Jurisprudence : Cass. com., 18-10-2011, n° 10-25.371, F-P+B, Rejet

Cass. com., 18-10-2011, n° 10-25.371, F-P+B, Rejet

A8698HYS

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Cass. com., 18-10-2011, n° 10-25.371, F-P+B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/5616153-cass-com-18102011-n-1025371-fp-b-rejet
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Abstract

Aux termes d'un arrêt rendu le 18 octobre 2011, la Chambre commerciale de la Cour de cassation retient qu'un acte de jugement peut constituer un acte révélateur d'un don manuel, emportant point de départ du délai de reprise de l'administration et du délai de régularisation.



COMM. LM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 18 octobre 2011
Rejet
Mme FAVRE, président
Arrêt no 995 F-P+B
Pourvoi no J 10-25.371
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Louise Z, domiciliée Gattières,
contre l'arrêt rendu le 29 juin 2010 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, domicilié Paris,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 20 septembre 2011, où étaient présents Mme Favre, président, Mme Bregeon, conseiller rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, Mme Batut, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bregeon, conseiller, les observations de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de Mme Z, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du directeur général des finances publiques, l'avis de Mme Batut, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 juin 2010), qu'un jugement du 29 avril 1997 a retenu que Mme Z pouvait se prévaloir d'un don manuel, par Georges ..., d'un certain nombre de bons de caisse, pour débouter Mme ..., héritière du donateur, de sa demande de restitution de la valeur de ces derniers ; que, par protocole d'accord du 22 juillet 1997, Mme ... a renoncé à interjeter appel de cette décision, Mme Z lui abandonnant ses droits sur la valeur de la moitié desdits bons ; que, le 3 janvier 2001, l'administration fiscale a notifié à Mme Z la taxation d'office du don manuel puis a mis en recouvrement les droits et pénalités correspondants ; que, le 8 février 2006, Mme Z a saisi le tribunal de grande instance afin d'en être déchargée ; que l'administration a procédé à leur dégrèvement le 15 mars suivant en raison d'un vice de forme, puis, le 3 août 2006, l'a mise en demeure de faire enregistrer le jugement du 29 avril 1997 ; que, le 18 septembre 2006, l'administration lui a notifié une proposition de rectification et, le 31 octobre suivant, a mis en recouvrement l'imposition ; qu'après rejet de sa réclamation, Mme Z a saisi à nouveau le tribunal de grande instance ;

Sur le premier moyen
Attendu que Mme Z fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes à l'exception de celle tendant à la décharge de la majoration de 40 %, alors, selon le moyen, que lorsqu'il résulte d'une notification de redressement, préalable à celle adressée par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure relative aux droits en litige, que l'administration avait, au moment de cette notification préalable, connaissance de l'exigibilité des droits réclamés, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de la première notification de redressement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administration fiscale avait, le 3 janvier 2001, notifié les redressements résultant de l'assujettissement des dons manuels consentis par M. ... à Mme Z aux droits de mutation à titre gratuit ; qu'en considérant cependant que la notification de redressement du 3 janvier 2001 n'était pas susceptible de constituer le point de départ de la prescription abrégée, pour en déduire que la prescription décennale était applicable et n'était pas acquise le 18 septembre 2006, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 180 et L. 186 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction applicable au litige ;

Mais attendu que l'acte de procédure en vertu duquel l'administration relève le manquement ne constitue pas l'acte révélateur faisant courir la prescription abrégée ; qu'ayant constaté le défaut d'enregistrement du jugement du 29 avril 1997 et exactement retenu que l'acte révélateur au sens de l'article L. 180 du livre des procédures fiscales ne saurait émaner que du contribuable lui-même ou d'un tiers à l'administration, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la première notification de redressement, en date du 3 janvier 2001, ne pouvait s'analyser en un tel acte et que la prescription décennale applicable n'était pas acquise au 18 septembre 2006 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen
Attendu que Mme Z fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les droits dus à raison d'un don manuel non déclaré du vivant du donateur et imposé après le décès de celui-ci constituent des droits de mutation par décès ; que l'administration fiscale ne peut en conséquence mettre en oeuvre une procédure de taxation d'office pour défaut de déclaration d'un don manuel après le décès du donateur qu'à l'expiration d'un délai de quatre-vingt dix jours après l'envoi au donataire d'une mise en demeure de procéder à la déclaration en cause ; qu'en l'espèce, M. ... est décédé le 29 octobre 1993 ; que l'administration fiscale a adressé à Mme Z le 3 août 2006 une lettre la mettant en demeure de présenter le jugement du 29 avril 1997 constatant le don manuel consenti par
M. ... à la formalité de l'enregistrement dans un délai de trente jours ; qu'en l'absence de dépôt de la déclaration sollicitée dans ce délai, l'administration fiscale a, le 18 septembre 2006, notifié les redressements fondés sur le don manuel selon la procédure de taxation d'office ; qu'en décidant que l'administration fiscale n'avait pas mis en oeuvre de façon prématurée la procédure de taxation d'office, tandis qu'une telle procédure ne pouvait être mise en oeuvre avant l'expiration d'un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la mise en demeure du 3 août 2006, la cour d'appel a violé les articles L. 67 du livre des procédures fiscales, 641 et 784 du code général des impôts ;

Mais attendu que l'article L. 67 du livre des procédures fiscales prévoit un délai de régularisation de quatre-vingt-dix jours pour la présentation à l'enregistrement de la déclaration de transmission par décès mentionnée à l'article 641 du code général des impôts ; qu'ayant relevé qu'il ressort du jugement du 29 avril 1997 qu'il y avait eu transmission par Georges ..., à titre gratuit, de son vivant, à une personne non héritière, la cour d'appel en a exactement déduit que cette donation n'était pas rapportable à la succession et demeurait exclue du champ d'application de l'article 641 précité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen
Attendu que Mme Z fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'une décision judiciaire constatant l'existence un don manuel ne constitue un acte passible des droits de mutation que si la transmission de la propriété à titre de libéralité est constatée de manière certaine et définitive ; que, dans les cas où l'existence d'un don manuel a été reconnue par un jugement susceptible d'appel et où les parties concluent une transaction, avant que n'expire le délai d'appel, pour répartir l'objet du don et renoncer à se prévaloir du jugement, le fait générateur de l'impôt est constitué par la transaction, et non par le jugement ayant constaté le don manuel ; qu'en l'espèce, Mme Z et Mme ... ont, par un protocole transactionnel du 22 juillet 1997, mis fin au litige les opposant relatif au don manuel consenti par M. ..., en partageant les bons donnés en deux parts égales, Mme Z abandonnant le bénéfice du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 29 avril 1997 ; qu'en décidant cependant que le jugement du 29 avril 1997 constituait le fait générateur des impositions en litige, nonobstant la transaction conclue le 22 juillet 1997, la cour d'appel a violé les articles 757 du code général des impôts et 2052 du code civil ;

Mais attendu que, selon l'article 757 du code général des impôts, le fait générateur de l'impôt est constitué, en ce qui concerne les dons manuels, par les actes renfermant soit la déclaration du don par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire de celui-ci, ou par la révélation du don manuel par le donataire à l'administration ; qu'il n'était pas allégué que la transaction conclue par Mme ... et Mme Z, postérieurement au jugement, a été enregistrée ; que, dès lors, la cour d'appel a retenu à bon droit que cette transaction n'était pas opposable à l'administration et que le fait générateur de l'impôt était le jugement du 29 avril 1997 admettant le don manuel ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour Mme Z.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la proposition de rectification notifiée à Louise Z le 18 septembre 2006 était intervenue avant l'expiration du délai de la prescription décennale applicable en l'espèce et d'avoir débouté madame Z de ses demandes de décharge des impositions mises en recouvrement le 31 octobre 2006 pour un montant de 404.018 euros, à l'exception de celle tendant à la décharge de la majoration de 40% ;
AUX MOTIFS QUE le droit de reprise de l'administration en matière de droits d'enregistrement est habituellement soumis à la prescription décennale mais il peut être soumis à la prescription abrégée prévue par les articles L. 180 et L. 181 du livre des procédures fiscales à la double condition - que l'administration ait eu connaissance des droits omis par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration ou encore par l'exécution de la formalité fusionnée ; que l'exigibilité de ces droits soit établie d'une manière certaine par l'acte ou la déclaration, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures ; que le premier juge a considéré que l'exigibilité des droits avait été révélée lors de la notification de redressement du 3 janvier 2001, qui concernait le même fait générateur, à savoir l'absence d'enregistrement du jugement du 29 avril 1997 dans le mois de sa date, et avait eu pour effet de substituer la prescription abrégée de trois ans à la prescription décennale ; qu'il convient cependant de rappeler qu'à défaut d'enregistrement du jugement précité, acte révélant l'exigibilité des droits de mutation à titre gratuits dus par Michèle ..., la prescription décennale trouvait à s'appliquer au cas d'espèce ; que la première notification de redressement en date du 3 janvier 2001, qui a donné lieu par la suite à dégrèvement, a certes relevé ce manquement mais ne peut s'analyser en un acte révélateur de l'exigibilité au sens de l'article L. 180 du livre des procédures fiscales qui ne saurait émaner que du contribuable lui-même, voire d'un tiers à l'administration ; que dès lors, cet acte de procédure n'est pas susceptible d'avoir constitué le point de départ de la prescription abrégée ; qu'en conséquence, la prescription décennale est restée applicable et n'était nullement acquise au 18 septembre 2006 ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;
ALORS QUE lorsqu'il résulte d'une notification de redressement, préalable à celle adressée par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure relative aux droits en litige, que l'administration avait, au moment de cette notification préalable, connaissance de l'exigibilité des droits réclamés, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de la première notification de redressement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'administration fiscale avait, le 3 janvier 2001, notifié les redressements résultant de l'assujettissement des dons manuels consentis par monsieur ... à madame Z aux droits de mutation à titre gratuit ; qu'en considérant cependant que la notification de redressement du 3 janvier 2001 n'était pas susceptible de constituer le point de départ de la prescription abrégée, pour en déduire que la prescription décennale était applicable et n'était pas acquise le 18 septembre 2006, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 180 et L. 186 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction applicable au litige.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté madame Z de ses demandes de décharge des impositions mises en recouvrement le 31 octobre 2006 pour un montant de 404.018 euros, à l'exception de celle tendant à la décharge de la majoration de 40% ;
AUX MOTIFS QUE sur la mise en jeu prématurée de la taxation d'office, Louise Z soutient que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 18 septembre 2006 est irrégulière car lui ayant été adressée de façon prématurée alors qu'elle aurait dû bénéficier à partir de l'envoi de la mise en demeure du 3 août 2006 d'un délai de 90 jours pour s'exécuter, tel que fixé à l'article L. 67 du livre des procédures fiscales ; qu'il sera cependant observé que cet article renvoie expressément à l'article 641 du même code qui vise uniquement les déclarations de transmission par décès ; qu'en l'espèce, le jugement du 29 avril 1997 révèle qu'il y a eu transmission par Georges ..., à titre gratuit, de son vivant, à une personne non héritière ; que cette donation est donc non rapportable à la succession et en conséquence, exclue du champ d'application de l'article L. 641 du livre des procédures fiscales ;
ALORS QUE les droits dus à raison d'un don manuel non déclaré du vivant du donateur et imposé après le décès de celui-ci constituent des droits de mutation par décès ; que l'administration fiscale ne peut en conséquence mettre en oeuvre une procédure de taxation d'office pour défaut de déclaration d'un don manuel après le décès du donateur qu'à l'expiration d'un délai de quatre-vingt dix jours après l'envoi au donataire d'une mise en demeure de procéder à la déclaration en cause ; qu'en l'espèce, monsieur ... est décédé le 29 octobre 1993 ; que l'administration fiscale a adressé à madame Z le 3 août 2006 une lettre la mettant en demeure de présenter le jugement du 29 avril 1997 constatant le don manuel consenti par monsieur ... à la formalité de l'enregistrement dans un délai de trente jours ; qu'en l'absence de dépôt de la déclaration sollicitée dans ce délai,
l'administration fiscale a, le 18 septembre 2006, notifié les redressements fondés sur le don manuel selon la procédure de taxation d'office ; qu'en décidant que l'administration fiscale n'avait pas mis en oeuvre de façon prématurée la procédure de taxation d'office, tandis qu'une telle procédure ne pouvait être mise en oeuvre avant l'expiration d'un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la mise en demeure du 3 août 2006, la cour d'appel a violé les articles L. 67 du livre des procédures fiscales, 641 et 784 du Code général des impôts.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté madame Z de ses demandes de décharge des impositions mises en recouvrement le 31 octobre 2006 pour un montant de 404.018 euros, à l'exception de celle tendant à la décharge de la majoration de 40% ;
AUX MOTIFS QUE Louise Z demande qu'il soit pris en compte le fait qu'à la suite de la transaction conclue avec Michèle ..., elle n'a conservé que la moitié de la valeur des bons donnés par Georges ... ; que, cependant, la valeur imposable des biens donnés à prendre en compte pour le calcul des droits de donation est celle des biens à la date du fait générateur de l'impôt, en l'espèce, le jugement du 29 avril 1997 admettant le don manuel ; que la transaction postérieure n'est pas opposable à l'administration ;
ALORS QU' une décision judiciaire constatant l'existence un don manuel ne constitue un acte passible des droits de mutation que si la transmission de la propriété à titre de libéralité est constatée de manière certaine et définitive ; que, dans les cas où l'existence d'un don manuel a été reconnue par un jugement susceptible d'appel et où les parties concluent une transaction, avant que n'expire le délai d'appel, pour répartir l'objet du don et renoncer à se prévaloir du jugement, le fait générateur de l'impôt est constitué par la transaction, et non par le jugement ayant constaté le don manuel ; qu'en l'espèce, madame Z et madame ... ont, par un protocole transactionnel du 22 juillet 1997, mis fin au litige les opposant relatif au don manuel consenti par monsieur ..., en partageant les bons donnés en deux parts égales, madame Z abandonnant le bénéfice du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 29 avril 1997 ; qu'en décidant cependant que le jugement du 29 avril 1997 constituait le fait générateur des impositions en litige, nonobstant la transaction conclue le 22 juillet 1997, la cour d'appel a violé les articles 757 du Code général des impôts et 2052 du Code civil.

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