N° 09PA06898
Société LOTTO SPORT FRANCE
Mme Tandonnet-Turot, Président
Mme Dhiver, Rapporteur
M. Egloff, Rapporteur public
Audience du 5 octobre 2011
Lecture du 20 octobre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La Cour administrative d'appel de Paris
(2ème chambre)
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour respectivement les 11 et 21 décembre 2009, présentés pour la société LOTTO SPORT FRANCE, dont le siège est situé route départementale 543, quartier Boulard, La Bastide Blanche à Cabries (13480), par Mes Hong-Rocca et Michaud ; la société LOTTO SPORT FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0511737/2 du 14 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source ayant grevé les dividendes distribués à sa société mère italienne, la société Lotto Sport Italia SPA, au titre de l'année 2003, d'un montant de 16 799 euros ;
2°) de prononcer la restitution sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents ;
Vu la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2011 :
- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
Considérant que la société LOTTO SPORT FRANCE, filiale française de la société italienne Lotto Sport Italia SPA détenue à 99,99 % par cette dernière, a distribué, au cours de l'année 2003, des dividendes à sa société mère ; que, par une décision du 23 mai 2005, l'administration a refusé de restituer à la requérante la retenue à la source d'un montant total de 16 799 euros appliquée, d'une part, aux dividendes versés non soumis au précompte et, d'autre part, à la fraction d'avoir fiscal qui lui a été versée ; que la société LOTTO SPORT FRANCE relève appel du jugement du 14 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de ladite retenue à la source ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 119 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article (...) 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus (...) qu'elle remplit les conditions suivantes : (...) e. N'avoir pas droit, au titre de ces dividendes, en application d'une convention fiscale, à un paiement du Trésor français dont le montant, égal à l'avoir fiscal ou à une fraction de celui-ci, est supérieur à la retenue à la source prévue par cette convention. (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-italienne susvisée : " 1. Les dividendes payés par une société qui est résident d'un Etat à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais (...) l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a. 5 % du montant brut des dividendes (...) 3. (...) b. Une société résidente d'Italie (...) qui reçoit d'une société résidente de France des dividendes qui donneraient droit à un "avoir fiscal" s'ils étaient reçus par un résident de France, a droit à un paiement du Trésor français d'un montant égal à la moitié de cet "avoir fiscal" diminuée de la retenue à la source prévue au paragraphe 2 " ; qu'enfin, aux termes du 1 de l'article 5 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 susvisée, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source " ; qu'aux termes du 2 de l'article 7 de cette même directive : " La présente directive n'affecte pas l'application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes " ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de l'article 119 ter du code général des impôts et de l'article 10 de la convention fiscale franco-italienne précités que, sous réserve des autres conditions prévues par ces textes, une retenue à la source ne peut être pratiquée sur les bénéfices distribués par une filiale française à sa société mère italienne que si son montant est inférieur à celui de l'avantage que constitue, pour cette dernière, l'attribution d'une fraction de l'avoir fiscal attaché à ces distributions, en application de la législation fiscale nationale ; que, dès lors, cette retenue à la source relève d'un ensemble de dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes, visant à atténuer la double imposition de ces derniers, au sens du paragraphe 2 de l'article 7 de la directive précitée, tel qu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 25 septembre 2003 ; qu'en effet, selon cet arrêt, l'atténuation de la double imposition visée par ce paragraphe peut résulter tant de la combinaison d'un crédit d'impôt avec une retenue à la source que de la déductibilité d'une telle retenue à la source dans le pays du bénéficiaire ;
Considérant que la circonstance que les dispositions nationales et stipulations conventionnelles précitées ne permettaient pas à une société mère résidente d'Italie de déduire de l'impôt qu'elle y acquitte à raison des dividendes reçus de sa filiale française l'intégralité des retenues à la source prélevées par la France sur ces dividendes et n'assuraient donc pas la suppression totale de leur double imposition est sans incidence sur leur compatibilité avec la directive, dès lors que la combinaison de l'avoir fiscal et d'une retenue à la source de 5 % avait pour objet et pour effet d'atténuer la double imposition qui aurait résulté de l'imposition de ces dividendes selon le régime de droit commun ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, en vigueur pendant les années d'imposition en cause : " Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre. - La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux " ; que les stipulations de l'article 48 de ce traité étendent aux sociétés l'application de ces stipulations ; qu'aux termes de l'article 56 du même traité : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ;
Considérant que, si les dividendes versés par la société LOTTO SPORT FRANCE à sa mère italienne ont été soumis à une retenue à la source de 5 % alors que les dividendes versés aux sociétés françaises par leurs filiales ne sont pas soumis à la même imposition et sont, en application des articles 145 et 216 du code général des impôts, exonérés d'impôt sur les sociétés sauf à hauteur d'une quote-part de frais et charges de 5 %, il résulte de l'instruction que la requérante a bénéficié d'une fraction de l'avoir fiscal diminuée d'une retenue à la source ; que ce versement a eu pour effet de neutraliser la retenue à la source pratiquée sur les distributions ; que, si l'avoir fiscal versé en application de l'article 10 de la convention franco-italienne est inférieur à celui versé aux sociétés françaises, les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne ainsi que l'article 56 du même traité ne s'opposent pas à ce qu'un Etat membre, lors d'une distribution de dividendes par une société dudit Etat, accorde aux sociétés bénéficiaires de dividendes qui résident également dans cet Etat un avoir fiscal mais n'en accorde pas, ou accorde un avoir fiscal moindre, aux sociétés bénéficiaires qui résident dans un autre Etat membre ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles 119 bis et 119 ter du code général des impôts combinées avec les stipulations de la convention franco-italienne constitueraient une entrave à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LOTTO SPORT FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société LOTTO SPORT FRANCE la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société LOTTO SPORT FRANCE est rejetée.