Décision n° 2011-198 QPC
du 25 novembre 2011
M. Albin ROSARD
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 350371 du 21 septembre 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Albin ROSARD, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par Me Pierre-Étienne Rosenstiehl, avocat au barreau de Strasbourg, et la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 13 octobre 2011 ;
Vu les observations en intervention produites pour le Syndicat des avocats de France, par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, enregistrées le 14 octobre 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 octobre 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Rosenstiehl pour le requérant, Me Masse-Dessen pour le requérant et le Syndicat des avocats de France et M. Xavier Pottier désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 15 novembre 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi du 29 décembre 2010 susvisée, l'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, " à la seule exception des droits de plaidoirie " ;
2. Considérant que, selon le requérant et l'intervenant, cette disposition méconnaît le droit au recours juridictionnel effectif et, en conséquence, le principe d'égalité devant la justice et le principe de prévisibilité de la loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ; qu'il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ;
4. Considérant que l'aide juridictionnelle allouée par l'État peut être demandée par tout justiciable et lui est accordée s'il satisfait aux conditions de son attribution ; que les dispositions contestées qui excluent les droits de plaidoirie du champ de cette aide ne méconnaissent pas, eu égard à leur faible montant, le droit au recours effectif devant une juridiction ; qu'en tout état de cause, il appartient au pouvoir réglementaire, compétent pour fixer le montant de ces droits, de le faire dans une mesure compatible avec l'exigence constitutionnelle rappelée ci-dessus ;
5. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
DÉCIDE :
Article 1er
Le 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est conforme à la Constitution.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 25 novembre 2011.