Instr. du 30-11-2011, BOI 5 L-1-11

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BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

N° 82 DU 30 NOVEMBRE 2011

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

5 L-1-11

INSTRUCTION DU 22 NOVEMBRE 2011

INFORMATION JURISPRUDENCE

DECISION RENDUE PAR LE CONSEIL D'ETAT

ARRET N° 340863 DU 8 JUIN 2011

NOR : BCRZ1100053J

Bureau JF-2C

PRESENTATION

Taxe sur les salaires (C.G.I., art. 231) - assujettis partiels - secteurs distincts - assujettissement des rémunérations versées aux dirigeants de sociétés holding possédant des attributions dans le secteur financier.

Le Conseil d'État juge que la taxe sur les salaires des dirigeants affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la T.V.A. et le chiffre d'affaires total.

Se référant aux pouvoirs reconnus par l'article L. 225-56 du code de commerce, pour les fonctions de directeur général d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée ou par l'article L. 225-51 du code de commerce, pour le président du conseil d'administration, le Conseil d'État en déduit qu'en raison du caractère transversal des attributions des dirigeants, leurs rémunérations sont présumées être également affectées au secteur financier.

En effet, dans une société holding, les pouvoirs des dirigeants s'étendent, en principe, au secteur financier, même si le suivi des activités est confié à des salariés affectés spécialement à ce secteur et même si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible.

Toutefois, si l'entreprise peut apporter la preuve que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, leur rémunération est, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires. Cette preuve peut être apportée, par exemple, s'il résulte des statuts de la société ou des délibérations du conseil d'administration ou du contrat de travail qu'un dirigeant n'a pas juridiquement le pouvoir d'exercer le contrôle et la responsabilité du secteur financier.

B.O.I. lié : 5 L-4-01 du 18 juin 2001.

Le Chef de Service,

Jean-Pierre LIEB.


DECISION DU CONSEIL D'ETAT

" […] Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Nancy a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'article 231 du code général des impôts serait contraire à l'article 13 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ; que, par suite, la S.A. Balsa est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 22 avril 2010 ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ;

Sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 231 du code général des impôts :

Considérant que si la S.A. Balsa soutient que l'article 231 du code général des impôts porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2010-28-QPC du 17 septembre 2010 a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré cette disposition conforme à la Constitution ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen doit être écarté ;

Sur la compatibilité de l'article 231 du code général des impôts avec la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 :

Considérant, en premier lieu, que la taxe sur les salaires, qui est assise sur les rémunérations ou une partie des rémunérations versées par ses redevables, n'est pas établie d'une manière générale sur la base des transactions réalisées par ceux-ci et portant sur des biens ou des services, ni calculée proportionnellement au prix acquitté par le client, ni perçue à chaque stade du processus de production et de distribution, après déduction des droits acquittés lors de la transaction précédente ; que, dans ces conditions, elle ne présente pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la circonstance que la taxe sur les salaires ne frappe que les entreprises exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou non soumises à cette taxe sur au moins 90 % de leur chiffre d'affaires n'a pas pour effet de lui conférer le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires prohibée par l'article 33 de la sixième directive ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 13 de la sixième directive sont relatives aux exonérations à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à leurs conditions de mise en oeuvre par les Etats membres ; que si les dispositions de l'article 231 du code général des impôts fixent l'assiette de l'imposition à la taxe sur les salaires à proportion inverse du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, cette circonstance n'affecte pas par elle-même le régime des exonérations de la taxe sur la valeur ajoutée et ne limite pas la portée des options prévues pour l'imposition à cette taxe ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'assujettissement à la taxe sur les salaires priverait d'effet les exonérations de taxe sur la valeur ajoutée prévues à l'article 13 de la sixième directive ;

Sur l'assujettissement des rémunérations des dirigeants à la taxe sur les salaires :

Considérant, d'une part, que lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur ; que, toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ;

Considérant, d'autre part, que les fonctions de directeur général d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 225-56 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société et que le président du conseil d'administration est investi, aux termes de l'article L. 225-51 du même code, d'une responsabilité générale ; que, s'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible ; que, toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la S.A. Balsa, qui avait deux secteurs d'activité dont l'un, à caractère financier, comprenait l'acquisition et la souscription de parts ou d'actions, la gestion de ses participations et de la trésorerie du groupe et l'autre, à caractère administratif, avait pour objet la réalisation de prestations de services destinées aux filiales, était soumise au titre de ce second secteur à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2002 à 2005 dans des conditions telles qu'elle était passible de la taxe sur les salaires ; qu'elle était dirigée par le président du conseil d'administration et deux directeurs généraux ; qu'il ne résulte ni des conventions d'assistance et de refacturation conclues avec ses filiales pour les services rendus par la holding, ni de la refacturation intégrale aux filiales des rémunérations allouées aux dirigeants, ni des statuts de la société ou des contrats de travail des dirigeants ni d'aucun autre élément produit au cours de l'instruction qu'un ou plusieurs des dirigeants de la société n'auraient eu d'attributions que dans le secteur de la holding soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a inclus leurs rémunérations dans le champ de la taxe sur les salaires et les a imposées à proportion du rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. Balsa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêt du 22 avril 2010 de la Cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : La requête de la S.A. Balsa et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la S.A. Balsa, au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement et au Premier ministre. […] ".


NOTA :

L'affaire S.A. Balsa offre l'opportunité de revisiter la jurisprudence récente sur la compatibilité de la taxe sur les salaires avec le droit communautaire et le droit constitutionnel.

En effet, la société se prévalait de l'incompatibilité de la taxe sur les salaires avec l'article 33 de la 6ème directive n° 77/388/C.E.E. du Conseil, du 17 mai 1977, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive n° 2006/112/C.E. du 28 novembre 2006, aux motifs, d'une part, qu'il s'agissait d'une taxe sur le chiffre d'affaires et, d'autre part, que son champ d'application limitait aussi la portée des exonérations de T.V.A. instituées par l'article 13. Elle soutenait également que l'article 231 du C.G.I. portait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Ces deux moyens ont été écartés, ces questions ayant été tranchées par des décisions antérieures (1) (2).

Enfin, plus récemment, le Conseil d'État a jugé (3) que la taxe sur les salaires était conforme avec le principe communautaire de liberté d'établissement consacrée par les articles 43 et 48 du Traité instituant la Communauté européenne, devenus les articles 49 et 55 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et avec la liberté de prestation de services de l'article 49 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.


(1) C.E. 21 décembre 2007, n° 295646, 9e et 10e s.-s., S.A.S.P. Football club de Metz.
(2) Cons. const. 17 septembre 2010, n° 2010-28 QPC, Association sportive Football club de Metz,
(3) C.E. 26 juillet 2011, n° 343094, 8e s.-s., Association française des oeuvres pontificales missionnaires

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