RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 24 Novembre 2011
(n° 14, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général S 10/01841
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 08 Février 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/14982
APPELANTE
Madame Clarence Z
Chez ... ...
PARIS
représentée par Me Antonio ALONSO, avocat au barreau de PARIS, toque P0074
INTIMÉE
SA FRANCE 3
PARIS
représentée par Me Aline JACQUET DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque E2080 substitué par Me Anne DE METZ, avocat au barreau de PARIS, toque E2080
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de
Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier Melle Caroline SCHMIDT, lors des débats
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, Président et par Evelyne MUDRY, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Journaliste responsable d'édition au sein de la société France 3, engagée par contrat à durée indéterminée du 8 décembre 1997 avec reprise d'ancienneté au 27 février 1993, Mme Clarence Z a sollicité, début 2005, le bénéfice d'un congé non rémunéré d'une durée de deux ans renouvelable qui lui a été accordé conformément aux dispositions de l'article 32-2 de l'avenant de la convention collective nationale du travail des journalistes, par lettre du 21 janvier 2005 à compter du 5 septembre suivant.
Son congé sans solde venant à expiration le 4 septembre 2007, elle a sollicité une prolongation de deux années supplémentaires qui lui a été refusée par lettre du 6 juillet 2007 l'invitant à reprendre son poste à compter du 5 septembre 2007 ce qu'elle n'a pas fait.
Sa requête a finalement été admise 'à titre dérogatoire' et de manière rétroactive pour une durée d'un an à partir du 5 septembre 2007.
Un refus a été opposé à la nouvelle demande de prolongation pour deux ans formée par lettre du 11 mai 2007 et la salariée a été invitée à rejoindre son poste à l'issue de son congé.
Mme Z ne s'est pas présentée sur son lieu de travail le 5 septembre 2008.
Elle a été licenciée pour faute grave par lettre en date du 10 novembre 2008 après avis de la commission paritaire des journalistes siégeant en formation disciplinaire.
Contestant son licenciement, Mme Z a saisi la juridiction prud'homale.
Déboutée de ses demandes par jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 8 février 2010, elle a relevé appel le 1er mars 2010.
Par conclusions visées et reprises à l'audience des débats, Mme Z demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, statuant à nouveau, de dire qu'aucune faute grave ne peut lui être imputée et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la société France 3 à lui payer les sommes suivantes
- 68 200 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 18 600 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 1 860 euros pour les congés payés y afférents,
- 148 800 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées et reprises à l'audience des débats, la société France Télévisions venant aux droits de la société nationale de télévision France 3, demande de confirmer le jugement, subsidiairement, de ramener le montant mensuel des prétentions adverses à de plus justes proportions sur la base de 4 323,96 euros et, en tout état de cause, de condamner Mme Z au paiement de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits et moyens des parties, renvoi est fait à leurs conclusions. MOTIFS
L'article 32-2-1 de l'avenant de la convention collective du travail des journalistes relatif au congé sans solde est ainsi libellé
'Tout journaliste peut obtenir, à titre exceptionnel, pour une période de deux ans renouvelable une fois, exceptionnellement deux fois et dans les conditions fixées par le président, des congés non rémunérés.
La demande de congé non rémunéré doit en préciser la durée. Au terme de cette durée pour un congé inférieur à six mois, la réintégration s'effectue dans la résidence et dans l'emploi que le journaliste occupait précédemment'
Il est précisé à l'article 32-2-2 les modalités de réintégration en cas de congé supérieur à six mois.
Mme Z soutient, pour infirmation, qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le journaliste se voit accorder le bénéfice d'un congé non rémunéré, à l'expiration de la période de deux ans, le renouvellement du congé est de droit une fois pour la même durée et peut exceptionnellement être accordé une deuxième fois en sorte que le renouvellement lui était acquis pour une nouvelle période de deux ans à compter du 5 septembre 2007 soit jusqu'au 4 septembre 2009, la direction ayant feint d'ignorer la durée prévue, en sorte que le refus qui lui a été opposé à compter du 5 septembre 2008 contrevient à la règle conventionnelle.
Tandis que la société France Télévisions, pour confirmation, fait valoir que le renouvellement des congés pour convenance personnelle n'est pas de droit et souligne qu'il a été tenu compte autant que possible de la situation familiale de Mme Z dont le mari avait été muté à l'étranger, avant, au bout de trois ans, de devoir opposer un refus légitime compte tenu de son devoir d'organisation de l'entreprise.
Du texte de l'article précité, il résulte que le bénéfice du congé non rémunéré est ouvert au salarié pour une durée maximum de deux ans renouvelable une fois dans la même limite et une deuxième fois exceptionnellement dans les conditions fixées par le président.
Dès lors que Mme Z a été admise au bénéfice de ce type de congé qui est accordé 'pour une période de deux ans renouvelable une fois' et qu'elle a présenté une demande de renouvellement pour une période de deux ans, le renouvellement était de droit pour cette durée.
Par suite, l'employeur qui a rétracté sa décision de refus pour accéder à la demande de la salariée mais pour une durée d'un an, inférieure à celle requise, qui s'inscrivait sur la limite maximum de deux ans, a méconnu les dispositions conventionnelles et il ne peut être fait grief à la salariée de ne pas avoir rejoint son poste à la date fixée par l'employeur en méconnaissance de ses droits.
Non seulement la faute grave n'est pas démontrée mais le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application des article 40-3 et 42 de l'avenant précité Mme Z peut prétendre à une indemnité de licenciement égale à cinq douzièmes et demi de salaire annuel entre 10 et 15 ans d'ancienneté et à une indemnité de préavis de trois mois.
Selon l'article 32-2-3 La durée des congés non rémunérés n'est pas prise en compte dans le calcul de la durée de services ni dans le décompte des années de présence servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement prévue à l'article 40.
L'ancienneté court du 27 février 1993 au 5 septembre 2005 soit une durée de 12 ans et 6 mois.
Il ressort des bulletins de salaires produits un total de rémunérations de 51 887,59 euros de septembre 2004 à septembre 2005 soit un salaire moyen de 4 323,96 euros.
L'indemnité de licenciement s'établit donc à 23.781,81 euros
L'indemnité de préavis est due dans la mesure où la salariée était empêchée de l'exercer par le fait du refus injustifié de son employeur.
Elle s'établit à 12 971,88 euros.
Les congés payés y afférents représentent 129,71 euros .
Par ailleurs, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure d'allouer à Mme Z en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en ce sens et la société France Télévision condamné à payer ces sommes à Mme Z.
L'équité commande d'indemnise Mme Z de ses frais irrépétibles dans la limité de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau
Dit le licenciement de Mme Z sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société France Télévisions aux droits de la société France 3 à payer à Mme Z les sommes suivantes
- 23.781,81 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 12 971,88 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 129,71 euros pour les congés payés y afférents,
- 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société France Télévisions aux dépens de première instance et d'appel. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE