Assemblée plénière du 24 septembre 2019 (adoption : 42 voix « pour », 2 abstentions)
La CNCDH demande le retrait de l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 visant au partage d'informations mensuel concernant les personnes ayant déposé une demande d'asile et les bénéficiaires de la protection internationale entre les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) ou 115 et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). La CNCDH considère que ce texte porte atteinte à l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence en procédant à un filtrage des personnes selon leur statut administratif et leur nationalité. La CNCDH s'inquiète du risque d'atteinte à la vie privée et au traitement des données induit par l'imprécision du texte. Elle s'inquiète également de la remise en cause des missions des travailleurs sociaux, dont la relation de confiance avec les personnes hébergées risque d'être affectée. Elle rappelle que les travailleurs sociaux sont au service de la cohésion nationale et non du ministère de l'intérieur. Enfin, la CNCDH regrette que cette instruction contredise certaines obligations internationales de la France, notamment le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières - dit pacte de Marrakech -, alors que la France s'est engagée dans ce cadre à assurer une politique d'accueil respectueuse des droits des personnes migrantes. La CNCDH rappelle pour finir que toute politique migratoire passe nécessairement par une augmentation des moyens qui soit réellement à la hauteur des besoins des personnes en situation de détresse.
1. La CNCDH exprime sa plus vive inquiétude face à l'instruction ministérielle publiée le 4 juillet 2019 visant au partage d'informations mensuel concernant les personnes ayant déposé une demande d'asile et les bénéficiaires de la protection internationale entre les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) ou 115 et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) (1). Malgré les objectifs affichés - notamment une meilleure orientation au sein des dispositifs dédiés et une fluidification de l'hébergement d'urgence -, la CNCDH estime que cette communication mensuelle de fichiers nominatifs va ouvrir une brèche dans le principe de l'inconditionnalité de l'accueil en hébergement d'urgence de toute personne en situation de détresse en introduisant des discriminations dans leur traitement selon leur nationalité et leur statut administratif.
2. Cette instruction s'inscrit d'ailleurs dans la lignée des dernières lois relatives à l'asile et l'immigration, particulièrement restrictives pour les droits des personnes migrantes (2). La CNCDH déplore qu'elle aille même encore plus loin que la circulaire du 12 décembre 2017 (3), dont l'objet était de faire recenser, par des équipes mobiles, les personnes accueillies dans le parc d'hébergement d'urgence afin de les orienter en fonction de leur situation administrative. Les effets de cette circulaire avaient pourtant été « neutralisés » par le Conseil d'Etat (4), au nom du droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile. La CNCDH considère que le dispositif prévu par l'instruction ministérielle, non content de se heurter au principe de l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence (1), tend à dénaturer le travail social par ses imprécisions sur le traitement des données (2), et enfin s'avère contraire aux obligations internationales de la France (3).
1/ Une remise en cause de l'inconditionnalité de l'hébergement
3. La CNCDH ne peut que s'interroger sur la finalité réelle de cette nouvelle instruction. En premier lieu, alors que l'objectif affiché est d'améliorer l'orientation des demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection internationale afin qu'ils puissent intégrer le dispositif national d'accueil (DNA) (5), la CNCDH constate que c'est précisément parce que le DNA est totalement saturé et le parc d'hébergement notoirement insuffisant que des personnes en détresse pourtant bénéficiaires de droits ont recours à l'hébergement d'urgence (6). En effet, malgré une augmentation notable des places d'hébergement dans le DNA, force est de constater que la part des demandeurs d'asile logés est actuellement de l'ordre de 50 % (7). La véritable solution à l'engorgement de l'hébergement d'urgence passe donc nécessairement et au premier chef par une augmentation des moyens matériels et humains d'hébergement et d'accompagnement. Pour répondre à la réalité des besoins, des places supplémentaires devraient être créées (8). Or cette création n'est aucunement prévue par l'instruction (9).
4. En deuxième lieu, la CNCDH considère que les dispositifs de contrôle introduits par l'instruction en fonction du statut administratif des personnes hébergées portent atteinte au principe de l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence, prévu pour « toute personne en situation de détresse » et à « tout moment » (10). Distinguer en fonction de la situation administrative des intéressés conduit à une « priorisation des demandeurs par l'Etat donnant lieu à une mise en concurrence entre eux » (11) et, in fine, remet en cause le droit à l'hébergement d'urgence, pourtant reconnu par le Conseil d'Etat comme une liberté fondamentale (12). De plus, il est à craindre que ces dispositions ne fassent que renforcer la précarité et la vulnérabilité des personnes qui, par peur des contrôles, ne feront même plus appel au 115. Cela ne fera qu'aggraver les situations indignes déplorées actuellement - squats, bidonvilles ou autres abris de fortune - ainsi que l'exposition de ces publics déjà fragiles à un risque de traite des êtres humains alors que, paradoxalement, le Gouvernement tente de remédier à ces maux (13). En conséquence, ce dispositif crée une rupture d'égalité et une forme de discrimination entre personnes vulnérables. La CNCDH est particulièrement inquiète sur le sort des personnes placées en procédure Dublin et déboutées de l'asile, très souvent en situation de détresse médicale et sociale. Dans la mesure où les « dublinés » risquent d'être assignés à résidence voire placés en centre de rétention administrative (CRA), il est à craindre qu'ils ne refusent d'intégrer ce dispositif, préférant gagner ou regagner des campements insalubres (14). Quant aux personnes déboutées, la transmission d'informations risque de servir d'outil supplémentaire pour délivrer des obligations de quitter le territoire français (OQTF) (15), dans la mesure où ces personnes sont explicitement mentionnées en tant que bénéficiaires de l'aide au retour volontaire.
5. Enfin, la CNCDH regrette que l'instruction ait également pour objet la suspension du montant majoré de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA), actuellement prévu pour les demandeurs d'asile non hébergés. Elle tient à rappeler que cette suspension est doublement contestable, d'une part, parce qu'elle « précarise » davantage des personnes en situation d'urgence sociale et, d'autre part, parce que l'hébergement par le SIAO, non seulement n'a pas vocation à être pérenne, mais encore n'offre en rien les mêmes possibilités d'accompagnement que celui, par exemple, en CADA (16).
2/ Des imprécisions sur le traitement des données plaçant les travailleurs sociaux dans une situation intenable
6. Alors que les informations collectées, notamment lors des entretiens d'évaluation sociale, doivent avoir pour seul objet d'ajuster au mieux les réponses apportées, le flou entourant la collecte ne permet pas de garantir une utilisation des données conforme aux droits fondamentaux. La CNCDH rappelle que le traitement des données des personnes accueillies par le 115 est strictement encadré par la CNIL, qui a pointé les risques de fichage d'une collecte nominative (17). Le traitement actuel repose avant tout sur un système déclaratif, sans que les services de l'Etat aient accès aux données nominatives, notamment parce qu'il s'agit d'un service d'urgence, au même titre que le SAMU ou les pompiers. La CNCDH s'inquiète notamment de l'imprécision entourant les données pouvant être collectées ainsi que la durée de leur conservation. Ainsi la circulaire prévoit-elle la communication de la nationalité, pourtant interdite par la CNIL (18), ou encore la collecte du numéro d'identification des étrangers (n° AGDREF), que les SIAO ne sont pas censés demander puisque l'accès au dispositif d'urgence est inconditionnel. Au-delà de la contrariété aux prescriptions de la CNIL, les lacunes affectant par exemple les modalités de recueil et de conservation des données s'avèrent également contraires à la réglementation européenne sur les données personnelles, le « RGPD » (19). Alors que l'article 35 du RGPD prévoit l'obligation de mener une analyse d'impact relative à la protection des données pour tout traitement susceptible d'engendrer des risques élevés pour les droits et libertés des personnes concernées, il ne semble pas qu'une telle analyse ait été menée à ce jour.
7. De plus, cette imprécision dans le maniement des données confié aux travailleurs sociaux risque d'affecter leur cœur de métier et le respect du secret professionnel pourtant fondamental à l'établissement de la relation de confiance avec les personnes accompagnées. La CNCDH s'inquiète vivement de la remise en cause de la nature du travail social que contient en germe la circulaire, traduisant ainsi une appréhension de plus en plus policière du phénomène migratoire. Or l'action des personnels exerçant dans les centres d'hébergement d'urgence relève du code de l'action sociale et des familles et non des procédures de lutte contre l'immigration irrégulière soumises au CESEDA. Le risque est réel d'un détournement des missions d'accompagnement des travailleurs sociaux vers toujours plus de contrôle, ceux-ci se voyant placés, face à des injonctions contradictoires, dans une position très inconfortable au regard de leur engagement et de leur éthique professionnelle. La mise en œuvre de ce dispositif risque également de compromettre le devoir de confidentialité inhérent à leur activité. C'est pourquoi la CNCDH s'inquiète que, de fait, le 115 - SIAO passe progressivement de la tutelle des affaires sociales à celle de l'intérieur ou de l'OFII, transformant alors le travail social en supplétif de celui opéré par la police (20).
8. Plus généralement, la circulaire interroge le degré d'importance que le Gouvernement accorde à l'accompagnement social des personnes précaires, notamment des réfugiés et demandeurs d'asile. L'absence de dimension sociale dans l'appréhension de leur situation est en outre susceptible de contrevenir à la directive « Accueil » qui impose des normes minimales d'accueil des demandeurs d'asile, notamment en termes d'accès au logement, à la nourriture, aux soins de santé et à l'emploi. Aussi la CNCDH demande-t-elle au Gouvernement d'appréhender les personnes en hébergement d'urgence avant tout comme des personnes en situation de détresse, conformément à la raison d'être du 115.
3/ Des engagements internationaux de la France peu respectés
9. La politique migratoire de la France ne saurait s'analyser en dehors du contexte international. La France a ainsi ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) (21), dont les articles 2 et 11 combinés, tels qu'interprétés par le CDESC, interdisent toute discrimination fondée sur la nationalité pour l'accès au droit au logement : « le motif de la nationalité ne doit pas empêcher l'accès aux droits consacrés par le Pacte (…) les droits visés s'appliquent à chacun indépendamment de leurs statut juridique et titres d'identité » (22). Dans la mesure où l'instruction ministérielle se fonde sur le statut administratif, elle est susceptible de constituer une mesure discriminatoire au sens du PIDESC.
10. En outre, la France vient de signer le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (PMM) (23). Elle s'est engagée, dans ce cadre, à veiller à ce que la coopération entre les prestataires de services (comme ici le SIAO) et les services de l'immigration - ici l'OFII - n'ait pas pour effet de priver les migrants d'un accès aux services de base. Or la transmission des données prévue par l'instruction ministérielle pourrait, in fine et de facto, conduire les migrants les plus vulnérables à renoncer au droit à l'hébergement d'urgence, par crainte de conséquences administratives. Dès lors, cette nouvelle mesure de coopération pourrait s'analyser comme de nature à priver les étrangers d'un accès sûr aux services de base et comme étant en opposition avec l'engagement souscrit.
11. Ainsi, au moment où la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit au logement publie un rapport sévère sur l'effectivité du droit au logement en France en ce qui concerne particulièrement les demandeurs d'asile (24), le dispositif mis en place présente le risque d'aggraver encore cette situation.
12. En conclusion, la CNCDH souligne avec force les atteintes aux droits fondamentaux qu'implique cette instruction. Si la question migratoire pose et posera incontestablement de nouveaux défis pour le secteur social (25), la CNCDH appelle le Gouvernement à les appréhender dans le respect des valeurs républicaines et des droits fondamentaux, ainsi que de l'éthique du travail social. S'il convient de réfléchir aux modalités de l'action sociale pour faire face à ces défis dans les meilleures conditions, cela ne saurait être au prix d'une remise en cause de l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence en dissuadant les publics les plus vulnérables de faire appel à ce dispositif.
Recommandations :
La CNCDH demande avec force que soit respecté le principe de l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence pour toute personne en situation de détresse, dès lors que l'ineffectivité du droit au logement nuit gravement à l'exercice des autres droits fondamentaux.
La CNCDH recommande aux pouvoirs publics de prévoir des financements à la hauteur des besoins des personnes en situation de fragilité sociale et notamment de renforcer les dispositifs d'hébergement des demandeurs d'asile et des bénéficiaires de la protection internationale.
En conséquence, la CNCDH demande le retrait de l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Madame Johana Berthau, adjointe à la cheffe du service de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion, DIRHL, direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement en Ile-de-France
Monsieur Guillaume Chéruy, chargé de mission, veille sociale/hébergement, Fédération des acteurs de la solidarité
Monsieur Florent Guegen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité
Madame Virginie Guérin-Robinet, conseillère affaires intérieures, directrice Pôle migrants, DIHAL, délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement
Monsieur Didier Leschi, directeur de l'OFII, Office français de l'immigration et de l'intégration
Madame Isabelle Rougier, directrice de la DRIHL, direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement en Ile-de-France
(1) Instruction interministérielle n° DGCS/SD1A/DGEF/2019/143 du 4 juillet 2019, accessible au lien suivant : http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2019/07/cir_44794.pdf.
(2) CNCDH, Avis sur le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif » tel qu'adopté par le Conseil des ministres le 21 février 2018, adopté le 2 mai 2018, JORF n° 105 du 6 mai 2018, texte n° 28 ; CNCDH, Avis sur la réforme du droit des étrangers, adopté le 21 mai 2015, JORF n° 159 du 11 juillet 2015, texte n° 94 ; CNCDH, Avis sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, adopté le 20 novembre 2014, JORF n° 5 du 7 janvier 2015, texte n° 572.
(3) Circulaire INTK1721274J du 12 décembre 2017 relative à l'examen des situations administratives dans l'hébergement d'urgence, dite « circulaire Collomb).
(4) Voir CE, ord. référé n° 417207, 20 février 2018 suivie de l'arrêt CE 11 avril 2018, req. n° 417206.
(5) Conformément à la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte), dite « accueil ».
(6) Le rapport annuel de performance du budget de l'Etat publié en mai 2019 indique que 48 % des demandeurs d'asile éligibles en cours de procédure étaient hébergés en 2018, voir le rapport au lien suivant : https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/rap/pdf/RAP2018_BG_Immigration_asile_integration.pdf.
(7) Voir :https://www.forumrefugies.org/s-informer/publications/articles-d-actualites/en-france/282-malgre-les-creations-de-places-plus-d-un-demandeur-d-asile-sur-deux-n-est-toujours-pas-heberge-malgre-les-creations-de-places-plus-d-un-demandeur-d-asile-sur-deux-n-est-toujours-pas-heberge. Selon le projet de loi de finances 2019, la prévision de la part des demandeurs d'asile hébergés était de 50 % pour 2018 et 72 % pour 2019 (extrait du bleu budgétaire de la mission : immigration, asile et intégration, version du 2 octobre 2018).
(8) La Fédération des acteurs de la solidarité préconise la création de 30 à 40 000 places.
(9) Voir l'Information du 31 décembre 2018 relative au parc d'hébergement des demandeurs d'asile et des bénéficiaires de la protection internationale (NOR : INTV19000715), qui ne prévoit pas d'augmentation du parc d'hébergement.
(10) L'article 345-2-2 du CASF dispose que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ».
(11) Jurislogement - Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées -, note juridique sur le principe de l'accueil inconditionnel au regard de la jurisprudence 2012-2018, novembre 2018.
(12) CE, 10 février 2012, Fofana, n° 356456 (N° 1), reconnaissant qu'« une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette tâche peut […] faire apparaître […] une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour l'intéressé ».
(13) Voir par exemple l'instruction du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles ; rapport de la CNCDH sur la lutte contre la traite et l'exploitation des êtres humains, mai 2016.
(14) CNCDH, Avis sur le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif » tel qu'adopté par le Conseil des ministres le 21 février 2018, adopté le 2 mai 2018, JORF n° 105 du 6 mai 2018, texte n° 28
(15) Voir l'instruction n° DGCS/5A/1A/5C/2019/112 du 9 mai 2019 relative à la campagne budgétaire du secteur « Accueil, hébergement et insertion » pour 2019.
(16) CNCDH, Avis de suivi sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis, adopté le 7 juillet 2016, JORF n° 164 du 16 juillet 2016, texte n° 124 ; CNCDH, Avis sur la situation des migrants à Calais et dans le Calaisis, adopté le 2 juillet 2015, JORF n° 157 du 9 juillet 2015, texte n° 102 ; voir également CA Douai, 6 avril 2017, 16/00170.
(17) CNIL, délibération n° 2011-224 du 21 juillet 2011 autorisant la direction générale de la cohésion sociale à mettre en œuvre le traitement des demandes d'hébergement d'urgence et de logement d'insertion : « la Commission constate que, malgré la légitimité et la nécessité d'un suivi personnalisé des personnes concernées par les structures d'hébergement, le traitement automatisé de données nominatives constitue per se un risque de “fichage” des populations hébergées. Elle appelle donc l'attention de la DGCS et des opérateurs SIAO sur le fait que les mesures de sécurité à mettre en œuvre doivent effectivement garantir les droits des personnes concernées, notamment en évitant toute confusion entre les données de suivi individuel, “de terrain”, et d'évaluation des politiques publiques, par les services déconcentrés de l'Etat.
« Ainsi, elle porte l'attention de la DGCS sur le fait que l'ensemble des informations traitées ne doit faire l'objet d'aucune transmission nominative, ou réutilisation, qui serait contraire à l'intérêt de la personne. »
(18) CNIL, op. cité, et voir lettre de la CNIL à la Fédération des acteurs de la solidarité du 20 décembre 2017 sur le traitement des données à caractère personnel qu'impliquent les récentes instruction du ministre de l'intérieur et de la cohésion des territoires ; lien au 11 septembre 2019 : https://www.federationsolidarite.org/images/stories/sites_regions/paca/pdf/FAS_R%C3%A9ponse_CNIL-.pdf
(19) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).
(20) Lettre aux ministres de l'intérieur et du logement sur le projet de transmission d'informations nominatives entre le 115-SIAO et l'OFII, 5 juillet 2019.
(21) Le 4 novembre 1980.
(22) Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n° 20 : La non-discrimination dans l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels),, doc off CDESC NU, 49e sess, doc NU E/C12/GC/20 (2009), E/C12/GC/20, para 30.
(23) Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, rés. AG 73/195, doc off AG NU, 73e sess, doc NU A/RES/73/195 (2018) 1.
(24) Voir la déclaration de fin de mission de la Rapporteuse spéciale sur le droit à un logement convenable et ses observations préliminaires au terme de sa visite en République française du 2 au 11 avril 2019 : « Mes visites auprès des résidents sur leurs lieux de vie - dans la rue, mais aussi dans des parcs, des squats, des hôtels, des établissements informels et des tentes plantées dans les bois et sous des autoroutes - ont été les aspects les plus compliqués de cette mission. Les personnes que j'ai rencontrées étaient principalement des réfugiés, des demandeurs d'asile et des personnes d'origine rom (…). J'ai été, comme toujours, choquée de voir autant de misère, de souffrance et de dénuement dans un pays riche tel que la France. Tout au long de ma visite en France, j'ai été confrontée à de nombreuses contradictions en ce qui concerne les conditions de logement dans le pays. D'un côté, ces contradictions se traduisent par le strict respect du droit international des droits de l'homme relatif au droit au logement et des droits connexes et, de l'autre, elles se reflètent par une certaine négligence de ces mêmes droits. »
(25) J.-P. Hardy, « “La question migratoire” : nouvelle frontière de l'action sociale de l'Etat et nouveau défi pour le travail social », Revue de droit sanitaire et social, n° 1, janvier-février 2018, pp. 146-154.