CIV. 2
COUR DE CASSATION CB
QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
Audience publique du 12 octobre 2011
NON-LIEU A RENVOI
M. LORIFERNE, président
Arrêt no 1817 F-P+B
Affaire no W 11-40.060
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Vu le jugement rendu le 12 juillet 2011 par le juge de l'exécution, tribunal de grande instance de Moulins, transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue à la Cour de cassation le 20 juillet 2011, dans l'instance mettant en cause
D'une part,
M. Gérard Z, domicilié Saint-Gérand-de-Vaux,
D'autre part,
l'Institut d'enseignement supérieur et de recherche en alimentation, santé animale, sciences agronomiques et de l'environnement, dont le siège est Marcy-l'Étoile ;
Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique de ce jour ;
Sur le rapport de Mme Y, conseiller, l'avis de M. X, avocat général, et après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'agissant sur le fondement de quatre titres de recettes, l'Institut d'enseignement supérieur et de recherche en alimentation, santé animale, sciences agronomiques et de l'environnement a fait signifier à M. Z un commandement aux fins de saisie-vente et a fait pratiquer une saisie-attribution des sommes d'argent figurant sur ses comptes bancaires ; que M. Z a saisi un juge de l'exécution aux fins de contester ces mesures et a, par un mémoire écrit, distinct et motivé, demandé à ce juge de poser au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité dont, par jugement motivé du 12 juillet 2011, après avis du procureur de la République, ce juge a ordonné la transmission à la Cour de cassation dans les termes suivants
"Les dispositions des articles 98 de la loi de finance rectificative pour 1992 no 92-1476, 3 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 en la seule partie citée de son alinéa 6o et de partie de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales (son alinéa 1er et le premier paragraphe de l'alinéa 2), portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus exactement à la séparation des pouvoirs, au droit de propriété, à l'égalité devant la loi, à la résistance à l'oppression, aux droits de la défense, au droit à une procédure juste et équitable, au principe d'égalité des armes, tels que ces droits sont garantis par les articles 1er, 2, 3, 6, 15, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et réaffirmés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et en ce qu'elles dotent les personnes morales de droit public de la faculté d'émettre des titres exécutoires sans contrôle préalable d'un juge, pour le recouvrement de créances ordinaires ?"
Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu que, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, la question n'est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que l'exercice du privilège du préalable et de l'exécution d'office dont bénéficient les personnes morales de droit public, de première part, n'emporte pas d'atteintes substantielles au droit de propriété dont la protection constitutionnelle n'implique pas une intervention préalable du juge avant toute mesure susceptible de porter atteinte à ce droit, cette protection étant suffisamment garantie par l'intervention a posteriori du juge, de deuxième part, ne prive pas le débiteur d'un recours effectif et d'un droit au procès équitable dès lors qu'il peut remettre en cause devant le juge compétent la validité du titre exécutoire ou la régularité des actes de poursuites, de troisième part, ne porte pas atteinte au principe d'égalité qui ne s'oppose ni à ce que le législateur adopte pour la réalisation d'objectifs de nature constitutionnelle des modalités nouvelles dont il apprécie l'opportunité, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties des exigences constitutionnelles ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze ;
Où étaient présents M. Loriferne, président, Mme Bardy, conseiller rapporteur, M. Moussa, conseiller, Mme Laumône, greffier de chambre.