer que le licenciement se serait entouré de circonstances particulières propres à caractériser un préjudice distinct dont le salarié serait fondé à obtenir réparation ;
Attendu qu'à la faveur de ces motifs et de ceux non contraires des premiers juges et en l'absence de toute garantie contractuelle d'emploi pour une période déterminée, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a écarté les moyens de nullité invoqués, retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires du salarié ;
Attendu s'agissant de la demande reconventionnelle de l'employeur qu'il ressort des pièces et documents concordants du dossier qu'en exécution d'un avis à tiers détenteur émis le 4 septembre 2009 par la trésorerie générale de l'Isère suite à la notification de trois titres de perception relatifs aux cotisations dues par Monsieur Z en sa qualité de fonctionnaire en détachement pour la période du 1er novembre 2006 au 13 décembre 2007, la société Sogreah a du s'acquitter le 14 septembre 2009 d'une somme de 17 824,50 euros qui ne lui pas été remboursée par Monsieur Z, alors même que celui-ci était personnellement redevable desdites cotisations liées à son statut de fonctionnaire et que son contrat individuel de travail ( lettre d'engagement) prévoyait expressément qu'il ferait son affaire personnelle de toute cotisation, de quelque nature que ce soit, susceptible d'être due pendant la durée de son détachement à raison de sa situation de fonctionnaire détaché ;
Qu'il sera fait droit dans ces conditions à la demande reconventionnelle de la société Sogreah;
Attendu qu'il convient de faire application en faveur de le société intimée des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à celle-ci, sur ce fondement, une indemnité dont le montant sera précisé dispositif de l'arrêt ;
Que la demande indemnitaire présentée sur le même fondement par Monsieur Z, qui succombe, sera en revanche rejetée ;
PAR CES MOTIFS
et ceux non contraires des premiers juges
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant
Condamne Monsieur Jean-François Z à payer à la société Sogreah Consultants les sommes suivantes
- 17 824,50 euros en remboursement des cotisations liées à son statut de fonctionnaire qui ont été acquittées pour son compte et en ses lieu et place,
-1500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires;
Condamne Monsieur Jean-François Z aux dépens d'appel.
le Greffier, Le Président.