ARRÊT N°
R.G. 10/02753
JMA/SB
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES
05 mai 2010
Z
C/
Y
MINISTÈRE PUBLIC
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
Chambre 2 C
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2011
APPELANTE
Madame Michèle Z veuve Z
née le ..... à ARGENCES (14)
TOURS
Rep/assistant SCP GUIZARD-SERVAIS (avoués à la Cour)
Rep/assistant Me ... ... (Avocat au Barreau de TOURS)
INTIMÉES
Madame Mercédès Y divorcée Y
née le ..... à BUENOS AIRES (ARGENTINE)
CAISSARGUES
Rep/assistant SCP CURAT JARRICOT (avoués à la Cour)
Rep/assistant Me Edith ... (avocat au barreau de VERSAILLES)
Après que l'instruction ait été clôturée par ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 16 septembre 2011 révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
M. Jean-Marc ARMINGAUD, Président,
M. Pascal GUICHARD, Conseiller,
M. Jean Louis ..., Vice Président Placé,
GREFFIER
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTÈRE PUBLIC
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS
en chambre du Conseil du 28 septembre 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 novembre 2011
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Marc ARMINGAUD, Président, publiquement, le 30 novembre 2011, date indiquée à l'issue des débats,
* * *
FAITS ET PROCÉDURE
Michel ..., né le ..... à Alençon, est décédé le 13 janvier 2009 à Tours.
Son acte de naissance porte les mentions suivantes
' marié à Tours le 20 juillet 1950 avec Yvette ... ;
' marié à Vincente ..., commune de Sanpablo Del Monte, ... de Tlaxcala (Mexique) le 18 juin 1964 avec Mercedes RODRIGO. Acte inscrit au Consulat Général de France à Mexico le 30 novembre 1974 (mention portée le 18 octobre 1979) en marge de son acte de naissance ;
- divorcé de Yvette ... par jugement du Tribunal de Grande Instance de la Seine du 13 février 1967 ;
- divorcé de Mercedes RODRIGO par jugement du Tribunal de Grande Instance de Versailles du 17 septembre 1990 ;
' marié à Courbevoie le 27 décembre 1991 avec Michèle Z.
Le 26 juin 2009, sa dernière épouse, Michèle Z a assigné la seconde de ces épouses successives, Mercedes RODRIGO, devant le Tribunal de Grande Instance de Nîmes, pour voir annuler le mariage célébré le 18 juin 1964, et se voir allouer 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Elle a fondé sa demande sur l'état de bigamie sanctionné par les dispositions de l'article 147 du Code Civil, et sur l'inexistence réelle de ce mariage, avouée quelque temps avant son décès par M......., lequel a déclaré n'être jamais allé au Mexique, ce mariage ayant été dissimulé pendant 15 ans vis-à-vis de la France.
Par conclusions du 16 février 2010, Mercedes RODRIGO a demandé au tribunal de déclarer Michèle Z irrecevable en tous ses chefs de demandes, et de la condamner à lui payer 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle a exposé en effet que
- Michel ..., séparé de sa première épouse en 1962, a entamé une procédure de divorce au Mexique où un jugement a été rendu en ce sens le 13 juin 1964, avant que ne soit célébré leur mariage le 18 juin 1964 ; que le couple a eu un enfant, Anahi née le 23 août 1964 à la Plata (Argentine), et que M....... a adopté le fils issu de sa première union, suivant jugement d'adoption simple du Tribunal de Grande Instance de Versailles du 17 octobre 1979 ;
- que le jugement de divorce mexicain RENAUD-BARRAULT ayant été obtenu en fraude de la loi française, Mme ... a entamé une procédure en France, qui a abouti au jugement rendu le 13 février 1967 ;
- que M....... a été condamné pour bigamie le 6 janvier 1967 par le tribunal correctionnel de Montbéliard et condamné à une peine d'amende ;
- qu'en 1982, M....... souhaitant se séparer de sa seconde épouse, Mercedes RODRIGO, a sollicité le Parquet d'Alençon pour faire annuler ce mariage, demande à laquelle le Ministère Public a opposé un refus ;
que M....... a alors sollicité l'aide de sa première épouse qui a introduit une action en nullité de ce second mariage, dont elle a été déboutée par jugement du Tribunal de Grande Instance de Versailles en date du 16 septembre 1986, confirmé par un arrêt de cette Cour du 9 mai 1988, le pourvoi étant rejeté par un arrêt du 31 janvier 1990 ;
- que M....... a lors accepté un divorce amiable, sur lequel il a été statué par jugement du 17 septembre 1990 du Juge aux Affaires Familiales de Versailles ;
- que l'action est prescrite en vertu de l'article 184 du Code Civil, le mariage ne pouvant être attaqué que dans le délai de 30 ans à compter du jour de sa célébration, en l'état de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- que la demanderesse est dépourvue d'intérêt à agir, la bigamie n'affectant que le mariage BARRAULT-RENAUD, et non le sien, Michèle Z n'étant motivée que par l'intérêt pécuniaire de voir supprimer la pension de réversion, et alors qu'elle-même s'est mariée de toute bonne foi avec M....... qu'elle croyait divorcé, cette bonne foi ayant été reconnue, de sorte qu'elle a droit aux effets du mariage putatif et donc à la pension de réversion ;
- que l'acte de mariage mexicain ne peut être annulé par une juridiction française sauf à violer les dispositions de l'article 47 du Code Civil, la validité du jugement de divorce prononcé le 17 septembre 1990 ;
- que la procédure actuelle est abusive et diffamatoire, la demanderesse ayant eu nécessairement connaissance des circonstances du mariage RENAUD-RODRIGO, soit en se mariant et en consultant alors l'acte de naissance de son futur époux, soit lors de l'introduction de la procédure en nullité de mariage introduite par Mme ... le 25 février 1985 puisqu'elle vivait à l'époque avec son mari, soit par la connaissance du jugement de divorce RENAUD-RODRIGO, à l'amiable, ce qui démontre que le mari connaissait nécessairement la validité de ce mariage, soit encore en voyant M....... régler la rente à Mme Y, ou lors de rencontres entre Ahani et son père ;
- qu'il en résulte pour elle un préjudice moral et psychologique qui réclame une juste indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.
Par conclusions récapitulatives du 2 mars 2010, Michèle Z a demandé au tribunal
- de juger que le mariage RENAUD-RODRIGO est nul en raison de l'état de bigamie de l'époux ;
- qu'en conséquence le divorce du 17 septembre 1990 l'est également ;
- de condamner Mercedes RODRIGO à restituer à la succession de M....... ouverte en l'étude de Maître ... notaire à Tours, la somme de 2.163.772 frcs soit 399.865 euros en restitution de versement prestation compensatoire inclue, avec intérêts de droit, outre lui régler 1.500 euros en réparation de son préjudice moral et 3.000 eurosau titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en sus des dépens dont distraction au profit de Me ... avocat aux offres de droit.
Elle a fait valoir
- que la prescription édictée par l'article 184 du Code Civil ne peut courir qu'à compter du jour où celui contre lequel ou l'invoque a pu agir valablement ;
qu'en l'espèce, ce point de départ ne peut courir qu'à compter de la mention du mariage en marge de l'état civil d'Alençon, lieu de naissance de l'époux, le 18 octobre 1979, de sorte que l'assignation du 26 juin 2009 a valablement interrompu cette prescription ;
- que la loi du 17 juin 2008 n'a aucunement ajouté que le point de départ fixe de la prescription serait sans aucune exception, la date de célébration du mariage, le principe jurisprudentiel précédemment développé devant être maintenu, lequel s'applique aussi en matière de filiation, d'action en responsabilité contractuelle, de déclaration de simulations ;
- qu'elle a un intérêt évident à agir tant sur le plan moral tiré de son mariage avec un époux, qui a été bigame, que sur le plan financier, Mercedes RODRIGO percevant depuis son divorce 6.000 frcs indexé par mois et ayant reçu 250.000 frcs de capital, toutes sommes devant revenir à la succession, elle-même devant en outre bénéficier de la totalité de la pension de réversion, au lieu de la partager avec une personne non mariée avec M......., sa situation étant du reste tout autre que celle de Mme ..., quand le Tribunal de Grande Instance de Versailles a jugé le 16 septembre 1982, que divorcée et remariée avec M. ..., elle ne pouvait prétendre à une quelconque pension de réversion, et n'avait aucun droit dans la succession de son ex-époux prédécédé.
- que le mariage RENAUD-RODRIGO a été dissimulé, M....... et Mme Y étant tous deux de mauvaise fois, et ce mariage n'ayant sans doute pas été réellement célébré, l'acte ne portant aucune mention ni des dates et lieu de naissance de l'époux, ni son adresse, ni celle de l'épouse ;
- que la nullité de mariage pour bigamie peut être prononcée même si l'acte en a été dressé au Mexique, dès lors qu'il a été enregistré au Consulat Français puis sur les registres d'état civil d'Alençon ;
- que M......., dans le cadre de la procédure en annulation de son mariage avec Mercedes RODRIGO intentée par Mme ..., a lui-même conclu qu'il s'en rapportait sur cette nullité, considérant lui-même ce mariage comme nul, mais demandait qu'en cas d'annulation, le mariage produise son effet à l'égard de ses deux enfants, mais pas à l'égard de Mme Y laquelle était de mauvaise foi et ne pouvait bénéficier de la putativité de son mariage ;
- que la bonne foi de Mercedes RODRIGO, contrairement à ce qu'elle affirme, n'a jamais été reconnue, ni par le Ministère Public, ni par aucune des décisions de justice intervenues ;
- que 'l'extrait de mariage du Consulat Général de France au Mexique certifié conforme à l'original' a été fait à partir d'un faux puisqu'il n'y manque la date de naissance du marié, la mention de ce qu'il est déjà marié, ce qui prouve que M....... n'était pas présent, n'a pas fourni d'acte de naissance, et que le 'divorce mexicain' n'était pas enregistré à l'état civil mexicain ;
- que le mariage mexicain a fort probablement été organisé par Mercedes RODRIGO, déjà mère d'un enfant sans père, et enceinte de plusieurs mois ;
- qu'elle-même a ignoré la réalité des dates de mariages et divorces de son époux, n'en ayant connaissance que lorsqu'elle a obtenu l'acte de naissance de Michel ... ;
- qu'enfin, Mercedes RODRIGO ne peut subir un préjudice moral du seul fait de l'évocation de faits parfaitement exacts.
Par jugement en date du 5 mai 2010 le Tribunal de Grande Instance de Nîmes a statué en ces termes
- déclare irrecevable comme prescrite l'action en nullité de mariage intentée par Michèle Z à l'encontre de Mercedes RODRIGO ;
- déboute Mercedes RODRIGO de ses demandes reconventionnelles, y compris sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Michèle Z épouse Z, qui a fait appel le 3 juin 2010, a, par ses dernières conclusions, demandé à la Cour
de considérer que l'action n'est pas prescrite,
de déclarer recevable et bien fondée Mme Z veuve Z,
d'infirmer partiellement le jugement entrepris du Tribunal de Grande Instance de Nîmes en date du 5 mai 2010 et de statuer à nouveau.
A titre principal de considérer l'absence de mariage entre M....... et Mme Y pour bigamie,
de déclarer nul le divorce entre les époux ... à restituer à la succession de M. Michel ..., décédé le 13 janvier 2009, ouverte en l'étude de Maître ..., notaire à TOURS- 4 ter rue de Lucé 37 000 TOURS, la somme de 329.868 euros en restitution de versement de prestations compensatoires indues avec intérêts de droit,
de dire, par ailleurs, que cette dernière ne pourra plus bénéficier de la pension de réversion et qu'elle devra faire son affaire auprès de l'organisme compétent pour la restitution des fonds obtenus,
de condamner Mme Y à verser à Mme Z veuve Z la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice moral existant,
de débouter Mme Y de l'ensemble de ses prétentions, demandes et conclusions.
A titre subsidiaire et si le mariage est considéré comme ayant existé, le
voir annuler avec toutes les conséquences qui s'imposent,
de déclarer nul le divorce entre les époux ... le 17 septembre 1990,
de dire que cette annulation du mariage et du divorce aura effet rétroactif, aura les mêmes effets que ceux de la nullité, ci-dessus exposés,
débouter Mme Y de l'ensemble de ses prétentions, demandes et conclusions.
Voir condamner Mme Y à payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués pour les dépens d'appel.
Vu les dernières conclusions prises par Mercedes RODRIGO qui a demandé à la Cour de déclarer mal fondé l'appel interjeté par Mme Z veuve Z,
en conséquence, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit l'action en nullité de mariage prescrite et débouter Mme Z veuve Z de tous ses chefs de demande.
Subsidiairement, de dire que Mme Y bénéficie des effets du mariage putatif, et recevant sa demande reconventionnelle,
de condamner Mme Z veuve Z à payer à Mme Y la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 3.500 eurosau titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
de la condamner aux entiers dépens dont recouvrement par la SCP CURAT-JARRICOT Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
SUR CE
L'appelante maintient que sa demande de nullité du mariage, célébré au Mexique le 18 juin 1964 entre Michel RENAUD (encore marié depuis le 20 juillet 1950 avec Yvette
BARRAULT) et Mercedes RODRIGO, introduite par l'assignation du 26 juin 2009, ne serait pas atteinte par la prescription trentenaire, qui depuis la loi du 17 juin 2008 court à compter de la célébration du mariage, puisque, avant, cette loi, cette action était imprescriptible ;
que le délai de trente ans ne s'étant pas écoulé depuis le 17 juin 2008, elle reste recevable à agir, la loi nouvelle ajoutant ce délai à la situation antérieure, où il n'y avait pas de délai trentenaire ;
que même si le délai de trente ans devait courir depuis le mariage, célébré le 18 juin 1964, pour autant elle aurait été dans l'impossibilité d'agir, n'ayant eu connaissance de ce mariage que lors de sa transcription en marge de l'acte de naissance du mari, effectuée le 18 octobre 1979, de sorte que sous le régime antérieur à la loi du 17 juin 2008 elle aurait pu agir jusqu'au 18 octobre 2009
qu'en tout cas, le mariage serait inexistant, les pièces 3, 13 et 14 adverses, ne mentionnant, ni l'adresse de Michel ..., ni ses dates et lieux de naissance, ni l'adresse de Mercedes RODRIGO, ces lacunes prouvant que les époux n'étaient pas présents au Mexique le 18 juin 1964, n'auraient pas échangé leurs consentements, de sorte qu'en l'absence de célébration du mariage, le délai de 30 ans n'aurait pas couru au regard de sa demande de constatation de l'inexistence de ce mariage.
Toutefois, pour déclarer atteinte par la prescription trentenaire l'action en nullité pour bigamie introduite le 26 juin 2009, le premier juge a retenu à bon droit, en substance, que, certes, il est constant que le mariage célébré le 18 juin 1964 entre Michel ... et Mercedes RODRIGO contrevient aux prescriptions de l'article 147 du Code Civil, l'époux étant, à cette date, dans les liens de son union matrimoniale conclue avec Yvette ... le 20 juillet 1950, laquelle n'a été dissoute par jugement de divorce que le 13 février 1967 ;
qu'aux termes de l'article 184 du Code Civil, ce mariage peut être attaqué, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui ont intérêt, soit par le Ministère Public, et ce, depuis la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 'dans un délai de trente ans à compter de sa célébration' ;
que, l'intervention du législateur, le 17 juin 2008, a mis fin au caractère prétendument imprescriptible de l'action en nullité de mariage, pour cause de nullité absolue, cette loi précisant expressément le point de départ de la prescription comme étant celui du jour de la célébration du mariage, et le délai de trente ans, particulièrement long, eu égard à celui de cinq ans retenu pour le régime des nullités relatives, étant apparu comme nécessaire au regard des délais de révélation de certaines causes de nullité de mariage, telle la bigamie, le législateur ayant ainsi entendu faire bénéficier tant à l'époux qu'aux tiers qui a intérêt qu'au Ministère Public, d'un délai considéré, dès lors, comme suffisant pour appréhender la réalité de la situation matrimoniale considérée ;
que reporter le point de départ de ce délai de prescription à la date à laquelle un époux successif, non concerné par la bigamie, pourrait découvrir l'état de fait qui a existé comme en l'espèce il y a quarante cinq ans (depuis le 18 juin 1964) et a cessé il y a quarante trois ans (depuis le 13 février 1967), aboutirait à vider de sa substance cette nouvelle prescription légale ;
que Mme ... indique elle-même dans ses écritures qu'elle aurait pu connaître la situation matrimoniale antérieure de son époux à la date de mention du mariage contracté avec Mercedes RODRIGO sur l'acte de naissance de M......., soit le 18 octobre 1979 ;
qu'elle aurait pu en outre prendre connaissance de l'acte de naissance de son conjoint lors de son mariage en décembre 1991, agir dans les 30 ans du mariage soit avant le 18 juin 1994, échapper ainsi aux effets de la loi du 17 juin 2008, qui impose désormais un seul délai de 30 ans, à compter du mariage ;
que ces deux dates 1979 et 1991 se situent dans le délai de trente ans à compter du mariage attaqué, cette observation n'ayant pour objet que de démontrer que le délai retenu par le législateur apparaît en effet, même dans le présent cas d'espèce, comme suffisant pour permettre la révélation d'un état de bigamie, parmi les différents cas de nullité absolue du mariage ;
qu'il convient dès lors d'appliquer le texte de l'article 184 du Code Civil et de déclarer irrecevable comme prescrite l'action exercée par Michèle Z.
L'intimée souligne justement que la loi du 17 juin 2008, qui ne contient pas de dispositions transitoires concernant les actions en nullité absolue, n'a prévu aucune exception, pour les situations antérieures, a fixé de manière objective le point de départ du délai de 30 ans, sans égard à la découverte de la bigamie, ce qui interdit désormais de faire référence à sa découverte ;
que ce délai de trente ans n'est pas réduit par rapport à la période antérieure, ce qui exclut dès lors d'ajouter un nouveau délai de 30 ans à compter de la loi de 2008, puisque l'imprescriptibilité de l'action en nullité n'était plus admise depuis la loi du 3 janvier 1972, sur la filiation, la doctrine considérant que, depuis cette date, toutes les actions en nullité absolue se prescrivaient par trente ans ;
que depuis la loi du 17 juin 2008, il n'y a plus lieu de rechercher à quelle date la bigamie a pu être connue par celui qui l'invoque ;
que prendre en compte cette date, et à fortiori, ajouter 30 ans à compter du 17 juin 2008, aboutirait à vider cette loi de toute substance, un délai de 45 ans séparant déjà le mariage de l'assignation ;
que l'inexistence de ce mariage, qui suppose que l'on se trouve dans une situation tellement éloignée du mariage par sa nature, qu'elle ne présente même pas une apparence de mariage, est vainement invoquée, la réalité du mariage célébré au Mexique le 18 juin 1964, étant suffisamment établie par les circonstances que les époux ont remis à l'officier d'état civil de SANPABLO DEL MONTE une copie de leur contrat de mariage (pièce 13) ;
que ce mariage a été transcrit au Consulat de France, à MEXICO, le 30 novembre 1974, sur production d'une expédition de l'acte de mariage légalisé, cet acte portant la mention de leur divorce prononcé le 17 septembre 1990 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES, enfin, par la délivrance, à CORDOBA, en ARGENTINE, d'un livret de famille, ces circonstances, qui démontrent la volonté de se marier exprimée le 16 juin 1964 n'étant pas combattues par le fait que l'acte de mariage ne mentionne pas la date de naissance du mari, les adresses des époux, ces seuls éléments étant insuffisants pour établir que les époux n'auraient pas comparu devant l'officier d'état civil.
Par ces motifs ajoutés le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de Michèle Z veuve Z.
Mercedes RODRIGO réitère sa demande de la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts, en faisant valoir que l'appelante est intervenue auprès de la CRAM pour la priver de la pension de réversion, la caisse attendant l'issue de la présente procédure pour se prononcer sur ses droits (pièce 27) la rente versée par M....... étant sa principale source de revenus, sa retraite n'étant que de 641,41 euros par mois ;
que la procédure blessante introduite par Michèle Z serait exclusivement motivée que par son appât du gain, cette personne connaissant bien la situation matrimoniale de son conjoint, au moins depuis 1991.
Pour rejeter cette demande, le premier juge a retenu,
que Mercedes RODRIGO ne justifie d'aucun préjudice lié à cette action,
qu'elle bénéficie au contraire d'avantages financiers conséquents liés à un état de bigamie, dont il est compréhensible, ayant donné lieu à une condamnation pénale, qu'il soit attaqué sur le plan civil, et ce, alors qu'elle n'a pu ignorer qu'un divorce clandestin obtenu à l'étranger cinq jours avant son mariage avec l'époux ainsi divorcé ne pouvait avoir strictement aucune valeur.
La Cour ajoutera à cette argumentation pertinente que l'intimée ne prouve pas que l'état de bigamie n'aurait été connu par la CRAM que du fait de l'action introduite par Michèle Z veuve Z ;
qu'elle n'établit pas davantage que cette action, qui ne prospère pas, se traduira par le rejet de sa demande de pension de réversion, dont la mise en cause résulte de la seule existence de la bigamie, incontestée, situation,
à laquelle l'appelante est étrangère, ni l'existence d'un préjudice moral, le but recherché par l'appelante étant légitime même si ses fins sont purement financières.
La succombance des deux parties commande, aussi, de dire que chacune conservera la charge de ses dépens d'appel, de rejeter les demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, après conclusions du Ministère Public, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Déboute Michèle Z de son appel,
Rejette aussi l'appel incident de Mercedes RODRIGO,
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,
Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Dit que chaque partie conservera aussi les dépens d'appel par elle engagés,
Accorde aux avoués le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Arrêt signé par M. ..., Président et par Mme ..., Greffier. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,