Jurisprudence : CA Montpellier, 25-10-2011, n° 10/07721, Infirmation



COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2° chambre
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2011 Numéro d'inscription au répertoire général 10/07721 Décision déférée à la Cour Jugement du 28 AVRIL 2010 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER N° RG 20103276

APPELANTE
SA BANQUE DUPUY DE PARSEVAL, société anonyme à conseil d'administration au capital de 10.000.000 euros, régie par les articles 118 à 150 de la loi sur les sociétés commerciales, inscrite au TCS DE SETE sous le N° B 562 680 199 représentée en la personne de son directeur Général en exercice domicilié

SETE
représentée par la SCP JOUGLA Jean-Pierre - ... Sarra, avoués à la Cour
assistée de Me SALLELES de la SCP ROZE-SALLELES-PUECH, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ
Monsieur Philippe Y

VERARGUES
représenté par la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES, avoués à la Cour
assisté de Me Arnaud LAURENT de la SCP SCHEUER, VERNHET ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 07 Septembre 2011

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 SEPTEMBRE 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Monsieur Daniel BACHASSON, Président Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller Madame Brigitte OLIVE, Conseiller
Greffier, lors des débats Mme Andrée ALCAIX ARRÊT
- contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Philippe Y, gérant de la société Entretiens Extérieurs, s'est rendu caution solidaire de cette société, pour " tous engagements " auprès de la Banque Dupuy de Parseval (la banque), par acte sous seing privé du 17 mai 2005, à concurrence de 60 000 euros.
La société Entretiens Extérieurs a été déclarée en liquidation judiciaire le 26 septembre 2005. La banque a déclaré sa créance auprès du liquidateur, le 14 novembre 2005.
La banque a consenti à M. Y, par acte notarié du 14 novembre 2005, un prêt de 100 000 euros.
M. Y a payé les sommes dues par la société, en sa qualité de caution, le 15 novembre 2005.
Suite à la défaillance de M. Y dans le remboursement du prêt notarié, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière, suivant assignation du 12 février 2010.
Par acte d'huissier en date du 26 février 2010, M. Y a fait assigner la banque afin que l'acte de cautionnement du 17 mai 2005 soit annulé et obtenir la restitution de la somme de 60 000 euros avec intérêts moratoires.

Par jugement du 28 avril 2010, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a notamment
-prononcé la nullité de l'acte de cautionnement souscrit par M. Y le 17 mai 2005 et a condamné la banque à lui restituer les fonds remis outre intérêts depuis le 15 novembre 2005, soit 43 293,88 euros ;
-condamné la banque à payer à M. Y la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement d'orientation en date du 4 octobre 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montpellier a fixé la créance de la banque à la somme de 48 723 euros, tenant la compensation des créances réciproques des parties, en l'état du jugement susvisé assorti de l'exécution provisoire. M. Y ayant réglé cette somme, la procédure de saisie immobilière n'a pas été poursuivie.
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La banque a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation demandant à la cour de débouter M. Y de ses demandes et de le condamner à restituer la somme de 46 620,28 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2010. Elle sollicite l'allocation d'une somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que
-la nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; l'exécution volontaire d'un acte annulable a un effet confirmatif qui interdit à son auteur de faire ensuite état de la nullité, en vertu de l'article 1338 du code civil ; cette règle s'applique même si l'engagement n'est pas conforme à des dispositions d'ordre public ;
-M. Y qui était un chef d'entreprise avisé, n'est donc pas recevable à invoquer la nullité de l'acte de cautionnement du 17 mai 2005 alors qu'il l'a exécuté en toute connaissance de cause et de manière spontanée en novembre 2005 ; il a réglé les sommes qu'il devait en sa qualité de caution alors que son avocat et son comptable lui avaient donné un avis contraire ;
-le formalisme édicté par l'article L.341-2 du code de la consommation n'est pas applicable lorsque le cautionnement a été souscrit par un dirigeant de société qui avait un intérêt personnel à cautionner les engagements de celle-ci ;
-le rejet de la demande d'annulation emporte restitution des sommes qu'elle a payées à M. Y dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement ;
-subsidiairement et dans le cas où l'acte de caution serait annulé, elle estime que la condamnation doit être limitée à la somme de 44 871,88 euros, correspondant à la différence entre la somme versée par M. Y soit 88 165,76 euros et le montant des cautions non discutées d'un montant de 43 293,88 euros.
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M. Y a conclu à la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le quantum de la restitution qu'il estime à 60 000 euros et à l'allocation de la somme de 5 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il réplique que
-le formalisme édicté par l'article L.341-2 du code de la consommation s'applique à l'acte de cautionnement du 17 mai 2005 qui est nul et de nul effet dans la mesure où les mentions manuscrites ne sont pas conformes, étant précisé qu'il est constant que ces dispositions d'ordre public s'appliquent aux cautions dirigeantes ;
-les conditions de l'article 1338 du code civil ne sont pas réunies dans la mesure où au jour du paiement qu'il a effectué, l'acte était toujours vicié et qu'il n'est pas démontré qu'il en avait connaissance ; en tout état de cause un acte de cautionnement qui ne comporte pas la mention exigée par l'article L.341-2 du code de la consommation ne peut pas être confirmé, ce qui rend sans fondement l'argumentation adverse ;
-le quantum de la restitution doit être fixé au montant de l'engagement avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2005.
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C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 7 2011.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n 2003-721 du 1er août 2003 entrée en vigueur le 5 février 2004, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci "En me portant caution de X, dans la limite de la somme de couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n'y satisfait pas lui-même ".
Selon l'article L. 341-3 du même code, également issu de la loi du 1er août 2003, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante " En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X... ".
Si le non-respect des dispositions relatives aux mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 est sanctionné par la nullité de l'acte même si celui-ci a été souscrit par une caution dirigeante, cette nullité ne peut être soulevée par la caution qui a exécuté volontairement son engagement et l'a ainsi confirmé, conformément aux dispositions de l'article 1338 du code civil.
En l'espèce, il n'est pas contesté que l'engagement de caution de M. Y souscrit le 17 mai 2005 ne comporte pas les mentions prescrites, à peine de nullité, par les textes susvisés.
Toutefois, et alors même qu'aucune mise en demeure ne lui avait été notifiée, il a réglé les sommes dues par la société Entretiens Extérieurs à la banque, en sa qualité de caution, le 15 novembre 2005, après avoir souscrit un prêt personnel de 100 000 euros destiné à solder la dette et ce, alors même que son avocat et son comptable lui avaient déconseillé d'agir ainsi (cf. courrier du 19 décembre 2005).
En exécutant volontairement, spontanément, et sans aucune réserve l'engagement de caution du 17 mai 2005, M. Y qui est un dirigeant de société dûment conseillé a agi en toute connaissance de cause et a, ainsi, entendu réparer le vice affectant l'acte de caution, ce qui constitue une confirmation au sens de l'article 1338 du code civil, l'empêchant d'invoquer utilement la nullité dudit acte.
En conséquence, c'est à tort que le premier juge a prononcé la nullité de l'acte de cautionnement du 17 mai 2005 et a condamné la banque à restituer à M. Y la somme de 43 293,88 euros.
Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
La banque demande que soit ordonnée la restitution des sommes ayant fait l'objet de la compensation judiciaire ordonnée le 4 octobre 2010 à hauteur de la somme 46 620,28 euros, en principal, intérêts et indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, due en vertu du jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 28 avril 2010, assorti de l'exécution provisoire.
Cependant, le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de restitution de l'appelante.
Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre partie.
M. Y, succombant en ses prétentions, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau ;
Déboute M. Y de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. Y aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
B.O

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