Jurisprudence : CA Paris, 2, 1, 29-11-2011, n° 08/10730



Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2011
(n° 373, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 08/10730 Décision déférée à la Cour
- sentence rendue par le délégué de M. Le Bâtonnier ... ... ... ..., statuant en qualité d'arbitre, le 4 janvier 2005,
- arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 14 février 2006
- arrêt rendu par la Cour de Cassation le 28 novembre 2007
Civ 1 - n° 1372 F-P+B
APRÈS CASSATION PARTIELLE

DEMANDEUR À LA SAISINE
Monsieur Jacques Z
PARIS
demeurant
PARIS
représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Jean-Pierre LÉON, avocat au barreau de PARIS, toque C0406
DÉFENDEUR À LA SAISINE
CABINET COUDERT FRÈRES GROUPEMENT partnership, constitué sous l'empire des lois de l'état de NEW YORK (ÉTATS-UNIS), représenté par son liquidateur amiable Monsieur Jonathan WOHL, avocat, domicilié

PARIS
représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assisté de Maître Emmanuel ROSENFELD, avocat au barreau de PARIS, toque T 06
INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE
DÉFENDERESSE À LA SAISINE
COUDERT BROTHERS LPP représentée par DEVELOPMENT SPECIALISTS, INC. en sa qualité d'administrateur du plan (Plan Administrator) de COUDERT BROTHERS LLP
1114 avenue of the Americas- New York -New York 10036 U.S.A.
ayant son siège 200 South Biscayne boulevard - suite 1818- MIAMI FLORIDE 33131-2321 U.S.A.
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Maître Emmanuel ROSENFELD, avocat au barreau de PARIS, toque T 06

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 octobre 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Madame Anne CARON DEGLISE, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 29 août 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Mme Noëlle KLEIN
MINISTÈRE PUBLIC
Madame ... de CASANOVA, avocat général, a visé le dossier
ARRÊT
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************
M. Jacques Z, avocat, est entré en 1976 en qualité de collaborateur au cabinet Coudert Frères, lequel était à l'origine un cabinet de conseils juridiques étrangers, inscrit en qualité d'avocat à la cour d'appel de Paris en application des dispositions de l'article 50- XIII de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990, disposition modifiée depuis par la loi du 11 février 2004.
M. Z est devenu en janvier 1988 l'un des membres associés en capital de la structure mondiale du cabinet Coudert, sis à Paris, groupement américain d'avocats, constitué sous l'empire des lois de l'Etat de New-York, le partnership Coudert Frères étant la structure des activités du cabinet Coudert à Paris et les activités américaines relevant du partnership Coudert Brothers, à responsabilité limitée LLP de l'Etat de New-York associé tant du cabinet parisien que du partnership mondial, il a assumé d'octobre 1994 à septembre 2002 les fonctions d'associé gérant ou ' managing partner ' en étant le représentant du bureau de Paris, il a été en 2000 et 2001 parmi les cinq membres du comité exécutif de Coudert Brothers LLP responsable de la gestion du cabinet au niveau mondial.
A la suite de graves divergences de vue sur la stratégie de développement apparues dès la fin de 2001 avec les membres dirigeants du nouvel 'executive board ' composé en majorité d'avocats américains, M. Z a été révoqué en septembre 2002 de ses fonctions d'associé gérant, puis le conflit perdurant, a fait l'objet, le 12 mai 2003, d'une décision d'exclusion avec effet immédiat prise par M. David ... au nom du bureau exécutif du partnership Coudert Brothers LLP entraînant la fermeture du bureau de M. Z, la confiscation de son ordinateur et de son téléphone ainsi que de sa carte magnétique d'entrée.
M. Z ayant souscrit à la clause compromissoire contenue dans les statuts de la LLP Coudert Brothers, renvoyant à un arbitrage à New-York, a mis en oeuvre deux procédures d'arbitrage, l'une à New-York, l'autre à Paris.
A New-York, il a saisi le tribunal arbitral qui a statué le 28 juin 2004 en faisant droit à ses demandes concernant le partnership, en ordonnant qu'il lui soit remboursé la somme de 225 500 US $ apportée à la structure en 1988 ainsi que la quote-part des bénéfices restant due au titre de l'exercice 2003, sentence qui a été confirmée le 14 septembre 2005 par le tribunal de district de New-York, lequel avait été saisi d'une demande d'annulation par le cabinet Coudert.
A Paris, il a, par une lettre du 23 juin 2003 et se fondant sur le Règlement Intérieur du Barreau de Paris, saisi le Bâtonnier lequel, par une première sentence en date du 4 novembre 2003, s'est déclaré compétent et a enjoint aux parties de conclure sur le fond, puis un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 1er Mars 2004, devenu définitif après rejet du pourvoi, a rejeté le recours en annulation formé par le cabinet Coudert contre ladite sentence l'arbitrage s'est poursuivi, le 2 juin 2004 les parties ont signé un acte de mission confiant à l'arbitre les termes de leur différend, M. Z ayant formé diverses demandes en dommages et intérêts pour exclusion brutale, pour non respect d'un préavis raisonnable, pour préjudice moral et préjudice matériel né de la perte d'une partie de sa clientèle.

Par sentence en date du 4 janvier 2005, le délégué de M. Le Bâtonnier ... ... ... ..., statuant en qualité d'arbitre, s'est estimé compétent pour statuer sur la demande en paiement du préavis, a considéré que le Cabinet Coudert ne justifiait pas d'un motif de suppression d'un préavis de rupture, a condamné le cabinet Coudert Frères à payer à M. Z, au titre de l'indemnité de préavis, la contrevaleur en euros au 13 novembre 2003 de la somme de 287 142, 87 US $ et s'est déclaré incompétent pour statuer sur les autres demandes estimant qu'elles relevaient des statuts du partnership et de la clause compromissoire.
Par arrêt en date du 14 février 2006, la cour d'appel de Paris a annulé la décision prise par le Bâtonnier le 4 janvier 2005, considérant que le bâtonnier avait statué de manière irrégulière et par excès de pouvoir et que du fait de l'annulation de sa décision, il n'y avait pas lieu d'examiner le fond des autres demandes formulées par les parties, rejetant en conséquence toutes autres demandes et condamnant M. Z aux dépens d'appel.
Par un arrêt en date du 28 novembre 2007, la cour de cassation a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de statuer au fond après annulation de la sentence, l'arrêt du 14 février 2006 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, laissant à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Les 27 mai et 2 juillet 2008, M. Z a saisi la cour d'une demande principale et d'une demande complémentaire de rétablissement de l'affaire pour qu'il soit statué sur ses demandes au fond.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, la COUR
Vu les conclusions déposées le 14 septembre 2010 par M. Z, appelant qui demande, au visa des articles 1134 et suivants, 1147 du code civil, la condamnation solidaire du partnership Coudert Frères Groupement et du partnership Coudert Brothers LPP à lui payer, en deniers ou quittances, la contrevaleur en euros au 13 novembre 2003 de la somme de 287 142, 87 US $, la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens,
Vu les conclusions d'intervention déposées le 15 janvier 2010 par le partnership Coudert Brothers LPP, en liquidation amiable, agissant poursuites et diligences de Development Spécialists Inc. en sa qualité d'administrateur du plan aux termes du plan de liquidation du 9 mai 2008, elle-même représentée par ses représentants légaux, qui demande le débouté de M. Z de toutes ses demandes, sa condamnation à lui restituer toutes les sommes perçues en exécution de la sentence avec intérêts au taux légal à compter de leur perception, à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 3 mai 2011 par Coudert Frères, en liquidation, agissant poursuites et diligences de Development Spécialists Inc. en sa qualité d'administrateur du plan aux termes du plan de liquidation du 9 mai 2008, elle-même représentée par ses représentants légaux, qui demande le débouté de M. Z de toutes ses demandes et sa condamnation à lui restituer toutes les sommes perçues en exécution de la sentence avec intérêts au taux légal à compter de leur perception, avec capitalisation des intérêts, à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les entiers dépens,
SUR CE
Considérant que M. Z, demandeur à la saisine, soutient qu'il est bien fondé en sa demande en paiement d'un préavis de six mois soit de la contrevaleur en euros au 13 novembre 2003 de la somme de 287 142, 87 US $ représentant la rémunération qu'il aurait du percevoir, sur la base de celle perçue en 2002, ce pour la période du 13 mai 2003 au 13 novembre 2003, condamnation demandée en deniers ou quittances dès lors que le cabinet Coudert a exécuté la sentence susvisée du 4 janvier 2005 par la suite annulée qu'il s'agit de la demande qu'il avait initialement présentée en se fondant notamment sur le bénéfice du préavis de 6 mois prévu par l'article 16-12-3 P du Règlement Intérieur du Barreau de Paris -retrait volontaire d'une structure - repris dans le nouveau règlement intérieur sous le No P 46.3, lequel dispose
'Sans préjudice de l'application des règles légales ou réglementaires éventuellement applicables à la structure, tout retrait d'une structure à l'initiative d'un membre ne peut intervenir qu'avec un préavis donné au moins six mois à l'avance, sauf accord écrit des membres de la structure ou de la collectivité des membres statuant à la majorité prévue dans les statuts ou de l'application d'une clause de la convention sur un délai plus bref' et dont il estime qu'il lui est applicable quand bien même il a fait l'objet d'une exclusion, dès lors qu'il se fonde aussi sur les statuts du partnership qui prévoient l'équivalent en leur article 5 ; qu'il soutient qu'il fonde ainsi ses demandes essentiellement sur un fondement contractuel, soutenant que tant l'article 5 des statuts que les règles du barreau de Paris s'imposaient aux membres parisiens du cabinet Coudert, ce d'autant que cet article prévoyait, pour un associé exclu, basé à Paris, que l'exclusion ne prenne pas effet avant qu'une consultation n'ait été organisée avec tous les associés basés à Paris, ce qui n'a jamais été fait ; qu'ainsi il invoque le texte des statuts en son article 5 qui dispose que
' Par vote unanime, Alexis .... Coudert, James E. ... et Eugène .... Wadsworth, ou le ou les associés qui leur survivront, ci-après désignés le ' Comité exécutif ' auront le droit et le pouvoir, à tout moment, de mettre un terme à l'association d'un ou plusieurs associés de Coudert Frères, et au cas où une telle exclusion se produirait, les droits du ou des associés ainsi exclus seront les mêmes que si les associés s'étaient retirés, autrement que volontairement, au moment considéré, dans un écrit signé par tous les membres du comité exécutif demeurant à ce moment dans le bureau, afin que cette exclusion prenne effet. ... Dans l'hypothèse où l'associé exclu serait, au moment considéré, basé à Paris, son exclusion ne prendra pas effet avant qu'une consultation n'ait été organisée avec tous les associés basés à Paris.' ; qu'il soutient que son exclusion n'a pas respecté les règles contractuelles ni les principes essentiels de la profession d'avocat, la convention de partnership de Coudert Frères n'ayant jamais été soumise au Conseil de l'Ordre qui n'a pu en apprécier la conformité avec sa déontologie ; qu'en tout état, les statuts, qui font la loi des parties, reconnaissent que les droits de l'associé exclu sont les mêmes que ceux de l'associé retrayant ;
Considérant qu'il demande encore, pour le préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait du non-respect par le cabinet Coudert des règles applicables à la rupture de leur association, au regard notamment de la brutalité et de la soudaineté de la décision, une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que M. Z ajoute, sur les circonstances de sa révocation, que tous les faits invoqués par le cabinet Coudert ne sont pas, contrairement aux dires de ce dernier, attestés par la sentence arbitrale new-yorkaise, dont la lecture dément complètement l'argumentation adverse, qu'ainsi il suffit de se reporter aux motifs de la décision pour constater qu'elle écarte tous les reproches qui lui sont faits, retient notamment qu'il n'y a pas eu d'improbité de sa part, mais qu'il avait simplement prévu une reconversion, sachant que les dirigeants cherchaient à l'évincer ; qu'il soutient que le seul grief retenu contre lui par l'arbitre américain consisterait dans le fait que M. Z aurait violé l'article 12 de l'accord d'association en démarchant 'quelques associés et collaborateurs' lesquels se préparaient eux-mêmes à quitter le cabinet de leur propre chef et en faisant un usage inapproprié du matériel et des services du cabinet alors qu'il préparait son départ ; mais que l'arbitre américain ne retient aucun préjudice du cabinet en lien avec ce comportement car les associés et collaborateurs démarchés n'ont finalement pas quitté le cabinet, aucune preuve n'étant par ailleurs apportée qu'il en soit résulté une réduction de leurs heures facturables ;
Considérant que les deux défendeurs à la saisine, Coudert Frères et Coudert Brothers LLP, font valoir que M. Z, ex-associé de Coudert Frères et de Coudert Brothers LLP de 1988 à 2003, a en réalité désiré courant octobre 2002 quitter le cabinet Coudert et qu'il s'est alors, non seulement consacré à la négociation de son entrée dans le cabinet Dewey Ballantine, mais qu'il s'est en outre engagé dans un processus intense de concurrence au cabinet dont il était toujours l'associé ; qu'il a tenté de débaucher en grand nombre les associés, collaborateurs et membres du personnel administratif, même au delà de Paris ; qu'il a essayé, en mettant au service de son projet toutes les ressources du cabinet Coudert, de transférer en masse à Dewey Ballantine les clients de Coudert, transmettant à ce concurrent des informations confidentielles, faits qu'il n'a pas niés et qui sont attestés par la sentence arbitrale rendue à New-York ; qu'au regard de l'importance de cette concurrence, la rumeur en est venue jusqu'aux dirigeants de Coudert, qu'interrogé le 1er Mai 2003, il a nié, alors pourtant que la situation a suffisamment inquiété le cabinet Dewey Ballantine pour que ce dernier ne donne pas suite au projet, qu'ainsi la décision a été prise par le cabinet Coudert, convaincu de sa déloyauté, de l'exclure avec effet immédiat le 11 mai 2003, après qu'il ait refusé de démissionner, et ce par une décision unanime du comité exécutif ;
Considérant que les défendeurs à la saisine, invoquent en premier lieu un moyen d'irrecevabilité des demandes, en ce que la procédure d'arbitrage suivie en France n'a pas été régulière, du fait de l'absence préalable de conciliation, formalité substantielle prévue par le Règlement Intérieur, qu'il s'agisse de l'ancien article applicable lors de la saisine initiale du bâtonnier en Juin 2003 ou du nouvel article 28.1.1, applicable à compter du 30 juillet 2003, alors que cette conciliation aurait dû se situer avant la mise en oeuvre de la procédure d'arbitrage, car elle est différente de la mission confiée au modérateur ;
Considérant qu'ils invoquent encore l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de préavis formée par M. Z dès lors qu'une juridiction française ne peut prononcer une condamnation libellée dans une unité monétaire n'ayant pas cours légal, ce qui serait le cas en l'espèce puisque la demande est présentée en dollars américains ;
Considérant sur le fond, qu'ils font valoir qu'aucun des fondements invoqués par M. Z n'est susceptible de justifier la demande d'indemnité de préavis qu'il présente, dès lors que M. Z entend se voir appliquer le bénéfice de l'article 16.12 3 P qui n'est pas littéralement applicable, en ce qu'il ne vise que le retrait volontaire, c'est à dire sur l'initiative d'un membre, argumentation qu'il tente de conforter en se référant aux 'principes essentiels de la confraternité' et encore à l'article 5 du contrat d'association, c'est à dire du Partnership agreement ; qu'ils ajoutent qu'au regard du contrat, M. Z n'est pas davantage fondé à en invoquer l'article 5, dès lors qu'il est faux de soutenir, comme il le fait, que ce texte accorderait à l'associé exclu les mêmes droits qu'à l'associé retrayant, alors que le sens et la portée du texte, dans sa version la plus précise c'est à dire dans sa rédaction anglaise, sont différents en ce que de toute manière, même le retrayant volontaire n'a pas droit à un préavis dès lors que la clause a un autre sens ; qu'en effet l'exclusion ne fait pas perdre à l'associé exclu ses droits sur les revenus à partager nés de l'activité antérieure à l'exclusion mais il n'y a pas de droit à préavis dans la loi de l'état de New-York, applicable au contrat, ce que M. Z lui-même ne conteste pas ; que même en droit français, l'obligation de préavis cède en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations, en particulier lorsque la gravité de son comportement justifie une rupture du contrat sans préavis ; que la sentence new-yorkaise a retenu que l'attitude du cabinet Coudert avait minimisé le préjudice subi par le cabinet mais a aussi relevé l'improbité de M. Z qui a menti à ses associés sur ses projets ; qu'ils font valoir qu'au surplus, M. Z n'a subi aucun préjudice en ce qu'il a immédiatement continué à travailler pour son propre compte et a rejoint dès le 10 juillet 2003 le cabinet parisien Herbert ... ;
Considérant que les moyens d'irrecevabilité des défendeurs à la saisine seront écartés ; qu'en effet, en premier lieu la régularité de la procédure d'arbitrage suivie devant le Bâtonnier n'a plus lieu d'être examinée au regard de la portée de l'arrêt rendu le 28 novembre 2007 par la cour de cassation, qui emporte cassation seulement partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 février 2006 ; qu'ainsi l'annulation de la sentence du 4 janvier 2005 prononcée par ledit arrêt est devenue définitive et que la cour n'est désormais saisie que de l'examen des demandes présentées au fond par les parties ; qu'en second lieu, la demande de M. Z est libellée non pas dans une monnaie étrangère qui n'a pas cours légal en France mais chiffrée à la contrevaleur en euros d'une somme évaluée en dollars c'est à dire présentée selon une unité monétaire, l'euro, qui a cours légal en France ;
Considérant, s'agissant de la demande de M. Z au titre d'une indemnité de préavis, qu'il y a lieu de constater qu'elle se fonde notamment sur les dispositions contractuelles et statutaires, entièrement opposables au Partnership sans que ce dernier ne puisse invoquer l'absence de droit à préavis dans la loi de l'Etat de New-York, dont aucune des parties ne conteste par ailleurs l'applicabilité ; que le texte de l'article 5, qu'il s'agisse de la version française sus-rappelée in extenso, dont la traduction de la version anglaise également produite aux débats n'est pas l'objet d'une contestation grammaticale particulière, ne comporte en lui-même aucune ambiguïté ; qu'en effet l'article 5 pose clairement le principe que la situation de l'associé exclu ne peut être plus défavorable que celle de l'associé retrayant ; qu'il est indiqué ' au cas où une telle exclusion se produirait, les droits du ou des associés ainsi exclus seront les mêmes que si les associés s'étaient retirés ...' ;qu'à cet égard, M. Z est donc recevable et fondé à s'appuyer, non pas certes sur une application textuelle et directe du texte de l'article 16.12.3 P, lequel ne correspond pas à son cas, mais au moins sur les principes contenus dans le Règlement Intérieur du Barreau de Paris, en ce qu'ils ne sont pas contraires dans leur esprit aux statuts ; qu'il en résulte que le principe du droit à préavis ne peut lui être a priori dénié en sa qualité d'associé exclu, quand bien même l'article 5 par lui également invoqué ne fait pas expressément référence à un droit à préavis, dès lors qu'il ne l'interdit pas ; que la suite du texte de l'article 5 confirme d'ailleurs l'interprétation de M. Z en ce qu'il précise ' autrement que volontairement, au moment considéré, dans un écrit signé par tous les membres du comité exécutif demeurant à ce moment dans le bureau, afin que cette exclusion prenne effet. ... Dans l'hypothèse où l'associé exclu serait, au moment considéré, basé à Paris, son exclusion ne prendra pas effet avant qu'une consultation n'ait été organisée avec tous les associés basés à Paris.', ce qui, contrairement aux affirmations des défendeurs à la saisine, témoigne de la volonté des fondateurs du partnership de garantir à l'associé exclu un traitement qui ne lui soit pas défavorable par comparaison avec celui de l'associé retrayant ; que toutefois c'est à juste titre que ces derniers objectent que M. Z ne peut pas invoquer, à partir des seuls principes généraux du droit français, non directement applicable, ni une obligation de préavis ni des règles similaires à celles d'un licenciement pour faute, l'exclusion d'un associé présentant nécessairement un caractère discrétionnaire, ce qui amène à prendre en compte les circonstances de son exclusion, lesquelles peuvent, en cas d'inexécution grave par l'associé de ses obligations, justifier une rupture sans préavis ; que la cour ne peut que se reporter à la motivation de la sentence new-yorkaise du 28 juin 2004, qui sera confirmée par la juridiction américaine d'appel, de laquelle il ressort que la juridiction, tout en notant une attitude critiquable de la part de M. Z dans le cadre de son rapprochement avec Dewey Ballantine comme manquant à la probité, n'a toutefois pas estimé disposer de 'preuves crédibles ' quant à des actes fautifs commis par M. Z lors de la préparation de son départ, par agissements et omissions, violant les accords ou la loyauté, comme par exemple le démarchage de clients ou la divulgation d'informations confidentielles et susceptibles de porter un réel préjudice à ses associés et à la structure ; qu'ainsi, en l'absence de faute qui serait qualifiée de grave à l'origine de la rupture, M. Z est fondé à bénéficier d'un préavis raisonnable qui sera fixé à trois mois de rémunération dès lors qu'il est constant que l'intéressé a repris une activité professionnelle dans les mois qui sont suivi son exclusion ; que le cabinet Coudert sera en conséquence condamné à lui payer la contrevaleur en euros à la date du 13 août 2003 de la somme de 143 571, 43 dollars américains et qu'il sera ordonné, dans les termes du dispositif ci-après, la restitution des sommes perçues en sus, avec intérêts au taux légal à compter de leur perception mais sans capitalisation des intérêts ;
Considérant, sur la demande de dommages et intérêts formée par M. Z au titre d'une exclusion dont il estime qu'elle a été soudaine et brutale, qu'elle sera rejetée, non seulement sur le principe de ce chef de demande, dès lors que la rupture des relations entre les parties, dans le cadre de la rupture d'une association, revêt toujours un caractère discrétionnaire mais encore au retard des circonstances de l'espèce qui autorisaient la structure, sans qu'il ne lui puisse lui être imputé à faute, à faire le choix lui apparaissant le plus adéquat et en l'occurrence à se séparer de M. Z avec effet immédiat ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ; que pour les mêmes motifs, chacune des parties supportera la charge de ses dépens d'appel ainsi que la moitié des dépens de l'arrêt cassé.

PAR CES MOTIFS
Statuant au vu de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 février 2006 et de l'arrêt en date du 28 novembre 2007 de la cour de cassation,
Condamne Coudert Frères et Coudert Brothers LLP, en liquidation amiable, en la personne de leurs représentants, Development Spécialists Inc.en sa qualité d'administrateur du plan aux termes du plan de liquidation du 9 mai 2008, elle-même représentée par ses représentants légaux en exercice, à payer à M. Jacques Z, en deniers ou quittances, à titre d'indemnité de préavis, la contrevaleur en euros au 13 août 2003 de la somme de 143 571, 43 dollars américains,
Ordonne la restitution par M. Z aux liquidateurs susvisés du cabinet Coudert de la somme par lui perçue en sus, avec intérêts au taux légal à compter de sa perception, mais sans capitalisation des intérêts,
Déboute M. Jacques Z de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel, que les dépens de l'arrêt cassé seront supportés par moitié par chacune d'elles et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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