COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac 80A
6ème chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 NOVEMBRE 2011
R.G. N° 10/01979
AFFAIRE
SA IER
C/
Georges Y
Décision déférée à la cour Jugement rendu le 15 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section Encadrement
N° RG 08/1286
Copies exécutoires délivrées à
SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
Me Diane ...
Copies certifiées conformes délivrées à
SA IER
Georges Y
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
SA IER
SURESNES CEDEX
Représentée par Me Tiphaine LE BIHAN membre de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocats au barreau de NANTERRE
APPELANTE
****************
Monsieur Georges Y
AUFFARGIS
Comparant
Assisté de Me Diane MACCAGNO, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ
****************
Composition de la cour
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2011, en audience publique, devant la cour composée de
Monsieur Jean-Marc DAUGE, président
Madame Claude FOURNIER, conseiller
Madame Mariella LUXARDO, conseiller
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats Madame Sabine MARÉVILLE
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Y saisissait le 26 décembre 2008 le conseil de prud'hommes de Versailles en contestation de son licenciement et paiement de
- 97 446 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 34 122 euros à titre d'indemnité de préavis
- 129 984 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5 687 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement
- 3 500 euros d'indemnité de procédure
*constater que le protocole transactionnel prétendument signé le 31 octobre 2008 est irrégulier
* prononcer l'annulation du dit protocole transactionnel
le tout assorti de l' exécution provisoire du jugement à intervenir, des intérêts légaux depuis la date de la saisine et compensation des dettes entre les parties.
Par jugement rendu le 15 février 2010 le conseil de prud'hommes de Versailles a
- prononcé la nullité de la transaction entre les parties signée du 30 octobre 2008
- dit que le licenciement entrepris à l'égard de Monsieur Y est sans cause réelle et sérieuse
- condamné la société IER à verser à Monsieur Y les sommes suivantes
* 34 122 euros au titre de l'indemnité de préavis
* 97 446 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 36 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire sur la totalité des condamnations
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- ordonné la compensation des sommes dues par la société IER à Monsieur Y (168 568 euros) et dues par Monsieur Y à la société IER (54 857 euros)
- condamné le défendeur aux éventuels dépens.
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par la société IER contre cette décision.
Initialement évoquée à l'audience du 23 novembre 2010, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 11 octobre 2011.
Les condamnations exécutoires par provision ont été payées.
Monsieur Y a été engagé par la société IER, suivant contrat à durée indéterminée, le 9 février 1976 en qualité de contrôleur final ; au dernier état de la relation de travail, Monsieur Y exerçait les fonctions de responsables de la production RFID, catégorie cadre, coefficient 135.
Par courriel du 31 janvier 2008, Monsieur Y informait la société IER de son souhait de "mettre un terme à sa carrière" et de "connaître les conditions dans lesquelles il (lui serait) possible de partir" ; le 1er février 2008, la société IER interrogeait Monsieur Y sur sa situation vis à vis de la retraite; le même jour monsieur Y répondait que
- au 1er octobre 2008, il aurait 60 ans et 155 trimestres pour 160 demandés,
- après le mois de janvier 2009, le nombre de trimestre requis serait de 162, et qu'il ne justifierait de ce nombre de trimestres qu'au mois d'août 2010, alors qu'il serait âgé de 62 ans.
Le 15 avril 2008, la société IER proposait à Monsieur Y le bénéfice d'une transaction de 40 000 euros.
Par la suite est intervenue la loi de modernisation du marché du travail 2008-596 du 25 juin 2008, qui prévoit la possibilité d'une rupture conventionnelle du contrat de travail.
Le 19 août 2008, Monsieur Y donnait son accord à la société IER pour qu'il soit mis fin à son contrat de travail selon la procédure de rupture conventionnelle définie par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail ; le 26 août 2008, Monsieur Y et la société IER signaient une convention de rupture conventionnelle qui prévoyait une indemnité de licenciement de 53 070 euros.
Le 7 septembre 2008, la société se rétractait au motif qu'elle refusait de verser à Monsieur Y l'indemnité conventionnelle, et entendait s'en tenir à l'indemnité légale de licenciement ; elle indiquait à Monsieur Y qu'elle souhaitait revenir aux conditions de départ transactionnel négociées antérieurement à la loi du 25 juin 2008, ce que ce dernier refusait le 8 septembre 2008.
Il a fait l'objet le 3 octobre 2008 d'une convocation à entretien préalable à licenciement, tenu le 13 octobre 2008, et a été licencié le 17 octobre pour faute grave.
Un accord transactionnel a néanmoins été conclu entre Monsieur Y et la société IER selon Monsieur Y le 17 octobre 2008, selon la société IER, le 31 octobre 2008.
L'entreprise emploie au moins onze salariés ; il existe des institutions représentatives du personnel ; la convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le salaire mensuel brut moyen était de
- selon Monsieur Y 5 687 euros (période d'août 2007 à juillet 2008)
- selon la société IER 5 211,47 euros (période de juillet à septembre 2008.)
La société IER par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de
- déclarer Monsieur Y irrecevable en toutes ses demandes en tant qu'il a conclu une transaction le 31 octobre 2008 et que cette dernière est parfaitement licite
- infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement entrepris et condamner Monsieur Y à lui rembourser la somme de 107 786,05 euros qui lui a été réglée au titre de l'exécution provisoire
- débouter Monsieur Y de l'intégralité de ses demandes, fins, écrits et conclusions
A titre subsidiaire (dans l'hypothèse où elle considérerait que la transaction est nulle et de nul effet et qu'elle jugerait par ailleurs que le licenciement de Monsieur Y est dépourvu de cause réelle et sérieuse)
- condamner Monsieur Y à lui restituer la somme de 50 581,65 euros qui lui a été réglée à titre d'indemnité transactionnelle, ce avec les intérêts légaux y afférents depuis le 31 octobre 2008
- dire que Monsieur Y était, quoi qu'il en soit, demandeur à la rupture du contrat de travail
- débouter Monsieur Y de sa demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et confirmer sur ce point le jugement entrepris
- ramener la somme de 31 268,82 euros, équivalente à six mois de salaire, le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicitée par Monsieur Y,
en exposant essentiellement que
- la transaction est intervenue postérieurement à la notification du licenciement et Monsieur Y n'apporte pas la preuve de ce qu'il allègue, à savoir que la transaction aurait été signée le17 octobre 2008 au moment de son licenciement ;
- Monsieur Y n'a pas adressé le moindre courrier, ou plus généralement le moindre document à la société IER pour dénoncer la prétendue procédure fictive de licenciement menée à son encontre ;
- c'est après qu'il ait été mis fin par la société IER aux discussions concernant la rupture du contrat de travail de Monsieur Y dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle que ce dernier a fait le choix de se comporter d'une manière telle que la société IER n'a eu d'autre choix que celui d'engager à son encontre une procédure de licenciement pour faute grave ;
- la transaction a pour effet de mettre un terme définitif au litige né entre les parties ;
- la transaction fait clairement ressortir l'existence des concessions réciproques entre les parties.
Monsieur Y, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a
* prononcé la nullité de la transaction entreprise entre les parties le 17 octobre 2008
* constaté que le licenciement à lui notifié le 17 octobre 2008 est sans cause réelle et sérieuse
en conséquence,
- condamner la société IER à lui payer
* la somme de 34 122 euros à titre d'indemnité de préavis
* la somme de 97 446 euros à titre d'indemnité de licenciement
* la somme de 129 984 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* la somme de 5 687 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement
* la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en soutenant essentiellement que
- Sur la nullité de la transaction
* en raison du contexte de sa conclusion
' Les dispositions légales d'ordre public relatives à la procédure de licenciement ont été violées par l'employeur, aucune procédure de licenciement n'a réellement été diligentée ;
' Il appartiendra donc à la cour de procéder à l'analyse du bien fondé du licenciement, preuve qui revient à l'employeur, lequel ne fournir aucune pièce au soutien de la démonstration des trois motifs qu'elle développe dans la lettre de licenciement ;
* en raison de l'antériorité de la signature de la transaction au licenciement
' La transaction n'a jamais été signée le 30 octobre 2008 ;
' Elle l'a été au même moment que la remise à Monsieur Y de la convocation à entretien préalable et la notification du licenciement soit le 17 octobre 2008 ;
' A la demande de la société, elle a donc été antidatée ;
* en raison de la reprise d'un accord antérieur Outre le fait que la notification du licenciement est intervenue après la signature de la transaction, les pièces versées aux débats témoignent qu'après huit mois de pourparlers, une rupture conventionnelle avait été négociée entre les parties. Or la somme allouée par la société à Monsieur Y dans la transaction litigieuse correspond justement à l'addition de l'indemnité conventionnelle consentie dans le cadre de la rupture conventionnelle et du reliquat de sept jours de congés payés non pris que la société avait refusé de payer ou de donner au salarié pour être expirés. La transaction litigieuse n'est donc que la reprise de l'accord signé par les parties le 26 août 2008 ;
* en raison de l'absence de concession réciproques
' La volonté manifeste de la société IER de rompre le contrat de travail de Monsieur Y était d'économiser une somme de 75 105 euros, le licenciement pour faute grave étant privatif des indemnités de préavis et de licenciement ;
' La transaction et le faux licenciement entrepris présentent en outre un intérêt certain en terme de ressources humaines ;
* en raison de la renonciation par le salarié à des dispositions d'ordre public ou conventionnelle C'est en toute illégalité que la transaction entreprise s'affranchit des règles d'ordre public engendrant par là, pour Monsieur Y, une renonciation forcée aux bénéfices qu'il est en droit d'en tirer tant d'un point de vue légal que conventionnel ;
* en raison de man'uvres dolosives La société a usé de maints subterfuges pour installer le salarié dans une relation de confiance quant à la gestion de son départ de l'entreprise. Rien ni dans la lettre de licenciement, ni dans le protocole transactionnel rédigés et présentés par la société IER, ne mentionne que la procédure malhabilement créée par l'employeur a pour conséquence la perte par Monsieur Y des éléments de son solde de tout compte auquel il était naturellement éligible ;
- Sur les conséquences de la nullité de la transaction
* sur l'analyse du licenciement entrepris et la constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse
' Aucun document n'établit que Monsieur Y aurait été rappelé à l'ordre, de quelques manières que ce soit à propose d'un mauvais management et de ses retards ;
' Monsieur Y ne peut être tenu pour responsable d'une situation mensuellement exposée, contrôlée, révisée et gérée par les directeurs concernés au sein de la société IER. Il est parfaitement infondé de faire peser sur lui les griefs tirés de la désorganisation des cadences de production ;
' Monsieur Y ne peut être tenu pour responsable du problème d'approvisionnement, lui-même lié non pas à un problème de commandes mais à une panne de l'outil de production du fournisseur concerné.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 11 octobre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que Monsieur Y n'apporte aucun élément à l'appui de son affirmation selon laquelle la transaction dont il réclame la nullité aurait été conclue et signée le 17 octobre, mais post-datée au 31 octobre ;
Qu'il ressort des pièces produites par la société IER que la convocation à entretien préalable a été remise en main propre le 3 octobre, la mention étant signée de Monsieur Y, pour un entretien préalable fixé au 13 ;
Que Monsieur Y a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 17 et postée le même jour ;
Attendu que les parties ont entendu mettre fin au litige qui les opposait en suite du licenciement de Monsieur Y par la transaction en cause du 31 octobre 2008 ;
Attendu qu' il appartient au juge de vérifier si les parties se sont consenties des concessions réciproques sans toutefois porter une appréciation sur les causes de la rupture, en l'espèce le licenciement pour faute grave de Monsieur Y ;
Attendu que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, sur la réalité desquels la cour ne saurait se prononcer pour apprécier la validité de la transaction, seraient susceptibles de recevoir la qualification de faute grave et qu'il n'est apporté par le salarié aucune preuve de la dénaturation des faits évoqués ;
Que le seul fait que la société ait eu un intérêt financier au départ de Monsieur Y, exprimé dans sa proposition dans le cadre de la rupture conventionnelle, n'implique pas que dans le cadre de la transaction, elle n'aurait pas fait de concession alors qu'une situation juridique nouvelle s'était créée ;
Que le salarié en transigeant après un licenciement pour faute grave n'a renoncé à aucun avantage légal ou conventionnel ;
Qu'il a entendu mettre fin au litige existant et renoncé à toutes actions ultérieures ;
Attendu que la cour ne peut que constater que les parties se sont faits des concessions réciproques ;
Attendu que la somme retenue dans la transaction est sensiblement égale à celle convenue lors de la rupture conventionnelle négociée antérieurement au licenciement, accord que la société avait dénoncé dans le délai légale, pressentant que la DDTE ne donnerait pas un avis favorable compte tenu du montant de l'indemnité ;
Attendu que Monsieur Y fait valoir qu'avant de le licencier la société IER avait été d'accord pour lui proposer une indemnité de 53 070 euros, l'échange de consentement ayant été donné avant la rupture ;
Mais attendu que le fait que l'employeur avait accepté avant le licenciement de négocier la rupture conventionnelle du contrat de travail à un montant sensiblement égal à la transaction ne saurait entraîner la nullité de celle-ci dès lors
- qu'en effet l'employeur avait dénoncé son accord dans le délai prévu par la loi,
- que le cadre juridique du consentement échangé en août n'est pas celui de la transaction d'octobre,
- que le licenciement a été prononcé pour faute grave, que l'employeur pouvait en rester là et s'abstenir de toute nouvelle négociation, et que dès lors l'accord sur une même indemnité que celle convenue avant le licenciement constitue nécessairement un concession ;
Attendu que Monsieur Y soutient avoir été victime de man'uvres dolosives ;
Attendu cependant que les négociations menées en vue de la rupture conventionnelle, initiées sur la demande du salarié, ont été conformes aux dispositions instituées par les nouveaux articles 1227-14 et suivants du code du travail ;
Attendu que Monsieur Y, qui a fait le choix de ne pas se faire assister, ne démontre pas qu'il était dans l'incapacité de défendre ses intérêts ;
Attendu que la demande de nullité de la transaction sera rejetée, la cour ne pouvant dès lors être saisie du bien fondé du motif du licenciement de Monsieur Y ;
Le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles sera infirmé ;
Attendu qu' il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 15 février 2010 en ce qu'il a prononcé la nullité de la transaction du 31 octobre 2008 et en toutes ses autres dispositions ;
REJETTE la demande de Monsieur Y en nullité de la transaction du 31 octobre 2008 ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société IER en restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, laquelle est de droit ;
REJETTE les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Monsieur Y aux dépens d'appel et de première instance.
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Monsieur Jean-Marc ..., Président, et par Madame Sabine ..., greffier,
auquel le magistrat signataire a rendu la minute. Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,