SOC. PRUD'HOMMES CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 12 octobre 2011
Rejet
M. LACABARATS, président
Arrêt no 2009 FS-D
Pourvoi no G 09-42.639
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme Annouck Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 février 2010.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par le collège public Montaigne, Établissement public local d'enseignement (EPLE), dont le siège est Angers,
contre le jugement rendu le 30 avril 2009 par le conseil de prud'hommes d'Angers (section activités diverses), dans le litige l'opposant à Mme Annouck Z, domiciliée Angers,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 septembre 2011, où étaient présents M. Lacabarats, président, Mme Mariette, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, MM. Trédez, Blatman, Chollet, Gosselin, Ballouhey, Mmes Goasguen, Vallée, M. Méricq, conseillers, Mme Sommé, M. Flores, Mme Wurtz, M. Becuwe, Mme Ducloz, M. Hénon, Mme Brinet, conseillers référendaires, M. Lalande, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller référendaire, les observations de la SCP Vincent et Ohl, avocat du collège public Montaigne, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme Z, l'avis de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes d'Angers, 30 avril 2009) que Mme Z a été engagée par le collège
Montaigne, établissement public d'enseignement, du 3 janvier au
3 juillet 2006 dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) renouvelé jusqu'au 2 janvier 2008 ; que l'article 5 du contrat précisait que sa rémunération était calculée sur la base de 20 heures hebdomadaires et que cette durée pourrait être modulée sur toute la période d'emploi, dans la limite de 26 heures par semaine ; que soutenant que la modulation de la durée du travail lui était inopposable, de sorte que toutes les heures travaillées, chaque semaine, au-delà de la durée de 20 heures prévue au contrat, devaient lui être réglées en heures complémentaires la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement d'un rappel de salaires ;
Sur le premier moyen
Attendu que le collège Montaigne fait grief au jugement de faire droit à la demande, alors, selon le moyen
1o/ qu'en se déterminant par la circonstance que le livre premier "durée du travail, repos et congés", de la troisième partie du code du travail est applicable au contrat de travail conclu avec Mme Z pour en déduire qu'en vertu de l'article L. 3122-9 dudit code, l'employeur ne pouvait, à défaut d'accord collectif la prévoyant expressément, recourir à la modulation de la durée du travail, tout en relevant par ailleurs qu'il n'entre pas dans le champ d'application du Livre premier "durée du travail, repos et congés", de la troisième partie du code du travail, et qu'ainsi le non-respect de l'article L. 3122-9 du code du travail sur la modulation du temps de travail ne lui est pas opposable, le conseil de prud'hommes a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé ;
2o/ que l'employeur qui ne relève pas de certaines dispositions du code du travail conserve la faculté de faire une application volontaire de tout ou partie de ces dispositions, dès lors que celles-ci emportent une dérogation du droit commun dans un sens favorable au salarié ; que lorsque l'employeur use de cette faculté, seules s'imposent aux rapports contractuels entre les parties les dispositions dont l'application volontaire a été admise ; qu'ainsi, un établissement public administratif qui, en vertu des dispositions impératives de l'article L. 3111-1 du code du travail, n'est pas soumis aux dispositions du livre premier de la troisième partie du code du travail, relatif à la durée du travail, au repos et aux congés, a la faculté de conclure un contrat de travail prévoyant notamment l'octroi, au profit du salarié, de certaines dispositions légales de cette partie du code du travail, et notamment celles offrant au salarié le bénéfice de congés payés calculés par référence à l'article L. 3141-3 du même code, encore que l'application de ce texte ne s'impose pas impérativement à l'employeur ; qu'une telle décision n'a ni pour objet ni pour effet de soumettre les parties contractuelles à l'ensemble des dispositions légales du même titre dont l'employeur, sauf dérogation expresse, ne relève pas ; que, dès lors, en estimant au contraire que l'article 8 du contrat de travail du salarié prévoit l'octroi de congés payés calculés par référence à l'article L. 3141-3 du code du travail, texte extrait du livre premier de la troisième partie dudit code, pour en déduire que, quoique l'exposant soit, en vertu de l'article L. 3111-1, exclu du champ d'application de cette partie du code, toutes les dispositions de cette même partie du code s'imposent à l'employeur, et notamment celles de l'article L. 3122-9 subordonnant la modulation du temps de travail à la conclusion d'un accord collectif ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
3o/ que les dispositions des articles L. 5134-20 et suivants du code du travail relatives au contrat d'accompagnement dans l'emploi instituant un régime dérogatoire du droit commun des contrats de travail, la circonstance que ces textes ne prévoient pas expressément le recours à la modulation de la durée du travail n'implique pas que cette modulation soit prohibée, ni qu'elle soit soumise aux conditions posées par l'article L. 3122-9 du code du travail, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat ; qu'ainsi, les parties au contrat d'accompagnement à l'emploi, ont la faculté de stipuler, par contrat, la mise en oeuvre d'une modulation de la durée du travail ; qu'en estimant au contraire que l'article L. 5134-26 du code du travail sur la durée hebdomadaire du travail propre au dispositif CAE ne prévoit pas la possibilité de recours à la modulation de la durée du travail, pour en déduire que cette modulation n'est pas admise, le conseil a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
Mais attendu que l'article L. 322-4-7, I alinéa 7 devenu L. 5134-26 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2005 n'autorise pas l'employeur à faire varier la durée hebdomadaire du travail sur tout ou partie de la période couverte par le contrat d'accompagnement dans l'emploi ; qu'il en résulte que la clause contractuelle prévoyant une telle modulation est inopposable au salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le collège public Montaigne aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne le collège public Montaigne à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour le collège public Montaigne.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
En ce que le jugement attaqué condamne le collège MONTAIGNE, Établissement Public Local d'Enseignement (EPLE), à payer à Melle Annouck Z la somme de 2.667,04 euros au titre d'un rappel de salaire ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de Mme Z était un contrat à durée déterminée à temps partiel ; que ce contrat prévoyait une modulation de la durée de travail que son employeur justifiait pas les congés scolaires supérieurs (16 semaines) aux congés payés dont elle pouvait bénéficier ; que par application de l'article L 3111-1 du Code du travail, le collège MONTAIGNE Établissement Public Local d'Enseignement (EPLE), ayant donc le statut d'établissement public à caractère administratif, et non pas d'établissement public à caractère industriel et commercial, n'entre pas dans le champ d'application du livre premier " durée du travail, repos et congés " de la troisième partie du Code du travail qui traite entre autres de la modulation du temps de travail ; que dans ces conditions, le non-respect de l'article L 3122-9 du Code du travail sur la modulation du temps de travail, celle-ci étant illicite en dehors de toute convention ou accord collectif, ne lui est pas opposable ; que l'article L 5134-21 du Code du travail prévoit l'utilisation du dispositif du contrat d'accompagnement dans l'emploi par des personnes morales de droit public mais aussi pour des personnes morales de droit privé ; que dans ces conditions, et pour un même dispositif, il y aurait deux catégories de salariés, l'une qui pourrait prétendre à l'application et à la protection d'une partie du Code du travail et l'autre non, cette dernière ne pouvant, de plus, pas prétendre au statut spécifique des fonctionnaires, en application de l'article L 5134-24 du Code du travail " le contrat de travail ne peut être conclu pour pourvoir des emplois dans les services de l'Etat " ; que l'article L 5134-24 du Code du travail précise que le contrat d'accompagnement dans l'emploi est un contrat de droit privé ; que l'article L 5134-26 du Code du travail stipule que la durée hebdomadaire pour ce type de contrat ne peut être inférieure à 20 heures, introduisant nécessairement le recours possible au travail à temps partiel, mais n'exclut pas le travail à temps plein, donc pour la durée légale du travail ; que l'article 8 du contrat de travail portant sur les congés fait référence et application de l'article L 3141-3 du Code du travail (ancienne référence article L 223-2) qui est inclus dans la partie du code du travail qui ne serait pas applicable ; que le collège MONTAIGNE ne peut en même temps revendiquer l'inapplicabilité d'une partie du Code du travail et faire application de certains articles pris dans cette même partie ; que le Conseil conclut à l'applicabilité du Livre premier " durée du travail, repos et congés ", de la troisième partie du Code du travail au contrat de travail entre Melle Z et le collège MONTAIGNE ; que l'article L 5134-26 sur la durée hebdomadaire du travail propre au dispositif CAE ne prévoit pas la possibilité de recours à la modulation de la durée du travail ; qu'aucune convention ou accord ne permettait au collège MONTAIGNE d'appliquer une modulation du temps de travail comme exigé par l'article L 3122-9 du Code du travail ; que l'article R 5134-15 du Code du travail qui définit le modèle de convention passée avec l'Etat concernant le CAE précise entre autres qu'elle doit comporter la durée du travail ; que pour Mme Z, il y est indiqué " durée hebdomadaire de travail du salarié 20 heures " ; que Madame Z a été rémunérée sur cette base pendant toute la durée de son contrat même lorsqu'elle effectuait un horaire supérieur ; que Mme Z annonce avoir travaillé régulièrement 24 heures par semaine (hors période de congés scolaires), durée attestée par M. ... et Melle ... ; que l'article L 3123-17 du Code du travail précise que le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ; que l'article L 3123-19 du Code du travail prévoit, au-delà de ce dixième, une majoration de salaire de 25 % (il s'agit d'heures complémentaires majorées et non d'heures supplémentaires comme indiqué dans les conclusions du conseil de la salariée) ; qu'en application de ces deux articles, Mme Z peut prétendre, par exemple, pour chaque semaine travaillée 24 heures, au paiement de 22 heures au tarif normal et de 2 heures majorées au taux de 25 % ; que Mme Z en a établi l'exact décompte et l'exact calcul ; que le Conseil fait droit à sa demande ;
1o/ Alors qu'en se déterminant par la circonstance que le Livre premier " durée du travail, repos et congés ", de la troisième partie du Code du travail est applicable au contrat de travail conclu entre Melle Z et le collège MONTAIGNE, pour en déduire qu'en vertu de l'article L 3122-9 dudit code, l'employeur ne pouvait, à défaut d'accord collectif la prévoyant expressément, recourir à la modulation de la durée du travail, tout en relevant par ailleurs que le collège MONTAIGNE n'entre pas dans le champ d'application du Livre premier " durée du travail, repos et congés ", de la troisième partie du Code du travail, et qu'ainsi le non-respect de l'article L 3122-9 du Code du travail sur la modulation du temps de travail ne lui est pas opposable, le conseil de prud'hommes a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé ;
2o/ Alors que l'employeur qui ne relève pas de certaines dispositions du Code du travail conserve la faculté de faire une application volontaire de tout ou partie de ces dispositions, dès lors que celles-ci emportent une dérogation du droit commun dans un sens favorable au salarié ; que lorsque l'employeur use de cette faculté, seules s'imposent aux rapports contractuels entre les parties les dispositions dont l'application volontaire a été admise ; qu'ainsi,
un établissement public administratif qui, en vertu des dispositions impératives de l'article L 3111-1 du Code du travail, n'est pas soumis aux dispositions du livre premier de la troisième partie du Code du travail, relatif à la durée du travail, au repos et aux congés, a la faculté de conclure un contrat de travail prévoyant notamment l'octroi, au profit du salarié, de certaines dispositions légales de cette partie du Code du travail, et notamment celles offrant au salarié le bénéfice de congés payés calculés par référence à l'article L 3141-3 du même code, encore que l'application de ce texte ne s'impose pas impérativement à l'employeur ; qu'une telle décision n'a ni pour objet ni pour effet de soumettre les parties contractuelles à l'ensemble des dispositions légales du même titre dont l'employeur, sauf dérogation expresse, ne relève pas ; que, dès lors, en estimant au contraire que l'article 8 du contrat de travail de la salariée prévoit l'octroi de congés payés calculés par référence à l'article L 3141-3 du Code du travail, texte extrait du livre premier de la troisième partie dudit code, pour en déduire que, quoique l'exposant soit, en vertu de l'article L 3111-1, exclu du champ d'application de cette partie du code, toutes les dispositions de cette même partie du code s'imposent à l'employeur, et notamment celles de l'article L 3122-9 subordonnant la modulation du temps de travail à la conclusion d'un accord collectif ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
3o/ Alors que les dispositions des articles L 5134-20 et suivants du Code du travail relatives au contrat d'accompagnement dans l'emploi instituant un régime dérogatoire du droit commun des contrats de travail, la circonstance que ces textes ne prévoient pas expressément le recours à la modulation de la durée du travail n'implique pas que cette modulation soit prohibée, ni qu'elle soit soumise aux conditions posées par l'article L 3122-9 du Code du travail, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat ; qu'ainsi, les parties au contrat d'accompagnement à l'emploi, ont la faculté de stipuler, par contrat, la mise en oeuvre d'une modulation de la durée du travail ; qu'en estimant au contraire que l'article L 5134-26 du Code du travail sur la durée hebdomadaire du travail propre au dispositif CAE ne prévoit pas la possibilité de recours à la modulation de la durée du travail, pour en déduire que cette modulation n'est pas admise, le conseil a violé, par fausse application, les textes susvisés.
SECOND MOYEN DE CASSATION
En ce que le jugement attaqué condamne l'exposant à payer la somme de 700 euros à titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs que Melle Z a nécessairement subi un préjudice mais n'en fixe pas l'étendue ; le conseil lui attribue 700 euros ;
Alors, d'une part, qu'en condamnant l'exposant au paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts, tout en constatant que la demanderesse ne fixait pas l'étendue de son préjudice, le Conseil de prud'hommes a violé les articles 4, 5 et 12 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, qu'en condamnant l'exposant au paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts, tout en constatant que la demanderesse ne fixait pas l'étendue de son préjudice, le Conseil de prud'hommes a violé l'article 1147 du code civil.