Jurisprudence : CA Dijon, 22-09-2011, n° 51-09-12, Infirmation



RV/FR
Yves Z
Jean-Pierre Z
C/
HÔPITAL LOCAL DE NUITS-SAINT-GEORGES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2011

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 10/00919
Décision déférée à la Cour AU FOND du 13 SEPTEMBRE 2010, rendue par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE DIJON
RG 1ère instance 51-09-12

APPELANTS
Monsieur Yves Z

VOSNE-ROMANEE
représenté par Maître Denis-Gilles BRELET, avocat au barreau de PARIS
Monsieur Jean-Pierre Z

VOSNE-ROMANEE
représenté par Maître Denis-Gilles BRELET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ
HÔPITAL LOCAL DE NUITS-SAINT-GEORGES

NUITS-SAINT-GEORGES
représenté par Maître François ROBBE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE/SAONE

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 juin 2011 en audience publique devant la Cour composée de
Marie-Françoise ROUX, Conseiller, Président,
Philippe HOYET, Conseiller,
Robert VIGNARD, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS Françoise REBY,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNE par Marie-Françoise ROUX, Conseiller, et par Françoise REBY, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 29 avril 1994, Mme Irène ... veuve ... a donné à bail à ferme à M. Jack Michel Z et à son épouse née Bernadette ... des parcelles ci-après désignées
Territoire de GEVREY CHAMBERTIN
'AUX CHARMES' vigne cadastrée
- section BN n°40 pour 20a 80ca
- section BN n°75 pour 18a 50ca ;
D'A.O.C. 'CHARMES CHAMBERTIN'.
'CHANPITENOIS' ou 'PETITE CHAPELLE'
- section BP n°255 pour 26a l7ca
- section BP n°258 pour 0la 96ca
D'A.O.C. 'GEVREY CHAMBERTIN 1er CRU'.
'LES MAZIS HAUTS'
- section BS n°68 pour 09a 50ca d'A.O.C. 'MAZIS CHAMBERTIN'.
'CRAIPILLOT'
- section BT n°141 pour 22a 26ca ;
- section BT n°142 pour 26a 45ca.
'LAVAUT'
- section AB n°134 pour 27a 88ca ;
- section AB n°136 pour 0la 86ca.
D'A.O.C. 'GEVREY CHAMBERTIN 1er CRU'.
'PINCE VIN'
- section AE n°119 pour 05a 42ca ;
D'A.O.C. 'BOURGOGNE'.
'CREUX BROUILLARD'
- section AK n°141 pour 27a 9lca.
D'A.O.C. 'GEVREY CHAMBERTIN VILLAGES'.
Territoire de Brochon
'PINCE VIN'
- section AK n°152 pour 18a 29ca
D'AOC "'BOURGOGNE ROUGE'".
Par acte public passé par Maître ..., notaire associé à Gevrey-Chambertin, ledit notaire a reçu le testament de Mme ... veuve ....
Aux termes de cet acte, la testatrice léguait aux Hospices de Nuits-Saint-Georges les parcelles"CHANPITENOIS' ou 'PETITE CHAPELLE' cadastrées section BP n°255 pour 26a 17ca et section BP n°258 pour 01a 96ca.
Ce legs était consenti notamment sous la condition que le légataire entretienne la tombe de ses parents, de son époux et la sienne propre. Il a trouvé à s'exécuter du fait du décès de Mme ... veuve ..., en 1996.

Par jugement du 10 juin 2002, le tribunal paritaire des baux ruraux de Dijon a autorisé la cession du bail consenti à M. Jack Michel Z et à son épouse née Bernadette ... au bénéfice de MM Z et Z CONFURON.
Par actes en date des 8 et 9 juillet 2009 de la SCP MENUT, LAMBERT, ABEL, huissiers de justice à Beaune, l'Hôpital Local de Nuits-Saint-Georges a donné congé aux fermiers pour le 31 décembre 2011, sur le fondement des articles L. 411-47, L. 411-58 et L. 415-11 du Code rural.
Entendant obtenir l'annulation du congé à eux délivré, les consorts ZX ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Dijon le 21 octobre 2009.
Statuant par jugement du 13 septembre 2010, la juridiction paritaire a

- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
- validé le congé délivré le 9 juillet 2009 à MM Z et ZX CONFURON, pour la date du 31 décembre 2011, sur les parcelles 'CHANPITENOIS' ou 'PETITE CHAPELLE' cadastrées section BP n°255 pour 26a 17ca et section BP n°258 pour 01a 96ca, sous réserve de l'obtention par le repreneur d'une autorisation d'exploiter ou d'une dispense d'autorisation';
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné MM Z et ZX CONFURON aux dépens.

Les consorts ZX ont interjeté appel de cette décision le 21 septembre 2010.
Selon conclusions reçues au greffe le 6 juin 2011 et soutenues oralement à l'audience, les appelants sollicitent la cour de
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé le congé délivré,
- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive de la juridiction administrative saisie du recours contre la décision du préfet de la Côte d'Or du 23 avril 2010,
- annuler purement et simplement le congé délivré,
- condamner l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges à payer la somme de 1.800 euros chacun à MM ... et ZX CONFURON sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens.
Sur la base de conclusions du 27 juin 2011, développées verbalement à la barre, l'intimé demande à la cour de
- confirmer le jugement en ce qu'il a validé le congé,
- dire et juger qu'aucune autorisation d'exploiter n'est nécessaire,
- en conséquence, réformer le jugement en ce qu'il a assorti la validité du congé d'une réserve tenant à l'obtention d'une autorisation d'exploiter ou d'une dispense d'autorisation,
- condamner MM ... et ZX CONFURON à verser aux Hospices Civils de Nuits-Saint-Georges la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour entend se référer à la décision entreprise et aux écritures susvisées.

SUR QUOI,
Sur la validité du congé au regard des articles L. 411-58 et L. 411-60 du code rural
Attendu qu'à présent l'intimé n'invoque qu'à titre subsidiaire l'article L. 411-58 du Code rural comme fondement au congé'; que pourtant c'est cet article qui est le premier cité dans l'acte signifié aux consorts ZX';
Attendu cependant que l'article L. 411-58 du code rural qui ouvre la possibilité au bailleur de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé ne bénéficie qu'aux personnes physiques';
Que l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges, de par sa nature d'établissement public administratif est une personne morale de droit public'; que c'est à tort que l'article L. 411-58 du Code rural a été visé dans le congé donné au fermier, étant insusceptible de fonder le congé délivré par l'établissement';
Attendu que l'article L. 411-60 du code rural qui autorise les personnes morales, à la condition d'avoir un objet agricole, à exercer la reprise des biens qui leur ont été apportés en propriété ou en jouissance neuf ans au moins avant la date du congé, n'a pas été visé par ce dernier'; que néanmoins, à titre subsidiaire au moins, l'intimé soutient que, malgré cette absence de mention, ses dispositions sont de nature à justifier le congé qu'il a fait délivrer';
Attendu que c'est à tort que l'Hôpital local se prévaut d'une jurisprudence par laquelle la Cour de cassation a reconnu qu'avait un objet agricole une association gérant un centre d'aide par le travail dans le domaine agricole';
Que, contrairement à une association de droit privé dont l'objet est défini par ses statuts, celui d'un établissement public, tenu par la règle de la spécialité, est défini par la loi'; que les missions incombant aux établissements publics de santé sont celles visées par l'article L. 6112-1 du code de la santé publique ainsi rédigé
'Les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs des missions de service public suivantes
1° La permanence des soins,
2° La prise en charge des soins palliatifs,
3° L'enseignement universitaire et postuniversitaire,
4° La recherche,
5° Le développement professionnel continu des praticiens hospitaliers et non hospitaliers,
6° La formation initiale et le développement professionnel continu des sages-femmes et du personnel paramédical et la recherche dans leurs domaines de compétence,
7° Les actions d'éducation et de prévention pour la santé et leur coordination,
8° L'aide médicale urgente, conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés,
9° La lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion et la discrimination,
10° Les actions de santé publique,
11° La prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale,
12° Les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, dans des conditions définies par décret,
13° Les soins dispensés aux personnes retenues en application de l'article L. 551-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
14° Les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté.' ;
Attendu qu'aucune de ces missions n'est de nature agricole'; que dès lors, quand bien même par une tradition pluri centenaire les Hospices de Nuits ont une activité annexe en matière viticole, celle-ci n'est pas de nature à leur conférer un objet agricole, ainsi qu'est susceptible d'en avoir un institut agronomique, voire un établissement d'enseignement agricole';
Que l'article L. 411-60 du code rural n'est donc pas non plus susceptible de fonder le congé délivré aux consorts ZX';
Sur la validité du congé au regard de l'article L. 415-11 du code rural
Attendu qu'est expressément visé au congé l'article L. 415-11 du Code rural'; qu'aux termes de celui-ci le preneur ne peut invoquer le droit au renouvellement du bail lorsque la collectivité, le groupement ou l'établissement public lui a fait connaître, dans un délai de dix-huit mois avant la fin du bail, sa décision d'utiliser les biens loués, directement et en dehors de toute aliénation, à une fin d'intérêt général';
Qu'en l'espèce, l'Hôpital local s'est référé à cette disposition, en précisant seulement que l'exploitation des parcelles doit 'en effet permettre le financement des activités de service public de l'Hôpital de Nuits-Saint-Georges.";
Que, dans ses conclusions à hauteur de cour, l'intimé fait valoir qu'alors que le fermage 2009 pour les parcelles louées n'a été que de 9.835,10 euros, il escompte, en en reprenant l'exploitation directe, un revenu de 100.000 euros'; qu'en l'état, en absence de tout compte d'exploitation prévisionnel versé aux débats par l'intimé, ce décompte demeure cependant tout hypothétique';
Attendu que l'Hôpital local soutient que l'article L. 6141-2-1 du code de la santé publique, dans sa dernière rédaction qui retient au nombre des ressources des établissements de santé les legs et leurs revenus, donne un caractère d'intérêt général à l'objectif pour l'hôpital d'augmenter ses sources de financement';
Que c'est cependant à juste titre que les appelants font observer que cette disposition du code de la santé publique n'a aucun caractère novateur'; qu'en effet, une des raisons qui a conduit à la création d'établissements publics, dès l'origine, a été de leur permettre de recevoir des libéralités'; que la rédaction originelle du code civil comportait ainsi un article 910 prévoyant à l'époque que les dispositions entre vifs ou par testament, au profit des hospices, des pauvres d'une commune, ou d'établissements d'utilité publique ne pouvaient être acceptées que par autorisation donnée par décret';
Attendu que les biens reçus par un établissement public en exécution d'un legs, singulièrement comme en l'espèce des parcelles de vigne, intègrent le domaine privé de la personne publique'; que si en doctrine des avis contraires ont pu être exprimés, il résulte d'une jurisprudence jamais démentie du tribunal des conflits (T. confl., 24 novembre 1894, LOISELEUR) qu'il n'existe pas de service public de la gestion du domaine privé';
Que l'objectif pour un établissement public d'augmenter ses ressources constitue pour lui un objectif d'intérêt financier et non un objectif d'intérêt général'; que, dans sa rédaction actuelle, l'article L. 415-11 du code rural qui ne vise que l'intérêt général n'est pas susceptible de justifier le congé délivré aux consorts ZX';
Qu'aussi, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer, le congé n'étant en rien fondé, la cour infirme le jugement entrepris et annule les congés délivrés les 8 et 9 juillet 2009 aux consorts ZX';
Sur les dépens
Attendu que l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges doit être condamné aux dépens';
Sur les frais irrépétibles
Attendu que l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges qui succombe en toutes ses prétentions doit être débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Qu'au contraire, sur le même fondement il doit être condamné à payer à M. Jean-Pierre ZX d'une part et à M. Yves ZX d'autre part la somme de 1.000 euros chacun au titre des frais irrépétibles dont ils ont dû faire l'avance';

PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Annule les congés délivrés à l'initiative de l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges à M. Yves ZX le 8 juillet 2009 et à M. Jean-Pierre ZX le 9 juillet 2009,
Déboute l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges à payer à M. Jean-Pierre ZX la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges à payer à M. Yves ZX la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires,
Condamne l'Hôpital local de Nuits-Saint-Georges aux dépens.
Le greffier Le président
Françoise ... Marie-Françoise ROUX

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