Jurisprudence : Cass. soc., 20-10-2011, n° 10-30.258, F-D, Rejet



SOC. PRUD'HOMMES CM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 20 octobre 2011
Rejet
M. FROUIN, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt no 2053 F-D
Pourvoi no W 10-30.258
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société Jacques Jouart, société civile professionnelle, dont le siège est Orléans,
contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2009 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre civile), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Abdel Illah Y, domicilié Orléans,
2o/ à la Haute autorité de lutte contre les descriminations et pour l'égalité (HALDE), dont le siège est Paris,
3o/ à Pôle emploi, dont le siège est Orléans cedex 2,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 septembre 2011, où étaient présents M. Frouin, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, MM. Taillefer, Huglo, conseillers, M. Legoux, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Jacques Jouart, de la SCP Le Griel, avocat de M. Y, de Me Spinosi, avocat de la HALDE, l'avis de M. Legoux, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 décembre 2009), que M. Y, a été engagé à compter du 5 juin 2001 en qualité de clerc assermenté par la société Jacques Jouart, en vertu d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel ; que, par acte du 4 juillet 2002, le contrat est devenu, à effet du 1er août 2002, un contrat à durée indéterminée, la durée hebdomadaire de travail étant fixée à 17 h 30 ; que M. Y a été licencié pour faute grave, le 9 novembre 2005 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander le paiement de diverses sommes ; que parallèlement à la procédure prud'homale, M. Y a saisi la HALDE qui est intervenue à l'instance prud'homale ;

Sur le premier moyen
Attendu que la société Jacques Jouart fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre d'heures supplémentaires et complémentaires alors, selon le moyen
1o/ que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que la seule production de fiches horaires et de tableaux récapitulatifs respectivement élaborés par le salarié lui-même, non corroborés par d'autres pièces, n'était pas suffisante pour étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-4 du code du travail et 1315 du code civil ;
2o/ que, pour constituer des heures supplémentaires, les heures de travail effectuées par le salarié au-delà de son temps de travail doivent avoir été commandées ou autorisées par l'employeur ; que dans ses conclusions d'appel, la SCP Jacques Jouart a soutenu qu'elle avait interdit à M. Y d'effectuer des heures supplémentaires ou complémentaires, de sorte que n'ayant pas été préalablement commandées ou effectuées avec son accord les heures de travail effectuées par le salarié au-delà de son temps de travail ne pouvaient être qualifiées d'heures supplémentaires ou complémentaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions déterminantes pour l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le salarié produit des fiches horaires de l'étude le concernant et à lui remises, ainsi que des tableaux détaillés récapitulatifs de ces périodes faisant apparaître de nombreuses heures non réglées ; qu'il s'ensuit que le moyen manque en fait en sa première branche ;
Et attendu qu'ayant relevé que le contrat conclu entre les parties prévoyait expressément en son article 5 que la durée hebdomadaire de travail pourrait être augmentée au cours du contrat, le salarié ne pouvant alors s'opposer à l'accomplissement de ces heures complémentaires ou supplémentaires, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause d'exclusivité alors, selon le moyen, que l'article 10, alinéa 6, du contrat de travail stipule que "le salarié s'engage à n'exécuter aucune activité concurrente à celle exercée dans le cadre du présent contrat de travail ou dans une autre étude d'huissier de justice" ; qu'en vertu de cette disposition, M. Y avait pour interdiction de travailler dans une étude d'huissier de justice autre que la SCP Jacques Jouart, mais pouvait exercer n'importe qu'elle autre activité juridique sans qu'il ne soit porté atteinte à sa liberté de travail ; qu'en retenant au contraire que cette clause empêchait le salarié "[d'] exercer une autre activité", de sorte qu'en l'absence de preuve de son caractère indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'employeur, de sa justification par la nature de la tâche à accomplir et de sa proportionnalité au but recherché elle était entachée de nullité, la cour d'appel a dénaturé l'article 10, alinéa 6, du contrat de travail et violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a estimé que la clause litigieuse empêchait le salarié d'exercer une autre activité professionnelle dans le même secteur d'activité, ne l'a pas dénaturée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner le remboursement aux ASSEDIC des sommes perçues par M. ... au titre des indemnités de chômage payées dans la limite de six mois alors, selon le moyen
1o/ qu'en se bornant à constater que l'acte signifié à la société Monnier le 24 mars 2005 "porte la mention de la signification à une personne s'étant déclarée habilitée à le recevoir" pour juger que M. Y n'avait pas commis de faute lors de la signification de cet acte, sans répondre aux conclusions d'appel de la SCP Jacques Jouart dans lesquelles il était soutenu que le salarié avait violé les règles procédurales et les règles éthiques en refusant de signifier cet acte d'injonction au gérant de la société Monnier, alors que ce dernier était présent, et en forçant le chef d'atelier de la société à se déclarer habilité à sa place et à recevoir la signification, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2o/ que s'il appartient aux juges du fond d'apprécier la matérialité des faits reprochés au salarié et leur gravité, ils ne peuvent en revanche se substituer à l'employeur dans son pouvoir de direction ; qu'en retenant que le refus du salarié d'accomplir des tâches accessoires à ses fonctions de clerc d'huissier ordonnées par la SCP Jacques Jouart, telles que l'ordre de se rendre au commissariat de police d'Orleans à l'effet d'y récupérer la lettre du préfet accordant le concours de la force publique ou le refus de faire le plein de carburant de son véhicule de fonction à l'issue de ses déplacements professionnels, ne caractérisait pas un acte d'insubordination justifiant son licenciement pour faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'acte signifié portait la mention de la signification à une personne s'étant déclarée habilitée à la recevoir n'avait pas à répondre aux conclusions prétendument délaissées ;
Et attendu que la cour d'appel a estimé que les manquements imputés au salarié au soutien du grief d'insubordination n'avaient pas un caractère sérieux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination raciale alors, selon le moyen
1o/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en déduisant de la différence de traitement de M. Y par rapport aux autres clercs d'huissiers de la SCP Jacques Jouart qu'il avait été victime d'une discrimination en raison de ses origines magrébines, sans rechercher ni vérifier si, comme le soutenait la société, cette différence de traitement n'était pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
2o/ que la qualité de personne "auditionnée" par le juge dans un procès opposant deux parties est incompatible avec le recours à un mandataire de justice ; que l'article 13 de la loi de transposition du 30 décembre 2004 prévoit au profit de la HALDE un simple "droit d'être entendue" dans le procès civil ; que viole, outre l'article 6.3.d de la Convention européenne des droits de l'homme, le texte susvisé ainsi que par fausse application les articles 31, 66 et 330 du code de procédure civile, et les articles 4 et 5 de la loi du 31 décembre 1971, la cour d'appel qui autorise la HALDE, qui n'est pas partie à l'instance, à ne pas comparaître personnellement ou en la personne d'un de ses représentants accrédités, à prendre des conclusions et à plaider par ministère d'un avocat rémunéré à cette fin ;
3o/ que la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe d'égalité des armes qui en découle implique, dans les litiges opposant des intérêts privés, l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans un net désavantage par rapport à l'autre partie ; qu'en vertu des articles 4 à 12 de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004, la HALDE dispose de pouvoirs d'investigation et d'injonction, notamment la faculté de mettre en oeuvre des voies de droit et des contraintes, afin de rassembler des éléments de preuve en faveur du salarié arguant d'une discrimination ; qu'aux termes de l'article 7 de cette même loi "la Haute autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier" ; que ce pouvoir exorbitant du droit commun mis au service de la sauvegarde des intérêts du salarié est incompatible avec l'audition de la HALDE devant les juges prud'homaux, en ce qu'elle engendre, eu égard notamment à la faculté pour la Haute autorité d'invoquer devant les juges des éléments recueillis au cours de l'enquête administrative, un net désavantage dans les rapports des parties au procès en défaveur de l'employeur contraire au principe d'égalité des armes ; qu'en statuant sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination du salarié au regard notamment des observations déposées par la HALDE au cours de l'instance, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant relevé, d'une part, que M. ... était demeuré indifférent à des propos à connotation raciste tenus dans l'étude à l'encontre de M. Y, d'autre part, que celui-ci était resté cantonné par son employeur à la signification des actes et à un rôle de chauffeur épisodique chargé de faire le plein du véhicule de service bien qu'il ait réussi l'examen de fin d'études de l'école nationale de procédure, la cour d'appel, qui a constaté que la société Jouart se bornait à opposer aux éléments produits par le salarié qu'il n'avait aucune basse besogne à effectuer et que ses allusions de discrimination étaient infondées et fausses, n'encourt pas le premier grief du moyen ;
Attendu, ensuite, que les dispositions de la loi du 30 décembre 2004 qui donnent à la HALDE le droit de présenter des observations par elle-même ou par un représentant dont rien n'interdit que ce soit un avocat ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences du procès équitable et de l'égalité des armes dés lors que les parties sont en mesure de répliquer par écrit et oralement à ces observations, et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jacques Jouart aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Jacques Jouart à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille onze.
7 2053

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Jacques Jouart
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SCP Jacques JOUART à payer au salarié la somme de 958,09 euros à titre de rappel d'heure supplémentaires et complémentaires et d'AVOIR condamné l'exposante à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'en droit il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires et à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en l'espèce M. Y produit des fiches horaires de l'étude le concernant (pièces no 54-1 à 54-15) et à lui remises, ainsi que des tableaux détaillés récapitulatifs de ces périodes (pièces no 53) faisant apparaître de nombreuses heures non réglées ; que la SCP JOUART conteste l'accomplissement d'heures complémentaires ou supplémentaires par M. Y en dehors des horaires définis dans le contrat de travail et ses avenants et fait valoir que seules les feuilles de paye, mêmes si elles n'entrent pas dans le détail, portent la mention expresse mensuellement des heures de travail retenues ; que cette façon de procéder résultait du mode opératoire retenu par l'employeur, celui-ci prenant sa décision finale sur le point de savoir s'il reconnaissait ou non l'accomplissement des heures supplémentaires ; que la SCP JOUART précise que la demande du salarié conduit à remettre en cause deux paramètres fondamentaux en matière de relations salariales, à savoir la force de l'accord de volonté entre les parties et le pouvoir de direction dans l'entreprise ; que la cour relève cependant que le contrat passé entre les parties prévoyait expressément en son article cinq que la durée hebdomadaire de travail pourrait être augmentée au cours du contrat dans le respect des dispositions légales, le salarié ne pouvant alors s'opposer à l'accomplissement de ces heures complémentaires et supplémentaires dans le respect de l'article L. 212-4-3 du code du travail ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments il apparaît que l'employeur ne fournit aucun élément de nature à justifier les horaires réalisés par le salarié et se borne à invoquer son pouvoir de direction pour contester globalement le décompte fourni par l'intéressé, sans en proposer un autre et en invoquant s'être toujours opposé à l'exécution d'heures complémentaires et supplémentaires, sans toutefois justifier des horaires réalisés ; qu'en conséquence il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la SCP JOUART à payer à M. Y la somme globale de
958,09 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et complémentaires ;
ALORS, D'UNE PART, QUE nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que la seule production de fiches horaires et de tableaux récapitulatifs respectivement élaborés par le salarié lui-même, non corroborés par d'autres pièces, n'était pas suffisante pour étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-4 du code du travail et 1315 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour constituer des heures supplémentaires, les heures de travail effectuées par le salarié au-delà de son temps de travail doivent avoir été commandées ou autorisées par l'employeur ; que dans ses conclusions d'appel, la SCP Jacques JOUART a soutenu qu'elle avait interdit à Monsieur Y d'effectuer des heures supplémentaires ou complémentaires, de sorte que n'ayant pas été préalablement commandées ou effectuées avec son accord les heures de travail effectuées par le salarié au-delà de son temps de travail ne pouvaient être qualifiées d'heures supplémentaires ou complémentaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions déterminantes pour l'issue du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SCP Jacques JOUART à payer au salarié la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause d'exclusivité et d'AVOIR condamné l'exposante à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'en suivant les termes du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel régularisé par les parties le 5 juillet 2001, l'article 10 alinéa 6 stipule "le salarié s'engage à n'exécuter aucune activité concurrente à celle exercée dans le cadre du présent contrat de travail ou dans une autre étude d'huissier de justice " ; que M. Y fait valoir qu'une telle clause est nulle dans un contrat de travail à temps partiel, ce qui l'autorise à solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ; que la SCP JOUART réplique que cette clause ne vise à s'appliquer qu'uniquement durant le temps de l'exécution du contrat de travail et non pas lors de sa rupture et a posteriori et qu'il en découle qu'il ne s'agit pas d'une clause de non-concurrence, mais d'une clause d'exclusivité se rattachant à une obligation de loyauté ; que par ailleurs cette obligation d'exclusivité ne vise uniquement que les autres études d'huissiers de justice qui sont dans le ressort de l'étude de l'employeur, s'agissant notamment de protéger le secret professionnel qui prévaut dans la profession ministérielle ; que la cour considère cependant qu'en l'espèce la clause litigieuse ne pouvait être invoquée comme susceptible de protéger le secret professionnel dans la mesure où ce dernier s'imposait de toutes façons à M. Y, quelle que soit l'activité professionnelle par lui exercée par ailleurs ; que dès lors il apparaît que cette clause d'exclusivité n'était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de la SCP JOUART, ni justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; que M. Y n'a donc pu, de manière tout à fait illégale, exercer une autre activité professionnelle en raison de cette clause d'exclusivité figurant dans son contrat de travail, alors qu'il était la seule personne qui travaillait, son épouse étant en invalidité ; qu'il convient donc de prononcer la nullité de cette clause en infirmant sur ce chef la décision entreprise et de condamner la SCP JOUART à payer à M. Y 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance par lui subie pendant plusieurs années dans la mesure où travaillant à mi-temps il aurait pu exercer une autre activité professionnelle dans une seconde étude ministérielle ;
ALORS QUE l'article 10 alinéa 6 du contrat de travail stipule que " le salarié s'engage à n'exécuter aucune activité concurrente à celle exercée dans le cadre du présent contrat de travail ou dans une autre étude d'huissier de justice " (production) ; qu'en vertu de cette disposition, Monsieur Y avait pour interdiction de travailler dans une étude d'huissier de justice autre que la SCP Jacques JOUART, mais pouvait exercer n'importe qu'elle autre activité juridique sans qu'il ne soit porté atteinte à sa liberté de travail ; qu'en retenant au contraire que cette clause empêchait le salarié " [d'] exercer une autre activité " (arrêt p. 7 § 3), de sorte qu'en l'absence de preuve de son caractère indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'employeur, de sa justification par la nature de la tâche à accomplir et de sa proportionnalité au but recherché elle était entachée de nullité, la cour d'appel a dénaturé l'article 10 alinéa 6 du contrat de travail et violé l'article 1134 du code civil.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SCP Jacques JOUART à payer au salarié la somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle, d'AVOIR condamné l'exposante à rembourser aux ASSEDIC les sommes perçues par Monsieur Y au titre des indemnités de chômage payées dans la limite de six mois et de l'AVOIR condamné à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE sur le non-respect des règles procédurales, des dossiers sont invoqués par l'employeur, à savoir - affaire MONNIER du 25 et 29 mars 2005, - affaire DAME des 12 et 13 octobre 2005 que, concernant l'affaire MONNIER, la SCP JOUART fait grief aux premiers juges d'avoir considéré que l'évocation de cette faute devait se faire dans le délai de deux mois en vertu de l'article L. 122-44 du code du travail, alors que les faits remontent aux 25 et 29 mars 2005 et que la lettre de licenciement date du 25 octobre 2005 ; que l'appelant précise que si aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi, comme en l'espèce, dans ce délai compte tenu que l'affaire DAME d'octobre 2005 démontre qu'il existe un comportement identique du salarié à l'intérieur du délai de deux mois précédant le licenciement ; que la SCP JOUART fait grief à M. Y, à partir de deux courriers du signifié adressés tant à l'employeur qu'au tribunal de commerce d'Orléans, d'avoir notifié une ordonnance d'injonction de payer le 24 mars 2005 par voie de signification auprès de la société MONNIER, parlant à la personne d'un employé rencontré au rez-de-chaussée de l'immeuble alors que le gérant était dans ses bureaux au premier étage ; que M. Y fait valoir d'une part que ces faits n'ont pas fait l'objet de la moindre remarque ou sanction et d'autre part qu'il ne saurait lui être reprochée d'avoir signifié un acte à une personne qui s'était déclarée habilitée à le recevoir ; que la cour constate d'une part que la SCP JOUART initialement n'a pas fait d'observation à M. Y et que d'autre part il n'est pas établi que ce dernier ait commis une faute professionnelle dans la mesure où l'acte signifié porte la mention de la signification à une personne s'étant déclarés habilitée à le recevoir ; que dès lors ce grief ne saurait être retenu ; que, concernant l'affaire DAME, la SCP JOUART fait grief à M. Y d'avoir apposé deux dates non concordantes et remis à la partie signifiée, lors de l'établissement d'une sommation interpellative réalisée les 12 et 13 octobre 2005, le second original alors qu'il devait être conservé impérativement par l'étude pour le restituer au client ; que M. Y réplique que le 12 octobre 2005 il a recueilli les explications de M. ..., suite à la sommation interpellative, mais que néanmoins son employeur lui a demandé de retourner voir ce dernier afin de recueillir des précisions sur ses déclarations ; que s'étant représenté le 13 octobre 2005 M. ... lui a arraché la sommation interpellative des mains et a refermé sa porte, raison pour laquelle lors de la seconde visite l'acte a été datée du 13 octobre 2005, ce qui correspond à la date mentionnée également par M. ... ; que la cour constate qu'il n'apparaît pas de ces éléments que M. Y ait commis une faute dans l'exercice de ses fonctions et ce grief ne saurait être retenu ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en se bornant à constater que l'acte signifié à la Société MONNIER le 24 mars 2005 " porte la mention de la signification à une personne s'étant déclarée habilitée à le recevoir " pour juger que Monsieur Y n'avait pas commis de faute lors de la signification de cet acte (arrêt p. 10 § 7), sans répondre aux conclusions d'appel de la SCP Jacques JOUART dans lesquelles il était soutenu que le salarié avait violé les règles procédurales et les règles éthiques en refusant de signifier cet acte d'injonction au gérant de la SARL MONNIER, alors que ce dernier était présent, et en forçant le chef d'atelier de la société à se déclarer habilité à sa place et à recevoir la signification (conclusions p. 27 § 1 et suiv.), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE s'il appartient aux juges du fond d'apprécier la matérialité des faits reprochés au salarié et leur gravité, ils ne peuvent en revanche se substituer à l'employeur dans son pouvoir de direction ; qu'en retenant que le refus du salarié d'accomplir des tâches accessoires à ses fonctions de clerc d'huissier ordonnées par la SCP Jacques JOUART, telles que l'ordre de se rendre au commissariat de Police d'ORLÉANS à l'effet d'y récupérer la lettre du préfet accordant le concours de la force publique ou le refus de faire le plein de carburant de son véhicule de fonction à l'issue de ses déplacements professionnels, ne caractérisait pas un acte d'insubordination justifiant son licenciement pour faute grave (arrêt p. 9 § 3), la cour d'appel a violé les articles L.1232-1, L. 1235-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR reçu la HALDE en ses observations, condamné la SCP Jacques JOUART à payer au salarié la somme de 3.901,02 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination raciale et d'AVOIR condamné l'exposante à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'en droit selon les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, l'appartenance à une ethnie, une nation ou une race ne peut, à aucun moment, être prise en compte pour prendre une décision dans l'entreprise ; que cependant une inégalité de traitement entre les salariés peut être justifiée lorsqu'elle repose sur des raisons objectives, étrangères à toute discrimination prohibée ; que toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte doit établir devant la juridiction compétente les faits permettant d'en présumer l'existence et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que par ailleurs le salarié s'estimant victime d'une discrimination peut saisir la HALDE d'une réclamation relative à la rupture de son contrat de travail ; qu'en l'espèce la cour constate que la HALDE
présente des observations, selon délibération du 29 juin 2009, en considérant d'une part que l'attitude de Me ... lors de l'enquête est manifestement contraire à l'obligation de coopération des organismes chargés d'une mission de service public telle que prévue par l'article 6 de la loi portant création de la haute autorité, laquelle indique d'ailleurs en avoir fait part aux instances disciplinaires compétentes, d'autre part qu'elle n'est pas en mesure de vérifier si les motifs invoqués par le réclamant sont fondés ou non, l'employeur ayant refusé de répondre à ses demandes d'information ; que dès lors il appartient à la cour de statuer sur l'existence d'une dégradation de la relation de travail liée aux origines de M. Y, notamment à partir du moment où il a obtenu avec succès l'examen de fin d'études de l'école nationale de procédure lui conférant une spécialisation en procédures et voies d'exécution ; que la SCP JOUART réplique qu'il ne faut pas prendre la non transmission des documents à la HALDE comme un signe de défiance compte tenu qu'elle aurait souhaité que cette dernière obtienne les documents demandés par le biais d'une ordonnance de référé en raison du caractère nominatif de ces pièces et du refus de leur transmission de la part des personnes employées à l'étude ; que par ailleurs elle précise que M. Y n'avait aucune basse besogne à effectuer et que les allusions de discrimination, bien qu'habilement montées, sont totalement infondées et fausses et ne s'expliquent là encore que par le fait que M. Y essaie d'obtenir de façon indue et avec une indélicatesse certaine, des dommages et intérêts ;
que la cour constate cependant qu'il résulte de l'attestation établie par M. ..., clerc à l'étude de la SCP JOUART que celui-ci a " été régulièrement le témoin d'une ambiance d'hostilité à l'encontre de M. Y de la part du personnel de l'étude et en particulier des personnes de sexe féminin " ; que ce témoin précise qu'une des scènes qui l'a le plus choqué est la prise à partie de M. Y par Mme Carole ..., ex-clerc principal de l'étude, en présence de Me ..., dans la semaine du 13 octobre 2003, lors d'un arrêt de maladie, ceci par téléphone interposé ; que M. ... précise que cette prise à partie dont le propos le plus relevant était "qu'il enlève sa ceinture d'explosifs il aura moins mal au dos " avait " une singulière connotation raciste " faisant le lien entre les terroristes arabes et l'origine maghrébine de M. Y ; que ce témoin indique qu'il a fait part, par la suite, de son indignation devant de tels propos à Me ..., propos tenus en sa présence, mais que ce dernier est resté indifférent ; que par ailleurs la cour relève que M. Y, bien qu'ayant réussi l'examen de fin d'études de l'école nationale de procédure, est resté cantonné par son employeur à la signification des actes, à un rôle de chauffeur épisodique par ailleurs chargé d'effectuer le plein d'essence du véhicule de service ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments la cour constate que M. Y a été victime de discrimination professionnelle au quotidien, tant dans l'exercice de sa profession que sur le plan racial et que le licenciement pour faute grave a constitué l'aboutissement des discriminations prodiguées à son encontre ; que par ailleurs la cour constate qu'à ce jour, M. Y, bien que tentant de valoriser ses connaissances lors de la recherche d'un emploi, n'a pas toujours retrouvé de travail et qu'il ressent cruellement le manque de pratique professionnelle diversifiée dont il aurait pu faire état dans ses lettres de motivation si la SCP JOUART l'avait laissé pratiquer une activité professionnelle diversifiée ; qu'il convient donc d'infirmer sur ce point la décision entreprise et de condamner la SCP JOUART à lui payer la somme de 3901,02 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en déduisant de la différence de traitement de Monsieur Y par rapport aux autres clercs d'huissiers de la SCP Jacques JOUART qu'il avait été victime d'une discrimination en raison de ses origines magrébines, sans rechercher ni vérifier si, comme le soutenait l'exposante, cette différence de traitement n'était pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la qualité de personne " auditionnée " par le juge dans un procès opposant deux parties est incompatible avec le recours à un mandataire de justice ; que l'article 13 de la loi de transposition du 30 décembre 2004 prévoit au profit de la HALDE un simple " droit d'être entendue " dans le procès civil ; que viole, outre l'article 6.3.d de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, le texte susvisé ainsi que par fausse application les articles 31, 66 et 330 du C.P.C., et les articles 4 et 5 de la loi du 31 décembre 1971, la cour d'appel qui autorise la HALDE, qui n'est pas partie à l'instance, à ne pas comparaître personnellement ou en la personne d'un de ses représentants accrédités, à prendre des conclusions et à plaider par ministère d'un avocat rémunéré à cette fin ;
ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et le principe d'égalité des armes qui en découle implique, dans les litiges opposant des intérêts privés, l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans un net désavantage par rapport à l'autre partie ; qu'en vertu des articles 4 à 12 de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004, la HALDE dispose de pouvoirs d'investigation et d'injonction, notamment la faculté de mettre en oeuvre des voies de droit et des contraintes, afin de rassembler des éléments de preuve en faveur du salarié arguant d'une discrimination ; qu'aux termes de l'article 7 de cette même loi " la Haute Autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier " ; que ce pouvoir exorbitant du droit commun mis au service de la sauvegarde des intérêts du salarié est incompatible avec l'audition de la HALDE devant les juges prud'homaux, en ce qu'elle engendre, eu égard notamment à la faculté pour la Haute Autorité d'invoquer devant les juges des éléments recueillis au cours de l'enquête administrative, un net désavantage dans les rapports des parties au procès en défaveur de l'employeur contraire au principe d'égalité des armes ; qu'en statuant sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination du salarié au regard notamment des observations déposées par la HALDE au cours de l'instance, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

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