COMM. IK
COUR DE CASSATION
Audience publique du 2 novembre 2011
Cassation partielle
Mme FAVRE, président
Arrêt no 1077 F-D
Pourvoi no T 10-26.184
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ M. René Z,
2o/ Mme Lucienne YZ, épouse YZ,
tous deux domiciliés Valbonne,
contre l'arrêt rendu le 8 juin 2010 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige les opposant
1o/ au directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes, domicilié Nice cedex,
2o/ au directeur général des finances publiques, domicilié Paris cedex 12,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 octobre 2011, où étaient présents Mme Favre, président, M. Delbano, conseiller référendaire rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme Z, ... ... SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du directeur général des finances publiques, l'avis de M. Mollard, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'occasion de la vérification des déclarations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) faites par M. et Mme Z, portant notamment sur leur résidence principale, les services fiscaux ont procédé au rehaussement de la valeur de ce bien immobilier et réintégré à l'actif imposable les comptes courants qu'ils détenaient dans quatre sociétés pour les années 1996 à 2003 ; que les contribuables ont contesté ces redressements, qui ont été confirmés les 12 janvier et 1er septembre 2005 ; que les réclamations faites les 3 avril et 14 juin 2006 ayant été rejetées respectivement les 19 mai et 21 juillet 2006, ils ont saisi le tribunal de grande instance, demandant à être déchargés du complément d'ISF mis à leur charge ;
Sur le premier et le deuxième moyens, réunis
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen
Vu l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de M. et Mme Z tendant à la prise en compte dans le passif déductible de l'ISF de leur impôt sur le revenu, des contributions sociales de l'année précédente, des taxes foncières et d'habitation de l'année et de l'impôt de solidarité sur la fortune de l'année, l'arrêt énonce qu'il résulte de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales que le litige porté devant les tribunaux est déterminé par le contenu de la réclamation contentieuse adressée à l'administration, ce qui n'est pas le cas de cette demande qui est nouvelle et ne peut être assimilée à un simple moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, les contribuables ayant contesté l'évaluation de la base imposable retenue par l'administration au titre de l'ISF des années 1996 à 2003, la déduction du passif grevant le patrimoine ne constituait pas une demande, mais seulement un moyen nouveau dans la limite de la décharge d'imposition sollicitée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de prise en charge d'un nouveau passif, l'arrêt rendu le 8 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le directeur général des finances publiques à payer à M. et Mme Z la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. et Mme Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant les dispositions du jugement entrepris, rejeté la demande de Monsieur et Madame Z aux fins de se voir déchargés du complément d'impôt de solidarité sur la fortune mis à sa charge au titre des années 1996 à 2003 et de les avoir condamnés à verser la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Aux motifs propres que le bien litigieux est constitué par une villa d'une surface utile de 462 m2 et d'une surface pondérée totale de 582 m2 construite sur un terrain de 14.716 m2 aménagé en parc paysager ; que les éléments de comparaison retenus par l'administration, s'ils ne se situent pas sur la même commune que le bien des appelants, ce qui s'explique par l'absence, non contestée, de bien similaire dans cette commune, en sont cependant très proches et de même nature, compte tenu notamment de leurs surfaces et de leurs caractéristiques propres ; que les appelants se fondent plus particulièrement pour contester l'évaluation de l'administration sur la situation de leur propriété en zone I NAI du plan d'occupation des sols et sur une précédente estimation de l'administration ; que, s'agissant du bien, s'il est situé sur une zone concernée depuis 1992 par un projet de ZAC à vocation principale d'activité tertiaire et d'équipement, cette zone n'a pas toujours été mise en place, que l'administration n'a par ailleurs attribué aucune valeur au terrain, méthode qui apparaît tout à fait adaptée lorsque comme en l'espèce, l'adjonction de nouvelles constructions n'est pas possible, étant au surplus observé que, comme l'a relevé le tribunal, la création de cette ZAC aurait vocation à attribuer la propriété de 4170 m2 de SCHON de droits à construire, ce qui n'est pas de nature à la déprécier ;
Et aux motifs adoptés que les documents régulièrement produits aux débats révèlent que la villa La Butte, construite en 1965 sur trois niveaux sur un terrain de 14.719 mètres carrés, dispose d'une surface utile de 462 mètres carrés et d'une surface utile pondérée totale de 582 mètres carrés, et se trouve désormais entourée d'un vaste parc paysager assorti de petits ruisseaux, massifs fleuris, bassins successifs avec cascades et de perlouses avec arrosage automatique ; qu'elle comprend, en son rez-de-chaussée, deux appartements, l'un avec porche, hall d'entrée grand séjour, salle à manger surélevée dans la tourelle, grande cuisine équipée avec cheminée centrale, chambre donnant sur la terrasse et dressing, l'autre étant composé d'un porche, d'un hall, d'un séjour, cuisine et office ainsi que d'une chambre avec dressing ; qu'elle dispose à l'étage de trois chambres, d'une bibliothèque et de deux bureaux, au sous-sol et rez de jardin, d'un appartement de gardien de 70 mètres carrés ainsi que d'un grand garage pouvant contenir quatre voitures et d'une chaufferie, ; qu'il n'est pas contesté que ce bien immobilier se trouve en excellent état d'entretien et bénéficie de matériaux de très grande qualité ; que, même si les éléments de comparaison retenus par le fisc ne se situent pas sur la même commune, il n'en demeure pas moins que les biens immobiliers comparés sont équivalents à la villa la Butte compte tenu de leurs surfaces et de leurs caractéristiques propres ; que si certes ce fonds est situé sur une zone (I NAI du site le Fugueirat) concernée depuis 1992 par un projet de ZAC à vocation principale d'activités tertiaires et d'équipements universitaires et d'enseignement, rien n'a encore été mis en place à cet égard ; que la création de cette ZAC aura vocation à attribuer à la propriété La Butte 4.170 mètres carrés de SCHON de droits à construire, l'administration fiscale n'ayant en tout état de cause attribué dans sa méthode d'évaluation dite "du terrain intégré " aucune valeur au terrain dont s'agit ; que le moyen soulevé de ce chef ne constitue donc pas un élément réducteur de la valeur vénale du fonds ;
ALORS QUE le juge doit procéder à un examen concret des éléments de comparaison utilisés par l'administration pour justifier du caractère intrinsèquement similaire des biens comparés ; qu'en l'espèce la Cour d'appel s'est bornée à retenir, reprenant les motifs des premiers juges, d'une part que les éléments de comparaison retenus par l'administration portaient sur des biens, qui, quoique ne se situant pas sur la même commune que le bien en cause, en étaient cependant très proches et de même nature, compte tenu de leurs surfaces et de leurs caractéristiques propres et, d'autre part, que l'administration n'avait pas accordé de valeur au terrain lui-même; qu'en se prononçant ainsi par des motifs généraux, évoquant, sans plus de précision, la surface des biens et leurs caractéristiques propres, sans examiner concrètement en quoi les biens retenus pour établir par comparaison la valeur vénale de la villa La Butte étaient intrinsèquement similaires à cette dernière, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L.17 du livre des procédures fiscales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant les dispositions du jugement entrepris, rejeté la demande de Monsieur et Madame Z aux fins de se voir déchargés du complément d'impôt de solidarité sur la fortune mis à leur charge au titre des années 1996 à 2003 et de les avoir condamnés à verser la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles;
Aux motifs propres que s'agissant de la position de l'administration sur la valeur de la propriété en 1993, que par une notification de redressement du 19 avril 1996, cette valeur avait été fixée à 18.000.000 francs pour l'année 1993, puis ramenée par un courrier du 5 novembre 1998 à un montant de
3.250.000 francs pour tenir compte des circonstances particulières ayant entraîné la transmission de la propriété, à savoir la liquidation anticipée de la société qui était propriétaire du bien et l'attribution de celui-ci à Monsieur et Madame Z ; que c'est dans ce contexte dont il a ainsi été reconnu qu'il était de nature à entraîner une réduction de la valeur du bien transmis, que l'administration a accepté de retenir une valeur vénale de 3.250.000 francs, sans rapport avec celle initialement fixée à 18.000.000 francs et qui ne saurait constituer une prise de position au sens de l'article L 80 B 1o du Livre des procédures fiscales s'agissant d'une situation particulière qui n'existe plus dans le cadre du présent litige ;
Aux motifs adoptés que la fixation de la valeur vénale du bien par l'administration fiscale en 1993 à la somme de 3.250.000 francs s'explique uniquement par le fait que la société Arjouna, qui en était propriétaire depuis 1976, a été dissoute à la suite d'une décision de mise en liquidation anticipée de ladite société le 20 décembre 1993, et qu'a été attribuée à chacun des associés, Monsieur et Madame Z, la moitié de cette propriété, cette transmission d'actifs étant de nature à générer une réduction de la valeur du bien transmis, tel que retenu par le fisc ;
Alors que, premièrement, dans leurs écritures Monsieur et Madame Z faisaient valoir que la villa leur avait été attribuée lors de la liquidation amiable et non judiciaire de la société Arjouna qui en était alors propriétaire, en sorte que la villa n'était pas susceptible d'être dévaluée par cette circonstance; qu'en se bornant à reprendre les conclusions de l'administration sans expliquer en quoi la circonstance de l'attribution de la villa dans le cadre d'une liquidation amiable aurait entraîné une réduction de valeur du bien transmis, alors même qu'elle retenait cette circonstance comme raison de l'évaluation de la villa à hauteur de 3.250.000 francs par l'administration, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation des articles 455 et 458 du Code de procédure civile ;
Alors que, deuxièmement, Monsieur et Madame Z ont toujours contesté que la dissolution de la société Arjouna ait été une circonstance de nature à diminuer la valeur de la villa la Butte ; qu'en affirmant qu'il a été reconnu que le contexte de la dissolution de la société Arjouna était de nature à entraîner une réduction de la valeur du bien transmis que l'administration a accepté de retenir une valeur vénale de 3.250.000 francs, la Cour d'appel a dénaturé l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande des appelants en prise en charge d'un nouveau passif et de les avoir condamnés à verser la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles;
Aux motifs que sur la demande de prise en charge d'un nouveau passif, qu'il résulte de l'article L.199 du Livre des procédures fiscales que le litige porté devant les tribunaux est déterminé par le contenu de la réclamation contentieuse adressés à l'administration, ce qui n'est pas le cas de cette demande qui est nouvelle et ne peut être assimilée à un simple moyen, et qui doit, en conséquence, être déclarée irrecevable ;
Alors que le contribuable et l'administration peuvent faire valoir tout moyen nouveau tant devant la juridiction de premier degré que devant la juridiction d'appel ; qu'en l'espèce Monsieur et Madame Z ont contesté l'évaluation de la base imposable retenue par l'administration au titre de l'ISF des années 1996 à 2003 ; que l'invocation des règles relatives à la détermination de cette base, et plus précisément à la déduction du passif grevant le patrimoine, ne constituait pas une demande, mais seulement un moyen supplémentaire dans la limite du déchargement sollicité; qu'en jugeant qu'il s'agissait d'une demande nouvelle et qu'elle était irrecevable, la Cour d'appel a violé les articles L.199 et L.199 C du Livre des procédures financières