Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise en application de l'article 198 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019. Le VI de cet article habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance afin, d'une part, de transposer la directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engagement à long terme des actionnaires (VI, 1°) et, d'autre part, de créer un dispositif unifié et contraignant encadrant la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, en adaptant les dispositions correspondantes du livre II du code de commerce dans le cadre de la transposition des articles 9 bis et 9 ter de la directive précitée (VI, 2°). En outre, le Gouvernement est autorisé à procéder aux adaptations et harmonisations des codes et lois pour tenir compte des dispositions législatives résultant des I à IV du présent article et de celles prises sur le fondement des 1° et 2° du présent VI, ainsi qu'à procéder aux adaptations en outre-mer (VI, 3° et 4°).
A cet effet, l'article 1er transpose les dispositions de l'article 9 bis (vote ex ante) et 9 ter (vote ex post) de la directive, tout en proposant, conformément au 2° de l'habilitation, un dispositif unifié et contraignant encadrant la rémunération des dirigeants des sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé (sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions). Transposant la directive, ce dispositif s'articule autour d'un double vote de l'assemblée générale des actionnaires.
Un premier vote, ex ante, qui fait l'objet des nouveaux articles L. 225-37-2 (pour les sociétés anonymes) et L. 226-8-1 (pour les sociétés en commandite par actions) du code de commerce (2° de l'article 1er), porte sur la politique de rémunération des dirigeants de la société. Les dirigeants de la société sont tous les dirigeants mandataires sociaux, c'est-à-dire les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance, les directeurs généraux délégués, les directeurs généraux, les membres du directoire ou le directeur général unique, dans les sociétés anonymes, ou les membres du conseil de surveillance et les gérants des sociétés en commandite par actions. Cette politique doit présenter les principes et les critères, alignés sur les intérêts de la société, déterminant les rémunérations des dirigeants. Cette politique est contraignante, conformément à l'habilitation (VI, 2°), ce qui signifie que ne peuvent être versées aux dirigeants que des rémunérations conformes à une politique de rémunération approuvée.
Contrairement à la directive qui fait couvrir à la politique de rémunération l'intégralité des rémunérations versées par la société, le droit français existant présente la spécificité de connaitre deux dispositifs distincts : l'un concernant les rémunérations en cours de fonction, l'autre, reposant sur la procédure des conventions réglementées, concernant les engagements permettant de rémunérer un dirigeant au moment d'un changement de fonction ou de son départ, ou postérieurement à ce dernier. Pour respecter l'habilitation et mettre en place un dispositif « unifié » (VI, 2°), l'ordonnance fusionne les deux dispositifs dans le dispositif unique et contraignant de la politique de rémunération.
La directive prévoit un contenu détaillé pour la politique de rémunération, qui est fixé par décret en Conseil d'Etat. La périodicité de vote prévue par la directive - tous les quatre ans et à chaque changement important - n'est pas reprise par l'ordonnance, qui maintient sur ce point le droit français préexistant, prévoyant un vote annuel. Ce vote annuel n'est pas de nature à dissuader les sociétés de mettre en place une politique de rémunération objective et de long terme, ce qui constitue l'un des objectifs poursuivis par le texte. Il s'agit seulement de permettre un contrôle plus fréquent des actionnaires sur la politique de rémunération, cette dernière pouvant rester identique d'année en année et reconduire ses critères de long terme.
Le droit français n'est pas modifié non plus concernant le régime applicable en cas de désapprobation, par l'assemblée générale, de la politique de rémunération. Les rémunérations doivent alors être attribuées selon la dernière politique de rémunération approuvée. En l'absence de politique de rémunération approuvée, les rémunérations sont déterminées conformément à la rémunération attribuée au titre de l'exercice précédent ou, en l'absence de rémunération attribuée au titre de l'exercice précédent, conformément aux pratiques existant au sein de la société.
Enfin, l'ordonnance lève l'option de la directive selon laquelle les sociétés sont autorisées, dans des « circonstances exceptionnelles », à « déroger temporairement à la politique de rémunération », à condition que cette politique prévoie « les conditions procédurales en vertu desquelles la dérogation peut être appliquée et précise les éléments de la politique auxquels il peut être dérogé ». Cette dérogation encadre les circonstances dans lesquelles la politique de rémunération serait susceptible de ne pas s'appliquer : les circonstances exceptionnelles ne couvrent que les situations « dans lesquelles la dérogation à la politique de rémunération est nécessaire pour servir les intérêts et la pérennité à long terme de la société dans son ensemble ou garantir sa viabilité » (article 9 bis, 4 de la directive).
Un second vote, ex post, porte sur le rapport présentant le détail des rémunérations versées ou attribuées aux dirigeants durant l'exercice écoulé ainsi qu'un ensemble d'information s'y rapportant. L'ordonnance dresse la liste de ces informations à l'article L. 225-37-3 du code de commerce, complétant ainsi le rapport sur le gouvernement d'entreprise. En termes de vote, l'ordonnance présentée, modifiant les articles L. 225-100 et L. 226-8-2 du code de commerce, procède d'abord à la transposition de la directive, en demandant à l'assemblée générale des actionnaires de se prononcer sur les informations concernant l'ensemble des rémunérations de l'exercice écoulé ; elle maintient ensuite le vote de l'assemblée générale sur les rémunérations individuelles de chaque dirigeant, hors administrateurs et membres du conseil de surveillance, actuellement prévu en droit positif.
Respectant la demande faite par l'habilitation de mettre en place un dispositif « unifié et contraignant », l'ordonnance associe un système de sanction à ces votes. En ce qui concerne les votes individuels relatifs à chaque dirigeant, hors administrateurs et membres du conseil de surveillance, elle procède au maintien de la sanction actuellement associée à un vote négatif de l'assemblée générale : le versement de la partie variable et exceptionnelle de la rémunération du dirigeant est conditionné à l'approbation de sa rémunération totale. En ce qui concerne le vote relatif aux informations sur l'ensemble des rémunérations versées durant l'exercice, l'ordonnance l'utilise pour responsabiliser les membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, qui ne font pas l'objet de vote individuel : un vote négatif sur ces informations entrainerait l'obligation de réviser la politique de rémunération. Le versement de la rémunération de ces membres serait conditionné à l'approbation de la politique de rémunération par l'assemblée générale suivante. Une nouvelle désapprobation entrainerait l'interdiction définitive de verser les rémunérations suspendue.
L'article 2 procède aux coordinations légistiques rendues nécessaires par l'article 1er dans le code général des impôts.
L'article 3 procède à l'application des dispositions de l'article 1er à Wallis-et-Futuna.
L'article 4 précise que les dispositions des articles 1er à 3 sont applicables, dans les sociétés concernées, au premier exercice ouvert à compter de la publication de l'ordonnance.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.