Jurisprudence : Cass. soc., 03-11-2011, n° 10-21.522, F-D, Cassation partielle

Cass. soc., 03-11-2011, n° 10-21.522, F-D, Cassation partielle

A5305HZI

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SOC. PRUD'HOMMES CM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 3 novembre 2011
Cassation partielle
M. FROUIN, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt no 2246 F-D
Pourvoi no A 10-21.522
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société La Coque de nacre, société anonyme, dont le siège est Paris,
contre l'arrêt rendu le 26 mai 2010 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. Madir Y, domicilié Livry-Gargan,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 octobre 2011, où étaient présents M. Frouin, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, M. Chauvet, Mme Terrier-Mareuil, conseillers, M. Foerst, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société La Coque de nacre, de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de M. Y, l'avis de M. Foerst, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y, engagé le 3 avril 1989, en qualité de chauffeur livreur par la société La Coque de nacre, a été licencié pour faute grave, le 7 novembre 2006 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé du licenciement et demander le paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen
Attendu la société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de M. Y ne procède pas d'un cause réelle et sérieuse et en conséquence de la condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnités de rupture et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen
1o/ que l'employeur soutenait que l'emploi de "chauffeur-livreur" occupé par M. Y impliquait non seulement la conduite du véhicule mais également l'exécution des tâches associées de mise en place des marchandises dans les colis, de vérification de la concordance des colis par rapport aux documents d'expédition et de remplissage des documents administratifs ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces tâches n'avaient pas toujours fait partie intégrante des fonctions de M. Y, qui les avait exécutées pendant des années, ce dont il résultait que son refus de les exécuter plus avant était fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail ;
2o/ qu'en affirmant que la société La coque de nacre n'indiquait pas les tâches qu'elle reprochait à M. Y d'avoir refusé d'exécuter, pour écarter la faute de ce dernier, quand l'employeur avait précisément indiqué dans la lettre de licenciement que ce refus d'exécution portait précisément sur "la mise en place des marchandises dans les colis", la "vérification par rapport aux documents d'expédition", le "remplissage des documents administratifs" et le transport des colis "aux services des douanes et/ou à la Poste", la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation de l'article 1134 du code civil ;
3o/ que dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut changer les conditions de travail d'un salarié, et la circonstance que les tâches données à ce salarié soit différentes de celles qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où elles correspondent à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce, en refusant de regarder comme fautif le refus de Monsieur Y d'accomplir certaines tâches accessoires à ses fonctions de chauffeur livreur sans indiquer en quoi ces tâches complémentaires auraient entraîné une modification de son contrat de travail, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les tâches dont la non-exécution était reprochée au salarié n'entraient pas dans ses fonctions de chauffeur-livreur, la cour d'appel, qui a constaté, hors toute dénaturation, qu'il n'était pas allégué par la société que le salarié aurait refusé d'exécuter ses tâches de chauffeur-livreur, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen
Vu le principe "à travail égal, salaire égal" ;
Attendu que pour condamner la société à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, l'arrêt retient qu'il résulte des plannings établis par la société que M. Y a fait partie du service douanes, aux côtés de M. ..., ce dont il suit que l'employeur ne saurait opposer une différence de formation pour justifier d'une différence de traitement de M. Y par rapport à un autre salarié qui exerçait les mêmes fonctions, qu'en conséquence M. Y prétend légitimement, sur le fondement de l'adage "à travail égal, salaire égal", au paiement d'une rémunération d'un montant correspondant à celle de M. ... ;

Qu'en statuant ainsi, sans vérifier si, comme il était soutenu, l'autre salarié n'avait pas reçu une formation particulière utile à l'exercice de la fonction occupée de nature à justifier une différence de rémunération, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 26 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société La Coque de nacre
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Y ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence condamné la société La coque de nacre à verser audit salarié les sommes de 3.506 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 350 euros à titre de congés payés afférents, 4.382 euros à titre d'indemnité de licenciement et 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE " l'employeur reproche d'abord à son salarié de refuser " systématiquement ", " depuis de nombreux mois ", "d'exécuter les tâches qui (lui) ont été confiées par la Direction " et qu'il effectuait " depuis de nombreuses années ", d'avoir persisté dans ces agissements malgré deux lettres d'avertissement en date des 21 juillet et 27 septembre 2006 et d'avoir ainsi fait montre d'un " comportement d'insubordination " ; qu'en l'absence d'accord exprès du salarié à une modification du contrat de travail, ainsi qu'il a été précédemment jugé, la société La Coque de nacre ne saurait imputer à faute à Monsieur Y l'inexécution de tâches n'entrant pas dans ses fonctions de chauffeur livreur ; que la société La Coque de nacre ne fait état d'aucun incident susceptible d'illustrer un refus persistant de Monsieur Y d'effectuer ses tâches de chauffeur livreur et n'indique au demeurant à Monsieur Seddik d'avoir refusé d'exécuter ; que ce grief n'est donc pas justifié (...) ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société La coque de nacre ne justifie d'aucun des quatre manquements fautifs imputés à Monsieur Y ; que par suite le licenciement de Monsieur Y ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse ; que Monsieur Y sera donc accueilli en son appel incident et le jugement entrepris de ce chef infirmé ; que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement allouées par le premier juge ne suscite pas de débat entre les parties ; que Monsieur Y avait une ancienneté de 18 ans dans l'entreprise lors de son licenciement et était âgé de 41 ans ; que sa rémunération mensuelle brute s'élevait à 1.753,16 euros ; qu'il a bénéficié des allocations chômages pendant deux années puis a travaillé au service de la bijouterie Chanzy ; que le préjudice matériel qui est résulté pour lui de la rupture de son contrat de travail joint à la brutalité dont a fait montre la société La coque de nacre en le mettant à pied à titre conservatoire justifient que son préjudice soit indemnisé par l'allocation de la somme de 18.000 euros sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail puisque la société La coque de nacre employait habituellement plus de dix salariés lors du licenciement " ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE " Monsieur Y effectuait des tâches qui n'étaient pas prévues par son contrat de travail, il en avait d'ailleurs fait grief auprès de son nouvel employeur et ceci sans succès " ;
ALORS 1o) QUE l'employeur soutenait que l'emploi de " chauffeur livreur " occupé par Monsieur Y impliquait non seulement la conduite du véhicule mais également l'exécution des tâches associées de mise en place des marchandises dans les colis, de vérification de la concordance des colis par rapport aux documents d'expédition et de remplissage des documents administratifs ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces tâches n'avaient pas toujours fait partie intégrante des fonctions de Monsieur Y, qui les avait exécutées pendant des années (conclusions d'appel de la société La Coque de nacre, p.10, al.4), ce dont il résultait que son refus de les exécuter plus avant était fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et L.1222-1 du code du travail ;
ALORS 2o) QUE en affirmant que la société La coque de nacre n'indiquait pas les tâches qu'elle reprochait à Monsieur Y d'avoir refusé d'exécuter, pour écarter la faute de ce dernier (arrêt, p.4, dernier al.), quand l'employeur avait précisément indiqué dans la lettre de licenciement que ce refus d'exécution portait précisément sur " la mise en place des marchandises dans les colis ", la " vérification par rapport aux documents d'expédition ", le " remplissage des documents administratifs " et le transport des colis " aux services des douanes et/ou à la Poste ", la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS 3o) ET SUBSIDIAIREMENT QUE dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut changer les conditions de travail d'un salarié, et la circonstance que les tâches données à ce salarié soit différentes de celles qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où elles correspondent à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce, en refusant de regarder comme fautif le refus de Monsieur Y d'accomplir certaines tâches accessoires à ses fonctions de chauffeur livreur sans indiquer en quoi ces tâches complémentaires auraient entraîné une modification de son contrat de travail, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1222-1 du Code du Travail et 1134 du Code Civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société La Coque de nacre à payer à Monsieur Y les sommes de 17.080 euros à titre de rappel de salaire et de 1.708 euros à titre de congés payés afférents ;
AUX MOTIFS QUE " au soutien de sa demande, Monsieur Y fait valoir qu'en sus de ses fonctions de chauffeur livreur, il a accompli les fonctions de déclarant en douane d'août 2001 à juin 2004, qu'aux termes de l'avertissement du 27 juin 2006, il lui a été reproché d'avoir tardé à établir une déclaration en douane, qu'il faisait toujours partie du service douanes en 2006 ; qu'il occupait ainsi les mêmes fonctions que Monsieur ..., qu'il réclame donc légitimement un rappel de salaire sur le fondement du principe " à travail égal, salaire égal ", soit la somme de 17.080 euros nets, correspondant à 488 euros nets par mois pendant 35 mois outre la somme de 1.708 euros à titre de congés payés afférents ; que pour combattre cette demande la société La coque de nacre répond en substance que Monsieur Y ne peut " raisonnablement " soutenir avoir effectué les mêmes fonctions que Monsieur ..., qui a reçu une formation spécifique à cet effet ; qu'il résulte des plannings établis par la société que Monsieur Y a fait partie du service douanes, aux côtés de Monsieur ..., ce dont il suit que l'employeur ne saurait opposer une différence de formation pour justifier d'une différence de traitement de Monsieur Y par rapport à un autre salarié qui exerçait les même fonctions ; qu'en conséquence Monsieur Y prétend légitimement, sur le fondement de l'adage " à travail égal, salaire égal ", au paiement d'une rémunération d'un montant correspondant à celle de Monsieur ... ; que la demande de rappel de salaire sera donc accueillie et le jugement déféré infirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande " ;
ALORS 1o) QUE la méconnaissance du principe " à travail égal salaire égal " n'est caractérisée que si le salarié qui se plaint d'une différence de traitement effectue la même prestation de travail et dispose du même degré de responsabilité que ceux de ses collègues auxquels il se compare ; qu'en l'espèce, en se bornant à relever que " Monsieur Y a fait partie du service douane, aux côté de Monsieur ... " (arrêt, p.9, al.1er), pour en déduire que Monsieur Y aurait dû percevoir le même salaire que Monsieur ..., la cour d'appel n'a pas caractérisé que Monsieur Y effectuait le " même travail " et avait le " même degré de responsabilité " que Monsieur ... au sein du service douane et qu'il devait donc percevoir le même salaire ; qu'en entrant en voie de condamnation sur ces bases, la cour d'appel a violé l'article L.3221-4 du code du travail et le principe " à travail égal, salaire égal " ;
ALORS 2o) QUE une différence de diplômes constitue un élément objectif et pertinent justifiant une différence de rémunération, particulièrement lorsque que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée ; que dès lors, en affirmant péremptoirement que la différence de formation existant entre Monsieur Y et Monsieur ... ne saurait justifier une différence de traitement, sans vérifier si la formation supérieure de Monsieur ... n'était pas déterminante pour l'exercice de la fonction occupée, la cour d'appel a privée sa décision de base légale au regard de l'article L.3221-4 du code du travail et du principe " à travail égal, salaire égal ".

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