COMM. LM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 4 octobre 2011
Cassation
Mme FAVRE, président
Arrêt no 917 F-P+B
Pourvoi no Z 10-24.810
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Lagardère publicité, venant aux droits de la société Interdéco, société par actions simplifiée, dont le siège est Paris,
contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2010 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société Rayure, société à responsabilité limitée, dont le siège est Paris,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 septembre 2011, où étaient présents Mme Favre, président, Mme Laporte, conseiller rapporteur, M. Petit, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Laporte, conseiller, les observations de Me Spinosi, avocat de la société Lagardère publicité, de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société Rayure, l'avis de M. Carre-Pierrat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu l'article 1998 du code civil, ensemble l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 ;
Attendu que s'il résulte de l'article 20, alinéa 3, de la loi no 93-122 du 29 janvier 1993 que le vendeur d'espaces publicitaires doit en toute hypothèse communiquer directement ses factures à l'annonceur, cette obligation n'a pas pour sanction la perte du droit à rémunération dont le vendeur est titulaire à l'encontre de l'annonceur ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Rayure a donné mandat à la société Autentic d'effectuer en son nom et pour son compte des achats d'espaces publicitaires que cette dernière a conclus avec la société Interdéco, aux droits de laquelle se trouve la société Lagardère publicité (la société Lagardère) ; que la société Rayure ayant refusé de régler certaines factures en prétendant les avoir déjà honorées entre les mains de la société Autentic, la société Lagardère l'a assignée en paiement ;
Attendu que pour débouter la société Lagardère de toutes ses demandes, l'arrêt retient que faute de communication de ses factures à la société Rayure dans les termes de l'article 20, alinéa 3, de la loi no 93-122 du 29 janvier 1993, elle a laissé celle-ci se libérer entre les mains de la société Autentic et ne peut dès lors invoquer son action directe à l'encontre de l'annonceur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'annonceur est, par l'effet du mandat, partie aux contrats d'achats d'espaces publicitaires conclus en son nom et pour son compte et que le non-respect de l'obligation de communication des factures n'est pas de nature à priver le vendeur des droits qu'il tient de ces contrats, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet,
en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Rayure aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Lagardère publicité la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Lagardère publicité.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société exposante de ses demandes tendant à la condamnation de la société RAYURE à lui payer la somme de 61 539,08 euros avec intérêts à une fois et demi le taux légal depuis le 17 mai 2005, la somme de 9 230,86 euros au titre de la clause pénale et celle de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Aux motifs qu' " en droit, l'article 20 alinéa 1 de la loi du 29 janvier 1993 dispose que Tout achat d'espace publicitaire ou de prestations ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre, écrit de mandat ; que selon l'article 21 de la même loi, même si les achats ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur ; qu'aux termes de l'article 23, Le vendeur d'espace publicitaire en qualité de support ou de régie rend compte directement à l'annonceur dans le mois qui suit la diffusion du message publicitaire des conditions dans lesquelles les prestations ont été effectuées ;
qu'en l'espèce, la société Lagardère publicité produit la photocopie d'une attestation de mandat (loi du 29 janvier 1993), en date du 23 décembre 2002, signée et portant en tête le cachet de la société Rayure, confiant au groupe Autentic mandat pour négocier et réserver en (notre) nom et pour notre compte, l'achat d'espace pour notre société SARL Rayure, à compter de ce jour jusqu'au 31 décembre 2003 et ce, auprès de tous supports (Affichage, TV., Presse et Radio). (...) Cette lettre-mandat sera remise pour information à tous les medias et supports qui en feront la demande ;
que la société Lagardère publicité, venant aux droits de la société Interedeco, dépositaire de cet acte, est en droit de faire état d'une copie ; que la société Rayure ne formule aucune contestation sérieuse à son endroit ; que la comparaison de la signature y figurant avec celle du représentant de la société Rayure permet de constater que cette copie est une reproduction fidèle de l'original ; que la preuve d'un mandat dans les conditions de la loi no 93-122 du 29 janvier 1993 est ainsi rapportée, pour la seule période allant du 23 décembre 2002 au 31 décembre 2003, époque à laquelle des contrats ont été régulièrement conclus dans les termes de ce texte ;
que la société Lagardère publicité, en tant que régie publicitaire assimilée au vendeur d'espace par l'article 26 de la même loi, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de sa communication directe à la société Rayure des factures et du compte-rendu d'exécution des prestations dans le délai d'un mois ; que sa réclamation du 11 mars 2005 et sa mise en demeure du 17 mai 2005 sont totalement inopérantes à cet égard ;
que faute de communication des factures à la société Rayure dans les termes de l'article 20 alinéa 3, la société Interdeco a laissé celle-ci se libérer entre les mains de l'intermédiaire, la société Autentic, et ne peut dès lors invoquer son action directe à l'encontre de l'annonceur ; que sa demande en paiement sera en conséquence rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de la société Rayure en nullité du mandat " ;
Alors, d'une part, que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ; qu'en énonçant que le vendeur d'espace public ne pouvait invoquer son action directe contre l'annonceur, qu'il avait laissé se libérer entre les mains de son mandataire, quand l'annonceur était pourtant contractuellement engagé à l'égard du vendeur par l'effet du mandat, la Cour d'appel a violé l'article 1998 du code civil, ensemble l'article 20 de la loi no 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Alors, d'autre part, que le contrat de vente conclu entre l'annonceur et la société exposante, par l'effet du mandat, stipule de manière claire et précise que "l'annonceur est seul responsable du paiement des factures émises par LAGARDERE PUBLICITE. Tout paiement effectué par l'annonceur directement entre les mains du mandataire n'aura d'effet libératoire vis-à-vis de LAGARDERE PUBLICITE que lorsqu'il sera crédité des sommes dues" ; qu'en estimant cependant, au mépris des stipulations contractuelles claires et précises, que le mandant avait valablement pu se libérer entre les mains du mandataire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.