SOC. ELECTIONS FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 16 novembre 2011
Cassation
M. LACABARATS, président
Arrêt no 2427 FS-P+B+R
Pourvoi no K 10-28.201
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ M. Antonio Z, domicilié Villeurbanne,
2o/ la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, dont le siège est Paris Montreuil cedex,
contre le jugement rendu le 7 décembre 2010 par le tribunal d'instance de Puteaux (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant à la société ABB France, société par actions simplifiée, dont le siège est Rueil-Malmaison,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 octobre 2011, où étaient présents M. Lacabarats, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, M. Béraud, Mme Lambremon, MM. Huglo, Struillou, conseillers, Mmes Sabotier, Salomon, conseillers référendaires, M. Weissmann, avocat général référendaire, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat de M. Z et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société ABB France, l'avis de M. Weissmann, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article L. 2143-5 du code du travail ;
Attendu que ce texte ne subordonne pas la désignation d'un délégué syndical central à l'obtention, par ce dernier, d'un score électoral ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. Z a été désigné par la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (le syndicat) en 2007 en qualité de délégué syndical central de la société ABB France ; qu'en mars 2010, des élections ont eu lieu au sein de l'établissement de Montreuil, dans lequel travaille M. Z, sans que celui-ci ne présente sa candidature ; que la société ABB France a fait savoir au syndicat en octobre 2010 que le mandat de M. Z avait pris fin, notamment en raison du fait que le salarié n'avait pas obtenu un score électoral de 10 % lors des élections dans son établissement; que le syndicat ayant confirmé la désignation de M. Z, l'employeur a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation ;
Attendu que pour dire nulle la désignation de M. Z en qualité de délégué syndical central, le tribunal d'instance énonce que le mandat d'un délégué syndical prend fin lorsque l'ensemble des conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2143-3 et à l'article L. 2143-6 cessent d'être réunies ; qu'en l'espèce, il est constant que si la représentativité du syndicat défendeur n'est pas en cause ni l'existence d'une section syndicale, en revanche il n'est pas établi que M. Z réunisse les conditions légales, soit avoir été candidat aux dernières élections et avoir réuni au moins 10 % des suffrages ;
Qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 décembre 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Puteaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Courbevoie ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ABB France à payer à M. Z et à la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour M. Z et la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT.
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit que le juge judiciaire et plus précisément le juge d'instance est compétent pour statuer sur le présent litige et d'AVOIR déclaré nulle et non avenue la désignation de Monsieur Antonio Z en qualité de délégué syndical central pour le compte de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT au sein de la SAS A.B.B. FRANCE et ce, du jour dudit jugement ;
AUX MOTIFS QUE " II a été jugé que le mandat d'un délégué syndical central prend fin avec le renouvellement des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise ; la nouvelle désignation fait courir un nouveau délai en application des dispositions de l'article R. 2324-24 C. ... même si le salarié occupait déjà cette mission avant le nouveau scrutin (C. Cass Soc 22.09.10 no 09- 60.435) ; que néanmoins les auteurs du "Guide des élections professionnelles" (Mmes. M. ..., PECAUT RIVOLLIER et STRUILLOU ed. DALLOZ 10/11) estiment que si le mandat du délégué syndical central n'est plus au vu des dispositions de la loi nouvelle (et notamment celles de l'article L2143-11 et 2143-3)à durée indéterminée, ce mandat peut cesser sans l'intervention judiciaire sauf contestation, il peut donc être qualifié de mandat de plein droit ; que cependant en privilégiant l'analyse a contrario de l'article L 2143-11 il apparaît selon ces auteurs que "le mandat en cours peut subsister si les conditions de candidature et d'audience demeurent réunies et que le syndicat ne le révoque pas" ; que le courrier du 19 octobre 10 émanant de la FÉDÉRATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE C.G.T. ne constituait donc pas une nouvelle désignation mais une simple confirmation d'un mandat existant ; qu'en revanche, le terme du délégué syndical peut être remis en cause du fait de la diminution de l'effectif de l'entreprise selon les dispositions de l'article L 2143-11 C. ... dans la seule hypothèse envisagée par ce texte soit dès lors que l'effectif passe de manière importante et durable en deçà du seuil de 50 salariés alors la cessation du mandat doit être négociée entre les partenaires sociaux ou à défaut envisagée par l'inspection du travail ; que cette procédure n'est pas applicable en dehors de cette hypothèse et alors seul le tribunal d'instance saisi du litige peut statuer sur les conséquences de la diminution de l'effectif comme en l'espèce puisque cet effectif est passé en deçà du seuil de 2.000 salariés (ibidem p. 803). Ce fait ressort des éléments du débats (lettre du 12.10.10 et tableaux joints complétée par les pièces 7/8 qui confirment la diminution de l'effectif mais aussi du travail par intérim pièce 11), alors qu'un second plan social est en cours avec effet début 2011 ; qu'en outre il n'est pas contesté que cette diminution est postérieure au dernier scrutin qui est intervenu en mars 2010 depuis la publication de la Loi du 20.08.08 dont les dispositions sont dès lors applicables " ;
ET QUE " Le mandat d'un délégué syndical prend fin lorsque l'ensemble des conditions prévues au premier alinéa de l'article L 2143-3 et à l'article L 2143-6 cessent d'être réunies ; qu'en l'espèce il est constant que si la représentativité du syndicat défendeur n'est pas en cause ni l'existence d'une section syndicale en revanche il n'est pas établi que Antonio LAHIGUERA réunisse les conditions légales soit avoir été candidat aux dernières élections (lettre de l'employeur du 12.10.10) et avoir réuni au moins 10% des suffrages. Il n'est donc plus habilité à conserver son mandat " ;
ALORS QUE si le délégué syndical doit être, suivant l'article 5-I de la loi no2008-789 du 20 août 2008 codifié à l'article L. 2143-3 du Code du travail, choisi parmi les candidats aux dernières élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections, l'article 5-IV de la même loi codifié à l'article L. 2143-5 du Code du travail, relatif aux conditions de désignation du délégué syndical central, prévoit comme seule condition d'audience, qu'il soit désigné par un syndicat qui a recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles ; que le tribunal d'instance qui a jugé que le mandat de Monsieur Antonio Z en qualité de délégué syndical central devait être annulé, du seul fait qu'il ne s'était pas présenté aux dernières élections professionnelles, a ajouté une condition au texte et a violé, par fausse application, les articles L. 2143-5, L. 2143-3 et L. 2143-11 du Code du travail.