No U 10-88.469 F P+B No 5050
CI/CV 11 OCTOBRE 2011
CASSATION
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
- Mme Vivalone Z,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 7 septembre 2010, qui a rejeté sa requête en restitution de cautionnement ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 septembre 2011 où étaient présents M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, M. Blondet, Mmes Koering-Joulin, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Finidori, Monfort, Mmes Mirguet, Caron conseillers de la chambre, Mme Divialle, M. Maziau conseillers référendaires ;
Avocat général M. Finielz ;
Greffier de chambre Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de Me BERTRAND, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du code pénal, 142, 142-2, 485, 512, 591, 593, 707 et 710 du code de procédure pénale, 5 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré mal fondé le recours exercé par Mme Z contre la décision du procureur général de la cour de Versailles du 31 mars 2010 refusant la restitution d'une partie du cautionnement qu'elle avait versé ;
"aux motifs que, dans son recours, Mme Z soutient remplir les conditions prévues par l'article 142-2 du code de procédure pénale en indiquant, notamment, qu'elle s'est présentée à tous les actes de la procédure, qu'elle a satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et qu'elle s'est soumise à l'exécution du jugement, purgeant actuellement la peine à laquelle la cour d'assises des Yvelines l'a condamnée par arrêt du 29 juin 2007 ; que les dispositions de l'article 142-2 du code de procédure pénale prévoient que la restitution de la fraction du cautionnement visant à garantir la représentation en justice est effectuée lorsque la personne mise en examen, le prévenu ou l'accusé s'est présenté à tous les actes de la procédure, a satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et s'est soumis à l'exécution du jugement ; que, certes Mme Z alors libre s'est présentée devant la cour d'assises d'appel, mais que, d'une part, Mme Z
est actuellement en cours d'exécution de la décision qui l'a condamnée, la fin de peine étant fixée au 18 février 2018 selon sa situation pénale ; que, dès lors, l'arrêt de la cour d'assises n'est pas entièrement exécuté ; que, d'autre part, Mme Z pourrait bénéficier de mesures applicables à sa situation, notamment, un placement à l'extérieur, une permission de sortir ou une libération conditionnelle, cas dans lesquels elle devrait à nouveau satisfaire à des obligations poursuivant ainsi l'exécution du jugement ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, les conditions prévues par l'article 142-2 du code de procédure pénale ne sont pas réunies ; qu'il y a lieu en conséquence de déclarer mal fondé le recours dirigé contre la décision du procureur général de refus de restitution de fraction du cautionnement ;
"1o) alors que le juge répressif ne peut faire application de textes incompatibles avec les principes conventionnels consacrés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aux termes de l'article 5-3 de cette Convention, la mise en liberté ne peut être subordonnée à une garantie, notamment financière, qu'à seule fin d'assurer la comparution de l'intéressé à l'audience ; qu'au regard de ces exigences conventionnelles, la première partie du cautionnement visée à l'article 142 du code de procédure pénale doit impérativement être restituée à l'intéressé lorsque celui-ci, jusqu'au prononcé d'un jugement sur le fond, s'est régulièrement présenté à l'audience et ne s'est, à aucun stade de la procédure, soustrait à la justice ; que l'application de ces principes conduit à écarter les dispositions de l'article 142-2 du même code en ce qu'elles subordonnent en outre la restitution de la première partie du cautionnement à la soumission du condamné à l'exécution du jugement ; qu'en considérant au contraire que tant que la condamnation prononcée par la cour d'assises à l'encontre de Mme Z n'avait pas été intégralement exécutée, les conditions de la restitution n'étaient pas réunies, la chambre de l'instruction a méconnu les exigences conventionnelles susvisées ;
"2o) alors que, subsidiairement, le cautionnement, notamment en sa partie garantissant la représentation de l'intéressé, étant un substitut de la détention, n'est plus justifié dès lors que le mis en examen, le prévenu, l'accusé ou le condamné est détenu ; qu'en considérant, au contraire, que la peine de réclusion infligée à Mme Z n'était pas encore, à la date du prononcé de l'arrêt attaqué, totalement exécutée, pour en déduire que les conditions de restitution de la première partie du cautionnement, prévues par l'article 142-2 du code de procédure pénale, n'étaient pas à ce moment réunies tout en relevant que Mme Z, qui ne s'était soustraite à aucune de ses obligations tout au long de la procédure, était actuellement détenue en exécution d'une condamnation définitive, la chambre de l'instruction a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes visés au moyen ;
"3o) alors que, subsidiairement, la loi pénale est d'interprétation stricte ; que la soumission à un jugement de condamnation n'implique pas l'extinction de la peine prononcée par l'effet de sa complète exécution ; qu'aux termes de l'article 142-2 du code de procédure pénale, la première partie du cautionnement est restituée lorsque la personne poursuivie s'est soumise à l'exécution du jugement, ce qui implique uniquement que l'intéressé, condamné, ne s'est pas soustrait à l'exécution du jugement ; qu'en considérant que tant que la peine prononcée par la cour d'assises n'avait pas été totalement exécutée, les conditions de la restitution prévues par ce texte n'étaient pas réunies, la chambre de l'instruction a violé les textes visés au moyen ;
"4o) alors que, subsidiairement, pouvant être mises à la charge d'un condamné à une peine privative de liberté bénéficiant de mesures d'élargissement ne relèvent pas de la compétence de la juridiction ayant prononcé le jugement de condamnation ; qu'il s'ensuit que la restitution de la première partie du cautionnement ne saurait être subordonnée au respect, par le condamné, des obligations ainsi prescrites, lesquelles ne découlent pas du jugement de condamnation ; qu'en considérant au contraire que Mme Z pourrait bénéficier de mesures applicables à sa situation, notamment un placement à l'extérieur, une permission de sortir ou une libération conditionnelle, cas dans lesquels elle devrait à nouveau satisfaire à des obligations poursuivant l'exécution du jugement, pour en déduire que la restitution de la première partie du cautionnement serait, en pareille hypothèse, également subordonnée à l'exécution pleine et entière de ces obligations, la chambre de l'instruction a violé l'article 142-2 du code de procédure pénale" ;
Vu l'article 142-2 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, la première partie du cautionnement est restituée à l'accusé qui s'est présenté à tous les actes de la procédure, a satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et s'est soumis à l'exécution du jugement ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme Z, mise en examen, notamment, du chef de meurtre, et placée en détention provisoire, a été mise en liberté sous contrôle judiciaire par arrêt de la chambre d'accusation, en date du 10 août 2000 ; qu'au nombre des obligations qui lui ont été imposées figurait le versement d'un cautionnement d'un montant de 200 000 francs, dont la première partie, soit 22 867,35 euros était destinée à garantir sa représentation à tous les actes de la procédure ;
Attendu que Mme Z, qui avait versé ce cautionnement, a été, au terme de l'information, renvoyée devant la cour d'assises et condamnée par arrêt, en date du 29 juin 2007, devenu définitif, à seize ans de réclusion criminelle ; qu'au cours de l'exécution de sa peine, elle a présenté une requête aux fins de restitution de la première partie du cautionnement, que le procureur général a rejetée ; qu'elle a formé un recours contre cette décision devant la chambre de l'instruction ;
Attendu que, pour rejeter ce recours, l'arrêt retient que Mme Z, qui exécute actuellement sa condamnation, pourrait bénéficier d'un aménagement de peine, cas dans lequel elle devrait à nouveau satisfaire à des obligations, poursuivant ainsi l'exécution du jugement ; que les juges en déduisent que les conditions prévues par l'article 142-2 du code de procédure pénale ne sont pas réunies ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'accusée avait satisfait aux obligations du contrôle judiciaire qui avait pris fin et s'était soumise à l'exécution de l'arrêt l'ayant condamnée, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 7 septembre 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze octobre deux mille onze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;