CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
350872
SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE
M. Maxime Boutron, Rapporteur
M. Laurent Olléon, Rapporteur public
Séance du 5 octobre 2011
Lecture du
10 octobre 2011
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu l'ordonnance n° 1104049 du 12 juillet 2011, enregistrée le 13 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Montreuil, avant de statuer sur la demande de la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE, tendant à la restitution de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communication électronique à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 33 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, dont le I insère l'article 302 bis KH dans le code général des impôts ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2011 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, présenté par la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE dont le siège est 42 avenue de Friedland à Paris (75008), représentée par son représentant légal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009, notamment son article 33 ;
Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;
Vu la décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 du Conseil constitutionnel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maxime Boutron, Auditeur,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que les dispositions du I de l'article 33 de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision insère dans le code général des impôts un article 302 bis KH instituant une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques ; que le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré l'article 33 de cette loi conforme à la Constitution ; que la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE fait toutefois valoir que des changements dans les circonstances de droit et de fait intervenus depuis cette décision justifient un nouvel examen par le Conseil constitutionnel de ces dispositions au regard des principes d'égalité devant la loi et des charges publiques ;
Considérant, en premier lieu, que la société soutient que, si l'article 33 de la loi du 5 mars 2009 prévoyait la suppression de toute publicité entre six heures et vingt heures sur les chaînes du groupe France Télévisions à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision, soit au plus tard le 30 novembre 2011, l'article 165 de la loi de finances pour 2011 du 29 décembre 2010 a reporté au 1er janvier 2016 cette échéance ; que toutefois, la taxe mise à la charge des opérateurs de communications électroniques constitue une recette du budget général de l'Etat concourant aux conditions générales de l'équilibre budgétaire ; que, par suite, le report de la date de cessation totale de la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions ne saurait caractériser un changement des circonstances de droit au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société ne peut utilement se prévaloir des motifs retenus par la Commission européenne dans sa décision du 20 juillet 2010 relative à la compatibilité avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne de la subvention budgétaire annuelle versée au groupe France Télévisions, dès lors qu'une telle circonstance ne peut être regardée comme un changement de circonstances de droit au sens de ce même article ;
Considérant, enfin, que la société ne peut davantage utilement invoquer le fait que les pertes de recettes publicitaires liées à la suppression de la publicité entre vingt heures et six heures ont été, pour le groupe France Télévisions, moindres que celles initialement prévues ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucune des circonstances alléguées ne caractérise des changements dans les circonstances de droit ou de fait de nature à justifier que la conformité de cette disposition aux droits et libertés garantis par la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel ; qu'ainsi les dispositions combinées des articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 font obstacle à ce que la question prioritaire de constitutionnalité soit renvoyée au Conseil constitutionnel ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Montreuil.