COMM. AM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 6 décembre 2011
Rejet
Mme FAVRE, président
Arrêt no 1246 F-P+B
Pourvoi no B 10-25.571
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ M. Michel Z, domicilié Santa-Maria-Di Lota,
2o/ M. Thierry Y, domicilié Porticcio,
3o/ M. Pierre X, pris en son nom personnel et en qualité de mandataire ad hoc de la société Merenda, société par actions simplifiée, domicilié Mezzavia,
contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2010 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile), dans le litige les opposant
1o/ à la Banque Populaire Provençale et Corse, dont le siège est Marseille,
2o/ à M. Jean-Pierre U, domicilié Ajaccio, pris en qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Merenda,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 novembre 2011, où étaient présents Mme Favre, président, Mme Guillou, conseiller référendaire rapporteur, M. Gérard, conseiller doyen, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller référendaire, les observations de Me Spinosi, avocat de MM. Z, Y, X, ... ... SCP Defrenois et Levis, avocat de la Banque Populaire Provençale et Corse, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 8 septembre 2010), que La Banque Populaire Provençale et Corse (la banque) a consenti à la société Merenda un prêt dont ses trois associés, MM. X, Z et Y se sont rendus cautions ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a déclaré sa créance qui, contestée par la société Merenda, a été admise par ordonnance du juge commissaire du 6 mars 2006, confirmée par arrêt du 21 novembre 2007 ; que le 15 juillet 2009, M. X a formé tierce opposition contre cet arrêt ; que MM. Z et Y sont intervenus volontairement à l'instance ;
Attendu que MM. X, Z et Y font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable la tierce-opposition, alors, selon le moyen
1o/ que le droit d'accès effectif au juge implique que la caution, qui n'a pas été partie à l'instance, soit recevable à former tierce-opposition contre toute décision condamnant le débiteur principal au paiement de la créance garantie ; qu'en retenant, pour déclarer MM X, Z et Y irrecevables, en leur qualité de caution, à former tierce-opposition contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2007, qui a confirmé l'admission à la procédure collective de la société Merenda d'une créance au profit de la banque, que les cautions devaient être considérées comme représentées par la société Merenda, débiteur principal, la cour d'appel a méconnu l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;
2o/ qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, la société Merenda ayant fait l'objet d'un plan de cession totale par jugement du 24 mai 2004, ne pouvait ultérieurement être valablement représentée que par un administrateur ad hoc ; qu'en jugeant néanmoins que la société Merenda avait été régulièrement représentée par M. U, en sa qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan, et par son " représentant légal ", M. X, la cour d'appel, qui aurait dû en déduire qu'aucun mandataire ad hoc n'avait été désigné pour représenter la société Merenda, de sorte qu'elle n'a pas pu être régulièrement partie à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 21 novembre 2007, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1844-7, 7o du code civil, dans sa rédaction alors applicable, et 583 du code de procédure civile ;
3o/ qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, MM. Z, Y et X faisaient valoir dans leurs écritures d'appel que la société Merenda n'avait pas été régulièrement représentée devant la cour d'appel, en raison de l'absence de nomination d'un administrateur ad hoc comme le requiert l'article 1844-7, 7o du code civil dans l'hypothèse d'un plan de cession totale, adopté par le jugement du 24 mai 2004 ; qu'en jugeant néanmoins que MM. Z, Y et X en leur qualité de cautions solidaires des engagements bancaires souscrits par la société Merenda avaient été représentés par celle-ci dans l'instance ayant conduit à l'arrêt contre lequel ils ont formé tierce opposition, sans rechercher si l'absence de nomination d'un administrateur ad hoc à l'issue de l'adoption du plan de cession totale du 24 mai 2004 ne rendait pas irrégulière la représentation de la société Merenda par M. U, ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan, et par l'ancien représentant légal, M. X, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7,7o du code civil, dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;
4o/ que les créanciers et ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ; qu'en l'espèce, la société Merenda s'était contentée de solliciter le rejet de la créance produite par la BPPC, faute de production de pièces justificatives du montant de celle-ci, quand MM. Z, Y et X faisaient valoir, quant à eux, qu'aucune mensualité échue n'était impayée au jour du jugement d'ouverture et du plan de cession totale, de sorte que la créance de la BPPC ne devait pas être admise ; qu'en retenant cependant, pour juger irrecevable la tierce opposition de MM. Z, Y et X que le moyen propre s'entend d'un moyen personnel à l'intéressé que lui seul peut faire valoir, la cour d'appel a ajouté une condition au texte, violant ainsi l'article 583, alinéa 2, du code civil ;
Mais attendu que MM. X, Z et Y, cautions, pouvant former réclamation contre l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce par le juge-commissaire, en qualité de tiers intéressés conformément aux dispositions de l'article R. 624-8 du code de commerce, la tierce-opposition contre l'arrêt du 21 novembre 2007 ne leur était pas ouverte ; que par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. X, Z et Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer à la Banque populaire provençale et Corse la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour MM. Z, Y, X.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les tierce-oppositions formées par les consorts Z, Y et X ;
Aux motifs que, " Mais attendu que si l'autorité de la chose jugée entre les parties attachée à l'arrêt du 21 novembre 2007 n'ayant pas fait l'objet lui-même d'une publication au BODACC ne saurait faire obstacle à la recevabilité de la tierce-opposition de personnes y ayant intérêt, il n'en demeure pas moins que celles-ci doivent présenter la qualité de tiers à la procédure initiale c'est dire n'avoir été ni partie ni représentée ;
Qu'en l'espèce il ressort clairement des mentions de l'arrêt dont s'agit qu'indépendamment d'une erreur sur sa forme sociale, la société MERENDA figurait bien comme partie à l'instance initiale en sa qualité de débitrice de la BPPC au titre du prêt professionnel souscrit le 29 mai 2009 et était représentée non seulement par Maître Jean-Pierre U' en sa qualité de représentant des créanciers et liquidateur judiciaire mais également par son représentant légal ;
Que les pièces produites aux débats et notamment les divers extraits K bis font apparaître sans ambiguïté que la SARL MERENDA devenue SAS MERENDA le 31 mai 2002 n'a jamais cessé son activité sous la représentation légale de Monsieur X en qualité de gérant puis de président ;
Que Monsieur X est mal fondé dès lors, sous le bénéfice de l'erreur sus-mentionnée quant à la forme sociale de la société MERENDA et du défaut de nomination d'un mandataire ad hoc, de prétendre être lui-même un tiers à l'arrêt dont s'agit au sens de l'article 583 du code de procédure civile ;
Qu'en outre les cautions doivent être considérées comme représentées par le débiteur principal ;
Que si, par application de l'alinéa 2 de l'article 583 du code de procédure civile, il est permis par exception â ce principe à l'ayant cause représenté de former tierce opposition, c'est à la condition de faire valoir un moyen propre ;
Que contrairement à ce que prétendent les tiers opposants, cette condition ne peut être satisfaite par l'invocation d'une argumentation nouvelle voire plus performante qui aurait pu être avancée par le débiteur ;
Qu'en effet le moyen propre au sens de l'article précité doit s'entendre d'un moyen personnel à l'intéressé que lui seul peut faire valoir, ce qui explique que ne pouvant être représenté pour sa mise en oeuvre, il puisse accéder à la tierce opposition ;
Que tel n'est pas le cas des moyens soulevés sur le fond par les tiers opposants qui sollicitent le rejet de la créance principalement à raison de l'absence de mensualités échues impayées au jour du jugement d'ouverture et du plan de cession totale, moyen qui eût pu tout aussi bien être soulevé par la débitrice principale laquelle a d'ailleurs argué d'un moyen similaire auquel a répondu la Cour par l'analyse combinée des actes de prêt, des tableaux d'amortissement et des relevés de comptes ;
Qu'il y a lieu en conséquence de constater l'irrecevabilité des tierce oppositions de Monsieur X, Monsieur Z et Monsieur Y " ;
Alors que le droit d'accès effectif au juge implique que la caution, qui n'a pas été partie à l'instance, soit recevable à former tierce-opposition contre toute décision condamnant le débiteur principal au paiement de la créance garantie ; qu'en retenant, pour déclarer les consorts X, Z et Y irrecevables, en leur qualité de caution, à former tierce-opposition contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2007, qui a confirmé l'admission à la procédure collective de la société MERENDA d'une créance au profit de la banque BPPC, que les cautions devaient être considérées comme représentées par la société MERENDA, débiteur principal, la Cour d'appel a méconnu l'article 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;
Alors que, subsidiairement, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, la société MERENDA ayant fait l'objet d'un plan de cession totale par jugement du 24 mai 2004, ne pouvait ultérieurement être valablement représentée que par un administrateur ad hoc ; qu'en jugeant néanmoins que la société MERENDA avait été régulièrement représentée par Maître Jean-Pierre U, en sa qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan, et par son " représentant légal ", Monsieur X, la Cour d'appel, qui aurait dû en déduire qu'aucun mandataire ad hoc n'avait été désigné pour représenter la société MERENDA, de sorte qu'elle n'a pas pu être régulièrement partie à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 21 novembre 2007, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1844-7, 7o du code civil, dans sa rédaction alors applicable, et 583 du code de procédure civile ;
Alors que, plus subsidiairement, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; qu'en l'espèce, les consorts Z, Y et X faisaient valoir dans leurs écritures d'appel que la société MERENDA n'avait pas été régulièrement représentée devant la Cour d'appel, en raison de l'absence de nomination d'un administrateur ad hoc comme le requiert l'article 1844-7, 7o du code civil dans l'hypothèse d'un plan de cession totale, adopté par le jugement du 24 mai 2004 (conclusions des Z et Y, p. 6 et conclusions de Monsieur X, p. 8) ; qu'en jugeant néanmoins que les consorts Z, Y et X, en leur qualité de cautions solidaires des engagements bancaires souscrits par la société MERENDA, avaient été représentés par celle-ci dans l'instance ayant conduit à l'arrêt contre lequel ils ont formé tierce opposition, sans rechercher si l'absence de nomination d'un administrateur ad hoc à l'issue de l'adoption du plan de cession totale du 24 mai 2004 ne rendait pas irrégulière la représentation de la société MERENDA par Maître Jean-Pierre U, ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan, et par l'ancien représentant légal, Monsieur X, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7,7 o du code civil, dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'article 583 du code de procédure civile ;
Alors que, à titre infiniment subsidiaire, les créanciers et ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ; qu'en l'espèce, la société MERENDA s'était contentée de solliciter le rejet de la créance produite par la BPPC, faute de production de pièces justificatives du montant de celle-ci, quand les consorts Z, Y et X faisaient valoir, quant à eux, qu'aucune mensualité échue n'était impayée au jour du jugement d'ouverture et du plan de cession totale, de sorte que la créance de la BPPC ne devait pas être admise ; qu'en retenant cependant, pour juger irrecevable la tierce opposition des consorts Z, Y et X que le moyen propre s'entend d'un " moyen personnel à l'intéressé que lui seul peut faire valoir ", la Cour d'appel a ajouté une condition au texte, violant ainsi l'article 583, alinéa 2, du code civil.