Jurisprudence : Cass. soc., 30-11-2011, n° 10-21.678, FS-P+B, Rejet

Cass. soc., 30-11-2011, n° 10-21.678, FS-P+B, Rejet

A4906H34

Référence

Cass. soc., 30-11-2011, n° 10-21.678, FS-P+B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5638700-cass-soc-30112011-n-1021678-fsp-b-rejet
Copier

Abstract

La Cour de cassation poursuit son oeuvre de participation au régime juridique de la convention de reclassement personnalisé, aux côtés du législateur et des partenaires sociaux, par deux arrêts du 30 novembre 2011 (1) : la Cour de cassation reconnaît à tout salarié ayant adhéré à une CRP la possibilité de bénéficier de la priorité de réembauche prévue par la législation sur le licenciement économique. Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, la priorité de réembauche dont il bénéficie doit être mentionnée dans le document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail, et donc être portée à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.



SOC. PRUD'HOMMES MFG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 30 novembre 2011
Rejet
M. LACABARATS, président
Arrêt no 2513 FS-P+B
Pourvoi no V10-21.678 Sur le 2nd moyen
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société d'exploitation la Cocoteraie, société en nom collectif, dont le siège est Saint-François,
contre l'arrêt rendu le 8 mars 2010 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Cyril Y, domicilié
hôtel Saint-Martin,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 novembre 2011,
où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Bailly, conseiller rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, M. ..., Mmes ..., ..., M. ..., Mme ..., M. ..., Mme ...,
MM. Huglo, Struillou, Maron, conseillers, Mmes Pécaut-Rivolier, ...Guyon-Renard, MM. Mansion, Contamine, Mmes Sabotier, Corbel, Salomon, conseillers référendaires, M. Lalande, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bailly, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société d'exploitation la Cocoteraie, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. Y, l'avis de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 8 mars 2010), que M. Y, qui avait été engagé le 21 octobre 2002 par la SNC d'exploitation de la Cocoteraie en qualité de directeur administratif, a accepté le 10 août 2005 la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été proposée par l'employeur le 28 juillet à l'occasion d'un entretien préalable à un licenciement pour motif économique ; qu'une lettre de licenciement lui a été adressée le 1er septembre 2005 ;

Sur le premier moyen
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche alors, selon le moyen
1/ que, d'une part, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation, par le salarié, d'une convention de reclassement personnalisé, doit avoir une cause économique réelle et sérieuse, soumise à l'appréciation des juges sur la base des motifs énoncés par l'employeur dans un document écrit ; que cet écrit peut être constitué par une lettre de rupture, en indiquant les motifs économiques ; que la cour d'appel, après avoir constaté que la société d'exploitation de la Cocoteraie avait notifié les causes économiques de son licenciement à M. Y par un courrier du 1er septembre 2005, a, en refusant néanmoins d'apprécier la réalité et le sérieux du motif ainsi invoqué par écrit, manqué à son office et violé les articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
2/ que, d'autre part, la réalité et le sérieux du motif économique de la rupture résultant de l'acceptation, par le salarié, d'une convention de reclassement personnalisé, doivent être appréciés par le juge, peu important que ce motif ait été notifié par l'employeur après ladite acceptation, dès lors qu'il a été énoncé par écrit ; qu'en jugeant " non avenue " la lettre par laquelle elle a constaté que l'employeur avait notifié le motif économique de la rupture au salarié, pour cette raison qu'elle lui avait été adressée postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisée et au motif erroné que cela aurait " privé M. Y de son droit de soumettre au juge prud'homal la discussion de la motivation de son licenciement de nature économique ", la cour d'appel s'est fondée sur des motifs doublement erronés et a violé les articles L. 1233-16 et L. 1233-67 du code du travail ;

Mais attendu que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit, remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur n'avait adressé au salarié une lettre énonçant le motif économique de la rupture que postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisé, en a justement déduit qu'elle n'avait pas à en apprécier le caractère réel et sérieux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la mention de priorité de réembauche alors, selon le moyen, que le motif économique de la rupture résultant de l'acceptation, par le salarié, d'une convention de reclassement personnalisé, doit être notifié par un document écrit, qui peut être constitué par une lettre de rupture, et qui doit comporter la mention de la priorité de réembauchage ; que la cour d'appel, en jugeant que l'employeur avait méconnu l'obligation de porter la priorité de réembauchage à la connaissance du salarié, au seul motif qu'elle figurait dans la lettre de rupture qu'elle a, à tort, jugée non avenue, a violé les articles L. 1233-15 et L. 1233-16 alinéa 2 du code du travail ;

Mais attendu que lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, la priorité de réembauche dont il bénéficie doit être mentionnée dans le document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail, et donc être portée à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; que la cour d'appel ayant constaté que ce document n'avait été adressé au salarié que postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisé, le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société d'exploitation de la Cocoteraie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils de la société d'exploitation la Cocoteraie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le licenciement de Monsieur Y dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la société d'Exploitation de la Cocoteraie à lui payer la somme de 39.390,75 euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 8.376,50 euros pour non respect de la mention de priorité de réembauchage ;
AUX MOTIFS QUE par courrier remis en main propre le 21 juillet 2005, Cyril Y a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour motif économique envisagée à son égard par la société d'exploitation de la Cocoteraie, sans autres précisions quant à la motivation de ce licenciement ; que lors de cet entretien préalable, il n'est pas contesté que l'employeur a remis à l'appelant, en application de l'article L. 321-4-2 ancien du code du travail, les documents nécessaires à la conclusion d'une convention de reclassement personnalisée à régulariser dans un délai de quatorze jours à compter de la date de cet entretien soit le 28 juillet 2005 ; qu'après envoi d'un courrier de relance en date du 4 août 2005, ne comportant aucune motivation du licenciement, expliquant à Cyril Y qu'il ne lui restait plus que sept jours pour répondre à la proposition de CRP, ce dernier va donner son accord sur ce point en signant son acceptation de la convention de reclassement à la date du 10 août 2005 ; que l'article 321-4-2 ancien, alinéa 4 du code du travail régissant les conventions de reclassement personnalisé, dispose qu'en cas d'accord du salarié, le contrat de travail est réputé rompu du commun accord des parties ; que la rupture du contrat doit donc être fixée à la date du 10 août 2005 qui est celle de l'accord donné par Cyril Y au sens de l'article susvisé ; que la cour se doit de constater, à ce stade, que ce n'est que par un courrier recommandé avec avis de réception en date du 1er septembre 2005 que l'employeur a notifié à Cyril Y les causes économiques de son licenciement, nonobstant le fait que cette lettre destinée à prononcer le licenciement n'ait pas pu parvenir dans des conditions régulières au salarié, il y a cependant lieu de décider qu'elle a été établie postérieurement à la rupture du contrat le 10 août 2005 par l'effet de l'accord donné à cette date par le salarié quant à la convention de reclassement personnalisé ; que de ce fait, cette lettre de licenciement est non avenue et ne sera pas examinée en ce qu'elle aurait été destinée à donner une motivation au licenciement de nature économique initié par la société d'exploitation de la Cocoteraie ;qu'en effet, il appartenait à l'employeur, en application des dispositions des articles L. 122-14-2 et L. 321-1 anciens du code du travail de porter à la connaissance du salarié, sous réserve de la conclusion éventuelle d'une convention de reclassement personnalisé, les raisons d'ordre économique qui le conduisaient à prononcer son licenciement et cela antérieurement à la mise en place de cette convention qui, par la suite, aurait dû produire ses effets spécifiques quant à la rupture immédiate du contrat de travail " sans délai-congé ni indemnité de préavis " mais avec un droit ouvert à l'indemnité prévue par l'article L. 122-9 (ancien) du code du travail " ; sans énoncé des motifs conformément aux textes précités, la contestation demeurant ouverte par le droit positif au salarié sur le fond du licenciement, même dans le cadre de son adhésion à une convention de reclassement personnalisé, ne peut avoir lieu ; qu'ici, la notification de la lettre de licenciement motivée postérieurement à la conclusion de la convention de reclassement personnalisé a privé Cyril Y de son droit de soumettre au juge prud'homal la discussion de la motivation de son licenciement de nature économique ; que dès lors la lettre de licenciement tardive ne sera pas examinée par la cour en ce que la rupture, au vu de ce qui précède, doit être déclarée dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation, par le salarié, d'une convention de reclassement personnalisé, doit avoir une cause économique réelle et sérieuse, soumise à l'appréciation des juges sur la base des motifs énoncés par l'employeur dans un document écrit ; que cet écrit peut être constitué par une lettre de rupture, en indiquant les motifs économiques ; que la cour d'appel, après avoir constaté que la société d'Exploitation de la Cocoteraie avait notifié les causes économiques de son licenciement à Monsieur Y par un courrier du 1er septembre 2005, a, en refusant néanmoins d'apprécier la réalité et le sérieux du motif ainsi invoqué par écrit, manqué à son office et violé les articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la réalité et le sérieux du motif économique de la rupture résultant de l'acceptation, par le salarié, d'une convention de reclassement personnalisé, doivent être appréciés par le juge, peu important que ce motif ait été notifié par l'employeur après ladite acceptation, dès lors qu'il a été énoncé par écrit ; qu'en jugeant " non avenue " la lettre par laquelle elle a constaté que l'employeur avait notifié le motif économique de la rupture au salarié, pour cette raison qu'elle lui avait été adressée postérieurement à son acceptation de la convention de reclassement personnalisée et au motif erroné que cela aurait " privé Monsieur Y de son droit de soumettre au juge prud'homal la discussion de la motivation de son licenciement de nature économique ", la cour d'appel s'est fondée sur des motifs doublement erronés et a violé les articles L. 1233-16 et L. 1233-67 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société d'Exploitation de la Cocoteraie à payer à Monsieur Y la somme de 8.763,50 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la mention de priorité de réembauchage ;
AUX MOTIFS QU'il vient d'être décidé que la lettre de licenciement en date du 1er septembre 2005 ne peut être considérée comme produisant ses effets au regard de la convention de reclassement personnalisé en date du 10 août 2005 signée par les parties ; que cette lettre étant déclarée non avenue, la mention de la priorité de réembauchage qu'elle contenait est réputée inexistante et qu'il s'en déduit que l'employeur a méconnu l'obligation de porter cette priorité à la connaissance du salarié dans les formes de la loi ;
ALORS QUE le motif économique de la rupture résultant de l'acceptation, par le salarié, d'une convention de reclassement personnalisé, doit être notifié par un document écrit, qui peut être constitué par une lettre de rupture, et qui doit comporter la mention de la priorité de réembauchage ; que la cour d'appel, en jugeant que l'employeur avait méconnu l'obligation de porter la priorité de réembauchage à la connaissance du salarié, au seul motif qu'elle figurait dans la lettre de rupture qu'elle a, à tort, jugée non avenue, a violé les articles L. 1233-15 et L. 1233-16 alinéa 2 du code du travail.

Agir sur cette sélection :