N° 09PA04991
M. Salomon LANGER
M. Badie, Président
M. Couvert-Castéra, Rapporteur
M. Blanc, Rapporteur public
Audience du 23 septembre 2011
Lecture du 7 octobre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La Cour administrative d'appel de Paris
(7ème Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 7 août 2009, présentée pour M. Salomon LANGER, élisant domicile au cabinet de son conseil, au 99 rue de Courcelles, à Paris (75017), par Me Chouchana ; M. LANGER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0422983 du 5 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2011:
- le rapport de M. Couvert-Castéra, rapporteur,
- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
- et les observations de Me Bogey, pour M. LANGER ;
Considérant que M. LANGER, alors employé en qualité de directeur de la division recherche par la société " Synthelabo Recherche ", a fait l'objet d'une procédure de licenciement dans le cadre de la fusion intervenue entre cette société et le groupe Sanofi ; qu'à la suite de son licenciement, prononcé par lettre du 27 juillet 1999, M. LANGER a saisi, le 14 octobre 1999, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt d'une demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices à hauteur de la somme de 20 millions de francs ; que l'intéressé et son employeur ont conclu le 25 novembre 1999 un protocole transactionnel en application duquel M. LANGER a perçu une indemnité de licenciement de 12 893 697 francs, se décomposant en une indemnité conventionnelle de 3 793 697 francs et une indemnité transactionnelle de 9 100 000 francs ; que l'administration, à l'issue du contrôle sur pièces du dossier de M. LANGER, a rehaussé le revenu imposable de l'intéressé, dans la catégorie des traitements et salaires, à hauteur de la somme de 9 100 000 francs, correspondant au montant de la seule indemnité transactionnelle ; que M. LANGER fait appel du jugement en date du 5 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1999 en conséquence de ce rehaussement de son revenu ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus " et qu'aux termes de l'article 4 B de ce code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) " ; qu'aux termes de l'article 167 dudit code : " 1. Le contribuable domicilié en France qui transfère son domicile à l'étranger est passible de l'impôt sur le revenu à raison des revenus dont il a disposé pendant l'année de son départ jusqu'à la date de celui-ci, des bénéfices industriels et commerciaux qu'il a réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé, et de tous revenus qu'il a acquis sans en avoir la disposition antérieurement à son départ (...) " ;
Considérant qu'il est constant que M. LANGER a déménagé pour s'établir au Royaume-Uni au cours du mois d'août 1999 et y a donc transféré son domicile à compter de cette date ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, l'intéressé ne pouvait être regardé comme ayant acquis antérieurement à ce départ le droit au versement par son employeur de la somme de 9 100 000 francs à titre d'indemnité pour rupture de contrat de travail, en complément de la somme qui lui était due en vertu de la convention collective de branche applicable, dès lors qu'il n'était titulaire d'aucun droit certain au versement de la somme de 9 100 000 francs en cause avant la signature le 25 novembre 1999 du protocole transactionnel par lequel son employeur a accepté de lui verser cette somme ; qu'il s'ensuit que M. LANGER n'était pas passible de l'impôt sur le revenu à raison de cette somme sur le fondement des dispositions précitées du 1. de l'article 167 du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte du 2ème alinéa de l'article 4 A du code général des impôts que les personnes dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de leurs seuls revenus de source française ; qu'aux termes de l'article 164 B du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 182 A de ce code : " I. Les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source. " ; que, selon l'article 1671 A du même code : " Les retenues prévues aux articles 182 A et 182 B sont opérées par le débiteur des sommes versées et remises à la recette des impôts accompagnées d'une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration, au plus tard le 15 du mois suivant celui du paiement. (...) " ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les sommes versées en contrepartie d'une activité professionnelle exercée en France à une personne qui n'y est pas fiscalement domiciliée sont soumises à la retenue à la source ;
Considérant que, d'une part, la somme de 9 100 000 francs versée à M. LANGER à titre d'indemnité pour rupture de son contrat de travail doit être regardée comme une somme versée à celui-ci en contrepartie de l'activité professionnelle qu'il a exercée en France au sein de la société " Synthelabo Recherche " ; que, d'autre part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. LANGER n'était plus fiscalement domicilié en France à la date du 25 novembre 1999 à laquelle il a acquis le droit au versement de cette somme ; qu'il s'ensuit que ladite somme n'aurait pu être imposée que dans les conditions prévues aux articles 182 A, 197 A et 197 B du code général des impôts applicables en cas de retenue à la source et non, comme a procédé l'administration, en rehaussant le revenu imposable de l'intéressé, dans la catégorie des traitements et salaires, à hauteur de la somme de 9 100 000 francs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. LANGER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. LANGER et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n°0422983 rendu le 5 juin 2009 par le Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. LANGER est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999.
Article 3 : L'Etat versera à M. LANGER une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.