N° 09MA03756
COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER
Mme E. Felmy, Rapporteur
Mme Markarian, Rapporteur public
Audience du 26 septembre 2011
Lecture du 21 octobre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
PCJA : 39-02-005
La Cour administrative d'appel de Marseille
6ème chambre
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 20 octobre 2009, présentée pour la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, représentée par son maire, par la SELAS LLC associés - avocats ; la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704203 du 3 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à M. Simon la somme de 89 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant pour lui de la perte de chance sérieuse de se voir attribuer la délégation de service public portant sur le lot de plage dit " du centre-ville n° 3 " ;
2°) de rejeter la demande de M. Simon ;
3°) de mettre à la charge de M. Simon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2011 :
- le rapport de Mme E. Felmy, conseiller,
- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,
- et les observations de Me Marchesini, avocat, représentant la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER et de Me Anfosso, avocat, représentant M. Simon ;
Considérant que M. Simon a été attributaire du sous-traité d'exploitation d'une concession de plage à Cavalaire-sur-mer relatif au lot n°3 ; qu'à l'expiration de cette convention de délégation de service public, la commune a, par une délibération en date du 6 juin 2001, lancé un appel à candidature en vue du renouvellement des concessions des lots n° 1 à 13 ; que M. Simon, titulaire de l'ancienne concession, a présenté une offre qui n'a pas été retenue ; que par arrêt n° 242153, en date du 29 juillet 2002, le Conseil d'Etat a confirmé l'ordonnance n° 01-5530 du 31 décembre 2001 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a suspendu la procédure d'attribution de la concession relative au lot litigieux jusqu'à ce qu'un bénéficiaire soit désigné à la suite d'une nouvelle procédure ; que le 24 décembre 2002, par délibération du conseil municipal, une nouvelle procédure de délégation de service public a été lancée pour l'attribution du lot n° 3 ; que M. Simon a de nouveau présenté une offre qui n'a pas été retenue ; que par ordonnance n° 03-1656 en date du 30 avril 2003, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a prononcé la suspension de la procédure de passation du contrat de délégation du lot n° 3 jusqu'à ce qu'un bénéficiaire soit désigné à la suite d'une nouvelle procédure ; que la commune, à la suite de diverses difficultés d'ordre juridique relative à la concession de plage conclue avec l'Etat, a renoncé à poursuivre la procédure de délégation de service public ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulon a condamné la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER à verser à M. Simon la somme de 89 000 euros à titre de réparation du préjudice résultant de son éviction de l'attribution de ce lot ; que la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER interjette appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et l'exception de prescription quadriennale :
Sur la responsabilité de la commune :
Considérant, en premier lieu, que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'une délégation de service public demande la réparation du préjudice né de l'éviction irrégulière de sa candidature, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de voir sa candidature retenue ; que dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses de voir sa candidature retenue, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors de la procédure de délégation de service public poursuivie par la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER en 2001 pour l'attribution du lot de plage dit " du Centre Ville n°3 ", la candidature de M. Simon a été écartée au profit de celle de son concurrent, alors que tous les autres candidats sortants avaient, lors de cette consultation, obtenu l'attribution du lot qu'ils exploitaient auparavant ; que cette attribution a été suspendue, jusqu'à mise en uvre d'une nouvelle procédure de délégation de service public, par ordonnance du 31 décembre 2001 rendue par le juge des référés du Tribunal administratif de Nice, confirmée par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 29 juillet 2002, au motif que la candidature du candidat retenu avait été irrégulièrement admise ; qu'à l'occasion de la nouvelle procédure d'attribution que la commune de Cavalaire-sur-Mer a engagée, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a, le 11 avril 2003, enjoint à ladite commune de différer la signature du contrat de délégation de service public jusqu'au 30 avril 2003 ; que par ordonnance du 30 avril 2003, cette même juridiction a suspendu la procédure de passation du contrat en vue de déléguer ledit lot n°3 jusqu'à ce qu'un bénéficiaire soit désigné à la suite d'une nouvelle procédure, au motif de l'absence de garantie professionnelles et financières sérieuses du candidat retenu entachant d'irrégularité l'appréciation portée à ce sujet par la commission de délégation de service public ; que, par suite, la procédure de délégation a été accomplie en méconnaissance des obligations de mise en concurrence et du principe d'égalité entre les candidats ; que la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Simon, candidat sortant sur le lot de plage en litige, disposait d'une chance sérieuse de remporter ladite concession au regard, notamment, du nombre restreint d'offres retenues et de son classement par la commission de service public à deux reprises, en 2001 et 2003, immédiatement après le candidat irrégulièrement désigné ;
Considérant, toutefois, que compte tenu de l'échéance de la concession de plage au 31 décembre 2004, la commune n'a pas relancé la procédure de délégation de service public ; que si la commune a obtenu de la part de l'Etat, pour les années 2005 et 2006, une prorogation des concessions de plage assortie de la possibilité de prolonger les sous-traités avec les exploitants sortants et que, pour l'année 2007, la concession n'ayant pu être délivrée avant la saison, l'Etat gestionnaire direct du domaine public en l'absence de concessionnaire, a systématiquement délivré des titres d'occupation sous forme d'autorisations d'occupation temporaire accordées aux exploitants ayant exercé en 2006, ces prorogations et autorisations n'ont pas été accordées pour le lot de plage n°3 du " centre ville " exploité par M. Simon jusqu'en 2003 ; qu'en l'absence de renouvellement de la concession consentie au profit de la commune par l'Etat, après le 31 décembre 2004, sur cette portion de domaine public maritime, M. Simon n'avait pas la qualité de candidat évincé ; qu'il en résulte que le seul préjudice dont il peut se prévaloir réside dans les frais qu'il a engagés pour constituer son offre sans pouvoir prétendre à l'indemnisation de la perte des bénéfices escomptés de l'exécution du contrat, quelle qu'ait été la qualité de son offre ; que M. Simon n'a pas précisé l'évaluation du préjudice lié aux dépenses qu'il aurait engagées pour présenter sa candidature et qu'il a intégrées dans ses charges ;
Considérant, en second lieu, que M. Simon soutient que la commune a procédé à la suppression de l'ancien lot n°3 de la plage du centre-ville en totale contradiction avec les objectifs d'intérêt général annoncés et sans aucune motivation, et a différé de 2001 à 2008 la reprise d'une procédure d'attribution de lot de plage, pourtant ordonnée par deux décisions de justice, et que le motif réel de ce comportement était de faire obstacle à ce que le lot lui fût attribué ; que s'il peut ainsi être regardé comme invoquant la faute issue de l'illégalité entachant la délibération en date du 4 juin 2008 procédant à un redécoupage des lots et recréant un lot de plage de centre-ville, il n'établit pas le détournement de pouvoir qu'il invoque ; qu'ainsi, la commune ne saurait être rendue responsable du préjudice que lui aurait causé cette renonciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à M. Simon la somme de 89 000 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) " ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Simon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. Simon la somme demandée par la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER au titre des frais exposés et non compris dans ses dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Toulon du 3 septembre 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Simon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CAVALAIRE-SUR-MER, à M. Pierre Simon et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.