Jurisprudence : TA Marseille, du 10-06-2008, n° 0107608




TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MARSEILLE

N° 0107608

SOCIÉTÉ CHARLES QUEYRAS

CONSTRUCTION

M. Delvolvé

Rapporteur


mp

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Marseille


M. Aa

Commissaire du gouvernement

Audience du 4 juin 2008

Lecture du 10 juin 2008

39-04-02-03


Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2001 au greffe du Tribunal sous le n° 0107608, présentée pour la SOCIETE CHARLES QUEYRAS CONSTRUCTION, dont le siège social est BP 5 à Saint-Crépin (05600), prise en la personne de son représentant légal en exercice, par la SCP d’avocats Gerbaud-Aoudiani-Canellas-Crebier-Charmasson-Veyrat ;

La société demande au Tribunal :

1°) de condamner solidairement le département des Bouches-du-Rhône et son mandataire, la société Geodis Spe, à lui payer une somme globale de 18 738 823,21 francs TTC soit 2 856 715 euros TTC, en règlement d’un marché portant sur la construction du collège de Plan-de-Cuques, assortie des intérêts moratoires prévus à l’article 182 du code des marchés publics à compter de l’introduction de la requête, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés à chaque échéance annuelle ;

2°) de les condamner solidairement à l’indemniser de tous les préjudices consécutifs à la résiliation de ce marché, qui seront fixés après dépôt du rapport d’expertise ;

3°) de les condamner solidairement à lui payer la somme de 100 000 francs, soit 15 244,90 euros, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative🏛, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Elle soutient que :

- elle s’est vu confier l’exécution du lot n° 1 relatif au gros œuvre pour la construction d’un collège à Plan-de-Cuques suivant un marché n° 00-710 du 30 octobre 2000 ;


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- ce marché a été résilié le 31 octobre 2001 à la suite de son refus de procéder à la destruction de certains ouvrages déjà construits ;

- elle a droit au paiement des travaux déjà réalisés pour un montant de 1 159 948,70 euros ainsi qu’au paiement de travaux supplémentaires pour des montants de 36 231 euros et 5 128,91 euros TTC ;

- elle doit être indemnisée pour le retard dans la livraison des plates-formes devant service d’assise au bâtiment pour un montant de 1 019 643,30 euros ;

- elle a subi des charges extra-contractuelles d’un montant de 595 455 euros TTC ;

- des opérations d’expertise sont actuellement en cours ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2002, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, pris en la personne du président du conseil général en exercice, par Me Bismuth ;

Le département des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu’elle n’a pas été précédée d’une demande préalable conformément à l’article 50 du cahier des clauses administratives générales- travaux ;

- la décision de résilier était parfaitement justifiée par les multiples manquements de la société à ses obligations contractuelles ;

- elle n’est pas susceptible de faire l’objet d’une annulation ;

- elle n’a pas donné suite aux ordres de service valant mise en demeure ;

- le Tribunal ne saurait statuer sur le fond en l’absence du dépôt du rapport d’expertise ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2002, pour la SOCIETE CHARLES QUEYRAS CONSTRUCTION, qui confirme ses précédentes écritures et qui soutient également que :

- la demande d’indemnisation à la suite d’une résiliation n’a pas à respecter l’article 50 du cahier des clauses administratives générales-travaux ;

- le projet de décompte final a, en tout état de cause, fait l’objet d’une remise en mains propres par huissier le 20 décembre 2001 ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2002, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, qui confirme ses précédentes écritures, qui conclut, à titre subsidiaire, à ce que le Tribunal surseoit à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise et qui fait valoir également qu’il résulte des opérations d’expertise en cours que l’expert a pointé de nombreuses anomalies consistant en des inexécutions, des non-conformités, des malfaçons et des désordres ;


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Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2002, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, qui confirme ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2005, présenté pour la SOCIETE CHARLES QUEYRAS CONSTRUCTION, devenue la SOCIETE DE TRAVAUX GUIL DURANCE (STGD), prise en la personne de Me Rafoni, mandataire liquidateur et Me Gillibert, commissaire à l’exécution du plan de cession, qui confirme ses précédentes écritures et qui soutient, en outre, que le département des Bouches-du-Rhône n’a pas contesté le bien fondé de sa demande de paiement au titre des travaux déjà réalisés et qu’il n’est pas fondé à lui opposer la moindre créance dès lors qu’il n’a fait aucune déclaration à cet égard entre les mains des représentants des créanciers ;

Vu l'ordonnance en date du 4 mai 2005 fixant la clôture d'instruction au 6 juin 2005, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative🏛🏛 ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 juin 2005, présenté pour le département des Bouches- du-Rhône, qui confirme ses précédentes écritures et qui fait valoir également que :

- la société requérante n’a adressé son mémoire que le 19 décembre 2001 soit plus de quinze jours après la résiliation ;

- il n’a pas approuvé le projet de décompte de la société ;

- ni le mandataire judiciaire, ni le commissaire à l’exécution du plan n’ont qualité pour la représenter ;

Vu l'ordonnance en date du 8 juin 2005 décidant la réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative🏛 ;

Vu l'ordonnance en date du 10 septembre 2007 fixant la clôture d'instruction au 10 octobre 2007, en application des articles R.613-1 et R.613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2007, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, qui confirme ses précédentes écritures, qui porte à 15 000 euros la somme qu’il demande en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et qui fait valoir que :

- aucun mandataire ad hoc n’a été désigné ;

- l’expert a détaillé 38 désordres imputables à la société requérante ;

- le moyen tiré du défaut de déclaration de créance en application de l’article L. 622- 24 du code de commerce🏛 est porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- le décompte général n’est, en tout état de cause, pas devenu définitif ;

Vu l'ordonnance en date du 16 octobre 2007 décidant la réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;


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Vu le mémoire, enregistré le 31 décembre 2007, présenté pour la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE, qui confirme ses précédentes écritures, qui demande au Tribunal, à titre subsidiaire, d’ordonner une nouvelle expertise pour vérifier le bien fondé de sa réclamation tendant au règlement financier du marché et qui soutient également que :

- elle est bien représentée par son mandataire ad hoc ;

- le département ne formule aucune réclamation chiffrée ;

Vu l'ordonnance en date du 11 janvier 2008 fixant la clôture d'instruction au 11 février 2008, en application des articles R.613-1 et R.613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 février 2008, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, qui confirme ses précédentes écritures, qui conclut également à la condamnation de la société requérante à lui payer la somme de 10 206 480,82 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts et qui fait valoir que :

- les fautes commises par la société requérante, telles que relevées par l’expert, justifient la résiliation du marché à ses torts exclusifs ;

- le département a subi un préjudice en raison de la défaillance de cette société qui doit être condamnée à l’indemniser du surcoût que représentent la destruction des bâtiments atteints de désordres, l’aménagement d’un collège provisoire et la reconstruction d’un nouveau collège ;

Vu l’ordonnance en date du 13 février 2008 décidant la réouverture de l’instruction, en application de l’article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2008, présenté pour la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE (STGD), qui confirme ses précédentes écritures, qui conclut, en outre, au rejet des conclusions reconventionnelles du département et qui soutient, également, que ce dernier n’a pas inscrit sa créance entre les mains des représentants des créanciers ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mars 2008, présenté pour la société Géodis spe, prise en la personne de son liquidateur judiciaire Me Astier, par la SCP d’avocats Le Roux- Brin-Moraine, qui conclut au rejet des conclusions présentées à son encontre au motif que la créance de la société requérante n’a pas été inscrite au passif de la société Géodis spe ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2008, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, qui confirme ses précédentes écritures et qui soutient, également, que Me Rafoni est décédé depuis plus d’un an ;

Vu l'ordonnance en date du 18 mars 2008 décidant la réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;


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Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2008, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, informant le Tribunal de la confusion qu’il a commise en mentionnant le décès de Me Rafoni, qui n’est pas survenu ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mai 2008, présenté pour la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE (STGD), qui confirme ses précédentes écritures, et qui soutient également que Me Rafoni n’est pas décédé et que ses fonctions de représentation n’ont pas cessé ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2008, présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, qui ramène à 8 334 258,61 euros, la somme qu’il demande au titre du surcoût des travaux ;

Vu le rapport d’expertise déposé le 11 juin 2007 ;

Vu l’ordonnance n° 0104615, 0106616, 0104885, 0203806, 0303222, 0207709, 0308103 et 0308106 en date du 10 août 2007 par laquelle le président du Tribunal administratif de Marseille a liquidé et taxé les frais d’expertise à la somme de 189 305,70 euros TTC ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2008 :

- le rapport de M. Delvolvé, rapporteur ;

- les observations de Me Gerbaud, pour la SOCIETE TRAVAUX GUIL DURANCE ;

- les observations de Me Bismuth, pour le département des Bouches-du-Rhône ;

- et les conclusions de M. Aa, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juin 2008, présentée pour le département des Bouches-du-Rhône ;


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Considérant que le département des Bouches-du-Rhône a confié le lot n° 1 relatif au gros œuvre à la SOCIETE CHARLES QUEYRAS CONSTRUCTION, nouvellement dénommée SOCIETE TRAVAUX GUIL DURANCE, pour la construction d’un collège situé sur le territoire de la commune de Plan-de-Cuques, par un marché en date du 30 octobre 2000 ; qu’à la suite de plusieurs mises en demeure, le département a résilié ledit marché le 31 octobre 2001 ; que la société requérante recherche la responsabilité du département à la suite de cette résiliation ;

Sur le bien fondé de la résiliation aux torts exclusifs de l’entrepreneur :

Considérant qu’aux termes de l’article 46.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, qui constitue l’une des pièces du marché selon l’article 2 du cahier des clauses administratives particulières : « 46.1. Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché, avant l'achèvement de ceux-ci par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet. / Le règlement du marché est fait alors selon les modalités prévues aux 3 et 4 de l'article 13, sous réserve des autres stipulations du présent article. / Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur a droit à être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général. » ; qu’aux termes de l’article 49 du même cahier : « 49.1. A l'exception des cas prévus au 22 de l'article 15 et au 6 de l'article 46, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. / Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure. (.…) 49.4. La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. / Dans les deux cas, les mesures prises en application du 3 de l'article 46 sont à sa charge. / En cas de résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux. Ce marché est conclu après appel d'offres avec publicité préalable ; (.…) Par exception aux dispositions du 42 de l'article 13, le décompte général du marché résilié ne sera notifié à l'entrepreneur qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. (.…) 49.6. Les excédents de dépenses qui résultent de la régie ou du nouveau marché sont l'entrepreneur. Ils sont prélevés les sommes qui peuvent lui être dues ou, à défaut, sur ses sûretés éventuelles, sans préjudice des droits à exercer contre lui en cas d'insuffisance. (…) » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que les ouvrages réalisés par la SOCIETE CHARLES QUEYRAS CONSTRUCTION pour la construction du collège litigieux ont présenté, au cours de l’année 2001, des désordres très importants consistant en l’apparition de fissures ayant pour origine une insuffisance mécanique des structures en béton ; que de nombreuses malfaçons de conception et d’exécution ont également été relevées consistant notamment en une insuffisance de résistance du béton, des sous-dimensionnements et des défauts de positionnement des armatures et un caractère non conforme des calculs des structures en béton armé ;


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Considérant qu’en raison de ces désordres, le département des Bouches-du-Rhône a émis plusieurs ordres de services valant mises en demeure à l’encontre la SOCIETE CHARLES QUEYRAS CONSTRUCTION ; que cette dernière n’y a pas donné suite ; qu’elle n’a notamment pas exécuté l’ordre de service n° 01/007 du 21 mars 2001 lui ordonnant d’exécuter les travaux de renforcement des dallages béton « dans le but de compenser l’hétérogénéité et les mauvaises caractéristiques de résistance des plates formes bâtiment », l’ordre de service n° 01/011 du 26 avril 2001 lui ordonnant de procéder aux reprises et réparations des ouvrages défectueux et de procéder à la démolition des structures en élévation en rez-de-chaussée du bâtiment A, l’ordre de service n° 01/012 du 28 mai 2001 lui ordonnant de démolir les voiles de la colonne ascenseur et de fournir la nature du ciment entrant dans la composition du béton, l’ordre de service n° 01/026 du 1” août 2001 lui ordonnant de démolir et de reconstruire des poutres et les ouvrages les surmontant, l’ordre de service n° 01/032 du 10 septembre 2001 lui ordonnant de stopper les travaux sur certaines zones des bâtiments A, B et E et l’ordre de service n° 01/038 du 12 octobre 2001 lui ordonnant d’arrêter les travaux en raison des désordres et des défaillances constatées ;

Considérant qu’il résulte également de l’instruction, et du rapport d’expertise, que les désordres dont il s’agit sont imputables aux manquements graves de la SOCIETE CHARLES QUEYRAS CONSTRUCTION à ses obligations contractuelles justifiant la résiliation de son marché à ses torts exclusifs ; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la résiliation du marché litigieux à ses torts par ordre de service n° 01/039 du 31 octobre 2001 est irrégulière ;

Sur le bien fondé de la demande de la société requérante :

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que le département des Bouches-du-Rhône a payé à la société requérante la somme de 8 496 601 francs TTC ; que cette dernière demande le paiement de la somme de 7 608 896,66 francs TTC au titre du solde du paiement des travaux réalisés avant la résiliation ; que, cependant, les désordres litigieux ne permettent pas de regarder les ouvrages construits comme étant conformes au cahier des charges ; qu’ils ne peuvent donc faire l’objet d’un quelconque paiement ; que cette demande doit donc être rejetée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que les plates-formes devant servir d’assises aux bâtiments du collège ont été livrées avec un retard de quatre mois dans le calendrier d’exécution des travaux de gros œuvre ; que ce retard, qui n’est pas imputable à la société requérante et qui est sans lien avec les motifs de la résiliation, lui a causé un préjudice ; que, cependant, la société requérante, qui n’allègue pas avoir été dans l’impossibilité d’employer le matériel et le personnel immobilisés, ne justifie pas qu’un tel préjudice s’élève à la somme dont elle fait état ; que faute de précisions suffisantes, une telle demande ne peut donc qu’être rejetée ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante demande le paiement des frais engendrés par des arrêts de chantier à la demande du maître d’œuvre et du maître de l’ouvrage ; qu’il résulte cependant de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que de tels arrêts étaient justifiés par les désordres et les malfaçons apparus très tôt dans l’exécution des travaux ; qu’ainsi, la société n’est pas fondée à demander une quelconque indemnisation à ce titre ; qu’une telle demande doit être rejetée ;


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Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit précédemment, que la résiliation aux torts exclusifs de l’entrepreneur était justifiée ; qu’ainsi, ce dernier n’est pas fondé à demander la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à l’indemniser des conséquences dommageables de cette résiliation ; qu’il y a lieu, dès lors, de rejeter cette demande ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le département des Bouches-du-Rhône, de rejeter la demande présentée par la société requérante ;

Sur le bien fondé des conclusions reconventionnelles présentées par le département des Bouches-du-Rhône :

Considérant, en premier lieu, que le département des Bouches-du-Rhône demande à être indemnisé, à titre reconventionnel, du préjudice qu’il a subi en raison de la défaillance de la société requérante ; que la circonstance qu’une procédure de redressement judiciaire soit en cours est sans incidence sur la faculté qu’a le juge administratif de condamner la société faisant l’objet d’un tel redressement, à charge pour le bénéficiaire de cette condamnation de faire valoir ses droits devant l’autorité judiciaire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que le département des Bouches-du-Rhône a dû indemniser les entreprises de second œuvre qui ne sont pas intervenues sur le chantier pour les études qu’elles ont réalisées, ainsi que du manque à gagner qu’elles ont subi en raison de l’ajournement définitif des travaux ; que ces indemnités s’élèvent à 569 684 euros TTC ; qu’il y a lieu de mettre cette somme à la charge de la société requérante ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que le département des Bouches-du-Rhône a dû supporter des frais de gardiennage du chantier à la suite de la résiliation ; que de tels frais, qui s’élèvent à 188 695 euros TTC, sont imputables à la résiliation ; qu’il y a lieu, par suite, de les mettre à la charge de la société requérante ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que le nouveau collège n’ayant pu ouvrir à la rentrée 2001 en raison de la défaillance de la société requérante, le département a dû supporter des frais de remise en l’état de l’ancien collège André Malraux pour un montant de 2 031 916 euros ; que, cependant, de tels frais ne sont pas intégralement imputables à la résiliation litigieuse dès lors qu’en tout état de cause les bâtiments de cet ancien collège auraient pu être utilisés par le département si le nouveau collège avait pu ouvrir ; qu’il sera fait une juste appréciation du montant des frais imputables à la résiliation en les fixant à 30 % de ce montant ; qu’ainsi, le département des Bouches-du-Rhône est fondé à demander à ce que la somme de 609 574,80 euros TTC soit mise à la charge de la société requérante ;

Considérant, en cinquième lieu, que si le département des Bouches-du-Rhône demande à être indemnisé de frais de transports des élèves, il n’établit pas que ces derniers soient imputables à la résiliation ; qu’une telle demande ne peut qu’être rejetée ;


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Considérant, en sixième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que l’ensemble des désordres décrits précédemment ont conduit l’expert, qui n’est pas utilement contredit sur ce point par la société requérante, à reconnaître que les éléments de structure en béton armé ne pouvaient supporter, sans porter gravement atteinte à la solidité de l’ouvrage, qu’une fraction, proche de la moitié, des actions relevant des conditions initialement prévues d’exploitation de l’ouvrage ; que s’il existait une solution de reprises des bâtiments A et B, elle ne présentait aucune garantie comparable à celle qui résulte de la construction d’un bâtiment neuf ; que les bâtiments C, D et E ainsi que le préau et les logements de fonction pouvaient être utilement conservés grâce à un renforcement utile du béton des fondations ; que, cependant, si le département des Bouches-du-Rhône a retenu la solution préconisée par l’expert s’agissant des bâtiments A et B en procédant à leur démolition, il a également, eu égard au caractère global du projet de construction du collège, procédé à la destruction des autres bâtiments afin de procéder à la réalisation d’un nouveau projet de collège ; qu’un tel choix n’est cependant pas directement imputable à la résiliation litigieuse ; que les conséquences financières d’une telle décision ne sauraient, dès lors, être intégralement supportées par la société requérante ;

Considérant que le projet initial de construction s’élevait à la somme de 11 580 000 euros ; que les dépenses de construction du nouveau projet de collège s’élève à 13 951 614,79 euros ; que le surcoût s’élève donc à 2 371 614,79 euros ; que les travaux de démolition s’élèvent à 166 211,06 euros ; que le surcoût des travaux supportés par le département s’élève donc à 2 537 825,85 euros ; qu’il sera fait une juste appréciation de la part de ce surcoût, compte tenu du choix du département, imputable à la résiliation, en diminuant de 30 % un tel montant ; qu’ainsi, le département est fondé à demander à ce que la somme de 1 776 478,10 euros soit mise à la charge de la société requérante ;

Considérant, en septième lieu, qu’il n’est pas établi que les frais d’assurance soient imputables à la résiliation ; qu’en outre, faute pour le département de détailler les arrêtés de compte au 8 juillet 2002, il n’est pas fondé à en demander le remboursement ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le département des Bouches-du- Rhône est fondé à demander la condamnation de la société requérante à lui payer la somme totale de 3 144 431,90 euros TTC ;

Sur les frais d’expertise :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre les frais d’expertise, liquidés et taxés à la somme de 189 305,70 euros TTC, à la charge de la société requérante ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société requérante doivent, dès lors, être rejetées ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département des Bouches-du-Rhône et non compris dans les dépens ;


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DECIDE:

Article 1” : La requête de la SOCIETE TRAVAUX GUIL DURANCE SOCIETE venant aux droits de la SOCIETE CHARLES QUEYRAS CONSTRUCTION est rejetée.

Article2: La SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE est condamnée à payer au département des Bouches-du-Rhône la somme de 3 144 431,90 euros TTC (trois millions cent quarante-quatre mille quatre cent trente-et-un euros et quatre-vingt-dix centimes TTC) en réparation de son préjudice.

Article 3 : Les frais d’expertise, liquidés et taxés à la somme de 189 305,70 euros TTC (cent quatre-vingt-neuf mille trois cent cinq euros et soixante-dix centimes TTC), sont mis à la charge de la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE.

Article4: La SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE versera au département des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE, à Me Rafoni, à Me Gillibert, au département des Bouches-du-Rhône et à Me Astier, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Géodis spe.

Copie en sera adressée à M. Ab, expert.


Délibéré après l'audience du 4 juin 2008, où siégeaient :

M. Hermitte, président,

M. Fernandes, premier conseiller,

M. Delvolvé, conseiller,

assistés de Mme Ambroise, greffier.

Lu en audience publique le 10 juin 2008.

Le rapporteur, Le Président,

signé signé

Ph. DELVOLVÉ Ac A

Le greffier,

signé

M.-C. AMBROISE

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

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