RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 15 novembre 2011
(n° 4, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général S 09/09398
Décision déférée à la Cour jugement rendu le 15 Octobre 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 07/10267
APPELANT
Monsieur Thai Binh Z
DREVANT
représenté par Me Isabelle REYMANN-GLASER, avocat au barreau de PARIS, toque J 141 substitué par Me Elisabeth NEIDHART, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
FONDATION HÔPITAL SAINT JOSEPH
185, rue Raymond
PARIS CEDEX 14
représentée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque K 0168 substitué par Me Céline GORTYCH, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente
Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère
GREFFIÈRE Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Statuant sur l'appel régulièrement formé par M. Z du jugement rendu le 15 octobre 2009 par le juge départiteur du Conseil de Prud'hommes de Paris-section encadrement- qui l'a débouté de ses demandes contre la Fondation Hôpital Saint-Joseph et condamné à payer à celle-ci la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Vu les conclusions du 1er juin 2011 au soutien de ses observations orales de M. Z qui demande à la Cour, infirmant le jugement déféré, de condamner la Fondation Hôpital Saint-Joseph à lui payer les sommes portant intérêts de droit de
- 63.680 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 75.524,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 21.226,72 euros bruts à titre d'indemnité de préavis
- 2.122,67 euros bruts au titre des congés payés incidents,
- 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Vu les conclusions du 1er juin 2011 au soutien de ses observations orales de la Fondation Hôpital Saint-Joseph aux fins de confirmation du jugement déféré et de condamnation de M. Z au paiement de la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Attendu qu'aux termes de l'article L 1222-4 du Code du Travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ;
Qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article L 2323-32 du Code du Travail, le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement de la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ;
Qu'il s'évince de ces dispositions, l'interdiction pour l'employeur de se servir de moyens de preuve obtenus à l'aide de procédés de surveillance non portés préalablement à la connaissance des salariés et relatifs à l'activité de ceux-ci affectés à un poste de travail déterminé ;
Attendu qu'en l'espèce, M. Z, titulaire d'une diplôme de gériatrie, engagé par la Fondation Hôpital Saint-Joseph, suivant contrat de travail du 2 novembre 1993 pour une durée d'un an, en qualité d'assistant provisoire puis, suivant contrat du 2 novembre 1995 pour une durée indéterminée en qualité de médecin attaché, affecté au 'service gériatrie aigüe et médecine polyvalente' de l'hôpital, nommé à compter de novembre 2006 à la suite de la fusion des Hôpitaux Saint-Joseph, Saint-Michel et Notre Dame de Bon secours, en tant que responsable à 'l'équipe mobile de gériatrie'avec une rémunération moyenne brute de 5.306,68 euros en dernier lieu, était convoqué par lettre du 22 juin 2007 lui notifiant sa mise à pied conservatoire, à un entretien préalable à son licenciement qui devait se tenir le 3 juillet 2007, puis licencié par courrier du 9 juillet 2007 pour faute grave, aux motifs suivants
'Sur votre lieu de travail et pendant votre temps de travail, vous accédez à des sites internet à caractère pornographique, ce qui est tout a fait contraire aux règles déontologiques de notre établissement.
Lors de notre entretien du 3 juillet [2007], en présence d'un représentant du personnel, Mme Anne ..., vous m'avez remis une lettre afin de justifier a priori votre comportement sans pour autant faire état des griefs qui vous sont reprochés et qui révèlent pourtant un caractère capital dans cette procédure.
Lors de l'entretien, bien qu'ayant reconnu les faits lors de la confirmation de la mise à pied à titre conservatoire, vous avez orienté votre défense sur la nature même des preuves en notre possession, ce qui témoigne de votre mauvaise foi caractérisée dans cette affaire. Il apparaît à ce jour indéniable que vous cherchez à quitter l'établissement avec une somme d'argent non négligeable, ce que je trouve inacceptable dans la situation actuelle. Je vous rappelle que notre budget de fonctionnement provient de fonds publics et que votre comportement est inacceptable et contraire à nos valeurs.
Compte tenu de votre comportement et de la gravité des fais en raison de votre statut de médecin et de notre souci permanent de respecter la dignité et d'assurer la sécurité de tous nos patients, j'ai pris la décision de vous licencier pour faute grave, sans préavis...';
Que M. Z saisissait la juridiction prud'homale le 25 septembre 2007 ;
Attendu que pour s'opposer à l'argumentation de M. Z tire du caractère illicite du moyen de preuve des faits mis en oeuvre, la Fondation Hôpital Saint-Joseph fait valoir que les fichiers et dossiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis a disposition par un employeur pour l'exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence, que l'ordinateur de l'entreprise n'a pas pour objet, selon la CNIL, de transformer l'ordinateur de l'entreprise en ordinateur à usage privé ;
Mais attendu que si l'employeur est en droit de rechercher sur l'outil informatique professionnel mis à disposition du salarié hors sa présence, les connexions que celui-ci a établies afin de les identifier, les dispositions précitées lui imposent d'avoir porté préalablement à la connaissance du salarié le dispositif du contrôle mis en place ;
Que contrairement à ce qu'elle soutient, la Fondation Hôpital Saint-Joseph ne rapporte pas la preuve d'avoir remis à M. Z lors de son embauche en novembre 1993 puis novembre 1995, un règlement intérieur contenant les dispositions et un document relatif à l'utilisation des moyens informatiques, l'attestation non datée de Mme ..., responsable des affaires médicales dont la date d'embauche, non datée non plus, n'est pas déterminée, ne mentionne pas le nom de M. Z ; que la Fondation ne produit pas l'attestation de reconnaissance de responsabilités que Mme ... dit signée par 'le médecin recruté'.
Que le mode de procéder de la Fondation à l'insu du salarié vient en conséquence en violation des dispositions précitées.
Et attendu que le listing produit par l'intimée ne fait état de connexions sur des sites pornographiques qu'en début de journée les 30 avril, 3 et 4 mai 2007,sans grande durée ni fréquence quotidienne, hebdomadaire ou même mensuelle de telles connexions ;
Que le motif articulé dans la lettre de licenciement tiré du 'souci permanent [de la fondation] de respecter la dignité et d'assurer la sécurité de ses patients' est sans portée en conséquences au regard du nombre et de la durée des connexions incriminées, en l'absence d'évocation d'un caractère pédophile des sites visités;
Que le licenciement au regard de l'ancienneté et de l'absence de passé disciplinaire de M. Z, à un moment où se mettait en place une réorganisation de l'Hôpital est sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que par suite M. Z doit percevoir ses indemnités conventionnelles de rupture, non critiquées en leur montant, nécessairement retenues en brut et être indemnisé des préjudices résultant de la perte de son emploi ;
Qu'au regard de son ancienneté, des conditions d'un licenciement immédiat pour des motifs vexatoires, la somme nette de 50.000 euros doit lui être allouée en réparation ;
Attendu que les intérêts légaux courent de droit dans les conditions des articles 1153 et 1153-1 du Code Civil;
Attendu qu'en vertu de l'article L 1235-4 du Code du Travail, le remboursement des allocations chômage par l'employeur fautif sont de droit; qu'il doit être ordonné dans la limite légale en l'espèce ;
PAR CES MOTIFS,
Infirmant le jugement déféré,
Condamne la Fondation Hôpital Saint-Joseph à payer à M. Z, avec intérêts de droit, les sommes suivantes
- 75.524,62 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 21.226,72 euros bruts à titre d'indemnité de préavis .
- 2.122,67 euros bruts au titre des congés payés incidents ;
- 50.000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamne la Fondation Hôpital Saint-Joseph aux dépens, dont frais d'exécution,
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, la condamne à payer à M. Z la somme de 3.000 euros à ce titre.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE