DECISION DE LA SANCTION
DU 7 OCTOBRE 2011
SAISIE DES MANQUEMENTS REPROCHES A LA SOCIETE GENERALE ASSET MANAGEMENT ALTERNATIVE INVESTMENTS (SGAM AI)
La Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF)
(
)
Après avoir entendu au cours de la séance du 7 octobre :
- M. le rapporteur en son rapport ;
- M. Jean-Jacques Barberis, représentant du directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler ;
- M. Bertrand Legris, représentant le Collège de l'AMF ;
- (
) [le] représentant [de la société mise en cause] (
) dont il est le président-directeur général ;
- Maître Jean-Guillaume de Tocqueville, conseil de la société (
) [mise en cause] ;
les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.
FAITS ET PROCEDURE
La " Société Générale Asset Management Alternative Investments " (ci-après " SGAM AI "), détenue, à l'époque des faits, à 99,99% par (
) [sa société-mère], est une société de gestion de portefeuille qui, comme sa société mère, fait partie du pôle de gestion d'actifs du groupe Société Générale. En charge de la gestion alternative, SGAM AI gérait notamment des fonds " monétaires " et des fonds " monétaires dynamiques " au sein de son département " Structured Asset Management " (ci-après " SAM ") qui regroupait alors entre 130 et 140 personnes. [Ces deux sociétés étaient également à la tête d'une filiale bancaire commune, SGAM Banque].
La gestion financière d'OPCVM assurée par SGAM AI était répartie en quatre pôles :
(i) le pôle de gestion monétaire dynamique et de produits structurés, au sein du département SAM,
(ii) le pôle de gestion des hedge funds,
(iii) le pôle de capital investissement,
(iv) le pôle dédié à la gestion d'actifs dans l'immobilier.
Au 30 juin 2008, SAM proposait quatre types de gestion : gestion structurée active (6,8 milliards d'euros), gestion quantitative (5,8 milliards d'euros), gestion indicielle et ETF ou " exchange traded funds " (6,6 milliards d'euros), gestion de " structurés de crédit " (6,5 milliards d'euros). Ce département gérait ainsi plus de 25 milliards d'euros au travers de plus de 220 organismes de placement collectif (de droit français, luxembourgeois, irlandais, tchèque,
) et de produits structurés (Euro Medium Term Note ou EMTN, bons à moyen terme négociables ou BMTN, Collateralised Debt Obligations ou CDO).
(
)
A la suite de la crise de liquidité, le Groupe Société Générale a, dès le 20 juillet 2007, mis en place un dispositif " Groupe " de gestion de crise comportant notamment une " Cellule de crise groupe " et un " Comité de crise groupe " (ci-après " Comité de crise ").
Le Comité de crise a validé, vers la fin du mois de juillet 2007, les six principes de gestion de crise suivants :
" 1. Conserver les liquidités des fonds (non investissement de la trésorerie pour honorer les rachats de parts des clients) et recourir à l'endettement en respectant dans la mesure du possible le plafond réglementaire de 10% ;
2. Ne pas fermer de fonds afin de préserver l'image du groupe ;
3. Evaluer les actifs illiquides suivant une méthodologie présentée par les sociétés de gestion à l'AMF ;
4. Transférer les actifs illiquides (hors papiers subordonnés bancaires, hors papiers dont la devise est différente de l'euro et hors produits à taux fixes couverts par des swaps) à Société Générale Corporate and Investment Banking (ci-après " SG CIB ") via le conduit interne : le prix de ces transactions était déterminé sur la base des valorisations validées par un comité expert dont la constitution a été décidée par la cellule de crise ;
5. Ne pas acheter de parts de fonds en compte propre ;
6. Ne porter des actifs en compte propre qu'à titre temporaire, dans l'attente de la mise en place du conduit SG CIB ".
Les cessions d'actifs externes ne pouvant pas suffire à satisfaire aux besoins de liquidités résultant des demandes de rachat de parts, il fallait, pour faire face à ces besoins, autoriser des cessions en interne au profit de SG CIB, faites au moyen de ce " conduit ad-hoc " également dénommé " Gop Liquid " et destinées, d'une part, à assurer la liquidité des OPCVM en difficulté, d'autre part, à éviter toute fermeture de fonds.
Cependant, dès le début de la crise, les dirigeants de SGAM AI, qui étaient convaincus de la qualité des actifs contenus dans leurs fonds et anticipaient une crise de courte durée, ont considéré que les principes validés par le Comité de crise n'avaient pas de caractère obligatoire et ont estimé pouvoir s'en affranchir en conservant les actifs illiquides dans l'espoir d'un retour rapide à des valeurs cohérentes. Aussi ont-ils décidé de ne pas utiliser le " Gop liquid " et de se conformer seulement aux deux premiers principes (1. et 2.) ci-dessus rappelés.
La crise de liquidité s'étant, contrairement à leurs prévisions, aggravée, la situation de SGAM AI s'est très rapidement détériorée, de sorte que celle-ci n'a plus eu d'autre choix que de céder ses produits structurés au " conduit ad-hoc " mis en place par le groupe.
L'inspection générale de la Société Générale, qui a établi un rapport le 18 janvier 2008, a constaté que SGAM AI n'avait pas respecté les principes de gestion de crise 4, 5 et 6, puisqu'elle :
- n'avait pas utilisé le conduit SG CIB avant décembre 2007 ;
- avait acheté des parts de fonds en compte propre plutôt que de sortir certains actifs de ces fonds en vue de leur transfert dans le " conduit ad-hoc " ;
- avait acquis des actifs en compte propre et les avait conservés dans la durée ;
- avait survalorisé les actifs illiquides des fonds, afin de maintenir le niveau de leurs valeurs liquidatives et d'éviter le rachat massif de parts par les clients.
Cette gestion de la crise par SGAM AI a eu des conséquences financières préjudiciables puisqu'elle a entraîné, selon le rapport de l'inspection de la Société Générale, une perte de près de 232 millions d'euros sur le résultat du groupe SGAM au 4e trimestre 2007 et un impact de 1,9 milliard d'euros sur l'exigence de fonds propres du groupe Société Générale.
(
)
Le secrétaire général de l'AMF a décidé, le 20 mars 2008, de faire procéder à un contrôle du " respect par la société SGAM AI de ses obligations professionnelles " pendant la période de juin 2007 à septembre 2008.
Ce contrôle, effectué sur place d'avril à septembre 2008 par le Service du contrôle des prestataires et des infrastructures de marché de l'AMF (ci-après " CPIM "), a consisté à examiner les solutions mises en place au sein de SGAM AI pour gérer la crise. Le CPIM a établi, le 28 janvier 2009, un rapport qui a été communiqué à la société SGAM AI ; celle-ci, après avoir demandé et obtenu des délais supplémentaires, a produit le 14 mai 2009 des observations en réponse.
Conformément à la décision prise par la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l'AMF, constituée en application de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, lors de sa séance du 24 novembre 2009, (
) [les griefs notifiés], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 décembre 2009, (
) [reprochaient à SGAM AI], en substance :
- un défaut d'organisation dans ses fonctions " risques et conformité " concernant le contrôle des mesures de gestion de crise illustré par des dépassements des ratios réglementaires applicables aux OPCVM qui ont été insuffisamment contrôlés, ont perduré et ont, pour certains, été régularisés de façon non pertinente, ainsi qu'un défaut de gestion des conflits d'intérêts entre SGAM AI et SGAM Banque, sa filiale, révélé notamment lors de la mise en place d'opérations de CDS, du financement de SGAM Banque à partir des OPCVM gérés par SGAM AI et de l'imbrication du pôle " risques " de SGAM AI avec celui de SGAM Banque,
- des atteintes à l'égalité des porteurs dans le cadre de la valorisation des valeurs liquidatives des OPCVM et des opérations de souscription ou de rachat entre OPCVM ainsi que, dans ce dernier cas, une atteinte à l'intérêt des porteurs.
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)
Le Président de la Commission des sanctions, saisi de cette notification de griefs par lettre du 22 décembre 2009, a, le 25 janvier 2010, désigné M. Jean-Claude Hassan en qualité de rapporteur. (
)
Le 31 mars 2010, (
) des observations écrites [ont été versées] en réponse à la notification de griefs.
Le 29 avril 2011, le Président de la Commission des sanctions a décidé que les griefs notifiés (
) seraient examinés par la Commission des sanctions en formation plénière.
Le rapport du rapporteur, daté du 29 avril 2011, a été remis en mains propres (
) [au représentant de la mise en cause] le 2 mai 2011, joint [avec une lettre de convocation à la] séance de la Commission des sanctions devant se tenir le 16 juin 2011.
La Présidente de la Commission des sanctions a, le 28 juin 2011, désigné M. Michel Pinault en qualité de rapporteur en remplacement de M. Jean-Claude Hassan, appelé à d'autres fonctions au sein de la Commission. (
)
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 6 juillet 2011, la Présidente de la Commission des sanctions a informé Maître Jean-Guillaume de Tocqueville, conseil de (
) [la mise en cause], de la date de la séance.
Conformément à l'article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, (
) [la mise en cause] a été informée, le 8 juillet 2011 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour demander, dans les conditions prévues aux articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du même code, la récusation du rapporteur.
Après avoir pris connaissance de la lettre du conseil de la mise en cause en date du 19 juillet 2011, M. Michel Pinault a informé la société (...) [mise en cause], par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 25 juillet 2011, de sa décision de reprendre à son compte et sans modifications le rapport daté du 29 avril 2011.
Le 28 juillet 2011, Maître Jean-Guillaume de Tocqueville a présenté, pour le compte de (
) [la société mise en cause], des observations en réponse au rapport.
Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 12 et 14 septembre 2011, la société (
) [mise en cause] a été informée de la composition de la Commission des sanctions ainsi que du délai de quinze jours dont elle disposait, en application de l'article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation, dans les conditions prévues aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4, d'un ou plusieurs de ses membres appelés à délibérer.
Le 20 septembre 2011, la Présidente de la Commission des sanctions saisie d'une demande en ce sens, a décidé qu'en application de l'article L. 621-15 IV bis du code monétaire et financier l'accès de la salle serait interdit au public lors de la séance du 7 octobre 2011 qui ne ferait donc l'objet d'aucun avis ou affichage.
Considérant qu'il ne saurait être fait droit à la requête de (
) [la société mise en cause], tendant à obtenir un renvoi de l'affaire afin qu'il soit procédé à un supplément d'instruction, alors que les faits, intervenus quatre ans auparavant, ont été soumis à l'examen de deux rapporteurs successifs auprès desquels n'a été formulée aucune demande, et dont les offres d'audition de la mise en cause sont restées sans réponse ;
MOTIFS
A. Sur le grief concernant le défaut d'organisation des fonctions " risques et conformité " illustré par les dépassements prolongés des ratios et leurs modalités de régularisation
1. Les textes applicables
Considérant que les faits s'étant déroulés entre juin 2007 et septembre 2008, les textes applicables doivent être examinés dans leur rédaction en vigueur durant cette période, étant précisé que les changements ultérieurs des dispositions réglementaires sur les ratios, que ce soit dans le sens de l'accroissement ou de l'allègement des contraintes, ne sauraient avoir une quelconque incidence, ces dispositions étant, par nature, temporelles et conjoncturelles ; que, surabondamment, il peut être précisé qu'en l'espèce, les contraintes ci-dessous énumérées n'ont pas été réduites ;
Considérant que l'article L. 214-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière disposait que " (
) Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut employer en titres d'un même émetteur plus de 5% de ses actifs (
). Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut procéder à des prêts et emprunts de titres et à des emprunts d'espèces dans la limite d'une fraction de ses actifs. S'agissant des emprunts d'espèces, cette limite ne peut être supérieure à 10% des actifs. Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut détenir plus de 10% d'une même catégorie de titres financiers d'un même émetteur " ;
Considérant que l'article R. 214-6 du même code prévoyait que " I. - Par dérogation à la limite de 5% fixée au sixième alinéa de l'article L. 214-4, un organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut employer jusqu'à 10% de son actif en instruments financiers mentionnés aux a, b et d du 2° de l'article R. 214-1-1 émis par une même entité si la valeur totale des instruments émis par plusieurs entités formant un même émetteur tel que défini à l'article R. 214-8 ne dépasse pas 20% de l'actif et si la valeur totale de ces instruments ne dépasse pas 40% de l'actif (
). II. - Il peut employer jusqu'à 20% de son actif dans des dépôts mentionnés à l'article R. 214-3 placés auprès d'un même établissement. III. -(
), un organisme de placement collectif en valeurs mobilières ne peut employer plus de 20% de son actif en instruments financiers (
) d'une même entité, en dépôts placés auprès de celle-ci ou en risque de contrepartie (
). IV. - Par dérogation à la limite de 5% fixée au sixième alinéa de l'article L. 214-4, un organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut employer jusqu'à 10% de son actif en parts ou actions d'un même organisme de placement collectif en valeurs mobilières (
). V. - Par dérogation à la limite de 5% fixée au sixième alinéa de l'article L. 214-4, un organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut employer jusqu'à 10% de son actif en instruments mentionnées à l'article R. 214-5 d'une même entité " ;
Considérant que l'article R. 214-18 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2005-875 du 25 juillet 2005 et marginalement modifiée par le décret n° 2007-1206 du 10 août 2007, disposait que " pour l'application des dispositions du huitième alinéa de l'article L. 214-4, chacun des instruments financiers suivants constitue une catégorie (
). Par dérogation à la limite de 10% fixée au huitième alinéa de l'article L. 214-4, un organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut détenir jusqu'à 25% des instruments financiers d'une même entité de cette catégorie (
) " ;
Considérant que l'article 322-12 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 9 mars 2006, en vigueur à compter du 21 septembre 2006, imposait à une société de gestion de portefeuille de devoir " (
) en permanence disposer de moyens, d'une organisation et de procédures de contrôle et de suivi en adéquation avec les activités exercées et dans le respect des exigences déontologiques. Les procédures de contrôle et de suivi doivent permettre de contrôler ses activités, celles de ses dirigeants, de ses salariés, celles des personnes physiques agissant pour son compte, celles de ses intermédiaires et dépositaires " ; que cet article a été repris en substance, à partir du 1er novembre 2007, par l'article 321-7 du même règlement ;
2. L'examen du grief
Considérant qu'est reproché à SGAM AI un défaut d'organisation des fonctions " risques et conformité " illustré, d'abord, par de nombreux dépassements des ratios réglementaires applicables aux OPCVM, lesquels se sont prolongés dans le temps, ensuite, par l'incapacité de la mise en cause à gérer, contrôler ou régulariser ces ratios, la manière dont il a été procédé à leur régularisation n'ayant pas permis d'éliminer les risques encourus par les porteurs du fait de l'exposition indirecte au sous-jacent ;
Considérant que le portefeuille des OPCVM monétaires est constitué de titres du marché monétaire à durée de vie très courte qui sont, dans la majorité des cas, des dettes émises par l'État, des sociétés financières ou de grandes sociétés ; que ces OPCVM ont pour objectif de produire un revenu stable sans offrir de garantie du capital investi et ont, pour la plupart, pour indices de référence Eonia et Euribor ; que le portefeuille des OPCVM monétaires " dynamiques ", qui recherchent une performance supérieure à celle des OPCVM monétaires, contient en outre des titres ayant une durée de vie supérieure à six mois et comportant davantage de risques ;
Considérant que les ratios réglementaires ont été instaurés pour protéger les intérêts des porteurs ; qu'ainsi, les " ratios émetteur " (5, 10 et 40%), les " ratios d'actifs dérogatoires " (10%) et les " ratios d'emprise " ont pour but d'obliger les gérants de portefeuilles à diversifier les actifs pouvant entrer dans leur composition afin d'éviter une concentration des risques sur un nombre trop restreint de lignes ou d'émetteurs ; qu'en application des " ratios émetteur ", un OPCVM ne peut, en principe, investir plus de 5% de ses actifs dans des titres ou instruments d'une même entité ; que ce ratio peut cependant atteindre 10% à condition que la valeur totale des titres ou instruments détenus auprès des entités dans chacune desquelles ont été investis plus de 5% des actifs ne dépasse pas 40% de la valeur de ses actifs ; que le " ratio d'emprunt d'espèces " fait obstacle, quant à lui, à un accroissement trop important de l'actif du fonds, qui serait sans corrélation avec les investissements des porteurs, lesquels, compte tenu de l'effet de levier en résultant, mais aussi des coûts liés à l'emprunt, verraient leur risque de perte augmenter en cas de baisse de la valeur des actifs détenus en portefeuille ; que le dépassement de ces ratios peut donc mettre en péril les intérêts des investisseurs ;
Considérant, en premier lieu, que le contrôle a mis en évidence un nombre très élevé de dépassements de ces ratios ; qu'ainsi il a notamment été relevé :
- s'agissant du " ratio d'emprunt d'espèces " de 10% maximum, un taux d'emprunt de 51,77% le 15 février 2008 pour le FCP Monétaire Euro 2, un taux de 51,49% le 16 novembre 2007 pour le FCP SGAM AI Crédit Plus et un taux de 120,99% le 7 décembre 2007 pour le FCP SGAM AI Crédit Plus Opportunité,
- s'agissant du " ratio émetteur " de 5, 10 ou 40%, un ratio de 51,76% le 18 janvier 2008 pour le FCP SGAM AI Money +2, soit un dépassement de 11,76% du ratio de 40%, un ratio de 99,31% le 28 décembre 2007 pour le FCP SGAM AI Crédit Plus Evolution, soit un dépassement de 59,31% du ratio de 40% ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le contrôle des ratios au sein de SGAM AI s'effectuait seulement à partir des outils mis à disposition par EURO-VL, le " valorisateur " des OPCVM, via un accès au module ratios de son progiciel comptable ; que le contrôle habituellement bimensuel des ratios n'a plus été effectué selon cette fréquence à partir d'août 2007 et est devenu occasionnel ; qu'EURO VL ne signalait pas à SGAM AI les dépassements enregistrés, de sorte que le suivi des ratios réglementaires reposait sur les seules alertes du dépositaire ; que ce n'est qu'à partir d'octobre 2007 que le middle-office de SGAM AI a commencé à contrôler quotidiennement, en version test, certains ratios sur un échantillon réduit d'OPCVM ; que ces contrôles ont, en fin d'année 2007, été étendus à un panel de ratios et de fonds plus large ; que néanmoins, début mai 2008, ils n'étaient toujours pas exhaustifs ; que les contrôles de premier niveau n'ont donc pas été assurés avant octobre 2007, et ne l'ont ensuite été que partiellement ;
Considérant, en outre, que les contraintes de gestion, qui étaient pourtant spécifiées dans les prospectus des OPCVM de SGAM AI, ont tout simplement été ignorées par le dispositif de contrôle ; qu'en effet ni le logiciel du dépositaire ni celui du " valorisateur " ne tenaient compte de ces contraintes ; qu'au demeurant, aucun contrôle interne portant sur les contraintes de gestion n'a pu être présenté aux contrôleurs ; qu'il s'en déduit qu'aucun contrôle n'était effectué par SGAM AI sur les contraintes spécifiques de gestion de ses OPCVM ;
Considérant qu'ainsi, tant en 2007 que durant le premier trimestre 2008, SGAM AI n'a procédé à aucune vérification du paramétrage des ratios réglementaires et des contraintes spécifiques de gestion intégrés dans l'outil du " valorisateur " ;
Considérant que, si un dispositif destiné à assurer un meilleur suivi des ratios a été mis en place, il n'a été effectif et complet qu'à partir du 30 juin 2009 ; que durant la période contrôlée, de juin 2007 à septembre 2008, il est en revanche constant et non contesté que le dispositif de contrôle des contraintes réglementaires et contractuelles des fonds gérés par SGAM AI était, à tout le moins, approximatif et occasionnel, en méconnaissance de l'article 322-12 du règlement général de l'AMF ; qu'il convient de rappeler qu'au 30 juin 2008, SAM gérait plus de 25 milliards d'euros au travers de multiples organismes de placement collectif et de produits structurés ; qu'il n'est donc pas admissible que SGAM AI ait à ce point négligé de mettre en place l'organisation fiable et indépendante qui aurait dû lui permettre d'exercer un contrôle interne satisfaisant du respect des contraintes réglementaires et contractuelles au sein des OPCVM dont elle avait la responsabilité ;
Considérant qu'une distinction peut, certes, être faite selon que le gestionnaire du fonds dépasse volontairement les ratios réglementaires de manière active, en faisant intentionnellement courir aux porteurs de parts un risque accru, ou qu'il se trouve exposé à ces dépassements du fait d'un retournement de marché ; que SGAM AI invoque, au titre d'une circonstance atténuante, le caractère " passif " de dépassements résultant notamment de la difficulté de vendre à un prix satisfaisant certains actifs du portefeuille, devenus illiquides, et la décision qui a été prise, en conséquence, de conserver ces actifs ;
Considérant qu'il convient toutefois d'observer qu'en l'espèce, le mouvement baissier du marché n'était pas le seul facteur de dépassement des ratios, celui-ci résultant également des décisions des porteurs de parts de sortir du fonds ; que, confrontés à l'augmentation du profil de risque de l'OPCVM résultant, tout à la fois, de ces demandes de rachat et de la forte baisse du marché, SGAM AI devait régulariser la situation le plus rapidement possible ; que malgré un flux de rachat massif et la décision qui avait été prise au niveau du groupe, dès la fin du mois de juillet 2007, de garantir aux porteurs une liquidité assurée par la maison mère, les dirigeants de SGAM AI ont choisi de conserver les actifs illiquides dans l'espoir d'un retour rapide à des valeurs cohérentes ; qu'ils ne pouvaient pourtant, sauf à estimer qu'ils avaient raison seuls contre tous - marché, clients, Comité de crise - s'exonérer de leur obligation de revenir aussi vite que possible au respect des ratios, et faire ainsi courir aux porteurs de parts le risque que ces règles prudentielles avaient précisément pour objet de limiter ;
Considérant que, si la période de crise peut donc expliquer, pour partie, la survenance du manquement, elle impliquait, de la part de SGAM AI, une réaction rapide et adéquate, que celle-ci n'a pas eue ; que, dans un environnement où le marché et les gestionnaires avaient perdu leurs repères, cette incapacité à assurer le retour au respect des ratios était tout à fait préjudiciable pour les porteurs de parts ;
Considérant qu'il résulte de ces constatations que ce premier aspect du manquement, portant sur le défaut d'organisation de SGAM AI dans ses fonctions " risques et conformité ", tel qu'illustré par les dépassements prolongés des ratios et par l'absence de contrôle du niveau de ces ratios, ainsi que du respect des contraintes réglementaires et contractuelles, est constitué et revêt une particulière gravité ;
Considérant, en second lieu, qu'afin de régulariser certains dépassements de ratios, SGAM AI a utilisé des instruments financiers à terme négociés avec SGAM Banque, plus précisément des swaps de performance (Total Return Swaps, ci-après " TRS ") de façon non pertinente ;
Considérant que le TRS consiste à acheter ou à vendre " économiquement " un actif, dénommé le sous-jacent, sans avoir à en acquérir ou à en céder la propriété ; que le contrat prévoit à cette fin un échange de flux financiers, le propriétaire de l'actif, vendeur du TRS, transférant l'intégralité des revenus de cet actif à l'acquéreur du TRS qui verse, en contrepartie, une commission de portage ; qu'à l'échéance convenue, le contrat se dénoue par le paiement - par l'acquéreur au vendeur en cas de dégradation de l'actif ou par le vendeur à l'acquéreur en cas d'appréciation de l'actif - du différentiel défini au contrat ;
Considérant que le mécanisme du TRS permet ainsi à l'acquéreur de prendre une exposition économique sur des parts ou des titres qu'il ne possède pas ;
Considérant qu'en l'espèce, SGAM AI a eu recours aux TRS selon des modalités qui peuvent être illustrées par l'exemple suivant :
- les 6 et 13 septembre 2007, ont été signalés, respectivement, un dépassement depuis 28 jours du ratio " OPCVM accès direct au capital inférieur à 25% " du fonds SGAM AI MS Trésorerie Alternatif sur le fonds SGAM AI Global Arbitrage, à hauteur de 35,98% de son capital, et un dépassement de 14 jours du ratio " détention d'un même OPCVM inférieur à 20% " de l'actif de l'OPCVM SGAM AI MS Trésorerie alternatif sur le fonds SGAM AI Global Arbitrage, à hauteur de 20,88% de son actif net ;
- le 7 septembre 2007, le fonds SGAM AI MS Trésorerie Alternatif a demandé le rachat partiel, à concurrence d'environ 60 millions d'euros, des parts du fonds SGAM AI Global Arbitrage, afin de régulariser sa situation au regard de ces deux ratios relatifs à la détention au sein d'un même OPCVM ;
- toutefois, le 10 septembre 2007, cette opération a été compensée par une souscription de SGAM Banque au fonds SGAM AI Global Arbitrage pour 60 millions d'euros et cette souscription a été couverte par une opération de swap de performance conclue entre SGAM Banque - vendeur du TRS - et le fonds SGAM AI MS Trésorerie Alternatif - acquéreur du TRS - pour le même montant de 60 millions d'euros, sur les parts du fonds SGAM AI Global Arbitrage ;
Considérant qu'à la suite de ces différents évènements, le fonds SGAM AI MS Trésorerie Alternatif, s'il ne détenait plus les parts du fonds SGAM AI Global Arbitrage qui lui avaient fait dépasser le ratio d'emprise, conservait, du fait du TRS qu'il avait acquis, exactement la même exposition économique, et donc les mêmes risques, qu'auparavant ; qu'en effet, si les opérations des 7 et 10 septembre 2007 ont permis de régulariser ce dernier ratio, le dépassement du ratio de division des risques limité à 20% subsistait en raison de la persistance de l'investissement sous-jacent aux TRS ; qu'en outre, le fonds SGAM AI MS Trésorerie Alternatif restait exposé de manière équivalente aux risques du fonds monétaire dynamique SGAM AI Global Arbitrage ; que ce type d'opération a été renouvelé avec les fonds SGAM AI MS Dynamique et SGAM AI Euro Associa Garanti 6 Mois ; qu'à chaque fois, le fonds ayant demandé le rachat pour régulariser son dépassement de ratios conservait, par l'effet du swap de performance, une exposition inchangée au fonds sur lequel portait ce dépassement ; qu'en tout état de cause, aucune de ces opérations n'a permis de régulariser le ratio de division des risques limité à 20%, dont le calcul devait tenir compte de l'investissement sous-jacent aux TRS ;
Considérant que ces opérations, qui avaient pour effet de régulariser en apparence les dépassements de ratios de certains fonds, ne diminuaient en rien les risques auxquels étaient exposés les porteurs de parts ; qu'il est donc établi que la mise en place de ces swaps de performance avec SGAM Banque, qui visait à contourner le respect de la réglementation en occultant les dépassements, n'a absolument pas mis fin aux manquements aux règles prudentielles relatives aux dépassements de ratios ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ce second aspect du manquement portant sur le défaut d'organisation de SGAM AI dans ses fonctions " risques et conformité ", tel qu'illustré par un contournement de la réglementation destiné à occulter les dépassements de ratios, est constitué ; que les agissements qui viennent d'être examinés, participant d'une volonté délibérée des gestionnaires de dissimuler les risques auxquels les porteurs de parts étaient exposés, sont particulièrement choquants ;
Considérant, en définitive, que les carences de SGAM AI dans l'organisation de son département " risques et conformité ", outre qu'elles contreviennent aux articles L. 214-4, R. 214-6 et R. 214-18 du code monétaire et financier et à l'article 322-12 du règlement général de l'AMF, ont entraîné des conséquences particulièrement préjudiciables pour ses clients et revêtent, dès lors, une gravité certaine ; que les mesures prises ultérieurement ne sauraient réduire la portée de ce manquement ;
B. Sur le grief concernant la gestion des conflits d'intérêts
1. Les textes applicables
Considérant que les faits s'étant déroulés entre juin 2007 et septembre 2008, les textes applicables doivent être examinés dans leur rédaction en vigueur pendant cette période ;
Considérant que l'article L. 533-4 du code monétaire et financier, applicable à l'époque des faits, était relatif au respect des règles de bonne conduite par les prestataires de services d'investissement et destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations ; qu'au point 6. de cet article, il était précisé que le prestataire de services d'investissement doit " s'efforcer d'éviter les conflits d'intérêts et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veiller à ce que leurs clients soient traités équitablement " ;
Considérant que cet article a été notamment repris aux articles L. 533-1 et L. 533-10 du même code ; que l'article L. 533-10 dispose que les prestataires de services d'investissement doivent : " (
) 3. Prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d'intérêts de porter atteinte aux intérêts de leurs clients. Ces conflits d'intérêts sont ceux qui se posent entre, d'une part, les prestataires eux-mêmes, les personnes placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ou toute autre personne directement ou indirectement liée à eux par une relation de contrôle et, d'autre part, leurs clients, ou bien entre deux clients, lors de la fourniture de tout service d'investissement ou de tout service connexe ou d'une combinaison de ces services. Lorsque ces mesures ne suffisent pas à garantir, avec une certitude raisonnable, que le risque de porter atteinte aux intérêts des clients sera évité, le prestataire informe clairement ceux-ci, avant d'agir en leur nom, de la nature générale ou de la source de ces conflits d'intérêt " ;
Considérant que l'article 322-33 du règlement général de l'AMF applicable au début de la période contrôlée et repris en substance, à compter du 1er novembre 2007, par les articles 313-18 et suivants du même règlement, prévoyait que " la société de gestion de portefeuille doit prévenir les conflits d'intérêts et, le cas échéant, les résoudre équitablement dans l'intérêt des mandants ou des porteurs. Si elle se trouve en situation de conflit d'intérêts, elle doit en informer les mandants ou porteurs de la façon la plus appropriée. Elle doit prendre toutes les dispositions nécessaires, notamment en matière de séparation des métiers et des fonctions, pour garantir l'autonomie de la gestion " ;
2. L'examen du grief
Considérant que trois reproches sont adressés à SGAM AI au soutien du grief relatif à sa gestion des conflits d'intérêts ; que le premier est relatif à des opérations de Credit Default Swap (ou couvertures de défaillance, ci-après " CDS ") entre SGAM Banque et SGAM AI Money +2, fonds géré par SGAM AI ; que le deuxième a trait au financement de SGAM Banque à partir des OPCVM gérés par SGAM AI ; que le troisième concerne l'imbrication du pôle " risque " de SGAM AI avec celui de SGAM Banque ;
Considérant que le CDS permet au propriétaire d'un actif de se couvrir contre la dégradation potentielle de la valeur de cet actif résultant d'évènements prévus au contrat, tels que le défaut de paiement de l'émetteur des titres lorsque l'actif sous-jacent est constitué de titres financiers, une réduction de la notation, ou encore la dégradation de l'actif par rapport à un autre actif ou un indice ; qu'il lie un acheteur de protection et un vendeur de protection, le premier versant une commission, au moment de l'achat du CDS ou à intervalles réguliers, en échange de l'engagement du second de lui payer, en cas de survenance de l'événement de crédit, le montant défini au contrat ;
Considérant que, le 27 septembre 2007, SGAM Banque et SGAM AI Money +2, fonds géré par SGAM AI, ont conclu deux CDS :
- dans le cadre du premier CDS, SGAM Banque était acheteur de protection sur un panier de titres subordonnés bancaires pour un nominal de 760 millions d'euros et un " spread " de 36 points de base ;
- dans le cadre du second CDS, SGAM Banque était vendeur de protection sur un panier de titres bancaires seniors pour un nominal de 1 064 millions d'euros et un " spread " de 21 points de base ;
Considérant que l'une des particularités des titres subordonnés, objet du premier CDS, est qu'en cas de cessation de paiements, leur remboursement est subordonné à celui, préalable, des autres créances ; qu'ils constituent donc, par nature, des actifs nettement plus risqués que les titres seniors, objet du second CDS, qui bénéficient, quant à eux, d'un paiement prioritaire par rapport à celui des autres créances ;
Considérant que les titres subordonnés qui, pour la raison ci-dessus indiquée, ont très peu de chances d'être remboursés en cas de cessation de paiements, peuvent, sous certaines conditions, être assimilés à des fonds propres ; que le recours à l'émission de ces titres permet donc aux établissements de crédit de renforcer le niveau de leurs fonds propres et, par là même, d'améliorer leur ratio de solvabilité bancaire, alors que la détention de ces titres par un établissement de crédit se traduit pour lui, à l'inverse, par une exigence accrue de fonds propres ;
Considérant que le premier CDS a permis à SGAM Banque de ne pas déduire de ses fonds propres les titres subordonnés ainsi protégés et d'optimiser son ratio de solvabilité ; qu'en revanche, SGAM AI ne démontre pas l'intérêt de cette opération pour les porteurs de parts du fonds SGAM AI Money +2 ;
Considérant que le second CDS était censé offrir aux porteurs de parts du fonds SGAM AI Money +2 une protection sur des titres bancaires seniors ; que celle-ci ne présentait toutefois que fort peu d'intérêt, compte tenu de la grande qualité des titres concernés ; qu'au surplus, les deux CDS dégageaient un bénéfice net quasiment nul pour le FCP SGAM AI Money +2, compte tenu de la corrélation entre les variations des spreads de titres seniors et subordonnés bancaires ;
Considérant que ces opérations sont intervenues après que, en août 2007, plusieurs courriels échangés entre SGAM AI et SGAM Banque ont fait état de la nécessité, pour cette dernière, d' " organiser la sortie des prêts subordonnés bancaires (
) avant la fin septembre, sous peine de voir Cooke (
) exploser " ; que le ratio Cooke, ou ratio de solvabilité bancaire, fixe une limite à l'encours pondéré des prêts accordés par un établissement financier en fonction de ses capitaux propres ; que le niveau d'engagement des banques est donc limité par leur propre solidité financière ; que, si les opérations entre des fonds gérés sous mandat pour compte de tiers et une société du groupe ne sont pas en elles-mêmes interdites, il résulte de ce qui précède que les opérations ci-dessus décrites ont présenté un intérêt majeur pour SGAM Banque, qui n'a pas eu à déduire de ses fonds propres les titres subordonnés, mais à peu près aucun intérêt pour les porteurs de SGAM AI Money +2, fonds qui a bénéficié d'une protection sur des titres qui n'en avaient pas réellement besoin ;
Considérant que les opérations qui viennent d'être décrites sont illustratives d'une situation de conflit entre, d'un côté, SGAM Banque, qui y a trouvé son plein avantage, de l'autre, les porteurs de parts du fonds géré par SGAM AI ; que le rapport de l'inspection générale de la Société Générale relève à cet égard qu'un " avis négatif " aurait probablement été formulé par le pôle de gestion d'actifs pour le compte de tiers du groupe Société Générale " Global investment management & services " (GIMS) s'il avait été consulté sur ces échanges de CDS ;
Considérant qu'il eût donc fallu, à tout le moins, informer les porteurs de parts, avant la souscription des CDS, de la " nature générale " ou de la " source " de ce conflit ; qu'aucune information n'a été délivrée ; qu'en outre, à la date du contrôle, SGAM AI n'avait pas élaboré la moindre instruction écrite concernant le traitement d'éventuels conflits d'intérêts entre le groupe et ses clients ; que la défaillance de la mise en cause est dès lors avérée ;
Considérant qu'il est également reproché à SGAM AI d'avoir fait des choix de gestion au sein de ses OPCVM dans le but de fournir du " cash " à SGAM Banque, et non dans l'intérêt des porteurs ; que, cependant, aucune opération précise illustrant une telle pratique n'est visée par la notification de griefs ; qu'il n'est donc pas possible de retenir ce deuxième élément au soutien de la démonstration de l'existence de conflits d'intérêts ;
Considérant, enfin, qu'il est fait grief à SGAM AI d'avoir une équipe de contrôle des risques commune avec SGAM Banque ; que l'existence d'une équipe unique de contrôle des risques pour les deux entités n'est pas contestée ; que SGAM AI aurait dû prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la séparation des équipes de contrôle des risques afin de garantir son autonomie dans la gestion des OPCVM dont elle avait la responsabilité ; que l'imbrication du pôle risques de SGAM AI avec celui de SGAM Banque a, notamment, permis la réalisation des opérations de CDS décrites ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de ces constatations que, sous réserve des choix de gestion censément destinés à fournir du " cash " à SGAM Banque, qui seront écartés, tous les autres aspects du manquement relatif au défaut d'organisation des fonctions " risques et conformité " de SGAM AI au regard de la gestion des conflits d'intérêts sont caractérisés ;
C. Sur les griefs pris de l'atteinte à l'égalité des porteurs et de l'atteinte à leurs intérêts
1. Les textes applicables
Considérant que les faits litigieux s'étant déroulés entre août 2007 et mars 2008, ils seront examinés au regard des textes applicables durant cette période ;
Considérant que l'article L. 214-3 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, et repris en substance par l'article L. 214-9 du même code issu de l'ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011, dispose que " Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, le dépositaire et la société de gestion doivent agir au bénéfice exclusif des souscripteurs " ;
Considérant que l'article 322-31 du règlement général de l'AMF prévoyait, dans ses alinéas 1 et 3, que " la société de gestion de portefeuille doit promouvoir les intérêts de ses mandants ou des porteurs des OPCVM gérés. A cet effet, elle doit exercer ses activités dans le respect de l'intégrité, de la transparence et de la sécurité du marché " et qu'elle " doit s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet de privilégier ses intérêts propres ou ceux de ses associés, actionnaires ou sociétaires, au détriment des intérêts de ses mandants ou des porteurs " ;
Considérant que cet article a été repris en substance à l'article 314-3 du même règlement, qui prévoit notamment que le prestataire de services d'investissement agit au mieux de l'intérêt des clients ;
2. L'examen du grief
2.1. Sur le grief pris d'un traitement inéquitable des porteurs à la suite de la détermination de la valeur liquidative des OPCVM
Considérant qu'il est reproché à SGAM AI d'avoir survalorisé certaines valeurs liquidatives des OPCVM et, en conséquence, d'avoir favorisé les porteurs qui sont sortis des fonds pendant cette période de survalorisation au détriment de ceux qui y sont restés ; que tel aurait été le cas pour les fonds Crédit Plus et Crédit Plus Opportunité après le 31 décembre 2007 et pour le fonds MS Dynamique après le 11 mars 2008 ;
Considérant que le contexte exceptionnel de crise, qui ne permettait plus de déterminer la valeur des actifs des fonds à partir des données de marché, allié à la décision qui a été prise par les gestionnaires de ne pas utiliser le " gop liquid " avant décembre 2007, ont conduit SGAM AI à rechercher les moyens destinés à éviter d'avoir à faire face à des demandes massives de rachat des porteurs ; que ces mesures auraient dû être prises dans le respect du principe de l'intérêt des porteurs et être encadrées par un dispositif de surveillance, de contrôle et de maîtrise des risques ;
Considérant qu'il n'est pas question de se prononcer sur la méthode de valorisation décidée par SGAM AI, mais sur les conditions de sa mise en oeuvre ;
Considérant que, contrairement à ce qu'elle avait annoncé à l'AMF à la fin du mois d'août 2007, SGAM AI a décidé de figer les prix des ABS (asset-backed security) et des CDO (collateralized debt obligation) dès ce moment, sans consulter la direction des risques ; que ce n'est que le 27 septembre 2007 que le front office a transmis sa méthodologie de valorisation des ABS et CDO au pôle risques ; que cette méthodologie a été appliquée dès le mois d'octobre 2007, alors qu'elle n'avait pas encore été validée ; qu'en effet, la validation par le pôle risques, qui a dénoncé les méthodes employées par SGAM AI au sein de certains OPCVM, n'est intervenue qu'à la fin du mois de novembre 2007;
Considérant que les tableaux de seuil de matérialité, qui prennent en compte l'écart entre, d'un côté, la valeur liquidative valorisée en " marked to market " avec des prix de contrepartie, de l'autre, la valorisation retenue, permettent d'établir que les fonds SGAM AI Crédit Plus et SGAM AI Crédit Plus Opportunité ont été survalorisés en permanence au cours du dernier trimestre 2007, avec une survalorisation maximale, le 6 novembre 2007, de 5,14% pour SGAM AI Crédit Plus Opportunité, et, le 21 décembre 2007, de 2,42% pour SGAM AI Crédit Plus ;
Considérant que les porteurs de parts des fonds SGAM AI Crédit Plus et SGAM AI Crédit Plus Opportunité qui ont obtenu le rachat de celles-ci après le 31 décembre 2007 sont donc sortis de ces fonds dans des conditions moins favorables que ceux qui ont fait racheter leurs parts avant cette date ; qu'il en est de même pour les porteurs de parts du fonds MS Dynamique sortis après le 11 mars 2008 ; qu'on observera toutefois que, sous réserve du cas de ce dernier fonds, dont le groupe Société Générale ne détenait qu'environ 50%, cette disparité liée au moment de la sortie des fonds SGAM AI Crédit Plus et SGAM AI Crédit Plus Opportunité a essentiellement été supportée par le groupe Société Générale qui, au 31 décembre 2007, détenait 97% du premier et 87% du second ;
Considérant qu'il demeure que SGAM AI qui, comme il a été dit ci-dessus (A 2.), s'est volontairement écartée des principes de gestion de crise établis par le groupe Société Générale et a privilégié la fonction " gestion " par rapport aux fonctions " risques et conformité " en survalorisant la valeur liquidative de certains OPCVM, a masqué aux porteurs de parts les difficultés liées à la détention, par ces fonds, d'actifs illiquides et les a ainsi incités à ne pas en sortir ;
Considérant que, si la survalorisation des valeurs liquidatives a donc incontestablement nui à l'information de ces porteurs et, partant, à leurs intérêts, ce n'est pas ce qui est reproché à SGAM AI ; qu'en effet, le grief ne se réfère aucunement à l'atteinte aux " intérêts des porteurs ", telle que visée par les textes ci-dessus examinés, qui en constituent pourtant le support légal ; qu'est exclusivement reprochée à la mise en cause, sans que soient visés les articles qui auraient pu fonder le grief ainsi formulé, l'atteinte au " traitement équitable des porteurs " ;
Considérant que l'égalité qui doit prévaloir entre les porteurs à un instant donné n'a pas été mise en péril par une telle survalorisation, dès lors que ceux-ci se trouvaient tous, au même moment, dans une situation identique du double point de vue des informations qui leur étaient - ou ne leur étaient pas - données et des conditions du rachat éventuel de leurs parts ;
Considérant qu'il s'ensuit que le grief, dépourvu du fondement légal adéquat et circonscrit à une atteinte au " traitement équitable des porteurs " non démontrée en l'espèce, ne peut être retenu ;
2.2. Sur le grief relatif à l'atteinte portée à l'égalité des porteurs du fonds SGAM AI Crédit Court terme
Considérant qu'il est reproché à SGAM AI de ne pas avoir respecté le principe d'égalité des porteurs en permettant à certains porteurs de SGAM AI Crédit Court Terme - dont les OPCVM gérés par la mise en cause - de sortir de ce fonds avant le 29 janvier 2008, alors que d'autres auraient dû attendre l'aval du pôle " risques et conformité " pour pouvoir demander le rachat de leurs parts, et d'avoir ainsi dégradé la situation déjà critique de ce fonds ;
Considérant que, si le département risques de (
) [la société-mère] s'interrogeait, fin janvier 2008, sur la mise en place d'une suspension des souscriptions et des rachats des parts du fonds SGAM AI Crédit Court Terme en attendant de céder l'actif, il n'est cependant pas établi que les demandes de rachat n'aient pas continué à être honorées après la date du 29 janvier 2008 ; qu'un courriel du 11 février 2008 adressé par (
) [ce] pôle risques (
) à un gérant d'un fonds géré par SGAM AI énonce en effet : " (
) en tant que gérant DPI, vous êtes libres (sic) vous pouvez donc céder Crédit Court Terme sur le cut off d'aujourd'hui " ;
Considérant que le grief, qui manque en fait, est dépourvu du fondement légal adéquat et n'a d'ailleurs pas été soutenu en séance par le représentant du Collège, sera donc écarté ;
2.3. Sur le grief relatif à l'atteinte portée à l'intérêt des porteurs du fonds 'X' du fait du maintien de l'investissement de ce fonds dans le fonds SGAM AI Crédit Court Terme
Considérant qu'il est enfin reproché à SGAM AI d'avoir, pour protéger les intérêts de SGAM AI Crédit Court Terme au détriment de ceux des porteurs du fonds 'X', fait acquérir par celui-ci, durant la crise de liquidité, des parts du fonds SGAM AI Crédit Court Terme, puis maintenu son investissement au titre de son " actif non risqué " jusqu'aux 10 et 11 février 2008, alors que ce dernier fonds ne pouvait plus être considéré comme dépourvu de risque ;
Considérant que, le 16 novembre 2007, la position du fonds 'X' dans le fonds SGAM AI Crédit Court Terme a été renforcée, puisqu'elle est passée de 9,05% à 14% de son actif net, alors que la situation très critique de ce fonds, attestée par l'établissement d'une fiche de risque le 31 décembre 2007, laissait peu de doute quant à la dégradation de sa situation, qui s'était manifestée dès l'automne 2007 ; que les faits ne sont d'ailleurs pas contestés ;
Considérant que le renforcement et le maintien, par SGAM AI, de cet investissement dans SGAM AI Crédit Court Terme ne peuvent être regardés comme ayant pu être réalisés dans l'intérêt des porteurs du fonds 'X', encore moins dans leur intérêt exclusif ; que cette analyse est confortée par le courriel rédigé par un commercial de SAM le 25 janvier 2008 indiquant " il est impératif de sortir l'exposition de l'actif non risqué [du fonds 'X'] dans SGAM AI Crédit CT. Cette pose va devenir très difficile à justifier " ; que le manquement à l'intérêt de ces porteurs est donc caractérisé ; qu'il est d'autant plus grave que, si SGAM AI Crédit Court Terme était un " fonds maison " de SGAM AI, il n'en était pas de même du fonds 'X', géré par SGAM AI pour le compte de [
] ; qu'ainsi, SGAM AI a utilisé un fonds qu'elle gérait pour le compte de tiers afin de soutenir, aux risques et périls de ses client, un de ses " fonds maison " ; que cette circonstance a pour effet d'aggraver le manquement à l'intérêt des porteurs du fonds 'X' qui a été commis ;
D. Sur les sanctions et la publication
Considérant que les manquements retenus sont intervenus avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ; qu'aux termes de l'article L. 621-15, III du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à cette date, les sanctions applicables étaient " pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11° et 12° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés " ;
Considérant que ces manquements sont révélateurs d'une absence d'organisation et de contrôle, qui a exposé les porteurs de parts des fonds gérés par la mise en cause à des risques inutiles tenant, notamment, à une gestion de la crise aussi désordonnée qu'opaque et à un défaut de prévention des conflits d'intérêt ; qu'il est, en particulier, inadmissible qu'une société de cette importance ait donné priorité à la poursuite de ses propres objectifs par rapport au devoir qui était le sien d'assurer l'information, la sécurité et la préservation des intérêts de ses clients ; que sera prononcée, en conséquence, la sanction pécuniaire maximale alors prévue par l'article susvisé ;
Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné à la personne morale auteur des manquements ; qu'il y aura toutefois lieu de prévoir qu'elle sera faite par extraits, (
) ;
PAR CES MOTIFS,
Et après en avoir délibéré sous la présidence de Mme Claude Nocquet, par Mmes Marie-Hélène Tric et France Drummond et par MM. Jean-Claude Hanus, Bernard Field, Guillaume Jalenques de Labeau, Pierre Lasserre et Jean-Jacques Surzur, membres de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,
DÉCIDE DE :
- prononcer à l'encontre de la (
) [personne morale sanctionnée] une sanction pécuniaire de 1 500 000 (un million cinq cent mille euros) ;
- publier [les principaux extraits de] la présente décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers et dans le recueil des décisions de la Commission des sanctions, (
).
A Paris, le 7 octobre 2011.
La Secrétaire de séance, Brigitte Letellier
La Présidente, Claude Nocquet
Cette décision peut faire l'objet d'un recours dans les conditions prévues à l'article R. 621-44 du code monétaire et financier.