SOC. PRUD'HOMMES IK
COUR DE CASSATION
Audience publique du 12 octobre 2011
Rejet
M. LACABARATS, président
Arrêt no 2011 FS-P+B
Pourvoi no U 09-43.155
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Moreau, anciennement dénommée SNM, société par actions simplifiée, dont le siège est Épernay,
contre l'arrêt rendu le 16 septembre 2009 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Joël Y, domicilié Saint-Germain Village,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 septembre 2011, où étaient présents M. Lacabarats, président, Mme Sommé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, MM. Trédez, Blatman, Chollet, Gosselin, Ballouhey, Mmes Goasguen, Vallée, M. Mericq, conseillers, Mme Mariette, M. Flores, Mme Wurtz, M. Becuwe, Mme Ducloz, M. Henon, Mme Brinet, conseillers référendaires, M. Lalande, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Moreau, de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de M. Y, l'avis de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu selon l'arrêt attaqué (Reims, 16 septembre 2009), que M. Y a été engagé par la société Sofimo en qualité de VRP chargé de la commercialisation de produits agricoles betteraviers suivant contrat de travail à effet du 1er janvier 1991 comportant une clause de non concurrence ; qu'il a démissionné de ses fonctions par lettre du 2 août 2007 ; qu'invoquant la violation par le salarié de son obligation de non-concurrence, la société SNM, devenue société Moreau, venant aux droits de la société Sofimo, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation du salarié au paiement de diverses sommes ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire nulle la clause de non-concurrence, alors, selon le moyen
1o/ que la société Moreau exposait que la clause de non-concurrence, telle qu'elle était rédigée, engendrait une interdiction limitée au marché de la betterave de sorte que M. Y pouvait exercer son métier de commercial dans tout autre secteur de la mécanisation agricole, tandis que M. Y lui-même affirmait en page 8 de ses propres conclusions oralement reprises qu'une partie au moins des produits distribués par la société Grimme, son nouvel employeur, n'était pas directement concurrentielle des produits de la société Moreau ; qu'en se bornant à dire, pour en déduire que la clause de non concurrence était nulle, que celle-ci "signifiait pour ce salarié la certitude de ne pouvoir retrouver un emploi dans son secteur d'activité", sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, en quoi une interdiction de commercialiser les seuls produits de mécanisation agricole betteraviers interdisait au salarié d'exercer une activité professionnelle conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de libre exercice d'une activité professionnelle,
ensemble les articles L. 1121-1 et 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
2o/ que subsidiairement lorsque la clause de non-concurrence prévoit un champ d'application plus étendu que celui défini par la convention collective, elle n'est valable que dans la limite définie par ladite convention collective et c'est dès lors, au regard de ce champ d'application réduit que le juge doit apprécier si la clause laisse au salarié la possibilité d'exercer une activité professionnelle conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle ; qu'en refusant de réduire le champ d'application de la clause de non-concurrence, conformément aux prévisions de la convention collective applicable, au motif que "telle qu'initialement conçue" la clause caractérisait pour le salarié une entrave à la liberté du travail, cependant qu'il lui incombait d'examiner cette condition au regard du champ d'application réel de la clause, savoir celui plus restreint défini par la convention collective, la cour d'appel a violé par fausse application le principe de libre exercice d'une activité professionnelle ensemble les articles L. 1121-1 et L.1221-1 du code du travail et 1134 du code civil et par refus d'application, l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ;
Mais attendu que la convention collective des VRP ayant réglementé la clause de non-concurrence, le contrat de travail ne pouvait valablement contenir des dispositions plus contraignantes pour le salarié ;
Et attendu qu'après avoir rappelé que l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 disposait que l'interdiction de concurrence était limitée aux secteurs et aux catégories de clients que le VRP était chargé de visiter au moment de la rupture, la cour d'appel a constaté que l'interdiction faite à M. Y de s'occuper de matériels similaires ou concurrents à ceux commercialisés par la société Moreau dans le nord de la France, au sud d'une ligne Nantes-Lyon, excédait le secteur géographique qui lui avait été confié, de sorte que cette interdiction était plus contraignante que celle définie par l'accord collectif; que la cour d'appel, qui ne pouvait réduire le champ d'application de la clause de non-concurrence dès lors que seule sa nullité était invoquée par le salarié, a exactement retenu qu'elle était nulle ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Moreau aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Moreau à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Moreau
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de VRP de Monsieur Y était nulle et d'AVOIR, en conséquence, débouté la société MOREAU de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de celui-ci à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts pour violation de ladite clause et à ce qu'il lui soit enjoint sous astreinte de mettre un terme à cette violation ;
AUX MOTIFS QU' " il résulte des précédents développements que la relation de travail liant les parties était soumise à la convention collective des VRP statutaires ; qu'il s'ensuit que bien que le contrat de travail ne mentionne pas au profit du salarié le bénéfice d'une contrepartie financière à la clause de non concurrence, les dispositions de l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975, applicable à l'espèce, détermine le mode de calcul de cette contrepartie financière ; que toutefois, pour être valable, la clause de non concurrence prévue par cet article 17 de l'accord interprofessionnel des VRP doit - être limité à une durée maximale de 2 ans à compter de la rupture, - être limité aux secteurs et aux catégories de clients que le représentant était chargé de visiter au moment de la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la clause de non concurrence liant les parties était limitée à une durée de 2 ans, conformément à l'accord professionnel applicable ; qu'en revanche, quant à son étendue dans l'espèce, la clause faisait interdiction à Joël Y de s'occuper, directement ou indirectement, de matériels similaires ou concurrents à ceux commercialisés par sa mandante, dans la moitié Nord de la France, soit au Nord d'une ligne NANTES-LYON ; que le contrat de travail liant les parties attribuait à Joël Y la prospection de 26 départements situés à l'ouest et au nord-ouest de la FRANCE, englobant la région parisienne ; qu'il n'est pas contesté que la SAS SNM commercialisait du matériel agricole, spécialement destiné aux producteurs betteraviers, produits que commercialise également la SAS GRIMME, nouvel employeur de Joël Y à compter du 1er octobre 2007 ; que compte tenu de la spécificité de l'emploi occupé par Joël Y depuis, au minimum l'année 1991, les limites dans l'espace fixées par la clause de nonconcurrence signifiait pour ce salarié la certitude de ne pouvoir retrouver un emploi dans son secteur d'activités, la production betteravière française émanant en quasi totalité des départements situés au Nord d'une ligne NANTES-LYON, et excédaient le secteur géographique qui lui avait été confié ; que la clause de non-concurrence doit donc être déclarée nulle ; qu'il convient surabondamment de constater que la SAS SNM aurait dû, dès le mois d'octobre 2007 verser à Joël Y la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et ne saurait s'exonérer de cette obligation en soutenant qu'elle connaissait l'embauche de Joël Y par la Société GRIMME alors que les courriers adressés à son ancien salarié et son nouvel employeur mi-novembre 2007 mentionnent " nous venons d'apprendre l'embauche de Joël BOSSUYT " ce qui est insuffisant à caractériser la connaissance qu'avait la SAS SNM de l'embauche de Joël Y dès octobre 2007 ; que contrairement aux prétentions de la SAS SNM, il n'y a pas lieu de réduire la clause de non-concurrence au secteur géographique confié à Joël Y lors de son activité déployée au sein de la SAS SNM dès lors que la clause de non-concurrence telle qu'initialement conçue caractérisait pour le salarié une véritable entrave à la liberté du travail ; que la décision déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a condamné Joël Y au paiement de dommages et intérêts " ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la société MOREAU exposait que la clause de non-concurrence, telle qu'elle était rédigée, engendrait une interdiction limitée au marché de la betterave de sorte que Monsieur Y pouvait exercer son métier de commercial dans tout autre secteur de la mécanisation agricole (conclusions p.20), tandis que Monsieur Y lui-même affirmait en page 8 de ses propres conclusions oralement reprises qu'une partie au moins des produits distribués par la société GRIMME, son nouvel employeur, n'était pas directement concurrentielle des produits de la société MOREAU ; qu'en se bornant à dire, pour en déduire que la clause de non concurrence était nulle, que celle-ci " signifiait pour ce salarié la certitude de ne pouvoir retrouver un emploi dans son secteur d'activité ", sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, en quoi une interdiction de commercialiser les seuls produits de mécanisation agricole betteraviers interdisait au salarié d'exercer une activité professionnelle conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble les articles L. 1121-1 et 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, ET SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque la clause de non-concurrence prévoit un champ d'application plus étendu que celui défini par la convention collective, elle n'est valable que dans la limite définie par ladite convention collective et c'est dès lors, au regard de ce champ d'application réduit que le juge doit apprécier si la clause laisse au salarié la possibilité d'exercer une activité professionnelle conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle ; qu'en refusant de réduire le champ d'application de la clause de non-concurrence, conformément aux prévisions de la Convention collective applicable, au motif que " telle qu'initialement conçue " la clause caractérisait pour le salarié une entrave à la liberté du travail, cependant qu'il lui incombait d'examiner cette condition au regard du champ d'application réel de la clause, savoir celui plus restreint défini par la Convention collective, la Cour d'appel a violé par fausse application le principe de libre exercice d'une activité professionnelle ensemble les articles L. 1121-1 et L.1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil et par refus d'application, l'article 17 de l'Accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975.